Jazz live
Publié le 3 Juil 2012

Erykah Badu à Vienne (ultra moderne soulitude).

Faut-il encore et encore estampiller « nu soul » la musique d’Erykah Badu ? Peu nous chaut, car la voilà qui s’avance, diva métisse, cow-girl texanne, un rien hautaine, follement sensuelle, sapée comme l’as de pique et la reine de cœur. Entre chien et loup, elle dévore la scène passées trois milli-secondes.

 

On a beau chercher : les vraies grandes-sœurs sont un peu fatiguées (respect), les simili-sœurs n’impressionnent que les amnésiques, les petites-sœurs ne sont pas encore nées. « La » Badu est seule, qui donne toujours l’impression de planer léger, de danser telle une déesse azimutée, comme au-dessus du groove.

Ce qu’on aime dans sa soul ultra moderne, c’est cette instabilité féconde – mélange détonnant –, ce côté « séance de zapping permanente » héritée de la culture hip-hop (de Jay Dilla aussi), dont la chanteuse est en grande partie issue. Au lieu d’être un simple enchaînement de « chansons » (tradition/forme sérieusement détournée/diluée dans sa musique), chaque concert ressemble à une mixtape géante, vivante, osée, déconcertante, une mixtape de contrebande (pléonasme) qui risque de s’emberlificoter à chaque seconde dans les méandres de nos synapses – mais qu’on ne se méprenne : tout est minutieusement mis en place, chaque musicien joue parfaitement son rôle. Ce joli chaos est sous contrôle, tout est fléché : une voix, des voies, jamais d’impasse. Car la belle est une sacrée chef d’orchestre, qui mène sa caravane aux doigts (tous peints d’une couleur différente) et à l’œil. Même Robert Glapser, qui fait semblant de passer là par hasard (il jouait en première partie avec son Experiment plombé par le chant vocodérisé à outrance du pourtant sympathique Casey Benjamin) est vite pris dans les mailles du filet, tandis que l’Erykah B. entonne Afro-Blue.

 

Sur la grande scène du Théâtre Antique, elle se présente en robe/pancho blanc/bleu cassé ; on devine que ce cache-corps fera long feu. Mais cependant, patience. (Elle finira bien sûr par découvrir un collant à fleurs bobobariolé – acheté en solde à l’Etam du coin ? –, des talons aussi hauts que hot et un t-shirt de livreur de pizza.)

La musique prime : Erykah la soulwoman post-ultra-moderne dessine un couplet en trempant ses cordes vocales dans l’encre bleue-noire, puis le tagge aussitôt, le déchire même, passe à autre chose, remonte le temps d’un coup de griffe, pardon, de scratche, ou en tapotant sur sa boîte à rythmes furieusement eighties – poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia… (Et tout l’arsenal sonique du hip-hop créatif des années 88/93 remonte à la surface de nos mémoires.) Elle sait aussi s’installer dans un groove et ne pas le lâcher, et là tout devient magnifiquement sensuel, hors-temps, même quand elle convoque via le pouvoir du sampling – associé à celui des images projetées sur grand écran – la mémoire de son peuple : « My people, hold on, my people, hold on, my people hold on… » (Sample d’Eddie Kendricks judicieusement arraché à sa léthargie de fond de catalogue si mal exploité…)

 

Comment se fait-il que les disques d’Erykah Badu ne soient pas aussi fascinants que ses concerts ? Qu’ils ne se vendent pas ? Qu’ils sortent – enfin, pas toujours – dans une indifférence polie ? (Erykah Badu, D’Angelo et même Prince ne croient-ils finalement plus vraiment au message susceptible d’être relayé par ce médium ?)

Erykah Badu n’est plus seulement « influencée par Billie Holiday » – combien de fois a-t-on lu ça ? Oui, oui, comme Lady Day son timbre est doux-amer et sa voix légèrement nasillarde ? Elle peut, elle doit être l’Abbey Lincoln de son époque, être une femme forte dans ce monde faible. Princesse Erykah, la vraie, l’Unique, celle qui rend le filles fières et les garçons fous.

Du coup, je réécoute « New Amerykah Part One : 4th World War ». Je suis bluffé. Bien plus qu’en 2007. Bon signe ça…

 

C’est à Jazz à Vienne, au Théâtre Antique, le samedi 30 juin. Restez branchés.

|

Faut-il encore et encore estampiller « nu soul » la musique d’Erykah Badu ? Peu nous chaut, car la voilà qui s’avance, diva métisse, cow-girl texanne, un rien hautaine, follement sensuelle, sapée comme l’as de pique et la reine de cœur. Entre chien et loup, elle dévore la scène passées trois milli-secondes.

 

On a beau chercher : les vraies grandes-sœurs sont un peu fatiguées (respect), les simili-sœurs n’impressionnent que les amnésiques, les petites-sœurs ne sont pas encore nées. « La » Badu est seule, qui donne toujours l’impression de planer léger, de danser telle une déesse azimutée, comme au-dessus du groove.

Ce qu’on aime dans sa soul ultra moderne, c’est cette instabilité féconde – mélange détonnant –, ce côté « séance de zapping permanente » héritée de la culture hip-hop (de Jay Dilla aussi), dont la chanteuse est en grande partie issue. Au lieu d’être un simple enchaînement de « chansons » (tradition/forme sérieusement détournée/diluée dans sa musique), chaque concert ressemble à une mixtape géante, vivante, osée, déconcertante, une mixtape de contrebande (pléonasme) qui risque de s’emberlificoter à chaque seconde dans les méandres de nos synapses – mais qu’on ne se méprenne : tout est minutieusement mis en place, chaque musicien joue parfaitement son rôle. Ce joli chaos est sous contrôle, tout est fléché : une voix, des voies, jamais d’impasse. Car la belle est une sacrée chef d’orchestre, qui mène sa caravane aux doigts (tous peints d’une couleur différente) et à l’œil. Même Robert Glapser, qui fait semblant de passer là par hasard (il jouait en première partie avec son Experiment plombé par le chant vocodérisé à outrance du pourtant sympathique Casey Benjamin) est vite pris dans les mailles du filet, tandis que l’Erykah B. entonne Afro-Blue.

 

Sur la grande scène du Théâtre Antique, elle se présente en robe/pancho blanc/bleu cassé ; on devine que ce cache-corps fera long feu. Mais cependant, patience. (Elle finira bien sûr par découvrir un collant à fleurs bobobariolé – acheté en solde à l’Etam du coin ? –, des talons aussi hauts que hot et un t-shirt de livreur de pizza.)

La musique prime : Erykah la soulwoman post-ultra-moderne dessine un couplet en trempant ses cordes vocales dans l’encre bleue-noire, puis le tagge aussitôt, le déchire même, passe à autre chose, remonte le temps d’un coup de griffe, pardon, de scratche, ou en tapotant sur sa boîte à rythmes furieusement eighties – poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia… (Et tout l’arsenal sonique du hip-hop créatif des années 88/93 remonte à la surface de nos mémoires.) Elle sait aussi s’installer dans un groove et ne pas le lâcher, et là tout devient magnifiquement sensuel, hors-temps, même quand elle convoque via le pouvoir du sampling – associé à celui des images projetées sur grand écran – la mémoire de son peuple : « My people, hold on, my people, hold on, my people hold on… » (Sample d’Eddie Kendricks judicieusement arraché à sa léthargie de fond de catalogue si mal exploité…)

 

Comment se fait-il que les disques d’Erykah Badu ne soient pas aussi fascinants que ses concerts ? Qu’ils ne se vendent pas ? Qu’ils sortent – enfin, pas toujours – dans une indifférence polie ? (Erykah Badu, D’Angelo et même Prince ne croient-ils finalement plus vraiment au message susceptible d’être relayé par ce médium ?)

Erykah Badu n’est plus seulement « influencée par Billie Holiday » – combien de fois a-t-on lu ça ? Oui, oui, comme Lady Day son timbre est doux-amer et sa voix légèrement nasillarde ? Elle peut, elle doit être l’Abbey Lincoln de son époque, être une femme forte dans ce monde faible. Princesse Erykah, la vraie, l’Unique, celle qui rend le filles fières et les garçons fous.

Du coup, je réécoute « New Amerykah Part One : 4th World War ». Je suis bluffé. Bien plus qu’en 2007. Bon signe ça…

 

C’est à Jazz à Vienne, au Théâtre Antique, le samedi 30 juin. Restez branchés.

|

Faut-il encore et encore estampiller « nu soul » la musique d’Erykah Badu ? Peu nous chaut, car la voilà qui s’avance, diva métisse, cow-girl texanne, un rien hautaine, follement sensuelle, sapée comme l’as de pique et la reine de cœur. Entre chien et loup, elle dévore la scène passées trois milli-secondes.

 

On a beau chercher : les vraies grandes-sœurs sont un peu fatiguées (respect), les simili-sœurs n’impressionnent que les amnésiques, les petites-sœurs ne sont pas encore nées. « La » Badu est seule, qui donne toujours l’impression de planer léger, de danser telle une déesse azimutée, comme au-dessus du groove.

Ce qu’on aime dans sa soul ultra moderne, c’est cette instabilité féconde – mélange détonnant –, ce côté « séance de zapping permanente » héritée de la culture hip-hop (de Jay Dilla aussi), dont la chanteuse est en grande partie issue. Au lieu d’être un simple enchaînement de « chansons » (tradition/forme sérieusement détournée/diluée dans sa musique), chaque concert ressemble à une mixtape géante, vivante, osée, déconcertante, une mixtape de contrebande (pléonasme) qui risque de s’emberlificoter à chaque seconde dans les méandres de nos synapses – mais qu’on ne se méprenne : tout est minutieusement mis en place, chaque musicien joue parfaitement son rôle. Ce joli chaos est sous contrôle, tout est fléché : une voix, des voies, jamais d’impasse. Car la belle est une sacrée chef d’orchestre, qui mène sa caravane aux doigts (tous peints d’une couleur différente) et à l’œil. Même Robert Glapser, qui fait semblant de passer là par hasard (il jouait en première partie avec son Experiment plombé par le chant vocodérisé à outrance du pourtant sympathique Casey Benjamin) est vite pris dans les mailles du filet, tandis que l’Erykah B. entonne Afro-Blue.

 

Sur la grande scène du Théâtre Antique, elle se présente en robe/pancho blanc/bleu cassé ; on devine que ce cache-corps fera long feu. Mais cependant, patience. (Elle finira bien sûr par découvrir un collant à fleurs bobobariolé – acheté en solde à l’Etam du coin ? –, des talons aussi hauts que hot et un t-shirt de livreur de pizza.)

La musique prime : Erykah la soulwoman post-ultra-moderne dessine un couplet en trempant ses cordes vocales dans l’encre bleue-noire, puis le tagge aussitôt, le déchire même, passe à autre chose, remonte le temps d’un coup de griffe, pardon, de scratche, ou en tapotant sur sa boîte à rythmes furieusement eighties – poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia… (Et tout l’arsenal sonique du hip-hop créatif des années 88/93 remonte à la surface de nos mémoires.) Elle sait aussi s’installer dans un groove et ne pas le lâcher, et là tout devient magnifiquement sensuel, hors-temps, même quand elle convoque via le pouvoir du sampling – associé à celui des images projetées sur grand écran – la mémoire de son peuple : « My people, hold on, my people, hold on, my people hold on… » (Sample d’Eddie Kendricks judicieusement arraché à sa léthargie de fond de catalogue si mal exploité…)

 

Comment se fait-il que les disques d’Erykah Badu ne soient pas aussi fascinants que ses concerts ? Qu’ils ne se vendent pas ? Qu’ils sortent – enfin, pas toujours – dans une indifférence polie ? (Erykah Badu, D’Angelo et même Prince ne croient-ils finalement plus vraiment au message susceptible d’être relayé par ce médium ?)

Erykah Badu n’est plus seulement « influencée par Billie Holiday » – combien de fois a-t-on lu ça ? Oui, oui, comme Lady Day son timbre est doux-amer et sa voix légèrement nasillarde ? Elle peut, elle doit être l’Abbey Lincoln de son époque, être une femme forte dans ce monde faible. Princesse Erykah, la vraie, l’Unique, celle qui rend le filles fières et les garçons fous.

Du coup, je réécoute « New Amerykah Part One : 4th World War ». Je suis bluffé. Bien plus qu’en 2007. Bon signe ça…

 

C’est à Jazz à Vienne, au Théâtre Antique, le samedi 30 juin. Restez branchés.

|

Faut-il encore et encore estampiller « nu soul » la musique d’Erykah Badu ? Peu nous chaut, car la voilà qui s’avance, diva métisse, cow-girl texanne, un rien hautaine, follement sensuelle, sapée comme l’as de pique et la reine de cœur. Entre chien et loup, elle dévore la scène passées trois milli-secondes.

 

On a beau chercher : les vraies grandes-sœurs sont un peu fatiguées (respect), les simili-sœurs n’impressionnent que les amnésiques, les petites-sœurs ne sont pas encore nées. « La » Badu est seule, qui donne toujours l’impression de planer léger, de danser telle une déesse azimutée, comme au-dessus du groove.

Ce qu’on aime dans sa soul ultra moderne, c’est cette instabilité féconde – mélange détonnant –, ce côté « séance de zapping permanente » héritée de la culture hip-hop (de Jay Dilla aussi), dont la chanteuse est en grande partie issue. Au lieu d’être un simple enchaînement de « chansons » (tradition/forme sérieusement détournée/diluée dans sa musique), chaque concert ressemble à une mixtape géante, vivante, osée, déconcertante, une mixtape de contrebande (pléonasme) qui risque de s’emberlificoter à chaque seconde dans les méandres de nos synapses – mais qu’on ne se méprenne : tout est minutieusement mis en place, chaque musicien joue parfaitement son rôle. Ce joli chaos est sous contrôle, tout est fléché : une voix, des voies, jamais d’impasse. Car la belle est une sacrée chef d’orchestre, qui mène sa caravane aux doigts (tous peints d’une couleur différente) et à l’œil. Même Robert Glapser, qui fait semblant de passer là par hasard (il jouait en première partie avec son Experiment plombé par le chant vocodérisé à outrance du pourtant sympathique Casey Benjamin) est vite pris dans les mailles du filet, tandis que l’Erykah B. entonne Afro-Blue.

 

Sur la grande scène du Théâtre Antique, elle se présente en robe/pancho blanc/bleu cassé ; on devine que ce cache-corps fera long feu. Mais cependant, patience. (Elle finira bien sûr par découvrir un collant à fleurs bobobariolé – acheté en solde à l’Etam du coin ? –, des talons aussi hauts que hot et un t-shirt de livreur de pizza.)

La musique prime : Erykah la soulwoman post-ultra-moderne dessine un couplet en trempant ses cordes vocales dans l’encre bleue-noire, puis le tagge aussitôt, le déchire même, passe à autre chose, remonte le temps d’un coup de griffe, pardon, de scratche, ou en tapotant sur sa boîte à rythmes furieusement eighties – poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia, poum poum ta tcchhii, tsscchia… (Et tout l’arsenal sonique du hip-hop créatif des années 88/93 remonte à la surface de nos mémoires.) Elle sait aussi s’installer dans un groove et ne pas le lâcher, et là tout devient magnifiquement sensuel, hors-temps, même quand elle convoque via le pouvoir du sampling – associé à celui des images projetées sur grand écran – la mémoire de son peuple : « My people, hold on, my people, hold on, my people hold on… » (Sample d’Eddie Kendricks judicieusement arraché à sa léthargie de fond de catalogue si mal exploité…)

 

Comment se fait-il que les disques d’Erykah Badu ne soient pas aussi fascinants que ses concerts ? Qu’ils ne se vendent pas ? Qu’ils sortent – enfin, pas toujours – dans une indifférence polie ? (Erykah Badu, D’Angelo et même Prince ne croient-ils finalement plus vraiment au message susceptible d’être relayé par ce médium ?)

Erykah Badu n’est plus seulement « influencée par Billie Holiday » – combien de fois a-t-on lu ça ? Oui, oui, comme Lady Day son timbre est doux-amer et sa voix légèrement nasillarde ? Elle peut, elle doit être l’Abbey Lincoln de son époque, être une femme forte dans ce monde faible. Princesse Erykah, la vraie, l’Unique, celle qui rend le filles fières et les garçons fous.

Du coup, je réécoute « New Amerykah Part One : 4th World War ». Je suis bluffé. Bien plus qu’en 2007. Bon signe ça…

 

C’est à Jazz à Vienne, au Théâtre Antique, le samedi 30 juin. Restez branchés.