Jazz live
Publié le 6 Oct 2018

Festival JAZZ MÉTIS MONTREUIL : BAND of HIPPIES

Huitième édition d’un festival modeste : modeste par la taille du lieu qui l’accueille, mais important par la qualité et la diversité des musiques qui s’y jouent. À l’instant où j’écris ces lignes dans un autre commune du 9-3, celle où je réside, au lendemain du concert que je vais évoquer, Médéric Collignon présente sur la scène du festival un projet inédit.

 

Pour arriver jusqu’au lieu du concert, venant du métro Robespierre, j’emprunte la rue de la Révolution, et je remonte la rue Douy-Delcupe. Au numéro 31, une porte mystérieuse affiche le festival…. j’y suis donc.

Derrière la porte, une allée va me conduire jusqu’au club Éphémère Drillscan : c’est là que ça se passe !

NICOLAS GENEST & BAND of HIPPIES

Nicolas Genest (trompette, voix, flûte pygmée), Yvan Robilliard (piano, synthétiseur), Michael Felberbaum (guitare), Laurent David (guitare basse), Luc Isenmann (batterie)

Montreuil, club Éphémère Drillscan, 5 octobre 2018, 20h45

 

Le groupe était déjà à l’affiche des deux précédents festivals, avec un line up un peu différent. Il fait référence aux groupes électriques des années 60 et plus, mais le bassiste, avec sa barbe, ses lunettes et sa chevelure, ressemble aux poètes de la Beat Generation dans les années 50. Une intro de trompette seule, avec effets électroniques ‘à l’ancienne’, dresse le décor. On est du côté de Miles, de «Bitches Brew» et de tous ces nouveaux sons qui vont essaimer dans les décennies suivantes. Les autres instruments entrent dans le jeu, rythme affirmé, trompette assez funky, sur un soubassement riche d’accords de piano harmoniquement tendus. Basse et guitare tissent la toile, et la batterie se balade entre le groove assuré et des accents inattendus. Un solo de piano qui fleure bon le jazz funky et le soul jazz de la fin des années 50 va rajeunir le clichés d’époque en émotions toutes neuves : le vieil amateur que je suis est aux anges…. La guitare entre en piste avec des effets wah-wah qui me rappellent la pédale ‘Cry Baby’ de Jimmy Hendrix. Le rythme revient vers plus de calme, climat bluesy, et je jurerai que l’on va déboucher sur Goodbye Pork Pie Hat… Non, c’est ailleurs qu’on nous entraîne. Un solo de clavier me rappelle le son d’orgue de Giorgio Giombolini dans «Métronomie» de Nino Ferrer. Un solo de basse fait chanter l’extrême grave, avant que la guitare ne nous emmène vers une fausse coda qui relance le rythme. Un épisode en trio, piano, guitare basse et batterie, fait monter la pression : Yvan Robilliard joue dans les basses et le bas médium avant de parcourir le clavier comme un dément, et de nous offrir un épisode afro-cubain qui devrait faire réfléchir bien des pianistes cubains qui nous ont saturé ces temps-ci de piano machinique…. Applaudissements du public pour saluer l’effervescence, et Michael Felberbaum, fine mouche, reprend en douceur, détache les notes, déconstruit le motif, avant de lancer des lignes sinueuses ponctuées de basses mystérieuses et d’accords qui ne le sont pas moins. Crescendo vers le retour de la trompette, en majesté, paroxysme et plongée apaisée vers la coda. Cinquante minutes ont passé, on est sur un nuage où le temps n’a pas compté. Le concert se poursuit et la magie continue d’opérer : un solo de batterie fait chanter les toms avant de libérer les timbres de la caisse claire et les cymbales. Retour au groupe, et Nicolas Genest, d’un seul geste, chante et souffle dans une flûte pygmée un rythme envoûtant. Ici un solo d’orgue avec un son qui rappelle les disques des Doors…. mais la musique vole plus haut. En fin de concert le groupe accueille un second guitariste, Stéphane Bongiu : duo de l’invité avec le trompettiste, puis tous en scène, dans un climat funky. Les deux guitaristes dialoguent, une nouvelle dramaturgie s’installe, avec ses accalmies et ses rebonds, vers un motif en boucle, et la trompette seule, atmosphérique, va nous conduire vers le retour de le guitare et le tutti conclusif : fin du voyage ; un beau voyage, vraiment.

Xavier Prévost