Jazz Magazine n°698 - septembre 2017
Supplément d’âme
Au début des années 1970, les époux Bridgewater, Dee Dee et Cecil, vivaient à New York et faisaient partie d’un des orchestres les plus respectés de la ville, celui de Thad Jones et Mel Lewis. Ce qui n’empêchait pas la jeune Dee Dee, née à Memphis (Tennessee) une vingtaine d’années plus tôt, de multiplier les
expériences musicales. Aux côtés de Max Roach par exemple, pour une re-création de la fameuse Freedom Now Suite, succédant ainsi à Abbey Lincoln (avec laquelle elle partagera la Une de Jazz Magazine en 1999). Avec Rahsaan Roland Kirk, pour chanter en compagnie d’une autre vocaliste légendaire, Jeanne Lee. Avec Frank Foster au sein de The Loud Minority, all star éphémère qui bruissait subtilement des élans libertaires de l’époque. Avec Roy Ayers aussi, pour la BO devenue culte d’un fi lm blaxpoitation, Coffee. Sans oublier sa participation au premier album de Stanley Clarke, “Children Of Forever”, où elle partageait le micro avec Andy Bey, autre figure tutélaire du chant afro-américain. Avant de devenir la chanteuse de jazz la plus populaire de la scène hexagonale, Dee Dee Bridgewater avait donc fait ses classes avec les plus grands. Et c’est d’ailleurs en enregistrant en duo avec le géant de la soul Ray Charles que tout avait en quelque sorte (re)commencé pour elle en 1987. Et tandis que sort ces jours-ci son disque le plus marqué par le blues et la soul, “Memphis… Yes I’m Ready”, elle vient de recevoir le prix du National Endowment For The Arts Jazz Masters, une haute distinction aux Etats-Unis. « Toutes ces musiques sont pourtant liées, dit-elle à Christophe Geudin dans ce numéro, elles viennent du peuple noir et la soul est l’enfant du blues et du jazz. Après avoir fait ça pendant quarante ans, je pense quand j’en ai fait assez pour le jazz. Il est temps de m’amuser. Je l’ai mérité. »
On confirme.
Frédéric Goaty, directeur de la rédaction