Jazz live
Publié le 28 Juil 2013

Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 27/07.

Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 27/07.

Meshell Ndegeocello (elb, voc), Jebin Bruni (claviers), Chis Bruce (g), Earl Harvin (dm).

George Benson (g, voc), David Garfield (p, claviers), Thom Hall (claviers), Michael O’Neill (g, voc), Stanley Banks, (elb), Oscar Seaton (dm).

Est-ce parce que, ayant oublié que la dernière soirée du FJ5C commençait plus tôt que les précédentes, je suis arrivé un peu en retard ? En tout cas j’ai eu quelques difficultés à entrer dans la prestation de Meshell Ndegeocello qui m’est apparue au début comme un concert pop de bon niveau, sans plus. Mon excellent collègue photographe Philippe Etheldrede — dont je salue au passage la fidèle et amicale malignité — m’assure dès mon entrée sur le site du festival que les deux premiers morceaux (ceux que j’ai ratés, évidemment) étaient for-mi-dables.

 

Mais graduellement la sauce prend et la musique gagne en densité, mêlant soul haut de gamme et pop classieuse. Le jeu de la bassiste, parallèlement à son chant, est toujours d’un grand intérêt mais les choix de sonorités de ses musiciens sont parfois peu convaincants à mes oreilles et l’évidente sincérité qui se dégage de ce set fluctuant, aux contours aléatoires, peut également passer pour de la froideur tant le monde intérieur de la leadeuse semble parfois hermétique. En tout cas il paraît clair que le public, nombreux, attend la seconde partie, et de fait la bassiste ne dégage pas un charisme comparable à celui du guitariste vétéran dont on sait d’avance que son show sera chaleureux et exubérant.

George Benson démarre par un « Nature Boy » qui prend, dès le début de son concert, le public en otage. Les choses sont claires : cet homme ne fait pas de prisonniers ! Que ce soit la suavité de la voix, l’alacrité du phrasé de guitare, le moelleux de l’accompagnement, on ne peut que succomber, et on le fait avec un abandon vaguement teinté de culpabilité (l’individu s’est quand même livré pieds et poings liés aux forces maléfiques du grand capital et du show business) mais une culpabilité mêlé d’insouciance sereine : celle de l’enfant qui déguste sans arrière-pensées la glace qu’il vient de voler. « to croon », en anglais veut littéralement dire fredonner. Benson est un crooner, c’est indéniable, et le fait de l’avoir assumé après des années d’hésitation a boosté sa carrière. Mais ce chanteur de charme — qui en fait chantait dès l’enfance — possède une façon de poser ses mots sur le tempo qui n’appartient qu’à une petite élite : Armstrong, Cole, Sinatra, Tormé, Hartman, Bennett… et c’est ce qui fait toute la différence : il en donne un magistral exemple sur « Unforgettable » en hommage à Nat « King » Cole. Ce qui fait aussi (désolé de le déclarer sans ambages) qu’en Europe les gosiers masculins souvent s’époumonent en vain. Et quand il reprend « Moody’s Mood for Love », cheval de bataille de feu Joe Williams, Benson est, là aussi, parfaitement crédible — scat compris — et indéniablement dans son élément. On ne parlera évidemment pas de son hit « Give me the Night », qui fait régulièrement basculer les foules aux franges de la folie pure. Par ailleurs ce crooner est resté un fabuleux guitariste et quand il envoie la purée (pardon my vulgarity) on reste terrassé par l’inventivité de son phrasé hérité de Wes Montgomery mais qu’il a fait sien depuis des lustres, ne serait-ce qu’au niveau du déboulé staccato des single lines. Un jeu de guitare qu’on peut raisonnablement considérer comme « schizophrénique » par rapport aux aspects guimauve de son chant. L’individu ne plaisante pas en matière de six-cordes, et je ne connais pas un seul de ses confrères qui ne soient à genoux devant ses traits mélodiques aux contours tortueux à souhait. Ce musicien, excellemment accompagné, est définitivement irrésistible, et ceux qui seraient prêts à défendre ce point de vue à la pointe de l’épée ne manquent pas. Que dis-je : sont légions !

Thierry Quénum

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Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 27/07.

Meshell Ndegeocello (elb, voc), Jebin Bruni (claviers), Chis Bruce (g), Earl Harvin (dm).

George Benson (g, voc), David Garfield (p, claviers), Thom Hall (claviers), Michael O’Neill (g, voc), Stanley Banks, (elb), Oscar Seaton (dm).

Est-ce parce que, ayant oublié que la dernière soirée du FJ5C commençait plus tôt que les précédentes, je suis arrivé un peu en retard ? En tout cas j’ai eu quelques difficultés à entrer dans la prestation de Meshell Ndegeocello qui m’est apparue au début comme un concert pop de bon niveau, sans plus. Mon excellent collègue photographe Philippe Etheldrede — dont je salue au passage la fidèle et amicale malignité — m’assure dès mon entrée sur le site du festival que les deux premiers morceaux (ceux que j’ai ratés, évidemment) étaient for-mi-dables.

 

Mais graduellement la sauce prend et la musique gagne en densité, mêlant soul haut de gamme et pop classieuse. Le jeu de la bassiste, parallèlement à son chant, est toujours d’un grand intérêt mais les choix de sonorités de ses musiciens sont parfois peu convaincants à mes oreilles et l’évidente sincérité qui se dégage de ce set fluctuant, aux contours aléatoires, peut également passer pour de la froideur tant le monde intérieur de la leadeuse semble parfois hermétique. En tout cas il paraît clair que le public, nombreux, attend la seconde partie, et de fait la bassiste ne dégage pas un charisme comparable à celui du guitariste vétéran dont on sait d’avance que son show sera chaleureux et exubérant.

George Benson démarre par un « Nature Boy » qui prend, dès le début de son concert, le public en otage. Les choses sont claires : cet homme ne fait pas de prisonniers ! Que ce soit la suavité de la voix, l’alacrité du phrasé de guitare, le moelleux de l’accompagnement, on ne peut que succomber, et on le fait avec un abandon vaguement teinté de culpabilité (l’individu s’est quand même livré pieds et poings liés aux forces maléfiques du grand capital et du show business) mais une culpabilité mêlé d’insouciance sereine : celle de l’enfant qui déguste sans arrière-pensées la glace qu’il vient de voler. « to croon », en anglais veut littéralement dire fredonner. Benson est un crooner, c’est indéniable, et le fait de l’avoir assumé après des années d’hésitation a boosté sa carrière. Mais ce chanteur de charme — qui en fait chantait dès l’enfance — possède une façon de poser ses mots sur le tempo qui n’appartient qu’à une petite élite : Armstrong, Cole, Sinatra, Tormé, Hartman, Bennett… et c’est ce qui fait toute la différence : il en donne un magistral exemple sur « Unforgettable » en hommage à Nat « King » Cole. Ce qui fait aussi (désolé de le déclarer sans ambages) qu’en Europe les gosiers masculins souvent s’époumonent en vain. Et quand il reprend « Moody’s Mood for Love », cheval de bataille de feu Joe Williams, Benson est, là aussi, parfaitement crédible — scat compris — et indéniablement dans son élément. On ne parlera évidemment pas de son hit « Give me the Night », qui fait régulièrement basculer les foules aux franges de la folie pure. Par ailleurs ce crooner est resté un fabuleux guitariste et quand il envoie la purée (pardon my vulgarity) on reste terrassé par l’inventivité de son phrasé hérité de Wes Montgomery mais qu’il a fait sien depuis des lustres, ne serait-ce qu’au niveau du déboulé staccato des single lines. Un jeu de guitare qu’on peut raisonnablement considérer comme « schizophrénique » par rapport aux aspects guimauve de son chant. L’individu ne plaisante pas en matière de six-cordes, et je ne connais pas un seul de ses confrères qui ne soient à genoux devant ses traits mélodiques aux contours tortueux à souhait. Ce musicien, excellemment accompagné, est définitivement irrésistible, et ceux qui seraient prêts à défendre ce point de vue à la pointe de l’épée ne manquent pas. Que dis-je : sont légions !

Thierry Quénum

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Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 27/07.

Meshell Ndegeocello (elb, voc), Jebin Bruni (claviers), Chis Bruce (g), Earl Harvin (dm).

George Benson (g, voc), David Garfield (p, claviers), Thom Hall (claviers), Michael O’Neill (g, voc), Stanley Banks, (elb), Oscar Seaton (dm).

Est-ce parce que, ayant oublié que la dernière soirée du FJ5C commençait plus tôt que les précédentes, je suis arrivé un peu en retard ? En tout cas j’ai eu quelques difficultés à entrer dans la prestation de Meshell Ndegeocello qui m’est apparue au début comme un concert pop de bon niveau, sans plus. Mon excellent collègue photographe Philippe Etheldrede — dont je salue au passage la fidèle et amicale malignité — m’assure dès mon entrée sur le site du festival que les deux premiers morceaux (ceux que j’ai ratés, évidemment) étaient for-mi-dables.

 

Mais graduellement la sauce prend et la musique gagne en densité, mêlant soul haut de gamme et pop classieuse. Le jeu de la bassiste, parallèlement à son chant, est toujours d’un grand intérêt mais les choix de sonorités de ses musiciens sont parfois peu convaincants à mes oreilles et l’évidente sincérité qui se dégage de ce set fluctuant, aux contours aléatoires, peut également passer pour de la froideur tant le monde intérieur de la leadeuse semble parfois hermétique. En tout cas il paraît clair que le public, nombreux, attend la seconde partie, et de fait la bassiste ne dégage pas un charisme comparable à celui du guitariste vétéran dont on sait d’avance que son show sera chaleureux et exubérant.

George Benson démarre par un « Nature Boy » qui prend, dès le début de son concert, le public en otage. Les choses sont claires : cet homme ne fait pas de prisonniers ! Que ce soit la suavité de la voix, l’alacrité du phrasé de guitare, le moelleux de l’accompagnement, on ne peut que succomber, et on le fait avec un abandon vaguement teinté de culpabilité (l’individu s’est quand même livré pieds et poings liés aux forces maléfiques du grand capital et du show business) mais une culpabilité mêlé d’insouciance sereine : celle de l’enfant qui déguste sans arrière-pensées la glace qu’il vient de voler. « to croon », en anglais veut littéralement dire fredonner. Benson est un crooner, c’est indéniable, et le fait de l’avoir assumé après des années d’hésitation a boosté sa carrière. Mais ce chanteur de charme — qui en fait chantait dès l’enfance — possède une façon de poser ses mots sur le tempo qui n’appartient qu’à une petite élite : Armstrong, Cole, Sinatra, Tormé, Hartman, Bennett… et c’est ce qui fait toute la différence : il en donne un magistral exemple sur « Unforgettable » en hommage à Nat « King » Cole. Ce qui fait aussi (désolé de le déclarer sans ambages) qu’en Europe les gosiers masculins souvent s’époumonent en vain. Et quand il reprend « Moody’s Mood for Love », cheval de bataille de feu Joe Williams, Benson est, là aussi, parfaitement crédible — scat compris — et indéniablement dans son élément. On ne parlera évidemment pas de son hit « Give me the Night », qui fait régulièrement basculer les foules aux franges de la folie pure. Par ailleurs ce crooner est resté un fabuleux guitariste et quand il envoie la purée (pardon my vulgarity) on reste terrassé par l’inventivité de son phrasé hérité de Wes Montgomery mais qu’il a fait sien depuis des lustres, ne serait-ce qu’au niveau du déboulé staccato des single lines. Un jeu de guitare qu’on peut raisonnablement considérer comme « schizophrénique » par rapport aux aspects guimauve de son chant. L’individu ne plaisante pas en matière de six-cordes, et je ne connais pas un seul de ses confrères qui ne soient à genoux devant ses traits mélodiques aux contours tortueux à souhait. Ce musicien, excellemment accompagné, est définitivement irrésistible, et ceux qui seraient prêts à défendre ce point de vue à la pointe de l’épée ne manquent pas. Que dis-je : sont légions !

Thierry Quénum

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Festival de Jazz des 5 Continents. Marseille, Jardins du Palais Longchamp. 27/07.

Meshell Ndegeocello (elb, voc), Jebin Bruni (claviers), Chis Bruce (g), Earl Harvin (dm).

George Benson (g, voc), David Garfield (p, claviers), Thom Hall (claviers), Michael O’Neill (g, voc), Stanley Banks, (elb), Oscar Seaton (dm).

Est-ce parce que, ayant oublié que la dernière soirée du FJ5C commençait plus tôt que les précédentes, je suis arrivé un peu en retard ? En tout cas j’ai eu quelques difficultés à entrer dans la prestation de Meshell Ndegeocello qui m’est apparue au début comme un concert pop de bon niveau, sans plus. Mon excellent collègue photographe Philippe Etheldrede — dont je salue au passage la fidèle et amicale malignité — m’assure dès mon entrée sur le site du festival que les deux premiers morceaux (ceux que j’ai ratés, évidemment) étaient for-mi-dables.

 

Mais graduellement la sauce prend et la musique gagne en densité, mêlant soul haut de gamme et pop classieuse. Le jeu de la bassiste, parallèlement à son chant, est toujours d’un grand intérêt mais les choix de sonorités de ses musiciens sont parfois peu convaincants à mes oreilles et l’évidente sincérité qui se dégage de ce set fluctuant, aux contours aléatoires, peut également passer pour de la froideur tant le monde intérieur de la leadeuse semble parfois hermétique. En tout cas il paraît clair que le public, nombreux, attend la seconde partie, et de fait la bassiste ne dégage pas un charisme comparable à celui du guitariste vétéran dont on sait d’avance que son show sera chaleureux et exubérant.

George Benson démarre par un « Nature Boy » qui prend, dès le début de son concert, le public en otage. Les choses sont claires : cet homme ne fait pas de prisonniers ! Que ce soit la suavité de la voix, l’alacrité du phrasé de guitare, le moelleux de l’accompagnement, on ne peut que succomber, et on le fait avec un abandon vaguement teinté de culpabilité (l’individu s’est quand même livré pieds et poings liés aux forces maléfiques du grand capital et du show business) mais une culpabilité mêlé d’insouciance sereine : celle de l’enfant qui déguste sans arrière-pensées la glace qu’il vient de voler. « to croon », en anglais veut littéralement dire fredonner. Benson est un crooner, c’est indéniable, et le fait de l’avoir assumé après des années d’hésitation a boosté sa carrière. Mais ce chanteur de charme — qui en fait chantait dès l’enfance — possède une façon de poser ses mots sur le tempo qui n’appartient qu’à une petite élite : Armstrong, Cole, Sinatra, Tormé, Hartman, Bennett… et c’est ce qui fait toute la différence : il en donne un magistral exemple sur « Unforgettable » en hommage à Nat « King » Cole. Ce qui fait aussi (désolé de le déclarer sans ambages) qu’en Europe les gosiers masculins souvent s’époumonent en vain. Et quand il reprend « Moody’s Mood for Love », cheval de bataille de feu Joe Williams, Benson est, là aussi, parfaitement crédible — scat compris — et indéniablement dans son élément. On ne parlera évidemment pas de son hit « Give me the Night », qui fait régulièrement basculer les foules aux franges de la folie pure. Par ailleurs ce crooner est resté un fabuleux guitariste et quand il envoie la purée (pardon my vulgarity) on reste terrassé par l’inventivité de son phrasé hérité de Wes Montgomery mais qu’il a fait sien depuis des lustres, ne serait-ce qu’au niveau du déboulé staccato des single lines. Un jeu de guitare qu’on peut raisonnablement considérer comme « schizophrénique » par rapport aux aspects guimauve de son chant. L’individu ne plaisante pas en matière de six-cordes, et je ne connais pas un seul de ses confrères qui ne soient à genoux devant ses traits mélodiques aux contours tortueux à souhait. Ce musicien, excellemment accompagné, est définitivement irrésistible, et ceux qui seraient prêts à défendre ce point de vue à la pointe de l’épée ne manquent pas. Que dis-je : sont légions !

Thierry Quénum