Des Canadiens à Toulouse
Le club de jazz toulousain, le « Mandala », a préparé une belle saison. Grâce à un prix attractif (10 euros), on peut se laisser tenter facilement à la découverte de musiciens pas toujours très connus. Ce 14 septembre, par exemple, il résonnait d’échos venus de Toronto, une ville à la scène jazz dynamique et variée, en présentant le jeune trio Myriad 3.
Myriad 3
Vendredi 13 septembre 2013, Le Mandala, Toulouse (31), 21h30
Chris Donnelly (p), Dan Forlin (cb), Ernesto Cervini (dm).
Il y a fort peu de chance que vous vous souveniez de la chronique du Myriad 3 parue dans le JM de février 2013 (n° 646). A l’écoute de leur disque, « Tell », j’avais été frappé par une version de C Jam Blues aux sautes de tempos brusques et incessantes. Je voulais en avoir le cœur net et vérifier si, en concert, la réalisation de cette performance discographique n’était pas le fruit d’une manipulation de studio.
En attendant la reprise espérée, le jeune trio canadien donna un bon premier set au Mandala (dont la salle ressemble un peu à celle de l’ancien Duc des Lombards, mais avec les éclairages rouges du Sunside). Le pianiste Chris Donnelly parvint à tirer un beau son velouté, ample et dynamique, du piano droit fatigué du lieu. Parmi les sept pièces que le trio interpréta, il y en eu deux en particulier qui me parurent sortir du lot. Une ballade « à la Brad Mehldau » tout d’abord (à la pause, le pianiste m’expliqua qu’il écoutait Brad depuis son adolescence) dont, au fur et à mesure de son avancée, la pulsation sembla se désagréger grâce aux interventions déstructurées du batteur et une strate presque « fantôme », à peine audible, que le pianiste s’ingénia à insérer de loin en loin, perturbant le tempo et l’harmonie stables que conservait bravement le contrebassiste. La seconde pièce me sembla la plus emblématique de la personnalité de cette petite formation : tandis que d’indéniables influences des trios les plus fameux sont (trop) perceptibles dans le jeu de Myriad 3, il y a (tout de même) une dimension qui leur est propre, à savoir celle de transposer à la pratique live sur des instruments acoustiques certaines des possibilités habituellement réservées au domaine du traitement informatique. Explication : imaginez un medley de trois morceaux bop (celui confectionné par Myriad 3 se composa de trois reprises : Sugar Ray de Phineas Newborn Jr., Un Poco Loco de Bud Powell et un Monk dont le titre m’échappe), sur trois lecteurs différents ; faites démarrer les trois musiques en même temps et zappez sans cesse d’un canal à l’autre. Vous obtiendrez le résultat réalisé en direct par le jeune trio ! Et la performance du C Jam Blues ? Les jeunes musiciens s’en amusèrent avec la plus grande aisance, changeant de tempos (donc de registres et de tonalités) avec la plus apparente facilité – sans le moindre trucage de studio, donc !
Résumons : Myriad 3 est un trio ancré dans son temps. Outre sa connaissance approfondie de l’histoire du jazz (en bons Nord-américains, ils swinguaient remarquablement), il est influencé par les trios avec piano contemporains les plus connus (Mehldau, Avishai Cohen, The Bad Plus, un peu d’E.S.T.). Mais surtout, on retrouve dans leur musique la trace de notre environnement moderne : bidouillages informatiques, « machinisme » impeccable aux imperfections programmées (sur But Still and Yet, au second set), et surtout une aptitude à ne pas rester concentré sur une seule chose à la fois (que l’on pourrait désigner comme le « syndrome SMS », et dont l’application musicale se manifesta dans le bien nommé Disturbing Inspiration).
Des trois musiciens, c’est (une fois de plus) le batteur, Ernesto Cervini, qui me fit la plus forte impression. Outre un excellent drive, un swing goûteux à souhait et un débit à la précision inébranlable (vraisemblablement influencée par le travail de beats drum’n’bass), Cervini fit preuve d’une haute dose de musicalité. Fin coloriste, il sait tomber à côté quand il faut, et n’hésite pas à détraquer la mécanique bien huilée qu’il a lui-même contribué à mettre en place.
Si Myriad 3 fait évoluer sa musique vers des conceptions relevant davantage de nécessités intérieures, il n’est pas certain du tout que cette première tournée française (et européenne) soit leur dernière.
Ernesto Cervini
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Le club de jazz toulousain, le « Mandala », a préparé une belle saison. Grâce à un prix attractif (10 euros), on peut se laisser tenter facilement à la découverte de musiciens pas toujours très connus. Ce 14 septembre, par exemple, il résonnait d’échos venus de Toronto, une ville à la scène jazz dynamique et variée, en présentant le jeune trio Myriad 3.
Myriad 3
Vendredi 13 septembre 2013, Le Mandala, Toulouse (31), 21h30
Chris Donnelly (p), Dan Forlin (cb), Ernesto Cervini (dm).
Il y a fort peu de chance que vous vous souveniez de la chronique du Myriad 3 parue dans le JM de février 2013 (n° 646). A l’écoute de leur disque, « Tell », j’avais été frappé par une version de C Jam Blues aux sautes de tempos brusques et incessantes. Je voulais en avoir le cœur net et vérifier si, en concert, la réalisation de cette performance discographique n’était pas le fruit d’une manipulation de studio.
En attendant la reprise espérée, le jeune trio canadien donna un bon premier set au Mandala (dont la salle ressemble un peu à celle de l’ancien Duc des Lombards, mais avec les éclairages rouges du Sunside). Le pianiste Chris Donnelly parvint à tirer un beau son velouté, ample et dynamique, du piano droit fatigué du lieu. Parmi les sept pièces que le trio interpréta, il y en eu deux en particulier qui me parurent sortir du lot. Une ballade « à la Brad Mehldau » tout d’abord (à la pause, le pianiste m’expliqua qu’il écoutait Brad depuis son adolescence) dont, au fur et à mesure de son avancée, la pulsation sembla se désagréger grâce aux interventions déstructurées du batteur et une strate presque « fantôme », à peine audible, que le pianiste s’ingénia à insérer de loin en loin, perturbant le tempo et l’harmonie stables que conservait bravement le contrebassiste. La seconde pièce me sembla la plus emblématique de la personnalité de cette petite formation : tandis que d’indéniables influences des trios les plus fameux sont (trop) perceptibles dans le jeu de Myriad 3, il y a (tout de même) une dimension qui leur est propre, à savoir celle de transposer à la pratique live sur des instruments acoustiques certaines des possibilités habituellement réservées au domaine du traitement informatique. Explication : imaginez un medley de trois morceaux bop (celui confectionné par Myriad 3 se composa de trois reprises : Sugar Ray de Phineas Newborn Jr., Un Poco Loco de Bud Powell et un Monk dont le titre m’échappe), sur trois lecteurs différents ; faites démarrer les trois musiques en même temps et zappez sans cesse d’un canal à l’autre. Vous obtiendrez le résultat réalisé en direct par le jeune trio ! Et la performance du C Jam Blues ? Les jeunes musiciens s’en amusèrent avec la plus grande aisance, changeant de tempos (donc de registres et de tonalités) avec la plus apparente facilité – sans le moindre trucage de studio, donc !
Résumons : Myriad 3 est un trio ancré dans son temps. Outre sa connaissance approfondie de l’histoire du jazz (en bons Nord-américains, ils swinguaient remarquablement), il est influencé par les trios avec piano contemporains les plus connus (Mehldau, Avishai Cohen, The Bad Plus, un peu d’E.S.T.). Mais surtout, on retrouve dans leur musique la trace de notre environnement moderne : bidouillages informatiques, « machinisme » impeccable aux imperfections programmées (sur But Still and Yet, au second set), et surtout une aptitude à ne pas rester concentré sur une seule chose à la fois (que l’on pourrait désigner comme le « syndrome SMS », et dont l’application musicale se manifesta dans le bien nommé Disturbing Inspiration).
Des trois musiciens, c’est (une fois de plus) le batteur, Ernesto Cervini, qui me fit la plus forte impression. Outre un excellent drive, un swing goûteux à souhait et un débit à la précision inébranlable (vraisemblablement influencée par le travail de beats drum’n’bass), Cervini fit preuve d’une haute dose de musicalité. Fin coloriste, il sait tomber à côté quand il faut, et n’hésite pas à détraquer la mécanique bien huilée qu’il a lui-même contribué à mettre en place.
Si Myriad 3 fait évoluer sa musique vers des conceptions relevant davantage de nécessités intérieures, il n’est pas certain du tout que cette première tournée française (et européenne) soit leur dernière.
Ernesto Cervini
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Le club de jazz toulousain, le « Mandala », a préparé une belle saison. Grâce à un prix attractif (10 euros), on peut se laisser tenter facilement à la découverte de musiciens pas toujours très connus. Ce 14 septembre, par exemple, il résonnait d’échos venus de Toronto, une ville à la scène jazz dynamique et variée, en présentant le jeune trio Myriad 3.
Myriad 3
Vendredi 13 septembre 2013, Le Mandala, Toulouse (31), 21h30
Chris Donnelly (p), Dan Forlin (cb), Ernesto Cervini (dm).
Il y a fort peu de chance que vous vous souveniez de la chronique du Myriad 3 parue dans le JM de février 2013 (n° 646). A l’écoute de leur disque, « Tell », j’avais été frappé par une version de C Jam Blues aux sautes de tempos brusques et incessantes. Je voulais en avoir le cœur net et vérifier si, en concert, la réalisation de cette performance discographique n’était pas le fruit d’une manipulation de studio.
En attendant la reprise espérée, le jeune trio canadien donna un bon premier set au Mandala (dont la salle ressemble un peu à celle de l’ancien Duc des Lombards, mais avec les éclairages rouges du Sunside). Le pianiste Chris Donnelly parvint à tirer un beau son velouté, ample et dynamique, du piano droit fatigué du lieu. Parmi les sept pièces que le trio interpréta, il y en eu deux en particulier qui me parurent sortir du lot. Une ballade « à la Brad Mehldau » tout d’abord (à la pause, le pianiste m’expliqua qu’il écoutait Brad depuis son adolescence) dont, au fur et à mesure de son avancée, la pulsation sembla se désagréger grâce aux interventions déstructurées du batteur et une strate presque « fantôme », à peine audible, que le pianiste s’ingénia à insérer de loin en loin, perturbant le tempo et l’harmonie stables que conservait bravement le contrebassiste. La seconde pièce me sembla la plus emblématique de la personnalité de cette petite formation : tandis que d’indéniables influences des trios les plus fameux sont (trop) perceptibles dans le jeu de Myriad 3, il y a (tout de même) une dimension qui leur est propre, à savoir celle de transposer à la pratique live sur des instruments acoustiques certaines des possibilités habituellement réservées au domaine du traitement informatique. Explication : imaginez un medley de trois morceaux bop (celui confectionné par Myriad 3 se composa de trois reprises : Sugar Ray de Phineas Newborn Jr., Un Poco Loco de Bud Powell et un Monk dont le titre m’échappe), sur trois lecteurs différents ; faites démarrer les trois musiques en même temps et zappez sans cesse d’un canal à l’autre. Vous obtiendrez le résultat réalisé en direct par le jeune trio ! Et la performance du C Jam Blues ? Les jeunes musiciens s’en amusèrent avec la plus grande aisance, changeant de tempos (donc de registres et de tonalités) avec la plus apparente facilité – sans le moindre trucage de studio, donc !
Résumons : Myriad 3 est un trio ancré dans son temps. Outre sa connaissance approfondie de l’histoire du jazz (en bons Nord-américains, ils swinguaient remarquablement), il est influencé par les trios avec piano contemporains les plus connus (Mehldau, Avishai Cohen, The Bad Plus, un peu d’E.S.T.). Mais surtout, on retrouve dans leur musique la trace de notre environnement moderne : bidouillages informatiques, « machinisme » impeccable aux imperfections programmées (sur But Still and Yet, au second set), et surtout une aptitude à ne pas rester concentré sur une seule chose à la fois (que l’on pourrait désigner comme le « syndrome SMS », et dont l’application musicale se manifesta dans le bien nommé Disturbing Inspiration).
Des trois musiciens, c’est (une fois de plus) le batteur, Ernesto Cervini, qui me fit la plus forte impression. Outre un excellent drive, un swing goûteux à souhait et un débit à la précision inébranlable (vraisemblablement influencée par le travail de beats drum’n’bass), Cervini fit preuve d’une haute dose de musicalité. Fin coloriste, il sait tomber à côté quand il faut, et n’hésite pas à détraquer la mécanique bien huilée qu’il a lui-même contribué à mettre en place.
Si Myriad 3 fait évoluer sa musique vers des conceptions relevant davantage de nécessités intérieures, il n’est pas certain du tout que cette première tournée française (et européenne) soit leur dernière.
Ernesto Cervini
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Le club de jazz toulousain, le « Mandala », a préparé une belle saison. Grâce à un prix attractif (10 euros), on peut se laisser tenter facilement à la découverte de musiciens pas toujours très connus. Ce 14 septembre, par exemple, il résonnait d’échos venus de Toronto, une ville à la scène jazz dynamique et variée, en présentant le jeune trio Myriad 3.
Myriad 3
Vendredi 13 septembre 2013, Le Mandala, Toulouse (31), 21h30
Chris Donnelly (p), Dan Forlin (cb), Ernesto Cervini (dm).
Il y a fort peu de chance que vous vous souveniez de la chronique du Myriad 3 parue dans le JM de février 2013 (n° 646). A l’écoute de leur disque, « Tell », j’avais été frappé par une version de C Jam Blues aux sautes de tempos brusques et incessantes. Je voulais en avoir le cœur net et vérifier si, en concert, la réalisation de cette performance discographique n’était pas le fruit d’une manipulation de studio.
En attendant la reprise espérée, le jeune trio canadien donna un bon premier set au Mandala (dont la salle ressemble un peu à celle de l’ancien Duc des Lombards, mais avec les éclairages rouges du Sunside). Le pianiste Chris Donnelly parvint à tirer un beau son velouté, ample et dynamique, du piano droit fatigué du lieu. Parmi les sept pièces que le trio interpréta, il y en eu deux en particulier qui me parurent sortir du lot. Une ballade « à la Brad Mehldau » tout d’abord (à la pause, le pianiste m’expliqua qu’il écoutait Brad depuis son adolescence) dont, au fur et à mesure de son avancée, la pulsation sembla se désagréger grâce aux interventions déstructurées du batteur et une strate presque « fantôme », à peine audible, que le pianiste s’ingénia à insérer de loin en loin, perturbant le tempo et l’harmonie stables que conservait bravement le contrebassiste. La seconde pièce me sembla la plus emblématique de la personnalité de cette petite formation : tandis que d’indéniables influences des trios les plus fameux sont (trop) perceptibles dans le jeu de Myriad 3, il y a (tout de même) une dimension qui leur est propre, à savoir celle de transposer à la pratique live sur des instruments acoustiques certaines des possibilités habituellement réservées au domaine du traitement informatique. Explication : imaginez un medley de trois morceaux bop (celui confectionné par Myriad 3 se composa de trois reprises : Sugar Ray de Phineas Newborn Jr., Un Poco Loco de Bud Powell et un Monk dont le titre m’échappe), sur trois lecteurs différents ; faites démarrer les trois musiques en même temps et zappez sans cesse d’un canal à l’autre. Vous obtiendrez le résultat réalisé en direct par le jeune trio ! Et la performance du C Jam Blues ? Les jeunes musiciens s’en amusèrent avec la plus grande aisance, changeant de tempos (donc de registres et de tonalités) avec la plus apparente facilité – sans le moindre trucage de studio, donc !
Résumons : Myriad 3 est un trio ancré dans son temps. Outre sa connaissance approfondie de l’histoire du jazz (en bons Nord-américains, ils swinguaient remarquablement), il est influencé par les trios avec piano contemporains les plus connus (Mehldau, Avishai Cohen, The Bad Plus, un peu d’E.S.T.). Mais surtout, on retrouve dans leur musique la trace de notre environnement moderne : bidouillages informatiques, « machinisme » impeccable aux imperfections programmées (sur But Still and Yet, au second set), et surtout une aptitude à ne pas rester concentré sur une seule chose à la fois (que l’on pourrait désigner comme le « syndrome SMS », et dont l’application musicale se manifesta dans le bien nommé Disturbing Inspiration).
Des trois musiciens, c’est (une fois de plus) le batteur, Ernesto Cervini, qui me fit la plus forte impression. Outre un excellent drive, un swing goûteux à souhait et un débit à la précision inébranlable (vraisemblablement influencée par le travail de beats drum’n’bass), Cervini fit preuve d’une haute dose de musicalité. Fin coloriste, il sait tomber à côté quand il faut, et n’hésite pas à détraquer la mécanique bien huilée qu’il a lui-même contribué à mettre en place.
Si Myriad 3 fait évoluer sa musique vers des conceptions relevant davantage de nécessités intérieures, il n’est pas certain du tout que cette première tournée française (et européenne) soit leur dernière.
Ernesto Cervini