J.A.S.S. et Marc Buronfosse au Reims Jazz Festival
John Hollenbeck secoue un tupperware rempli de croquettes, Alban Darche, Samuel Blaser et Sébastien Boiseau ronronnent comme de gros chats… c’est le deuxième concert du Reims Jazz Festival qui se poursuivra avec le Sounds Quartet de Marc Buronfosse où le guitariste Marc-Antoine Perrio rejoint Benjamin Moussay et Antoine Banville.
Centre Saint-Exupéry, Reims (51), le 15 novembre 2013.
J.A.S.S. : Samuel Blaser (trombone), Alban Darche (sax ténor), Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie).
A trois quarts d’heure de Paris-Centre, voilà une destination pour une veille de bouclage. C’est la deuxième soirée du Reims Jazz Festival organisé par Djazz 51 , avec un budget en berne et une programmation réduite néanmoins de qualité, toujours sous la houlette de Francis Le Bras. La veille, Thomas Enhco a refusé du monde. Ce soir, malgré le match, la salle de Saint-Ex faisait presque le plein J.A.S.S. et le Sounds Quartet de Marc Burfonfosse.
C’est John Hollenbeck qui ouvre le concert, en secouant une boîte de croquettes pour chat qu’il secoue latéralement à la manière d’un kayam et je pense au défunt Sigmund le Chat alors que la contrebasse de Sébastien Boisseau émet des bruits de croquement et qu’Alban Darche et Samuel Darche font ronronner leurs instruments. Un premier morceau comme de chauffe où la contrebasse installe progressivement un groove d’abord indiscernable, insidieux, informel mais qui semble guider les deux soufflants livrés à une sorte de colin-maillard jusqu’à l’unisson final sur les lignes thématiques les réunissant. Toute la musique de J.A.S.S. (les initiales de John, Alban, Sébastien Samuel) repose sur cette équilibre entre d’un côté le relâchement des formes, une thématique en lambeaux sur lequels des rendez-vous se donnent et se prennent très librement, et de l’autre un univers codé qui fera dire par exemple à Alban Darche à l’issue No “D” de John Hollenbeck : « C’est un morceau où la note “ré” est interdite, mais ça n’est pas sûr que l’on en n’ait pas joué. » Et il vrai que dans le solo très fourni qu’il vient de lâcher avec une John Hollenbeck soudain formidablement straight ahead (l’un des rares vrais solos de ce concert, mais par jets discontinus comme sous quelque dictée suprême), il est fort possible qu’il ait failli au respect de la consigne. Mais ce qui importe, c’est la fonction structurante de ces codes sur une musique à la fois lâche et élancée. Il y a là une espèce de candeur, de bonheur juvénile du jeu qu’illustre les boîtes à musique que John Hollenbeck semble déclencher sur ses peaux qu’il frotte d’un piano à pouce dont il tire des ritournelles reprises sur des lames dispersées sur ses peaux, tandis que Samuel Blaser joue du trombone comme brosse des couleurs sur un tableau, à grand renfort de growls et de sourdines. On sort de cette première partie ravi et pressé de retrouver ce groupe les 10 et 11 décembre à Paris sur la péniche l’Improviste qui semble enfin reprendre sa programmation, désormais sur le quai d’Austerlitz où un problème sécurité à l’appontement à retardé sa réouverture, et le 12 au Périscope de Lyon. Disque Yolk distribué en janvier par L’Autre Distribution, un distributeur qui mérite bien son nom tant l’amour des musiques qu’il distribue lui semble chevillé au corps en un temps de sauve-qui-peut général.
Marc Buronfosse Sounds Quartet : Marc-Antoine Perrio (guitare électrique), Benjamin Moussay (piano, synthétiseur), Marc Buronfosse (contrebasse), Antoine Banville (batterie)
Désapointement à l’entrée sur scène du Sounds Quartet de Marc Buronfosse fait son entrée. Ce n’est pas le saxophoniste Jean-Charles Richard qui apparaît derrière le pupitre à côté du piano, mais Marc-Antoine Perrio équipé d’une guitare électrique. Quelle idée d’ajouter une guitare à un piano ! Il va encore y avoir des doigts en trop ! Qui plus est une Fender de type jaguar ? Ça me rappelle plus les Carl Wilson et les Beach Boys que Wes Montgomery ou même Jimi Hendrix ! Marc Buronfosse explique qu’il n’a pas voulu remplacer Jean-Charles Richard par un autre saxophoniste… Et – je dois rapidement me rendre à l’évidence – il a bien fait. Rapidement, alors que la formule donne là son premier concert, guitare et piano trouvent leurs places respectives sur un répertoire que j’ai déjà chroniqué dans ces pages, à l’occasion d’un concert sur la péniche l’Improviste , et dans l’édition papier de Jazzmag pour la sortie du disque “Face the Music”, et qui m’apparaît là méconnaissable. Et pour cause ! À L’Improviste, je remarquais que c’était un véritable orchestre de jazz et Benjamin Moussay opinait : « C’est le seul orchestre vraiment jazz auquel je collabore. » Dirait-il de même ce soir à Reims ? J’ai oublié de lui demander. Mais même s’il s’est livré à quelques belles chevauchées en solitaire accompagné, même si je pourrais reparler de terrains de jeux gigognes, « qui s’escamotent les uns les autres, avec des chausse-trappes et des miroirs que l’on traverse, des labyrinthes et des palais des glaces, des montagnes russes et des ciels d’Espagne… » (allez, faiblesse coupable, je dois avoir terminé ce compte rendu à l’entrée en Gare de l’Est et déjà le train ralentit), c’est plutôt l’impression que j’avais mise en avant à la chronique du disque qui me vient à l’esprit de « tableaux collectifs » mais cette fois-ci avec quelque chose renvoyant aux musiques qui s’inventaient au tournant des années 70 du côté du progressive rock et de l’école de Canterburry. Quelque chose d’organique s’articulant autour des motifs de contrebasse où la guitare (étonnant jeu aux doigts sans médiator) se fond dans le collectif, pollue la masse du piano, “bruite”, caquette, piaille, babille, jabote et piaule, sans que l’on sache s’il s’agit vraiment d’un arrière-plan ou du sujet central qu’aurait oublié le sonorisateur (nullement en cause ici), le tout propulsé contre un mur rythmique vibrionnant dressé par Antoine Banville avec une énergie et un ferveur qui laissent pantois. « Paris-Est, terminus, assurez vous que vous n’avez rien oubliez dans ce train. »
À Reims, à Saint-Ex, ce soir 16 novembre, on on ira entendre le Kubic’s Monk Trio de l’altiste Pierrick Pedronhttp://www.djaz51.com/rjf/13-11-16.html (avec le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Franck Agulhon) et le quartette Espaces Croisés du saxophoniste Eric Séva (avec le pianiste William Lecomte, l’accordéoniste Didier Ithursary et le batteur Pierre Dufour). Les Reimois sont des veinards, ils n’ont pas que du champagne et des biscuits roses. Franck Bergerot
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John Hollenbeck secoue un tupperware rempli de croquettes, Alban Darche, Samuel Blaser et Sébastien Boiseau ronronnent comme de gros chats… c’est le deuxième concert du Reims Jazz Festival qui se poursuivra avec le Sounds Quartet de Marc Buronfosse où le guitariste Marc-Antoine Perrio rejoint Benjamin Moussay et Antoine Banville.
Centre Saint-Exupéry, Reims (51), le 15 novembre 2013.
J.A.S.S. : Samuel Blaser (trombone), Alban Darche (sax ténor), Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie).
A trois quarts d’heure de Paris-Centre, voilà une destination pour une veille de bouclage. C’est la deuxième soirée du Reims Jazz Festival organisé par Djazz 51 , avec un budget en berne et une programmation réduite néanmoins de qualité, toujours sous la houlette de Francis Le Bras. La veille, Thomas Enhco a refusé du monde. Ce soir, malgré le match, la salle de Saint-Ex faisait presque le plein J.A.S.S. et le Sounds Quartet de Marc Burfonfosse.
C’est John Hollenbeck qui ouvre le concert, en secouant une boîte de croquettes pour chat qu’il secoue latéralement à la manière d’un kayam et je pense au défunt Sigmund le Chat alors que la contrebasse de Sébastien Boisseau émet des bruits de croquement et qu’Alban Darche et Samuel Darche font ronronner leurs instruments. Un premier morceau comme de chauffe où la contrebasse installe progressivement un groove d’abord indiscernable, insidieux, informel mais qui semble guider les deux soufflants livrés à une sorte de colin-maillard jusqu’à l’unisson final sur les lignes thématiques les réunissant. Toute la musique de J.A.S.S. (les initiales de John, Alban, Sébastien Samuel) repose sur cette équilibre entre d’un côté le relâchement des formes, une thématique en lambeaux sur lequels des rendez-vous se donnent et se prennent très librement, et de l’autre un univers codé qui fera dire par exemple à Alban Darche à l’issue No “D” de John Hollenbeck : « C’est un morceau où la note “ré” est interdite, mais ça n’est pas sûr que l’on en n’ait pas joué. » Et il vrai que dans le solo très fourni qu’il vient de lâcher avec une John Hollenbeck soudain formidablement straight ahead (l’un des rares vrais solos de ce concert, mais par jets discontinus comme sous quelque dictée suprême), il est fort possible qu’il ait failli au respect de la consigne. Mais ce qui importe, c’est la fonction structurante de ces codes sur une musique à la fois lâche et élancée. Il y a là une espèce de candeur, de bonheur juvénile du jeu qu’illustre les boîtes à musique que John Hollenbeck semble déclencher sur ses peaux qu’il frotte d’un piano à pouce dont il tire des ritournelles reprises sur des lames dispersées sur ses peaux, tandis que Samuel Blaser joue du trombone comme brosse des couleurs sur un tableau, à grand renfort de growls et de sourdines. On sort de cette première partie ravi et pressé de retrouver ce groupe les 10 et 11 décembre à Paris sur la péniche l’Improviste qui semble enfin reprendre sa programmation, désormais sur le quai d’Austerlitz où un problème sécurité à l’appontement à retardé sa réouverture, et le 12 au Périscope de Lyon. Disque Yolk distribué en janvier par L’Autre Distribution, un distributeur qui mérite bien son nom tant l’amour des musiques qu’il distribue lui semble chevillé au corps en un temps de sauve-qui-peut général.
Marc Buronfosse Sounds Quartet : Marc-Antoine Perrio (guitare électrique), Benjamin Moussay (piano, synthétiseur), Marc Buronfosse (contrebasse), Antoine Banville (batterie)
Désapointement à l’entrée sur scène du Sounds Quartet de Marc Buronfosse fait son entrée. Ce n’est pas le saxophoniste Jean-Charles Richard qui apparaît derrière le pupitre à côté du piano, mais Marc-Antoine Perrio équipé d’une guitare électrique. Quelle idée d’ajouter une guitare à un piano ! Il va encore y avoir des doigts en trop ! Qui plus est une Fender de type jaguar ? Ça me rappelle plus les Carl Wilson et les Beach Boys que Wes Montgomery ou même Jimi Hendrix ! Marc Buronfosse explique qu’il n’a pas voulu remplacer Jean-Charles Richard par un autre saxophoniste… Et – je dois rapidement me rendre à l’évidence – il a bien fait. Rapidement, alors que la formule donne là son premier concert, guitare et piano trouvent leurs places respectives sur un répertoire que j’ai déjà chroniqué dans ces pages, à l’occasion d’un concert sur la péniche l’Improviste , et dans l’édition papier de Jazzmag pour la sortie du disque “Face the Music”, et qui m’apparaît là méconnaissable. Et pour cause ! À L’Improviste, je remarquais que c’était un véritable orchestre de jazz et Benjamin Moussay opinait : « C’est le seul orchestre vraiment jazz auquel je collabore. » Dirait-il de même ce soir à Reims ? J’ai oublié de lui demander. Mais même s’il s’est livré à quelques belles chevauchées en solitaire accompagné, même si je pourrais reparler de terrains de jeux gigognes, « qui s’escamotent les uns les autres, avec des chausse-trappes et des miroirs que l’on traverse, des labyrinthes et des palais des glaces, des montagnes russes et des ciels d’Espagne… » (allez, faiblesse coupable, je dois avoir terminé ce compte rendu à l’entrée en Gare de l’Est et déjà le train ralentit), c’est plutôt l’impression que j’avais mise en avant à la chronique du disque qui me vient à l’esprit de « tableaux collectifs » mais cette fois-ci avec quelque chose renvoyant aux musiques qui s’inventaient au tournant des années 70 du côté du progressive rock et de l’école de Canterburry. Quelque chose d’organique s’articulant autour des motifs de contrebasse où la guitare (étonnant jeu aux doigts sans médiator) se fond dans le collectif, pollue la masse du piano, “bruite”, caquette, piaille, babille, jabote et piaule, sans que l’on sache s’il s’agit vraiment d’un arrière-plan ou du sujet central qu’aurait oublié le sonorisateur (nullement en cause ici), le tout propulsé contre un mur rythmique vibrionnant dressé par Antoine Banville avec une énergie et un ferveur qui laissent pantois. « Paris-Est, terminus, assurez vous que vous n’avez rien oubliez dans ce train. »
À Reims, à Saint-Ex, ce soir 16 novembre, on on ira entendre le Kubic’s Monk Trio de l’altiste Pierrick Pedronhttp://www.djaz51.com/rjf/13-11-16.html (avec le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Franck Agulhon) et le quartette Espaces Croisés du saxophoniste Eric Séva (avec le pianiste William Lecomte, l’accordéoniste Didier Ithursary et le batteur Pierre Dufour). Les Reimois sont des veinards, ils n’ont pas que du champagne et des biscuits roses. Franck Bergerot
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John Hollenbeck secoue un tupperware rempli de croquettes, Alban Darche, Samuel Blaser et Sébastien Boiseau ronronnent comme de gros chats… c’est le deuxième concert du Reims Jazz Festival qui se poursuivra avec le Sounds Quartet de Marc Buronfosse où le guitariste Marc-Antoine Perrio rejoint Benjamin Moussay et Antoine Banville.
Centre Saint-Exupéry, Reims (51), le 15 novembre 2013.
J.A.S.S. : Samuel Blaser (trombone), Alban Darche (sax ténor), Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie).
A trois quarts d’heure de Paris-Centre, voilà une destination pour une veille de bouclage. C’est la deuxième soirée du Reims Jazz Festival organisé par Djazz 51 , avec un budget en berne et une programmation réduite néanmoins de qualité, toujours sous la houlette de Francis Le Bras. La veille, Thomas Enhco a refusé du monde. Ce soir, malgré le match, la salle de Saint-Ex faisait presque le plein J.A.S.S. et le Sounds Quartet de Marc Burfonfosse.
C’est John Hollenbeck qui ouvre le concert, en secouant une boîte de croquettes pour chat qu’il secoue latéralement à la manière d’un kayam et je pense au défunt Sigmund le Chat alors que la contrebasse de Sébastien Boisseau émet des bruits de croquement et qu’Alban Darche et Samuel Darche font ronronner leurs instruments. Un premier morceau comme de chauffe où la contrebasse installe progressivement un groove d’abord indiscernable, insidieux, informel mais qui semble guider les deux soufflants livrés à une sorte de colin-maillard jusqu’à l’unisson final sur les lignes thématiques les réunissant. Toute la musique de J.A.S.S. (les initiales de John, Alban, Sébastien Samuel) repose sur cette équilibre entre d’un côté le relâchement des formes, une thématique en lambeaux sur lequels des rendez-vous se donnent et se prennent très librement, et de l’autre un univers codé qui fera dire par exemple à Alban Darche à l’issue No “D” de John Hollenbeck : « C’est un morceau où la note “ré” est interdite, mais ça n’est pas sûr que l’on en n’ait pas joué. » Et il vrai que dans le solo très fourni qu’il vient de lâcher avec une John Hollenbeck soudain formidablement straight ahead (l’un des rares vrais solos de ce concert, mais par jets discontinus comme sous quelque dictée suprême), il est fort possible qu’il ait failli au respect de la consigne. Mais ce qui importe, c’est la fonction structurante de ces codes sur une musique à la fois lâche et élancée. Il y a là une espèce de candeur, de bonheur juvénile du jeu qu’illustre les boîtes à musique que John Hollenbeck semble déclencher sur ses peaux qu’il frotte d’un piano à pouce dont il tire des ritournelles reprises sur des lames dispersées sur ses peaux, tandis que Samuel Blaser joue du trombone comme brosse des couleurs sur un tableau, à grand renfort de growls et de sourdines. On sort de cette première partie ravi et pressé de retrouver ce groupe les 10 et 11 décembre à Paris sur la péniche l’Improviste qui semble enfin reprendre sa programmation, désormais sur le quai d’Austerlitz où un problème sécurité à l’appontement à retardé sa réouverture, et le 12 au Périscope de Lyon. Disque Yolk distribué en janvier par L’Autre Distribution, un distributeur qui mérite bien son nom tant l’amour des musiques qu’il distribue lui semble chevillé au corps en un temps de sauve-qui-peut général.
Marc Buronfosse Sounds Quartet : Marc-Antoine Perrio (guitare électrique), Benjamin Moussay (piano, synthétiseur), Marc Buronfosse (contrebasse), Antoine Banville (batterie)
Désapointement à l’entrée sur scène du Sounds Quartet de Marc Buronfosse fait son entrée. Ce n’est pas le saxophoniste Jean-Charles Richard qui apparaît derrière le pupitre à côté du piano, mais Marc-Antoine Perrio équipé d’une guitare électrique. Quelle idée d’ajouter une guitare à un piano ! Il va encore y avoir des doigts en trop ! Qui plus est une Fender de type jaguar ? Ça me rappelle plus les Carl Wilson et les Beach Boys que Wes Montgomery ou même Jimi Hendrix ! Marc Buronfosse explique qu’il n’a pas voulu remplacer Jean-Charles Richard par un autre saxophoniste… Et – je dois rapidement me rendre à l’évidence – il a bien fait. Rapidement, alors que la formule donne là son premier concert, guitare et piano trouvent leurs places respectives sur un répertoire que j’ai déjà chroniqué dans ces pages, à l’occasion d’un concert sur la péniche l’Improviste , et dans l’édition papier de Jazzmag pour la sortie du disque “Face the Music”, et qui m’apparaît là méconnaissable. Et pour cause ! À L’Improviste, je remarquais que c’était un véritable orchestre de jazz et Benjamin Moussay opinait : « C’est le seul orchestre vraiment jazz auquel je collabore. » Dirait-il de même ce soir à Reims ? J’ai oublié de lui demander. Mais même s’il s’est livré à quelques belles chevauchées en solitaire accompagné, même si je pourrais reparler de terrains de jeux gigognes, « qui s’escamotent les uns les autres, avec des chausse-trappes et des miroirs que l’on traverse, des labyrinthes et des palais des glaces, des montagnes russes et des ciels d’Espagne… » (allez, faiblesse coupable, je dois avoir terminé ce compte rendu à l’entrée en Gare de l’Est et déjà le train ralentit), c’est plutôt l’impression que j’avais mise en avant à la chronique du disque qui me vient à l’esprit de « tableaux collectifs » mais cette fois-ci avec quelque chose renvoyant aux musiques qui s’inventaient au tournant des années 70 du côté du progressive rock et de l’école de Canterburry. Quelque chose d’organique s’articulant autour des motifs de contrebasse où la guitare (étonnant jeu aux doigts sans médiator) se fond dans le collectif, pollue la masse du piano, “bruite”, caquette, piaille, babille, jabote et piaule, sans que l’on sache s’il s’agit vraiment d’un arrière-plan ou du sujet central qu’aurait oublié le sonorisateur (nullement en cause ici), le tout propulsé contre un mur rythmique vibrionnant dressé par Antoine Banville avec une énergie et un ferveur qui laissent pantois. « Paris-Est, terminus, assurez vous que vous n’avez rien oubliez dans ce train. »
À Reims, à Saint-Ex, ce soir 16 novembre, on on ira entendre le Kubic’s Monk Trio de l’altiste Pierrick Pedronhttp://www.djaz51.com/rjf/13-11-16.html (avec le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Franck Agulhon) et le quartette Espaces Croisés du saxophoniste Eric Séva (avec le pianiste William Lecomte, l’accordéoniste Didier Ithursary et le batteur Pierre Dufour). Les Reimois sont des veinards, ils n’ont pas que du champagne et des biscuits roses. Franck Bergerot
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John Hollenbeck secoue un tupperware rempli de croquettes, Alban Darche, Samuel Blaser et Sébastien Boiseau ronronnent comme de gros chats… c’est le deuxième concert du Reims Jazz Festival qui se poursuivra avec le Sounds Quartet de Marc Buronfosse où le guitariste Marc-Antoine Perrio rejoint Benjamin Moussay et Antoine Banville.
Centre Saint-Exupéry, Reims (51), le 15 novembre 2013.
J.A.S.S. : Samuel Blaser (trombone), Alban Darche (sax ténor), Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie).
A trois quarts d’heure de Paris-Centre, voilà une destination pour une veille de bouclage. C’est la deuxième soirée du Reims Jazz Festival organisé par Djazz 51 , avec un budget en berne et une programmation réduite néanmoins de qualité, toujours sous la houlette de Francis Le Bras. La veille, Thomas Enhco a refusé du monde. Ce soir, malgré le match, la salle de Saint-Ex faisait presque le plein J.A.S.S. et le Sounds Quartet de Marc Burfonfosse.
C’est John Hollenbeck qui ouvre le concert, en secouant une boîte de croquettes pour chat qu’il secoue latéralement à la manière d’un kayam et je pense au défunt Sigmund le Chat alors que la contrebasse de Sébastien Boisseau émet des bruits de croquement et qu’Alban Darche et Samuel Darche font ronronner leurs instruments. Un premier morceau comme de chauffe où la contrebasse installe progressivement un groove d’abord indiscernable, insidieux, informel mais qui semble guider les deux soufflants livrés à une sorte de colin-maillard jusqu’à l’unisson final sur les lignes thématiques les réunissant. Toute la musique de J.A.S.S. (les initiales de John, Alban, Sébastien Samuel) repose sur cette équilibre entre d’un côté le relâchement des formes, une thématique en lambeaux sur lequels des rendez-vous se donnent et se prennent très librement, et de l’autre un univers codé qui fera dire par exemple à Alban Darche à l’issue No “D” de John Hollenbeck : « C’est un morceau où la note “ré” est interdite, mais ça n’est pas sûr que l’on en n’ait pas joué. » Et il vrai que dans le solo très fourni qu’il vient de lâcher avec une John Hollenbeck soudain formidablement straight ahead (l’un des rares vrais solos de ce concert, mais par jets discontinus comme sous quelque dictée suprême), il est fort possible qu’il ait failli au respect de la consigne. Mais ce qui importe, c’est la fonction structurante de ces codes sur une musique à la fois lâche et élancée. Il y a là une espèce de candeur, de bonheur juvénile du jeu qu’illustre les boîtes à musique que John Hollenbeck semble déclencher sur ses peaux qu’il frotte d’un piano à pouce dont il tire des ritournelles reprises sur des lames dispersées sur ses peaux, tandis que Samuel Blaser joue du trombone comme brosse des couleurs sur un tableau, à grand renfort de growls et de sourdines. On sort de cette première partie ravi et pressé de retrouver ce groupe les 10 et 11 décembre à Paris sur la péniche l’Improviste qui semble enfin reprendre sa programmation, désormais sur le quai d’Austerlitz où un problème sécurité à l’appontement à retardé sa réouverture, et le 12 au Périscope de Lyon. Disque Yolk distribué en janvier par L’Autre Distribution, un distributeur qui mérite bien son nom tant l’amour des musiques qu’il distribue lui semble chevillé au corps en un temps de sauve-qui-peut général.
Marc Buronfosse Sounds Quartet : Marc-Antoine Perrio (guitare électrique), Benjamin Moussay (piano, synthétiseur), Marc Buronfosse (contrebasse), Antoine Banville (batterie)
Désapointement à l’entrée sur scène du Sounds Quartet de Marc Buronfosse fait son entrée. Ce n’est pas le saxophoniste Jean-Charles Richard qui apparaît derrière le pupitre à côté du piano, mais Marc-Antoine Perrio équipé d’une guitare électrique. Quelle idée d’ajouter une guitare à un piano ! Il va encore y avoir des doigts en trop ! Qui plus est une Fender de type jaguar ? Ça me rappelle plus les Carl Wilson et les Beach Boys que Wes Montgomery ou même Jimi Hendrix ! Marc Buronfosse explique qu’il n’a pas voulu remplacer Jean-Charles Richard par un autre saxophoniste… Et – je dois rapidement me rendre à l’évidence – il a bien fait. Rapidement, alors que la formule donne là son premier concert, guitare et piano trouvent leurs places respectives sur un répertoire que j’ai déjà chroniqué dans ces pages, à l’occasion d’un concert sur la péniche l’Improviste , et dans l’édition papier de Jazzmag pour la sortie du disque “Face the Music”, et qui m’apparaît là méconnaissable. Et pour cause ! À L’Improviste, je remarquais que c’était un véritable orchestre de jazz et Benjamin Moussay opinait : « C’est le seul orchestre vraiment jazz auquel je collabore. » Dirait-il de même ce soir à Reims ? J’ai oublié de lui demander. Mais même s’il s’est livré à quelques belles chevauchées en solitaire accompagné, même si je pourrais reparler de terrains de jeux gigognes, « qui s’escamotent les uns les autres, avec des chausse-trappes et des miroirs que l’on traverse, des labyrinthes et des palais des glaces, des montagnes russes et des ciels d’Espagne… » (allez, faiblesse coupable, je dois avoir terminé ce compte rendu à l’entrée en Gare de l’Est et déjà le train ralentit), c’est plutôt l’impression que j’avais mise en avant à la chronique du disque qui me vient à l’esprit de « tableaux collectifs » mais cette fois-ci avec quelque chose renvoyant aux musiques qui s’inventaient au tournant des années 70 du côté du progressive rock et de l’école de Canterburry. Quelque chose d’organique s’articulant autour des motifs de contrebasse où la guitare (étonnant jeu aux doigts sans médiator) se fond dans le collectif, pollue la masse du piano, “bruite”, caquette, piaille, babille, jabote et piaule, sans que l’on sache s’il s’agit vraiment d’un arrière-plan ou du sujet central qu’aurait oublié le sonorisateur (nullement en cause ici), le tout propulsé contre un mur rythmique vibrionnant dressé par Antoine Banville avec une énergie et un ferveur qui laissent pantois. « Paris-Est, terminus, assurez vous que vous n’avez rien oubliez dans ce train. »
À Reims, à Saint-Ex, ce soir 16 novembre, on on ira entendre le Kubic’s Monk Trio de l’altiste Pierrick Pedronhttp://www.djaz51.com/rjf/13-11-16.html (avec le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Franck Agulhon) et le quartette Espaces Croisés du saxophoniste Eric Séva (avec le pianiste William Lecomte, l’accordéoniste Didier Ithursary et le batteur Pierre Dufour). Les Reimois sont des veinards, ils n’ont pas que du champagne et des biscuits roses. Franck Bergerot