Jazz live
Publié le 3 Mar 2014

Annie-Claire Alvoët, Mathilde, Vladimir Médail et Cole Porter à la Galerie !

Une croqueuse de Jazz, Annie-Claire Alvoët, qui dépend son exposition de peintures sonnantes, une chanteuse qui nous fait entendre la neige à Paris, un guitariste qui la fait fondre… C’était à la Galerie de Joël Knafo.

 

Joël Knafo Art Galery, Paris (75), le 3 mars 2014.

 

The Cole Porter Project : Mathilde (chant), Vladimir Medail (guitare électrique).

 

Annie-Claire Alvoët, si vous lisez ce blog, vous avez vu ses dessins pas plus tard que la semaine dernière, le 27 février, accompagnant le compte rendu du concert de Fabien Mary et Luigi Grasso au Caveau des Légendes par Jean-François Mondot, et quelques autres reportages, le 12 février, le 21 janvier, le 19 décembre, etc. J’avais moi-même touché deux mots de son exposition Body and Soul à la Joël Knafo Art Galery (qu’elle dépendait toute à l’heure) et tentait de vous expliquer en deux mots comme chacun des tableaux est associé à une application de reconnaissance visuelle (“Body & soul”) qui permet au visiteur de faire “jouer la musique enfermée dans la peinture” sous forme d’improvisations virtuelles à l’aide de son smartphone.  Etant un être sous-développé et pas du tout smart, ce soir encore, je ne vous en dirai pas plus à ceci près que les visiteurs smart avait l’air de bien s’amuser et que ces tableaux augmentés le sont vraiment, augmentés, à être vu en vrai, l’augmentation consistant à faire surgir, faute de musique virtuelle, et loin de ses croquis improvisés dans les clubs, un relief virtuel de formes qui semblent tout autant inspirées par les volumes de la musique réelle qu’elle aime aller entendre que par ceux des instruments qui la jouent.

 

Désolé de me montrer aussi incompétent, espérant que vous avez vous-même déjà visité son expo avec l’outil adéquat, j’essaierai d’être plus disert à propos de la chanteuse Mathilde et du guitariste Vladimir Medail. Ce qui ne devrait pas être difficile, en commençant notamment par dire qu’ils ne sont pas là par hasard. En effet, Annie Clarie Alvoët les a connus en un lieu où elle aime croquer les musiciens, la Cave du 38 Riv’, lieu de grande convivialité où le maître de céans, le contrebassiste Vincent Charbonnier, a développé, outre les concerts (demain 4 mars, Alain Jean-Marie y accompagnera la chanteuse Cristelle Pereira), un programme gradué de jam sessions qui semble l’un des plus chaleureux de la capitale. Vladimir Medail, je l’ai déjà signalé le 4 décembre dernier sur la péniche L’Improviste. Guitariste complet, au médiator, aux doigts, en single notes, en accords, une maîtrise du manche et de l’harmonie et une “écriture” qui fait de lui un authentique arrangeur. Son duo avec Mathilde a déjà quelques heures de vol et s’est construit autour du répertoire de Cole Porter. Un choix qui, sauf à s’en tenir à Love for Sale et Night and Day, n’est pas anodin.

 

Mathilde est une vraie chanteuse. Chanteuse de jazz est l’est, par son time, sa complicité avec son guitariste-arrangeur-improvisateur qui sait la servir sans lui faire le cadeau de la facilité, la musicalité qui transpire de sa justesse et de la façon dont elle pose sa voix. On ne l’entendra cependant pas scatter. Le sait-elle ? Le fait-elle ? La question est sans importance. Car, outre le fait que Billie Holiday, authentique disciple de Louis Armstrong, ne scattait jamais, Mathilde est une vraie chanteuse de chansons. À beaucoup de chanteuses qui s’essaient au jazz, on a envie de dire : « mais pourquoi joues-tu ce rôle qui te va si mal ? Pourquoi ne pas juste chanter des chansons ? Ce serait déjà pas si mal, si tu arrivais à ça. » Mathilde, dont on vient de dire qu’elle est une chanteuse de jazz, maîtrise aussi à merveille cette art de la diseuse que méritent les chansons de Cole Porter qui était son propre parolier. Et c’est ainsi que, l’air de rien, elle nous fait sentir le drame qui se noue derrière l’anodin « Miss Otis Regrets she’s unable to lunch today. » et qu’elle nous fait entendre la neige tomber (quel magnifique lenteur dans ce tempo extrême qu’avec Vladimir elle s’est choisi) sur ce « I love Paris in the winter. » tout en réservant un sursaut d’énergie au dernier couplet pour crever d’une soudaine bouffée émotionnelle la bulle de pudeur chrysalidant cette chanson, sursaut toujours sur le même tempo et qui signale, jazz ou pas jazz, un authentique talent d’interprète.

 

Honteux, je file à l’anglaise (car quelques travaux d’écriture m’attendent encore à la maison), non sans apercevoir en me levant, Annie-Claire Alvoët qui joue de la plume et de l’encre de chine dans un petit pot qu’elle a ouvert devant elle (je suppose qu’elle est de chine, mais à vrai dire, je n’en sais rien, elle est peut-être de Sarguemines ou d’Onze-Lieve-Vrouw-Waver). Un passage au Sunset où Jazz sous les Pommiers présente ses programmes, occasion d’échanges d’informations professionnelles avec le milieu, qui font aussi le quotidien du journalisme, et me voici dans le RER, lisant les hommages de la presse à Alain Resnais. Resnais, Chris Marker  également disparu il y a peu et Agnès Varda qui leur rendait ce matin hommage sur les ondes… Tant d’exigence, de liberté, d’extralucidité et de fantaisie sont un modèle stimulant pour, dans les deux sens, traverser les apparences dont Cole Porter nous tendait les clés dans son Anything Goes.

 

Franck Bergerot


Vladmir Medail et Mathilde sont à retrouver à Paris le 8 mars au Harmonie Café (35, boulevard de Magenta, le 10 mars au Café des Sports (94, rue de Ménimontant) et à Argenton-sur-Creuse, le 15 mars au Moulin de Bord.

 

 

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Une croqueuse de Jazz, Annie-Claire Alvoët, qui dépend son exposition de peintures sonnantes, une chanteuse qui nous fait entendre la neige à Paris, un guitariste qui la fait fondre… C’était à la Galerie de Joël Knafo.

 

Joël Knafo Art Galery, Paris (75), le 3 mars 2014.

 

The Cole Porter Project : Mathilde (chant), Vladimir Medail (guitare électrique).

 

Annie-Claire Alvoët, si vous lisez ce blog, vous avez vu ses dessins pas plus tard que la semaine dernière, le 27 février, accompagnant le compte rendu du concert de Fabien Mary et Luigi Grasso au Caveau des Légendes par Jean-François Mondot, et quelques autres reportages, le 12 février, le 21 janvier, le 19 décembre, etc. J’avais moi-même touché deux mots de son exposition Body and Soul à la Joël Knafo Art Galery (qu’elle dépendait toute à l’heure) et tentait de vous expliquer en deux mots comme chacun des tableaux est associé à une application de reconnaissance visuelle (“Body & soul”) qui permet au visiteur de faire “jouer la musique enfermée dans la peinture” sous forme d’improvisations virtuelles à l’aide de son smartphone.  Etant un être sous-développé et pas du tout smart, ce soir encore, je ne vous en dirai pas plus à ceci près que les visiteurs smart avait l’air de bien s’amuser et que ces tableaux augmentés le sont vraiment, augmentés, à être vu en vrai, l’augmentation consistant à faire surgir, faute de musique virtuelle, et loin de ses croquis improvisés dans les clubs, un relief virtuel de formes qui semblent tout autant inspirées par les volumes de la musique réelle qu’elle aime aller entendre que par ceux des instruments qui la jouent.

 

Désolé de me montrer aussi incompétent, espérant que vous avez vous-même déjà visité son expo avec l’outil adéquat, j’essaierai d’être plus disert à propos de la chanteuse Mathilde et du guitariste Vladimir Medail. Ce qui ne devrait pas être difficile, en commençant notamment par dire qu’ils ne sont pas là par hasard. En effet, Annie Clarie Alvoët les a connus en un lieu où elle aime croquer les musiciens, la Cave du 38 Riv’, lieu de grande convivialité où le maître de céans, le contrebassiste Vincent Charbonnier, a développé, outre les concerts (demain 4 mars, Alain Jean-Marie y accompagnera la chanteuse Cristelle Pereira), un programme gradué de jam sessions qui semble l’un des plus chaleureux de la capitale. Vladimir Medail, je l’ai déjà signalé le 4 décembre dernier sur la péniche L’Improviste. Guitariste complet, au médiator, aux doigts, en single notes, en accords, une maîtrise du manche et de l’harmonie et une “écriture” qui fait de lui un authentique arrangeur. Son duo avec Mathilde a déjà quelques heures de vol et s’est construit autour du répertoire de Cole Porter. Un choix qui, sauf à s’en tenir à Love for Sale et Night and Day, n’est pas anodin.

 

Mathilde est une vraie chanteuse. Chanteuse de jazz est l’est, par son time, sa complicité avec son guitariste-arrangeur-improvisateur qui sait la servir sans lui faire le cadeau de la facilité, la musicalité qui transpire de sa justesse et de la façon dont elle pose sa voix. On ne l’entendra cependant pas scatter. Le sait-elle ? Le fait-elle ? La question est sans importance. Car, outre le fait que Billie Holiday, authentique disciple de Louis Armstrong, ne scattait jamais, Mathilde est une vraie chanteuse de chansons. À beaucoup de chanteuses qui s’essaient au jazz, on a envie de dire : « mais pourquoi joues-tu ce rôle qui te va si mal ? Pourquoi ne pas juste chanter des chansons ? Ce serait déjà pas si mal, si tu arrivais à ça. » Mathilde, dont on vient de dire qu’elle est une chanteuse de jazz, maîtrise aussi à merveille cette art de la diseuse que méritent les chansons de Cole Porter qui était son propre parolier. Et c’est ainsi que, l’air de rien, elle nous fait sentir le drame qui se noue derrière l’anodin « Miss Otis Regrets she’s unable to lunch today. » et qu’elle nous fait entendre la neige tomber (quel magnifique lenteur dans ce tempo extrême qu’avec Vladimir elle s’est choisi) sur ce « I love Paris in the winter. » tout en réservant un sursaut d’énergie au dernier couplet pour crever d’une soudaine bouffée émotionnelle la bulle de pudeur chrysalidant cette chanson, sursaut toujours sur le même tempo et qui signale, jazz ou pas jazz, un authentique talent d’interprète.

 

Honteux, je file à l’anglaise (car quelques travaux d’écriture m’attendent encore à la maison), non sans apercevoir en me levant, Annie-Claire Alvoët qui joue de la plume et de l’encre de chine dans un petit pot qu’elle a ouvert devant elle (je suppose qu’elle est de chine, mais à vrai dire, je n’en sais rien, elle est peut-être de Sarguemines ou d’Onze-Lieve-Vrouw-Waver). Un passage au Sunset où Jazz sous les Pommiers présente ses programmes, occasion d’échanges d’informations professionnelles avec le milieu, qui font aussi le quotidien du journalisme, et me voici dans le RER, lisant les hommages de la presse à Alain Resnais. Resnais, Chris Marker  également disparu il y a peu et Agnès Varda qui leur rendait ce matin hommage sur les ondes… Tant d’exigence, de liberté, d’extralucidité et de fantaisie sont un modèle stimulant pour, dans les deux sens, traverser les apparences dont Cole Porter nous tendait les clés dans son Anything Goes.

 

Franck Bergerot


Vladmir Medail et Mathilde sont à retrouver à Paris le 8 mars au Harmonie Café (35, boulevard de Magenta, le 10 mars au Café des Sports (94, rue de Ménimontant) et à Argenton-sur-Creuse, le 15 mars au Moulin de Bord.

 

 

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Une croqueuse de Jazz, Annie-Claire Alvoët, qui dépend son exposition de peintures sonnantes, une chanteuse qui nous fait entendre la neige à Paris, un guitariste qui la fait fondre… C’était à la Galerie de Joël Knafo.

 

Joël Knafo Art Galery, Paris (75), le 3 mars 2014.

 

The Cole Porter Project : Mathilde (chant), Vladimir Medail (guitare électrique).

 

Annie-Claire Alvoët, si vous lisez ce blog, vous avez vu ses dessins pas plus tard que la semaine dernière, le 27 février, accompagnant le compte rendu du concert de Fabien Mary et Luigi Grasso au Caveau des Légendes par Jean-François Mondot, et quelques autres reportages, le 12 février, le 21 janvier, le 19 décembre, etc. J’avais moi-même touché deux mots de son exposition Body and Soul à la Joël Knafo Art Galery (qu’elle dépendait toute à l’heure) et tentait de vous expliquer en deux mots comme chacun des tableaux est associé à une application de reconnaissance visuelle (“Body & soul”) qui permet au visiteur de faire “jouer la musique enfermée dans la peinture” sous forme d’improvisations virtuelles à l’aide de son smartphone.  Etant un être sous-développé et pas du tout smart, ce soir encore, je ne vous en dirai pas plus à ceci près que les visiteurs smart avait l’air de bien s’amuser et que ces tableaux augmentés le sont vraiment, augmentés, à être vu en vrai, l’augmentation consistant à faire surgir, faute de musique virtuelle, et loin de ses croquis improvisés dans les clubs, un relief virtuel de formes qui semblent tout autant inspirées par les volumes de la musique réelle qu’elle aime aller entendre que par ceux des instruments qui la jouent.

 

Désolé de me montrer aussi incompétent, espérant que vous avez vous-même déjà visité son expo avec l’outil adéquat, j’essaierai d’être plus disert à propos de la chanteuse Mathilde et du guitariste Vladimir Medail. Ce qui ne devrait pas être difficile, en commençant notamment par dire qu’ils ne sont pas là par hasard. En effet, Annie Clarie Alvoët les a connus en un lieu où elle aime croquer les musiciens, la Cave du 38 Riv’, lieu de grande convivialité où le maître de céans, le contrebassiste Vincent Charbonnier, a développé, outre les concerts (demain 4 mars, Alain Jean-Marie y accompagnera la chanteuse Cristelle Pereira), un programme gradué de jam sessions qui semble l’un des plus chaleureux de la capitale. Vladimir Medail, je l’ai déjà signalé le 4 décembre dernier sur la péniche L’Improviste. Guitariste complet, au médiator, aux doigts, en single notes, en accords, une maîtrise du manche et de l’harmonie et une “écriture” qui fait de lui un authentique arrangeur. Son duo avec Mathilde a déjà quelques heures de vol et s’est construit autour du répertoire de Cole Porter. Un choix qui, sauf à s’en tenir à Love for Sale et Night and Day, n’est pas anodin.

 

Mathilde est une vraie chanteuse. Chanteuse de jazz est l’est, par son time, sa complicité avec son guitariste-arrangeur-improvisateur qui sait la servir sans lui faire le cadeau de la facilité, la musicalité qui transpire de sa justesse et de la façon dont elle pose sa voix. On ne l’entendra cependant pas scatter. Le sait-elle ? Le fait-elle ? La question est sans importance. Car, outre le fait que Billie Holiday, authentique disciple de Louis Armstrong, ne scattait jamais, Mathilde est une vraie chanteuse de chansons. À beaucoup de chanteuses qui s’essaient au jazz, on a envie de dire : « mais pourquoi joues-tu ce rôle qui te va si mal ? Pourquoi ne pas juste chanter des chansons ? Ce serait déjà pas si mal, si tu arrivais à ça. » Mathilde, dont on vient de dire qu’elle est une chanteuse de jazz, maîtrise aussi à merveille cette art de la diseuse que méritent les chansons de Cole Porter qui était son propre parolier. Et c’est ainsi que, l’air de rien, elle nous fait sentir le drame qui se noue derrière l’anodin « Miss Otis Regrets she’s unable to lunch today. » et qu’elle nous fait entendre la neige tomber (quel magnifique lenteur dans ce tempo extrême qu’avec Vladimir elle s’est choisi) sur ce « I love Paris in the winter. » tout en réservant un sursaut d’énergie au dernier couplet pour crever d’une soudaine bouffée émotionnelle la bulle de pudeur chrysalidant cette chanson, sursaut toujours sur le même tempo et qui signale, jazz ou pas jazz, un authentique talent d’interprète.

 

Honteux, je file à l’anglaise (car quelques travaux d’écriture m’attendent encore à la maison), non sans apercevoir en me levant, Annie-Claire Alvoët qui joue de la plume et de l’encre de chine dans un petit pot qu’elle a ouvert devant elle (je suppose qu’elle est de chine, mais à vrai dire, je n’en sais rien, elle est peut-être de Sarguemines ou d’Onze-Lieve-Vrouw-Waver). Un passage au Sunset où Jazz sous les Pommiers présente ses programmes, occasion d’échanges d’informations professionnelles avec le milieu, qui font aussi le quotidien du journalisme, et me voici dans le RER, lisant les hommages de la presse à Alain Resnais. Resnais, Chris Marker  également disparu il y a peu et Agnès Varda qui leur rendait ce matin hommage sur les ondes… Tant d’exigence, de liberté, d’extralucidité et de fantaisie sont un modèle stimulant pour, dans les deux sens, traverser les apparences dont Cole Porter nous tendait les clés dans son Anything Goes.

 

Franck Bergerot


Vladmir Medail et Mathilde sont à retrouver à Paris le 8 mars au Harmonie Café (35, boulevard de Magenta, le 10 mars au Café des Sports (94, rue de Ménimontant) et à Argenton-sur-Creuse, le 15 mars au Moulin de Bord.

 

 

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Une croqueuse de Jazz, Annie-Claire Alvoët, qui dépend son exposition de peintures sonnantes, une chanteuse qui nous fait entendre la neige à Paris, un guitariste qui la fait fondre… C’était à la Galerie de Joël Knafo.

 

Joël Knafo Art Galery, Paris (75), le 3 mars 2014.

 

The Cole Porter Project : Mathilde (chant), Vladimir Medail (guitare électrique).

 

Annie-Claire Alvoët, si vous lisez ce blog, vous avez vu ses dessins pas plus tard que la semaine dernière, le 27 février, accompagnant le compte rendu du concert de Fabien Mary et Luigi Grasso au Caveau des Légendes par Jean-François Mondot, et quelques autres reportages, le 12 février, le 21 janvier, le 19 décembre, etc. J’avais moi-même touché deux mots de son exposition Body and Soul à la Joël Knafo Art Galery (qu’elle dépendait toute à l’heure) et tentait de vous expliquer en deux mots comme chacun des tableaux est associé à une application de reconnaissance visuelle (“Body & soul”) qui permet au visiteur de faire “jouer la musique enfermée dans la peinture” sous forme d’improvisations virtuelles à l’aide de son smartphone.  Etant un être sous-développé et pas du tout smart, ce soir encore, je ne vous en dirai pas plus à ceci près que les visiteurs smart avait l’air de bien s’amuser et que ces tableaux augmentés le sont vraiment, augmentés, à être vu en vrai, l’augmentation consistant à faire surgir, faute de musique virtuelle, et loin de ses croquis improvisés dans les clubs, un relief virtuel de formes qui semblent tout autant inspirées par les volumes de la musique réelle qu’elle aime aller entendre que par ceux des instruments qui la jouent.

 

Désolé de me montrer aussi incompétent, espérant que vous avez vous-même déjà visité son expo avec l’outil adéquat, j’essaierai d’être plus disert à propos de la chanteuse Mathilde et du guitariste Vladimir Medail. Ce qui ne devrait pas être difficile, en commençant notamment par dire qu’ils ne sont pas là par hasard. En effet, Annie Clarie Alvoët les a connus en un lieu où elle aime croquer les musiciens, la Cave du 38 Riv’, lieu de grande convivialité où le maître de céans, le contrebassiste Vincent Charbonnier, a développé, outre les concerts (demain 4 mars, Alain Jean-Marie y accompagnera la chanteuse Cristelle Pereira), un programme gradué de jam sessions qui semble l’un des plus chaleureux de la capitale. Vladimir Medail, je l’ai déjà signalé le 4 décembre dernier sur la péniche L’Improviste. Guitariste complet, au médiator, aux doigts, en single notes, en accords, une maîtrise du manche et de l’harmonie et une “écriture” qui fait de lui un authentique arrangeur. Son duo avec Mathilde a déjà quelques heures de vol et s’est construit autour du répertoire de Cole Porter. Un choix qui, sauf à s’en tenir à Love for Sale et Night and Day, n’est pas anodin.

 

Mathilde est une vraie chanteuse. Chanteuse de jazz est l’est, par son time, sa complicité avec son guitariste-arrangeur-improvisateur qui sait la servir sans lui faire le cadeau de la facilité, la musicalité qui transpire de sa justesse et de la façon dont elle pose sa voix. On ne l’entendra cependant pas scatter. Le sait-elle ? Le fait-elle ? La question est sans importance. Car, outre le fait que Billie Holiday, authentique disciple de Louis Armstrong, ne scattait jamais, Mathilde est une vraie chanteuse de chansons. À beaucoup de chanteuses qui s’essaient au jazz, on a envie de dire : « mais pourquoi joues-tu ce rôle qui te va si mal ? Pourquoi ne pas juste chanter des chansons ? Ce serait déjà pas si mal, si tu arrivais à ça. » Mathilde, dont on vient de dire qu’elle est une chanteuse de jazz, maîtrise aussi à merveille cette art de la diseuse que méritent les chansons de Cole Porter qui était son propre parolier. Et c’est ainsi que, l’air de rien, elle nous fait sentir le drame qui se noue derrière l’anodin « Miss Otis Regrets she’s unable to lunch today. » et qu’elle nous fait entendre la neige tomber (quel magnifique lenteur dans ce tempo extrême qu’avec Vladimir elle s’est choisi) sur ce « I love Paris in the winter. » tout en réservant un sursaut d’énergie au dernier couplet pour crever d’une soudaine bouffée émotionnelle la bulle de pudeur chrysalidant cette chanson, sursaut toujours sur le même tempo et qui signale, jazz ou pas jazz, un authentique talent d’interprète.

 

Honteux, je file à l’anglaise (car quelques travaux d’écriture m’attendent encore à la maison), non sans apercevoir en me levant, Annie-Claire Alvoët qui joue de la plume et de l’encre de chine dans un petit pot qu’elle a ouvert devant elle (je suppose qu’elle est de chine, mais à vrai dire, je n’en sais rien, elle est peut-être de Sarguemines ou d’Onze-Lieve-Vrouw-Waver). Un passage au Sunset où Jazz sous les Pommiers présente ses programmes, occasion d’échanges d’informations professionnelles avec le milieu, qui font aussi le quotidien du journalisme, et me voici dans le RER, lisant les hommages de la presse à Alain Resnais. Resnais, Chris Marker  également disparu il y a peu et Agnès Varda qui leur rendait ce matin hommage sur les ondes… Tant d’exigence, de liberté, d’extralucidité et de fantaisie sont un modèle stimulant pour, dans les deux sens, traverser les apparences dont Cole Porter nous tendait les clés dans son Anything Goes.

 

Franck Bergerot


Vladmir Medail et Mathilde sont à retrouver à Paris le 8 mars au Harmonie Café (35, boulevard de Magenta, le 10 mars au Café des Sports (94, rue de Ménimontant) et à Argenton-sur-Creuse, le 15 mars au Moulin de Bord.