Jazz et Littérature : "Escale du livre" à Bordeaux, avec Didier Lasserre, Elodie Alice, JL Guionnet
En 1997, si je me souviens bien, et avec le soutien plus que bienveillant d’Eric des Garets, alors directeur du Centre Régional des Lettres (Aquitaine), et l’aide efficace et professionnelle de Claude Chambard, qui à l’époque en était le directeur-adjoint, nous avons publié un numéro spécial de la revue « Atlantiques », sous le titre « Jazz et Littérature ». J’avais dirigé cette publication, qui regroupait des textes (entre autres) de Francis Marmande, Yannick Seité, Jean-Pierre Moussaron, Alexandre Pierrepont, Philippe Fréchet. Ce dernier avait dirigé dans le même temps, et dans le même mouvement, un numéro spécial de la revue « Europe » sur le même sujet. Numéros épuisés, mais présents dans de nombreuses bibliothèques publiques. Voilà pour le passé.
Le présent, c’est d’abord la sortie publique après résidence du trio « Raison Basse », constitué de Didier Lasserre (dm), Benjamin Duboc (b) et Ly Thanh Tiên (danse, poésie, bugle). Cela s’est passé le jeudi 3 avril à 18.30, au « Molière Scène d’Aquitaine », salle de diffusion des spectacles ébauchés sous l’impulsion de l’OARA. Dans le noir absolu, nous avons d’abord pris quatre projecteurs en pleine figure, avant qu’un chien (une chienne en fait) ne vienne aboyer avec insistance en bord de scène. Reparti vers les coulisses sous la commande de son maître (Ly Thanh Tiên), l’animal s’est tenu ensuite fort sage, avant de faire l’admiration générale au moment du verre de l’amitié, lequel constitue toujours un moment fort de ces sorties publiques. On est à Bordeaux, faut-il le rappeler.
Après cette mise en place assez policière, les trois « instrumentistes » ont proposé un parcours gestuel et musical de belle intention, sur un registre qui ne laissait guère de place à la douceur angevine : vêtu d’un treillis, le danseur et écrivain s’est adressé au public en diverses langues, prenant quelques risques corporels comme c’est son habitude, à mon sens plus « cadré » que souvent, en tous cas très convaincant. Didier Lasserre et Benjamin Duboc ont assuré commentaires et échos avec l’art qui est le leur, fait d’alternances de sons distillés ou assénés pour l’un, et de profondes émergences pour l’autre. A l’origine, ce projet de résidence (que j’ai soutenu au titre de Conseiller délégué pour le jazz et les musiques improvisées auprès de l’OARA) avait été proposé par Didier Lasserre à Jacques Coursil, mais la chose n’a pas pu se faire. Peut-être une autre fois.
Benjamin Duboc, Ly Thanh Tiên, Didier Lasserre
« L’Escale du livre », c’est dans le quartier Ste Croix à Bordeaux, non loin du TNBA, du Conservatoire, de l’église Ste Croix et de son orgue Dom Bedos restauré de frais. Un joli point de fixation sur trois jours, avec des « avant » et des « afters », et puis des concerts associés. Car le livre ne va pas sans la lecture, qui peut aller avec le gueuloir, et donc avec la musique. Comme depuis quelques jours et pour quelques jours encore la bibliothèque municipale accueille une exposition des éditions « Hors Oeil », avec rencontres, projections et concerts (voir plus bas), tout est en place pour croisements, convergences et recoupements. D’un pas décidé, nous allons d’abord boire un verre au café du théâtre, où se produit Elodie Alice en trio, avec Dave Blenkhorn (g) et Franck Richard (b). J’ai déjà rendu compte ici même d’un concert de cette chanteuse, et j’étais curieux de l’entendre dans un autre contexte, et avec un guitariste qui joue depuis plusieurs années à Bordeaux et que je n’avais jamais écouté en direct. Assistance sage (comme le fait remarquer à deux reprises la chanteuse), assistance sous le charme en fait, à l’écoute de ce répertoire de standards aimés, distillés avec classe, sans fioritures. C’est droit, franc du collier (ça c’est le chien qui revient), les solos de Dave Blenkhorn sont construits avec intelligence, Franck Richard assure un accompagnement parfait. Plusieurs personnes tiennent à faire savoir qu’ils sont ravis de cette « découverte », et l’un d’aux quitte le café en adressant ce compliment : « bravo, vous chantez très bien, et en plus vous êtes très belle« . Et v’lan. Elodie ne bronche pas. La classe je vous dis.
« Le rouge et le blanc », « Jazz Magazine »
« Escale du livre »
Elodie Alice (voix) et les chefs indiens
(Cherokee ?)
On fait trente mètres, et l’église Ste Croix abrite donc cet orgue fantastique, qui émigra un temps en la cathédrale à Pey-Berland, avant de revenir dans son lieu d’origine. Ce soir, c’est Jean-Luc Guionnet qui officie, et nous devons à Adrien Chiquet (conseiller musique à l’ONDA) de nous avoir signalé ce concert. Et mieux que signalé : il nous a dit qu’il n’était pas question de rater ça. L’improvisation à l’orgue est la chose du monde la mieux partagée. Et dans le cas d’espèce, elle est surprenante, d’une grande rigueur, et elle permet de « toucher » des dimensions de l’instrument qui restent la plupart du temps cachées, ou brouillées, ou confondues. Procédant par longues notes tenues, dans l’extrême registre grave ou dans l’extrême opposé dans l’aigu, opposant à ces longueurs des « expulsions » très brèves, sortes d’éructations quasi animales qui viennent comme des explosions, Jean-Luc Guionnet se refuse à tout motif, même minimal, et propose donc une exploration du corps de l’orgue comme mimétique du corps du monde, dans la plus pure tradition des maîtres de l’instrument, dont le fantasme de totalité est bien connu. Un bestiaire, une déclinaison des bruits du corps, un parcours dans l’espace, rien qui soit narratif, et pourtant quelle concrétude !!!
Philippe Méziat
A venir dans le cadre de la manifestation « Hors Oeil Editions » : samedi 12 avril à 17.00, projection du film « Siegfried Kessler, a love secret » (Bibliothèque). Samedi 26 avril à 17.00, projection du film »Raymond Boni – Les mains bleues » (Bibliothèque). Même jour, au « Garage Moderne » à 20.30, concert de Raymond Boni (g, hca) et Daunik Lazro (bs).
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En 1997, si je me souviens bien, et avec le soutien plus que bienveillant d’Eric des Garets, alors directeur du Centre Régional des Lettres (Aquitaine), et l’aide efficace et professionnelle de Claude Chambard, qui à l’époque en était le directeur-adjoint, nous avons publié un numéro spécial de la revue « Atlantiques », sous le titre « Jazz et Littérature ». J’avais dirigé cette publication, qui regroupait des textes (entre autres) de Francis Marmande, Yannick Seité, Jean-Pierre Moussaron, Alexandre Pierrepont, Philippe Fréchet. Ce dernier avait dirigé dans le même temps, et dans le même mouvement, un numéro spécial de la revue « Europe » sur le même sujet. Numéros épuisés, mais présents dans de nombreuses bibliothèques publiques. Voilà pour le passé.
Le présent, c’est d’abord la sortie publique après résidence du trio « Raison Basse », constitué de Didier Lasserre (dm), Benjamin Duboc (b) et Ly Thanh Tiên (danse, poésie, bugle). Cela s’est passé le jeudi 3 avril à 18.30, au « Molière Scène d’Aquitaine », salle de diffusion des spectacles ébauchés sous l’impulsion de l’OARA. Dans le noir absolu, nous avons d’abord pris quatre projecteurs en pleine figure, avant qu’un chien (une chienne en fait) ne vienne aboyer avec insistance en bord de scène. Reparti vers les coulisses sous la commande de son maître (Ly Thanh Tiên), l’animal s’est tenu ensuite fort sage, avant de faire l’admiration générale au moment du verre de l’amitié, lequel constitue toujours un moment fort de ces sorties publiques. On est à Bordeaux, faut-il le rappeler.
Après cette mise en place assez policière, les trois « instrumentistes » ont proposé un parcours gestuel et musical de belle intention, sur un registre qui ne laissait guère de place à la douceur angevine : vêtu d’un treillis, le danseur et écrivain s’est adressé au public en diverses langues, prenant quelques risques corporels comme c’est son habitude, à mon sens plus « cadré » que souvent, en tous cas très convaincant. Didier Lasserre et Benjamin Duboc ont assuré commentaires et échos avec l’art qui est le leur, fait d’alternances de sons distillés ou assénés pour l’un, et de profondes émergences pour l’autre. A l’origine, ce projet de résidence (que j’ai soutenu au titre de Conseiller délégué pour le jazz et les musiques improvisées auprès de l’OARA) avait été proposé par Didier Lasserre à Jacques Coursil, mais la chose n’a pas pu se faire. Peut-être une autre fois.
Benjamin Duboc, Ly Thanh Tiên, Didier Lasserre
« L’Escale du livre », c’est dans le quartier Ste Croix à Bordeaux, non loin du TNBA, du Conservatoire, de l’église Ste Croix et de son orgue Dom Bedos restauré de frais. Un joli point de fixation sur trois jours, avec des « avant » et des « afters », et puis des concerts associés. Car le livre ne va pas sans la lecture, qui peut aller avec le gueuloir, et donc avec la musique. Comme depuis quelques jours et pour quelques jours encore la bibliothèque municipale accueille une exposition des éditions « Hors Oeil », avec rencontres, projections et concerts (voir plus bas), tout est en place pour croisements, convergences et recoupements. D’un pas décidé, nous allons d’abord boire un verre au café du théâtre, où se produit Elodie Alice en trio, avec Dave Blenkhorn (g) et Franck Richard (b). J’ai déjà rendu compte ici même d’un concert de cette chanteuse, et j’étais curieux de l’entendre dans un autre contexte, et avec un guitariste qui joue depuis plusieurs années à Bordeaux et que je n’avais jamais écouté en direct. Assistance sage (comme le fait remarquer à deux reprises la chanteuse), assistance sous le charme en fait, à l’écoute de ce répertoire de standards aimés, distillés avec classe, sans fioritures. C’est droit, franc du collier (ça c’est le chien qui revient), les solos de Dave Blenkhorn sont construits avec intelligence, Franck Richard assure un accompagnement parfait. Plusieurs personnes tiennent à faire savoir qu’ils sont ravis de cette « découverte », et l’un d’aux quitte le café en adressant ce compliment : « bravo, vous chantez très bien, et en plus vous êtes très belle« . Et v’lan. Elodie ne bronche pas. La classe je vous dis.
« Le rouge et le blanc », « Jazz Magazine »
« Escale du livre »
Elodie Alice (voix) et les chefs indiens
(Cherokee ?)
On fait trente mètres, et l’église Ste Croix abrite donc cet orgue fantastique, qui émigra un temps en la cathédrale à Pey-Berland, avant de revenir dans son lieu d’origine. Ce soir, c’est Jean-Luc Guionnet qui officie, et nous devons à Adrien Chiquet (conseiller musique à l’ONDA) de nous avoir signalé ce concert. Et mieux que signalé : il nous a dit qu’il n’était pas question de rater ça. L’improvisation à l’orgue est la chose du monde la mieux partagée. Et dans le cas d’espèce, elle est surprenante, d’une grande rigueur, et elle permet de « toucher » des dimensions de l’instrument qui restent la plupart du temps cachées, ou brouillées, ou confondues. Procédant par longues notes tenues, dans l’extrême registre grave ou dans l’extrême opposé dans l’aigu, opposant à ces longueurs des « expulsions » très brèves, sortes d’éructations quasi animales qui viennent comme des explosions, Jean-Luc Guionnet se refuse à tout motif, même minimal, et propose donc une exploration du corps de l’orgue comme mimétique du corps du monde, dans la plus pure tradition des maîtres de l’instrument, dont le fantasme de totalité est bien connu. Un bestiaire, une déclinaison des bruits du corps, un parcours dans l’espace, rien qui soit narratif, et pourtant quelle concrétude !!!
Philippe Méziat
A venir dans le cadre de la manifestation « Hors Oeil Editions » : samedi 12 avril à 17.00, projection du film « Siegfried Kessler, a love secret » (Bibliothèque). Samedi 26 avril à 17.00, projection du film »Raymond Boni – Les mains bleues » (Bibliothèque). Même jour, au « Garage Moderne » à 20.30, concert de Raymond Boni (g, hca) et Daunik Lazro (bs).
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En 1997, si je me souviens bien, et avec le soutien plus que bienveillant d’Eric des Garets, alors directeur du Centre Régional des Lettres (Aquitaine), et l’aide efficace et professionnelle de Claude Chambard, qui à l’époque en était le directeur-adjoint, nous avons publié un numéro spécial de la revue « Atlantiques », sous le titre « Jazz et Littérature ». J’avais dirigé cette publication, qui regroupait des textes (entre autres) de Francis Marmande, Yannick Seité, Jean-Pierre Moussaron, Alexandre Pierrepont, Philippe Fréchet. Ce dernier avait dirigé dans le même temps, et dans le même mouvement, un numéro spécial de la revue « Europe » sur le même sujet. Numéros épuisés, mais présents dans de nombreuses bibliothèques publiques. Voilà pour le passé.
Le présent, c’est d’abord la sortie publique après résidence du trio « Raison Basse », constitué de Didier Lasserre (dm), Benjamin Duboc (b) et Ly Thanh Tiên (danse, poésie, bugle). Cela s’est passé le jeudi 3 avril à 18.30, au « Molière Scène d’Aquitaine », salle de diffusion des spectacles ébauchés sous l’impulsion de l’OARA. Dans le noir absolu, nous avons d’abord pris quatre projecteurs en pleine figure, avant qu’un chien (une chienne en fait) ne vienne aboyer avec insistance en bord de scène. Reparti vers les coulisses sous la commande de son maître (Ly Thanh Tiên), l’animal s’est tenu ensuite fort sage, avant de faire l’admiration générale au moment du verre de l’amitié, lequel constitue toujours un moment fort de ces sorties publiques. On est à Bordeaux, faut-il le rappeler.
Après cette mise en place assez policière, les trois « instrumentistes » ont proposé un parcours gestuel et musical de belle intention, sur un registre qui ne laissait guère de place à la douceur angevine : vêtu d’un treillis, le danseur et écrivain s’est adressé au public en diverses langues, prenant quelques risques corporels comme c’est son habitude, à mon sens plus « cadré » que souvent, en tous cas très convaincant. Didier Lasserre et Benjamin Duboc ont assuré commentaires et échos avec l’art qui est le leur, fait d’alternances de sons distillés ou assénés pour l’un, et de profondes émergences pour l’autre. A l’origine, ce projet de résidence (que j’ai soutenu au titre de Conseiller délégué pour le jazz et les musiques improvisées auprès de l’OARA) avait été proposé par Didier Lasserre à Jacques Coursil, mais la chose n’a pas pu se faire. Peut-être une autre fois.
Benjamin Duboc, Ly Thanh Tiên, Didier Lasserre
« L’Escale du livre », c’est dans le quartier Ste Croix à Bordeaux, non loin du TNBA, du Conservatoire, de l’église Ste Croix et de son orgue Dom Bedos restauré de frais. Un joli point de fixation sur trois jours, avec des « avant » et des « afters », et puis des concerts associés. Car le livre ne va pas sans la lecture, qui peut aller avec le gueuloir, et donc avec la musique. Comme depuis quelques jours et pour quelques jours encore la bibliothèque municipale accueille une exposition des éditions « Hors Oeil », avec rencontres, projections et concerts (voir plus bas), tout est en place pour croisements, convergences et recoupements. D’un pas décidé, nous allons d’abord boire un verre au café du théâtre, où se produit Elodie Alice en trio, avec Dave Blenkhorn (g) et Franck Richard (b). J’ai déjà rendu compte ici même d’un concert de cette chanteuse, et j’étais curieux de l’entendre dans un autre contexte, et avec un guitariste qui joue depuis plusieurs années à Bordeaux et que je n’avais jamais écouté en direct. Assistance sage (comme le fait remarquer à deux reprises la chanteuse), assistance sous le charme en fait, à l’écoute de ce répertoire de standards aimés, distillés avec classe, sans fioritures. C’est droit, franc du collier (ça c’est le chien qui revient), les solos de Dave Blenkhorn sont construits avec intelligence, Franck Richard assure un accompagnement parfait. Plusieurs personnes tiennent à faire savoir qu’ils sont ravis de cette « découverte », et l’un d’aux quitte le café en adressant ce compliment : « bravo, vous chantez très bien, et en plus vous êtes très belle« . Et v’lan. Elodie ne bronche pas. La classe je vous dis.
« Le rouge et le blanc », « Jazz Magazine »
« Escale du livre »
Elodie Alice (voix) et les chefs indiens
(Cherokee ?)
On fait trente mètres, et l’église Ste Croix abrite donc cet orgue fantastique, qui émigra un temps en la cathédrale à Pey-Berland, avant de revenir dans son lieu d’origine. Ce soir, c’est Jean-Luc Guionnet qui officie, et nous devons à Adrien Chiquet (conseiller musique à l’ONDA) de nous avoir signalé ce concert. Et mieux que signalé : il nous a dit qu’il n’était pas question de rater ça. L’improvisation à l’orgue est la chose du monde la mieux partagée. Et dans le cas d’espèce, elle est surprenante, d’une grande rigueur, et elle permet de « toucher » des dimensions de l’instrument qui restent la plupart du temps cachées, ou brouillées, ou confondues. Procédant par longues notes tenues, dans l’extrême registre grave ou dans l’extrême opposé dans l’aigu, opposant à ces longueurs des « expulsions » très brèves, sortes d’éructations quasi animales qui viennent comme des explosions, Jean-Luc Guionnet se refuse à tout motif, même minimal, et propose donc une exploration du corps de l’orgue comme mimétique du corps du monde, dans la plus pure tradition des maîtres de l’instrument, dont le fantasme de totalité est bien connu. Un bestiaire, une déclinaison des bruits du corps, un parcours dans l’espace, rien qui soit narratif, et pourtant quelle concrétude !!!
Philippe Méziat
A venir dans le cadre de la manifestation « Hors Oeil Editions » : samedi 12 avril à 17.00, projection du film « Siegfried Kessler, a love secret » (Bibliothèque). Samedi 26 avril à 17.00, projection du film »Raymond Boni – Les mains bleues » (Bibliothèque). Même jour, au « Garage Moderne » à 20.30, concert de Raymond Boni (g, hca) et Daunik Lazro (bs).
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En 1997, si je me souviens bien, et avec le soutien plus que bienveillant d’Eric des Garets, alors directeur du Centre Régional des Lettres (Aquitaine), et l’aide efficace et professionnelle de Claude Chambard, qui à l’époque en était le directeur-adjoint, nous avons publié un numéro spécial de la revue « Atlantiques », sous le titre « Jazz et Littérature ». J’avais dirigé cette publication, qui regroupait des textes (entre autres) de Francis Marmande, Yannick Seité, Jean-Pierre Moussaron, Alexandre Pierrepont, Philippe Fréchet. Ce dernier avait dirigé dans le même temps, et dans le même mouvement, un numéro spécial de la revue « Europe » sur le même sujet. Numéros épuisés, mais présents dans de nombreuses bibliothèques publiques. Voilà pour le passé.
Le présent, c’est d’abord la sortie publique après résidence du trio « Raison Basse », constitué de Didier Lasserre (dm), Benjamin Duboc (b) et Ly Thanh Tiên (danse, poésie, bugle). Cela s’est passé le jeudi 3 avril à 18.30, au « Molière Scène d’Aquitaine », salle de diffusion des spectacles ébauchés sous l’impulsion de l’OARA. Dans le noir absolu, nous avons d’abord pris quatre projecteurs en pleine figure, avant qu’un chien (une chienne en fait) ne vienne aboyer avec insistance en bord de scène. Reparti vers les coulisses sous la commande de son maître (Ly Thanh Tiên), l’animal s’est tenu ensuite fort sage, avant de faire l’admiration générale au moment du verre de l’amitié, lequel constitue toujours un moment fort de ces sorties publiques. On est à Bordeaux, faut-il le rappeler.
Après cette mise en place assez policière, les trois « instrumentistes » ont proposé un parcours gestuel et musical de belle intention, sur un registre qui ne laissait guère de place à la douceur angevine : vêtu d’un treillis, le danseur et écrivain s’est adressé au public en diverses langues, prenant quelques risques corporels comme c’est son habitude, à mon sens plus « cadré » que souvent, en tous cas très convaincant. Didier Lasserre et Benjamin Duboc ont assuré commentaires et échos avec l’art qui est le leur, fait d’alternances de sons distillés ou assénés pour l’un, et de profondes émergences pour l’autre. A l’origine, ce projet de résidence (que j’ai soutenu au titre de Conseiller délégué pour le jazz et les musiques improvisées auprès de l’OARA) avait été proposé par Didier Lasserre à Jacques Coursil, mais la chose n’a pas pu se faire. Peut-être une autre fois.
Benjamin Duboc, Ly Thanh Tiên, Didier Lasserre
« L’Escale du livre », c’est dans le quartier Ste Croix à Bordeaux, non loin du TNBA, du Conservatoire, de l’église Ste Croix et de son orgue Dom Bedos restauré de frais. Un joli point de fixation sur trois jours, avec des « avant » et des « afters », et puis des concerts associés. Car le livre ne va pas sans la lecture, qui peut aller avec le gueuloir, et donc avec la musique. Comme depuis quelques jours et pour quelques jours encore la bibliothèque municipale accueille une exposition des éditions « Hors Oeil », avec rencontres, projections et concerts (voir plus bas), tout est en place pour croisements, convergences et recoupements. D’un pas décidé, nous allons d’abord boire un verre au café du théâtre, où se produit Elodie Alice en trio, avec Dave Blenkhorn (g) et Franck Richard (b). J’ai déjà rendu compte ici même d’un concert de cette chanteuse, et j’étais curieux de l’entendre dans un autre contexte, et avec un guitariste qui joue depuis plusieurs années à Bordeaux et que je n’avais jamais écouté en direct. Assistance sage (comme le fait remarquer à deux reprises la chanteuse), assistance sous le charme en fait, à l’écoute de ce répertoire de standards aimés, distillés avec classe, sans fioritures. C’est droit, franc du collier (ça c’est le chien qui revient), les solos de Dave Blenkhorn sont construits avec intelligence, Franck Richard assure un accompagnement parfait. Plusieurs personnes tiennent à faire savoir qu’ils sont ravis de cette « découverte », et l’un d’aux quitte le café en adressant ce compliment : « bravo, vous chantez très bien, et en plus vous êtes très belle« . Et v’lan. Elodie ne bronche pas. La classe je vous dis.
« Le rouge et le blanc », « Jazz Magazine »
« Escale du livre »
Elodie Alice (voix) et les chefs indiens
(Cherokee ?)
On fait trente mètres, et l’église Ste Croix abrite donc cet orgue fantastique, qui émigra un temps en la cathédrale à Pey-Berland, avant de revenir dans son lieu d’origine. Ce soir, c’est Jean-Luc Guionnet qui officie, et nous devons à Adrien Chiquet (conseiller musique à l’ONDA) de nous avoir signalé ce concert. Et mieux que signalé : il nous a dit qu’il n’était pas question de rater ça. L’improvisation à l’orgue est la chose du monde la mieux partagée. Et dans le cas d’espèce, elle est surprenante, d’une grande rigueur, et elle permet de « toucher » des dimensions de l’instrument qui restent la plupart du temps cachées, ou brouillées, ou confondues. Procédant par longues notes tenues, dans l’extrême registre grave ou dans l’extrême opposé dans l’aigu, opposant à ces longueurs des « expulsions » très brèves, sortes d’éructations quasi animales qui viennent comme des explosions, Jean-Luc Guionnet se refuse à tout motif, même minimal, et propose donc une exploration du corps de l’orgue comme mimétique du corps du monde, dans la plus pure tradition des maîtres de l’instrument, dont le fantasme de totalité est bien connu. Un bestiaire, une déclinaison des bruits du corps, un parcours dans l’espace, rien qui soit narratif, et pourtant quelle concrétude !!!
Philippe Méziat
A venir dans le cadre de la manifestation « Hors Oeil Editions » : samedi 12 avril à 17.00, projection du film « Siegfried Kessler, a love secret » (Bibliothèque). Samedi 26 avril à 17.00, projection du film »Raymond Boni – Les mains bleues » (Bibliothèque). Même jour, au « Garage Moderne » à 20.30, concert de Raymond Boni (g, hca) et Daunik Lazro (bs).