Jazz live
Publié le 9 Mai 2014

Sylvain Beuf 4tet : de l’éclecticité dans l’air

Sylvain Beuf n’est pas du genre à mener sa carrière tambour battant (encore que la liste de ceux qui l’ont accompagné derrière toms et cymbales a du poids dans les baguettes). Son dernier opus, “Electric Eclectic”, est une étape de plus dans une longue marche entamée il y a déjà plus d’un quart de siècle et qui n’a d’autre but que de s’accomplir. Sa prestation un soir de célébration de victoire nous a permis d’entrevoir, musicalement parlant, le prochain paysage.

 

 Sylvain Beuf « Electric Excentric »

Jeudi 8 mai 2014, le Sunset, Paris.

Sylvain Beuf (ts), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (elb), Julien Charlet (dm).

Dommage tout de même que ce 8 mai soit tombé un jeudi : le Sunset n’était guère qu’à moitié rempli ; l’autre moitié a eu tort. Parce que Sylvain, c’est l’énergie alliée à un don de soi plus que généreux (pour ce qui est de “mouiller le maillot”, au propre comme au figuré, il pourrait servir d’exemple). C’est également un souci essentiel de la beauté et une capacité lyrique dont ses enregistrements ne nous donnent qu’une écoute forcément limitée. Mais là, sur scène, et avec les partenaires sus-mentionnés, ça déménage, ça déborde ! D’autant que Julien Charlet (un nom prédestiné!) nous avoua que la fin d’après-midi avait été consacrée à une mise en place, sous exigence tendue, de morceaux destinés au prochain album et joués pour la première fois en public. D’emblée le quartette donna une idée de sa raison d’être : une dynamique où l’électricité instrumentale de la guitare et de la basse ne sont pas si importantes que l’électricité qui circule entre ses membres. Jazz Gigue est le titre de ce morceau inaugural. Mais avec Sylvain Beuf, dont le travail d’écriture (notamment pour big band) le passionne tout autant que l’expression saxophonistique, on peut dire que le jazz gicle d’une gaine qui, sans lui être fondamentalement étrangère, ne lui est pas nécessairement apparentée : musique irlandaise, pulsation brésilienne nordestine, voire thème original si mélodieux, si chantant qu’il n’y manque plus que des paroles (le regretté Nougaro n’aurait pu qu’être inspiré par la tension chaloupée de Mon Ange – un titre fait pour lui –, qu’on entendra jumelé avec une autre composition, Enigmatic, dans le prochain album de Sylvain avec cette formation, enregistrement prévu en septembre prochain). Même s’il joue fréquemment du soprano, même s’il a décidé d’accrocher l’alto à son champ d’action, c’est exclusivement au ténor qu’il s’est produit au Sunset, et pour beaucoup il est une “référence” sur cet instrument (le sien porte d’ailleurs ce nom) : velouté et équilibre du son, lignes mélodique qui ne dédaignent pas de se développer en parallèle, en écho, selon des voies différentes, phrases où viennent s’intercaler des montées fulgurantes, on sait que le vocabulaire musical de Sylvain Beuf est à la fois riche, varié et musclé, où la violence est notablement absente, ce qui n’exclut pas le recours aux extrêmes auquel Sylvain a le goût et l’art de nous préparer. Le choix de Manu Codjia, Philippe Bussonnet et Julien Charlet est au diapason. Dire qu’ils sont tous virtuoses c’est à peu près ne rien dire mais situe tout de même le niveau. Avec ses lignes pour le coup vraiment électriques, son refus de la facilité (des phrases identiques à un demi-ton ou un ton d’intervalle, comme chez de nombreux adeptes de Pat Metheny), son soutien permanent au soliste, tant harmonique que rythmique, ses duos ultra rapides à l’unisson avec lui, sa sérénité malgré tous les obstacles, Manu Codjia tire ses partenaires vers le haut, vers le tendu, vers l’inouï et il y a dans son jeu, pour l’auditeur, une réelle capacité de fascination, voire d’envoûtement. Ceci dit sans me référer plus qu’il ne faut à ses origines béninoises ou à sa connaissance du vaudou. Origines qui ne sauraient être celles de Philippe Bussonnet, auquel mon oreille n’a pas suffisamment prêté attention, irrévocablement attirée par le saxophone du leader. Il n’empêche que celui-ci peut compter sur le dynamisme peu ordinaire de son bassiste, il lui a offert une longue et double belle part dans un Xmas Song où la gravité le disputait à l’effervescence. J’ai conscience de disloquer, dans ce compte rendu, un quartet dont la cohésion et la cohérence sont telles que la perception de sa musique est aussi globale que l’aventure est collective. Mais comment ne pas individualiser ses tenants, comment ne pas mentionner le drumming de Julien Charlet, acéré, complexe, foisonnant et particulièrement pertinent dans ce contexte « électric… éclectic » ? Si Sylvain Beuf a pu reposer (ô, jamais longtemps !) son Selmer sur son stand, si Manu Codjia a pu s’interrompe (ô, presque furtivement !), c’est parce qu’ils avaient derrière eux un tandem qui n’a pas cessé une seconde de les propulser.

Chaque fois qu’il finit un solo, chaque fois que les applaudissements saluent un morceau, Sylvain Beuf ne peut réprimer un sourire dont on ne sait pas s’il est de satisfaction ou d’étonnement. Comme s’il était surpris par ce qui vient d’être joué. Un sourire de plaisir qui infléchira fatalement vos lèvres quand vous irez écouter ce quartette en ique comme magnifique. FRS

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Sylvain Beuf n’est pas du genre à mener sa carrière tambour battant (encore que la liste de ceux qui l’ont accompagné derrière toms et cymbales a du poids dans les baguettes). Son dernier opus, “Electric Eclectic”, est une étape de plus dans une longue marche entamée il y a déjà plus d’un quart de siècle et qui n’a d’autre but que de s’accomplir. Sa prestation un soir de célébration de victoire nous a permis d’entrevoir, musicalement parlant, le prochain paysage.

 

 Sylvain Beuf « Electric Excentric »

Jeudi 8 mai 2014, le Sunset, Paris.

Sylvain Beuf (ts), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (elb), Julien Charlet (dm).

Dommage tout de même que ce 8 mai soit tombé un jeudi : le Sunset n’était guère qu’à moitié rempli ; l’autre moitié a eu tort. Parce que Sylvain, c’est l’énergie alliée à un don de soi plus que généreux (pour ce qui est de “mouiller le maillot”, au propre comme au figuré, il pourrait servir d’exemple). C’est également un souci essentiel de la beauté et une capacité lyrique dont ses enregistrements ne nous donnent qu’une écoute forcément limitée. Mais là, sur scène, et avec les partenaires sus-mentionnés, ça déménage, ça déborde ! D’autant que Julien Charlet (un nom prédestiné!) nous avoua que la fin d’après-midi avait été consacrée à une mise en place, sous exigence tendue, de morceaux destinés au prochain album et joués pour la première fois en public. D’emblée le quartette donna une idée de sa raison d’être : une dynamique où l’électricité instrumentale de la guitare et de la basse ne sont pas si importantes que l’électricité qui circule entre ses membres. Jazz Gigue est le titre de ce morceau inaugural. Mais avec Sylvain Beuf, dont le travail d’écriture (notamment pour big band) le passionne tout autant que l’expression saxophonistique, on peut dire que le jazz gicle d’une gaine qui, sans lui être fondamentalement étrangère, ne lui est pas nécessairement apparentée : musique irlandaise, pulsation brésilienne nordestine, voire thème original si mélodieux, si chantant qu’il n’y manque plus que des paroles (le regretté Nougaro n’aurait pu qu’être inspiré par la tension chaloupée de Mon Ange – un titre fait pour lui –, qu’on entendra jumelé avec une autre composition, Enigmatic, dans le prochain album de Sylvain avec cette formation, enregistrement prévu en septembre prochain). Même s’il joue fréquemment du soprano, même s’il a décidé d’accrocher l’alto à son champ d’action, c’est exclusivement au ténor qu’il s’est produit au Sunset, et pour beaucoup il est une “référence” sur cet instrument (le sien porte d’ailleurs ce nom) : velouté et équilibre du son, lignes mélodique qui ne dédaignent pas de se développer en parallèle, en écho, selon des voies différentes, phrases où viennent s’intercaler des montées fulgurantes, on sait que le vocabulaire musical de Sylvain Beuf est à la fois riche, varié et musclé, où la violence est notablement absente, ce qui n’exclut pas le recours aux extrêmes auquel Sylvain a le goût et l’art de nous préparer. Le choix de Manu Codjia, Philippe Bussonnet et Julien Charlet est au diapason. Dire qu’ils sont tous virtuoses c’est à peu près ne rien dire mais situe tout de même le niveau. Avec ses lignes pour le coup vraiment électriques, son refus de la facilité (des phrases identiques à un demi-ton ou un ton d’intervalle, comme chez de nombreux adeptes de Pat Metheny), son soutien permanent au soliste, tant harmonique que rythmique, ses duos ultra rapides à l’unisson avec lui, sa sérénité malgré tous les obstacles, Manu Codjia tire ses partenaires vers le haut, vers le tendu, vers l’inouï et il y a dans son jeu, pour l’auditeur, une réelle capacité de fascination, voire d’envoûtement. Ceci dit sans me référer plus qu’il ne faut à ses origines béninoises ou à sa connaissance du vaudou. Origines qui ne sauraient être celles de Philippe Bussonnet, auquel mon oreille n’a pas suffisamment prêté attention, irrévocablement attirée par le saxophone du leader. Il n’empêche que celui-ci peut compter sur le dynamisme peu ordinaire de son bassiste, il lui a offert une longue et double belle part dans un Xmas Song où la gravité le disputait à l’effervescence. J’ai conscience de disloquer, dans ce compte rendu, un quartet dont la cohésion et la cohérence sont telles que la perception de sa musique est aussi globale que l’aventure est collective. Mais comment ne pas individualiser ses tenants, comment ne pas mentionner le drumming de Julien Charlet, acéré, complexe, foisonnant et particulièrement pertinent dans ce contexte « électric… éclectic » ? Si Sylvain Beuf a pu reposer (ô, jamais longtemps !) son Selmer sur son stand, si Manu Codjia a pu s’interrompe (ô, presque furtivement !), c’est parce qu’ils avaient derrière eux un tandem qui n’a pas cessé une seconde de les propulser.

Chaque fois qu’il finit un solo, chaque fois que les applaudissements saluent un morceau, Sylvain Beuf ne peut réprimer un sourire dont on ne sait pas s’il est de satisfaction ou d’étonnement. Comme s’il était surpris par ce qui vient d’être joué. Un sourire de plaisir qui infléchira fatalement vos lèvres quand vous irez écouter ce quartette en ique comme magnifique. FRS

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Sylvain Beuf n’est pas du genre à mener sa carrière tambour battant (encore que la liste de ceux qui l’ont accompagné derrière toms et cymbales a du poids dans les baguettes). Son dernier opus, “Electric Eclectic”, est une étape de plus dans une longue marche entamée il y a déjà plus d’un quart de siècle et qui n’a d’autre but que de s’accomplir. Sa prestation un soir de célébration de victoire nous a permis d’entrevoir, musicalement parlant, le prochain paysage.

 

 Sylvain Beuf « Electric Excentric »

Jeudi 8 mai 2014, le Sunset, Paris.

Sylvain Beuf (ts), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (elb), Julien Charlet (dm).

Dommage tout de même que ce 8 mai soit tombé un jeudi : le Sunset n’était guère qu’à moitié rempli ; l’autre moitié a eu tort. Parce que Sylvain, c’est l’énergie alliée à un don de soi plus que généreux (pour ce qui est de “mouiller le maillot”, au propre comme au figuré, il pourrait servir d’exemple). C’est également un souci essentiel de la beauté et une capacité lyrique dont ses enregistrements ne nous donnent qu’une écoute forcément limitée. Mais là, sur scène, et avec les partenaires sus-mentionnés, ça déménage, ça déborde ! D’autant que Julien Charlet (un nom prédestiné!) nous avoua que la fin d’après-midi avait été consacrée à une mise en place, sous exigence tendue, de morceaux destinés au prochain album et joués pour la première fois en public. D’emblée le quartette donna une idée de sa raison d’être : une dynamique où l’électricité instrumentale de la guitare et de la basse ne sont pas si importantes que l’électricité qui circule entre ses membres. Jazz Gigue est le titre de ce morceau inaugural. Mais avec Sylvain Beuf, dont le travail d’écriture (notamment pour big band) le passionne tout autant que l’expression saxophonistique, on peut dire que le jazz gicle d’une gaine qui, sans lui être fondamentalement étrangère, ne lui est pas nécessairement apparentée : musique irlandaise, pulsation brésilienne nordestine, voire thème original si mélodieux, si chantant qu’il n’y manque plus que des paroles (le regretté Nougaro n’aurait pu qu’être inspiré par la tension chaloupée de Mon Ange – un titre fait pour lui –, qu’on entendra jumelé avec une autre composition, Enigmatic, dans le prochain album de Sylvain avec cette formation, enregistrement prévu en septembre prochain). Même s’il joue fréquemment du soprano, même s’il a décidé d’accrocher l’alto à son champ d’action, c’est exclusivement au ténor qu’il s’est produit au Sunset, et pour beaucoup il est une “référence” sur cet instrument (le sien porte d’ailleurs ce nom) : velouté et équilibre du son, lignes mélodique qui ne dédaignent pas de se développer en parallèle, en écho, selon des voies différentes, phrases où viennent s’intercaler des montées fulgurantes, on sait que le vocabulaire musical de Sylvain Beuf est à la fois riche, varié et musclé, où la violence est notablement absente, ce qui n’exclut pas le recours aux extrêmes auquel Sylvain a le goût et l’art de nous préparer. Le choix de Manu Codjia, Philippe Bussonnet et Julien Charlet est au diapason. Dire qu’ils sont tous virtuoses c’est à peu près ne rien dire mais situe tout de même le niveau. Avec ses lignes pour le coup vraiment électriques, son refus de la facilité (des phrases identiques à un demi-ton ou un ton d’intervalle, comme chez de nombreux adeptes de Pat Metheny), son soutien permanent au soliste, tant harmonique que rythmique, ses duos ultra rapides à l’unisson avec lui, sa sérénité malgré tous les obstacles, Manu Codjia tire ses partenaires vers le haut, vers le tendu, vers l’inouï et il y a dans son jeu, pour l’auditeur, une réelle capacité de fascination, voire d’envoûtement. Ceci dit sans me référer plus qu’il ne faut à ses origines béninoises ou à sa connaissance du vaudou. Origines qui ne sauraient être celles de Philippe Bussonnet, auquel mon oreille n’a pas suffisamment prêté attention, irrévocablement attirée par le saxophone du leader. Il n’empêche que celui-ci peut compter sur le dynamisme peu ordinaire de son bassiste, il lui a offert une longue et double belle part dans un Xmas Song où la gravité le disputait à l’effervescence. J’ai conscience de disloquer, dans ce compte rendu, un quartet dont la cohésion et la cohérence sont telles que la perception de sa musique est aussi globale que l’aventure est collective. Mais comment ne pas individualiser ses tenants, comment ne pas mentionner le drumming de Julien Charlet, acéré, complexe, foisonnant et particulièrement pertinent dans ce contexte « électric… éclectic » ? Si Sylvain Beuf a pu reposer (ô, jamais longtemps !) son Selmer sur son stand, si Manu Codjia a pu s’interrompe (ô, presque furtivement !), c’est parce qu’ils avaient derrière eux un tandem qui n’a pas cessé une seconde de les propulser.

Chaque fois qu’il finit un solo, chaque fois que les applaudissements saluent un morceau, Sylvain Beuf ne peut réprimer un sourire dont on ne sait pas s’il est de satisfaction ou d’étonnement. Comme s’il était surpris par ce qui vient d’être joué. Un sourire de plaisir qui infléchira fatalement vos lèvres quand vous irez écouter ce quartette en ique comme magnifique. FRS

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Sylvain Beuf n’est pas du genre à mener sa carrière tambour battant (encore que la liste de ceux qui l’ont accompagné derrière toms et cymbales a du poids dans les baguettes). Son dernier opus, “Electric Eclectic”, est une étape de plus dans une longue marche entamée il y a déjà plus d’un quart de siècle et qui n’a d’autre but que de s’accomplir. Sa prestation un soir de célébration de victoire nous a permis d’entrevoir, musicalement parlant, le prochain paysage.

 

 Sylvain Beuf « Electric Excentric »

Jeudi 8 mai 2014, le Sunset, Paris.

Sylvain Beuf (ts), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (elb), Julien Charlet (dm).

Dommage tout de même que ce 8 mai soit tombé un jeudi : le Sunset n’était guère qu’à moitié rempli ; l’autre moitié a eu tort. Parce que Sylvain, c’est l’énergie alliée à un don de soi plus que généreux (pour ce qui est de “mouiller le maillot”, au propre comme au figuré, il pourrait servir d’exemple). C’est également un souci essentiel de la beauté et une capacité lyrique dont ses enregistrements ne nous donnent qu’une écoute forcément limitée. Mais là, sur scène, et avec les partenaires sus-mentionnés, ça déménage, ça déborde ! D’autant que Julien Charlet (un nom prédestiné!) nous avoua que la fin d’après-midi avait été consacrée à une mise en place, sous exigence tendue, de morceaux destinés au prochain album et joués pour la première fois en public. D’emblée le quartette donna une idée de sa raison d’être : une dynamique où l’électricité instrumentale de la guitare et de la basse ne sont pas si importantes que l’électricité qui circule entre ses membres. Jazz Gigue est le titre de ce morceau inaugural. Mais avec Sylvain Beuf, dont le travail d’écriture (notamment pour big band) le passionne tout autant que l’expression saxophonistique, on peut dire que le jazz gicle d’une gaine qui, sans lui être fondamentalement étrangère, ne lui est pas nécessairement apparentée : musique irlandaise, pulsation brésilienne nordestine, voire thème original si mélodieux, si chantant qu’il n’y manque plus que des paroles (le regretté Nougaro n’aurait pu qu’être inspiré par la tension chaloupée de Mon Ange – un titre fait pour lui –, qu’on entendra jumelé avec une autre composition, Enigmatic, dans le prochain album de Sylvain avec cette formation, enregistrement prévu en septembre prochain). Même s’il joue fréquemment du soprano, même s’il a décidé d’accrocher l’alto à son champ d’action, c’est exclusivement au ténor qu’il s’est produit au Sunset, et pour beaucoup il est une “référence” sur cet instrument (le sien porte d’ailleurs ce nom) : velouté et équilibre du son, lignes mélodique qui ne dédaignent pas de se développer en parallèle, en écho, selon des voies différentes, phrases où viennent s’intercaler des montées fulgurantes, on sait que le vocabulaire musical de Sylvain Beuf est à la fois riche, varié et musclé, où la violence est notablement absente, ce qui n’exclut pas le recours aux extrêmes auquel Sylvain a le goût et l’art de nous préparer. Le choix de Manu Codjia, Philippe Bussonnet et Julien Charlet est au diapason. Dire qu’ils sont tous virtuoses c’est à peu près ne rien dire mais situe tout de même le niveau. Avec ses lignes pour le coup vraiment électriques, son refus de la facilité (des phrases identiques à un demi-ton ou un ton d’intervalle, comme chez de nombreux adeptes de Pat Metheny), son soutien permanent au soliste, tant harmonique que rythmique, ses duos ultra rapides à l’unisson avec lui, sa sérénité malgré tous les obstacles, Manu Codjia tire ses partenaires vers le haut, vers le tendu, vers l’inouï et il y a dans son jeu, pour l’auditeur, une réelle capacité de fascination, voire d’envoûtement. Ceci dit sans me référer plus qu’il ne faut à ses origines béninoises ou à sa connaissance du vaudou. Origines qui ne sauraient être celles de Philippe Bussonnet, auquel mon oreille n’a pas suffisamment prêté attention, irrévocablement attirée par le saxophone du leader. Il n’empêche que celui-ci peut compter sur le dynamisme peu ordinaire de son bassiste, il lui a offert une longue et double belle part dans un Xmas Song où la gravité le disputait à l’effervescence. J’ai conscience de disloquer, dans ce compte rendu, un quartet dont la cohésion et la cohérence sont telles que la perception de sa musique est aussi globale que l’aventure est collective. Mais comment ne pas individualiser ses tenants, comment ne pas mentionner le drumming de Julien Charlet, acéré, complexe, foisonnant et particulièrement pertinent dans ce contexte « électric… éclectic » ? Si Sylvain Beuf a pu reposer (ô, jamais longtemps !) son Selmer sur son stand, si Manu Codjia a pu s’interrompe (ô, presque furtivement !), c’est parce qu’ils avaient derrière eux un tandem qui n’a pas cessé une seconde de les propulser.

Chaque fois qu’il finit un solo, chaque fois que les applaudissements saluent un morceau, Sylvain Beuf ne peut réprimer un sourire dont on ne sait pas s’il est de satisfaction ou d’étonnement. Comme s’il était surpris par ce qui vient d’être joué. Un sourire de plaisir qui infléchira fatalement vos lèvres quand vous irez écouter ce quartette en ique comme magnifique. FRS