Fermeture du centre d'information du jazz: rien ne va plus
Pourquoi, dans un pays qui fait tant pour former des jazzmen d’excellents niveaux, un tel désintérêt des médias, des institutions, des professionnels de la culture et du spectacle vient leur barrer la route à la sortie de l’école ? Après avoir fini dans le broyeur de documents au départ de son commanditaire, l’ex-Ministre de la Culture Frédéric Mitterand, ou simplement fini dans la corbeille à papier de son successeur Aurélie Filipetti, il n’aura trouvé qu’une réponse : la fermeture cautionnée par cette dernière du Centre d’Information du jazz.
Balayons une objection que mon préambule ne manquera pas de susciter : le jazz ne s’apprend pas à l’école… Lisez la biographie de John Coltrane, de Wayne Shorter, de Michael Brecker et des milliers d’autres et on en reparlera.
Et parlons sérieusement.
Qu’était le CIJ, Centre d’information du jazz ? Créé en 1984, c’était un centre d’accueil destiné à conseiller et orienter amateurs et professionnels, musiciens et acteurs de la vie du jazz, créé en 1984. Notre numéro de juillet détaillera les actions de son animateur, Pascal Anquetil, mais le monde du jazz connaissait le prix de son travail et faisait le succès de l’annuaire Jazz France qu’il mettait périodiquement à jour.
Au moment, où l’on claque la porte du CIJ au nez des jeunes jazzmen, je découvre la lettre adressée au Ministre du travail, avec la Ministre de la Culture en copie (détail intéressant), par L’Affut, association les élèves regroupant les élèves de 11 écoles nationales française de théâtre.
Dans cette lettre, l’Affut s’interroge « sur l’écart paradoxal entre l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur artistique et la précarisation progressive que représentent notamment la baisse des budgets alloués à la culture et le dernier accord de l’Unedic. »
Les élèves dont le nombre et le niveau augmentent d’année en année dans des écoles de jazz françaises de plus en plus performantes pourraient pareillement interpeler le Ministre en l’interrogeant sur pareil écart dans leur domaine, mais aussi s’interroger sur un autre écart, avec le peu de place accordé au jazz dans le réseau des scènes culturelles qui perdent toute audace de programmation dès qu’il s’agit de musique instrumentale, dans les médias audiovisuels publics qui tendent de plus en plus, sous la pression de l’audimat, à se comporter comme des chaînes privées.
Franck Bergerot
Ps qui a un peu à voir : du 28 avril au 2 mai, l’émission culturelle de France Culture, La Dispute s’était déplacée à New York. La Dispute, c’est une quotidienne du soir invitant des critiques au débat, chaque soir sur un art différent, le jeudi étant consacré à la musique. Il y s’agit rarement de musique instrumentale et quand c’est le cas, c’est du classique, rarement du contemporain, ou alors les très officiels Boulez et Dusapin… Le reste du temps, on y parle de livret et de mise en scène d’opéra, de paroles de chansons et de caprices de star, le moins possible de musique, sauf à faire un peu de tourisme tropical. Pour se dédouaner ou pour honorer un partenariat, il arrive que l’on interroge un jazzman, ou un compositeur contemporain, mais on évite de faire entendre sa musique, la musique instrumentale sur France Culture étant confiné au jingle (l’indicatif de La Fabrique de l’Histoire le matin par la Campagnie des musiques à Ouïr, celui d’A Voix Nue le soir par Dave Holland).
Le 1er mai, donc, La Dispute musicale eut lieu à New York. Morgan Greenstreet, critique à Afropop, Paul Miller (DJ Spooky) pour son travail de critique à Origines, Siddartha Mitter du Boston Globe, Elodie Maillot de France Culture installée à Washington, tous parlant admirablement français. Et lorsque l’animateur, Arnaud Laporte, annonce le disque apporté par Siddartha Mitter, je manque de tomber de mon tabouret, pas seulement parce qu’il fait mention de sa présence à la une de Jazz Magazine et Downbeat, mais parce qu’il s’agit d’Ambrose Akinmusire. Et à part une lamentable dispute sur Mélodie Gardot et Esperanza Spalding (cette dernière retenue non parce qu’elle est contrebassiste, mais parce qu’elle est chanteuse), je crois que c’est la première fois que l’on dispute d’un jazzman sur France Culture. Evidemment, ça n’a pas manqué, on a passé l’un des trois morceaux chantés (j’ai déjà entendu ça vingt fois sur France Culture avec Erik Truffaz : on lance un morceau avec Sophie Hunger et lorsqu’elle cesse de chanter et que l’on entend enfin la trompette, on shunte… Il y aurait donc un véritable interdit sur le jazz à France Culture), mais on a écouté du jazz et il y avait quelqu’un au micro pour dire, partant de l’exemple d’Akinmusire, que LE JAZZ SE PORTE BIEN… Paul Miller, qui connaît bien la scène du jazz, renchérit à sa manière.
Commentaire de Morgan Greenstreet. Et là, je retombe de mon tabouret : ce critique contemporain trouve les harmonies d’Akinmusire trop modernes… invité sur France Culture, après avoir prêché le métissage, martelé en début d’émission le vocabulaire de l’ouverture musicale. Heureusement Miller et Mitter sont là pour remettre quelques pendules à l’heure et resituer les vrais enjeux du métissage musicale en 2014. Mais Morgan Greenstreet ne dit-il pas tout haut ce que pense tout bas les censeurs de France Culture et d’un monde culturel où la musique semble ne devoir être qu’un divertissement fun après les disciplines sérieuses que sont les arts platiques, le cinéma, le théâtre et la danse. Censeur, non pas seulement du jazz, mais de toute abstraction instrumentale et de toute musique non formatée. On appelle ça l’ouverture et c’est à c’est réalité là que l’on prépare chaque année des centaines de jeunes instrumentistes!
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Pourquoi, dans un pays qui fait tant pour former des jazzmen d’excellents niveaux, un tel désintérêt des médias, des institutions, des professionnels de la culture et du spectacle vient leur barrer la route à la sortie de l’école ? Après avoir fini dans le broyeur de documents au départ de son commanditaire, l’ex-Ministre de la Culture Frédéric Mitterand, ou simplement fini dans la corbeille à papier de son successeur Aurélie Filipetti, il n’aura trouvé qu’une réponse : la fermeture cautionnée par cette dernière du Centre d’Information du jazz.
Balayons une objection que mon préambule ne manquera pas de susciter : le jazz ne s’apprend pas à l’école… Lisez la biographie de John Coltrane, de Wayne Shorter, de Michael Brecker et des milliers d’autres et on en reparlera.
Et parlons sérieusement.
Qu’était le CIJ, Centre d’information du jazz ? Créé en 1984, c’était un centre d’accueil destiné à conseiller et orienter amateurs et professionnels, musiciens et acteurs de la vie du jazz, créé en 1984. Notre numéro de juillet détaillera les actions de son animateur, Pascal Anquetil, mais le monde du jazz connaissait le prix de son travail et faisait le succès de l’annuaire Jazz France qu’il mettait périodiquement à jour.
Au moment, où l’on claque la porte du CIJ au nez des jeunes jazzmen, je découvre la lettre adressée au Ministre du travail, avec la Ministre de la Culture en copie (détail intéressant), par L’Affut, association les élèves regroupant les élèves de 11 écoles nationales française de théâtre.
Dans cette lettre, l’Affut s’interroge « sur l’écart paradoxal entre l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur artistique et la précarisation progressive que représentent notamment la baisse des budgets alloués à la culture et le dernier accord de l’Unedic. »
Les élèves dont le nombre et le niveau augmentent d’année en année dans des écoles de jazz françaises de plus en plus performantes pourraient pareillement interpeler le Ministre en l’interrogeant sur pareil écart dans leur domaine, mais aussi s’interroger sur un autre écart, avec le peu de place accordé au jazz dans le réseau des scènes culturelles qui perdent toute audace de programmation dès qu’il s’agit de musique instrumentale, dans les médias audiovisuels publics qui tendent de plus en plus, sous la pression de l’audimat, à se comporter comme des chaînes privées.
Franck Bergerot
Ps qui a un peu à voir : du 28 avril au 2 mai, l’émission culturelle de France Culture, La Dispute s’était déplacée à New York. La Dispute, c’est une quotidienne du soir invitant des critiques au débat, chaque soir sur un art différent, le jeudi étant consacré à la musique. Il y s’agit rarement de musique instrumentale et quand c’est le cas, c’est du classique, rarement du contemporain, ou alors les très officiels Boulez et Dusapin… Le reste du temps, on y parle de livret et de mise en scène d’opéra, de paroles de chansons et de caprices de star, le moins possible de musique, sauf à faire un peu de tourisme tropical. Pour se dédouaner ou pour honorer un partenariat, il arrive que l’on interroge un jazzman, ou un compositeur contemporain, mais on évite de faire entendre sa musique, la musique instrumentale sur France Culture étant confiné au jingle (l’indicatif de La Fabrique de l’Histoire le matin par la Campagnie des musiques à Ouïr, celui d’A Voix Nue le soir par Dave Holland).
Le 1er mai, donc, La Dispute musicale eut lieu à New York. Morgan Greenstreet, critique à Afropop, Paul Miller (DJ Spooky) pour son travail de critique à Origines, Siddartha Mitter du Boston Globe, Elodie Maillot de France Culture installée à Washington, tous parlant admirablement français. Et lorsque l’animateur, Arnaud Laporte, annonce le disque apporté par Siddartha Mitter, je manque de tomber de mon tabouret, pas seulement parce qu’il fait mention de sa présence à la une de Jazz Magazine et Downbeat, mais parce qu’il s’agit d’Ambrose Akinmusire. Et à part une lamentable dispute sur Mélodie Gardot et Esperanza Spalding (cette dernière retenue non parce qu’elle est contrebassiste, mais parce qu’elle est chanteuse), je crois que c’est la première fois que l’on dispute d’un jazzman sur France Culture. Evidemment, ça n’a pas manqué, on a passé l’un des trois morceaux chantés (j’ai déjà entendu ça vingt fois sur France Culture avec Erik Truffaz : on lance un morceau avec Sophie Hunger et lorsqu’elle cesse de chanter et que l’on entend enfin la trompette, on shunte… Il y aurait donc un véritable interdit sur le jazz à France Culture), mais on a écouté du jazz et il y avait quelqu’un au micro pour dire, partant de l’exemple d’Akinmusire, que LE JAZZ SE PORTE BIEN… Paul Miller, qui connaît bien la scène du jazz, renchérit à sa manière.
Commentaire de Morgan Greenstreet. Et là, je retombe de mon tabouret : ce critique contemporain trouve les harmonies d’Akinmusire trop modernes… invité sur France Culture, après avoir prêché le métissage, martelé en début d’émission le vocabulaire de l’ouverture musicale. Heureusement Miller et Mitter sont là pour remettre quelques pendules à l’heure et resituer les vrais enjeux du métissage musicale en 2014. Mais Morgan Greenstreet ne dit-il pas tout haut ce que pense tout bas les censeurs de France Culture et d’un monde culturel où la musique semble ne devoir être qu’un divertissement fun après les disciplines sérieuses que sont les arts platiques, le cinéma, le théâtre et la danse. Censeur, non pas seulement du jazz, mais de toute abstraction instrumentale et de toute musique non formatée. On appelle ça l’ouverture et c’est à c’est réalité là que l’on prépare chaque année des centaines de jeunes instrumentistes!
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Pourquoi, dans un pays qui fait tant pour former des jazzmen d’excellents niveaux, un tel désintérêt des médias, des institutions, des professionnels de la culture et du spectacle vient leur barrer la route à la sortie de l’école ? Après avoir fini dans le broyeur de documents au départ de son commanditaire, l’ex-Ministre de la Culture Frédéric Mitterand, ou simplement fini dans la corbeille à papier de son successeur Aurélie Filipetti, il n’aura trouvé qu’une réponse : la fermeture cautionnée par cette dernière du Centre d’Information du jazz.
Balayons une objection que mon préambule ne manquera pas de susciter : le jazz ne s’apprend pas à l’école… Lisez la biographie de John Coltrane, de Wayne Shorter, de Michael Brecker et des milliers d’autres et on en reparlera.
Et parlons sérieusement.
Qu’était le CIJ, Centre d’information du jazz ? Créé en 1984, c’était un centre d’accueil destiné à conseiller et orienter amateurs et professionnels, musiciens et acteurs de la vie du jazz, créé en 1984. Notre numéro de juillet détaillera les actions de son animateur, Pascal Anquetil, mais le monde du jazz connaissait le prix de son travail et faisait le succès de l’annuaire Jazz France qu’il mettait périodiquement à jour.
Au moment, où l’on claque la porte du CIJ au nez des jeunes jazzmen, je découvre la lettre adressée au Ministre du travail, avec la Ministre de la Culture en copie (détail intéressant), par L’Affut, association les élèves regroupant les élèves de 11 écoles nationales française de théâtre.
Dans cette lettre, l’Affut s’interroge « sur l’écart paradoxal entre l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur artistique et la précarisation progressive que représentent notamment la baisse des budgets alloués à la culture et le dernier accord de l’Unedic. »
Les élèves dont le nombre et le niveau augmentent d’année en année dans des écoles de jazz françaises de plus en plus performantes pourraient pareillement interpeler le Ministre en l’interrogeant sur pareil écart dans leur domaine, mais aussi s’interroger sur un autre écart, avec le peu de place accordé au jazz dans le réseau des scènes culturelles qui perdent toute audace de programmation dès qu’il s’agit de musique instrumentale, dans les médias audiovisuels publics qui tendent de plus en plus, sous la pression de l’audimat, à se comporter comme des chaînes privées.
Franck Bergerot
Ps qui a un peu à voir : du 28 avril au 2 mai, l’émission culturelle de France Culture, La Dispute s’était déplacée à New York. La Dispute, c’est une quotidienne du soir invitant des critiques au débat, chaque soir sur un art différent, le jeudi étant consacré à la musique. Il y s’agit rarement de musique instrumentale et quand c’est le cas, c’est du classique, rarement du contemporain, ou alors les très officiels Boulez et Dusapin… Le reste du temps, on y parle de livret et de mise en scène d’opéra, de paroles de chansons et de caprices de star, le moins possible de musique, sauf à faire un peu de tourisme tropical. Pour se dédouaner ou pour honorer un partenariat, il arrive que l’on interroge un jazzman, ou un compositeur contemporain, mais on évite de faire entendre sa musique, la musique instrumentale sur France Culture étant confiné au jingle (l’indicatif de La Fabrique de l’Histoire le matin par la Campagnie des musiques à Ouïr, celui d’A Voix Nue le soir par Dave Holland).
Le 1er mai, donc, La Dispute musicale eut lieu à New York. Morgan Greenstreet, critique à Afropop, Paul Miller (DJ Spooky) pour son travail de critique à Origines, Siddartha Mitter du Boston Globe, Elodie Maillot de France Culture installée à Washington, tous parlant admirablement français. Et lorsque l’animateur, Arnaud Laporte, annonce le disque apporté par Siddartha Mitter, je manque de tomber de mon tabouret, pas seulement parce qu’il fait mention de sa présence à la une de Jazz Magazine et Downbeat, mais parce qu’il s’agit d’Ambrose Akinmusire. Et à part une lamentable dispute sur Mélodie Gardot et Esperanza Spalding (cette dernière retenue non parce qu’elle est contrebassiste, mais parce qu’elle est chanteuse), je crois que c’est la première fois que l’on dispute d’un jazzman sur France Culture. Evidemment, ça n’a pas manqué, on a passé l’un des trois morceaux chantés (j’ai déjà entendu ça vingt fois sur France Culture avec Erik Truffaz : on lance un morceau avec Sophie Hunger et lorsqu’elle cesse de chanter et que l’on entend enfin la trompette, on shunte… Il y aurait donc un véritable interdit sur le jazz à France Culture), mais on a écouté du jazz et il y avait quelqu’un au micro pour dire, partant de l’exemple d’Akinmusire, que LE JAZZ SE PORTE BIEN… Paul Miller, qui connaît bien la scène du jazz, renchérit à sa manière.
Commentaire de Morgan Greenstreet. Et là, je retombe de mon tabouret : ce critique contemporain trouve les harmonies d’Akinmusire trop modernes… invité sur France Culture, après avoir prêché le métissage, martelé en début d’émission le vocabulaire de l’ouverture musicale. Heureusement Miller et Mitter sont là pour remettre quelques pendules à l’heure et resituer les vrais enjeux du métissage musicale en 2014. Mais Morgan Greenstreet ne dit-il pas tout haut ce que pense tout bas les censeurs de France Culture et d’un monde culturel où la musique semble ne devoir être qu’un divertissement fun après les disciplines sérieuses que sont les arts platiques, le cinéma, le théâtre et la danse. Censeur, non pas seulement du jazz, mais de toute abstraction instrumentale et de toute musique non formatée. On appelle ça l’ouverture et c’est à c’est réalité là que l’on prépare chaque année des centaines de jeunes instrumentistes!
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Pourquoi, dans un pays qui fait tant pour former des jazzmen d’excellents niveaux, un tel désintérêt des médias, des institutions, des professionnels de la culture et du spectacle vient leur barrer la route à la sortie de l’école ? Après avoir fini dans le broyeur de documents au départ de son commanditaire, l’ex-Ministre de la Culture Frédéric Mitterand, ou simplement fini dans la corbeille à papier de son successeur Aurélie Filipetti, il n’aura trouvé qu’une réponse : la fermeture cautionnée par cette dernière du Centre d’Information du jazz.
Balayons une objection que mon préambule ne manquera pas de susciter : le jazz ne s’apprend pas à l’école… Lisez la biographie de John Coltrane, de Wayne Shorter, de Michael Brecker et des milliers d’autres et on en reparlera.
Et parlons sérieusement.
Qu’était le CIJ, Centre d’information du jazz ? Créé en 1984, c’était un centre d’accueil destiné à conseiller et orienter amateurs et professionnels, musiciens et acteurs de la vie du jazz, créé en 1984. Notre numéro de juillet détaillera les actions de son animateur, Pascal Anquetil, mais le monde du jazz connaissait le prix de son travail et faisait le succès de l’annuaire Jazz France qu’il mettait périodiquement à jour.
Au moment, où l’on claque la porte du CIJ au nez des jeunes jazzmen, je découvre la lettre adressée au Ministre du travail, avec la Ministre de la Culture en copie (détail intéressant), par L’Affut, association les élèves regroupant les élèves de 11 écoles nationales française de théâtre.
Dans cette lettre, l’Affut s’interroge « sur l’écart paradoxal entre l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur artistique et la précarisation progressive que représentent notamment la baisse des budgets alloués à la culture et le dernier accord de l’Unedic. »
Les élèves dont le nombre et le niveau augmentent d’année en année dans des écoles de jazz françaises de plus en plus performantes pourraient pareillement interpeler le Ministre en l’interrogeant sur pareil écart dans leur domaine, mais aussi s’interroger sur un autre écart, avec le peu de place accordé au jazz dans le réseau des scènes culturelles qui perdent toute audace de programmation dès qu’il s’agit de musique instrumentale, dans les médias audiovisuels publics qui tendent de plus en plus, sous la pression de l’audimat, à se comporter comme des chaînes privées.
Franck Bergerot
Ps qui a un peu à voir : du 28 avril au 2 mai, l’émission culturelle de France Culture, La Dispute s’était déplacée à New York. La Dispute, c’est une quotidienne du soir invitant des critiques au débat, chaque soir sur un art différent, le jeudi étant consacré à la musique. Il y s’agit rarement de musique instrumentale et quand c’est le cas, c’est du classique, rarement du contemporain, ou alors les très officiels Boulez et Dusapin… Le reste du temps, on y parle de livret et de mise en scène d’opéra, de paroles de chansons et de caprices de star, le moins possible de musique, sauf à faire un peu de tourisme tropical. Pour se dédouaner ou pour honorer un partenariat, il arrive que l’on interroge un jazzman, ou un compositeur contemporain, mais on évite de faire entendre sa musique, la musique instrumentale sur France Culture étant confiné au jingle (l’indicatif de La Fabrique de l’Histoire le matin par la Campagnie des musiques à Ouïr, celui d’A Voix Nue le soir par Dave Holland).
Le 1er mai, donc, La Dispute musicale eut lieu à New York. Morgan Greenstreet, critique à Afropop, Paul Miller (DJ Spooky) pour son travail de critique à Origines, Siddartha Mitter du Boston Globe, Elodie Maillot de France Culture installée à Washington, tous parlant admirablement français. Et lorsque l’animateur, Arnaud Laporte, annonce le disque apporté par Siddartha Mitter, je manque de tomber de mon tabouret, pas seulement parce qu’il fait mention de sa présence à la une de Jazz Magazine et Downbeat, mais parce qu’il s’agit d’Ambrose Akinmusire. Et à part une lamentable dispute sur Mélodie Gardot et Esperanza Spalding (cette dernière retenue non parce qu’elle est contrebassiste, mais parce qu’elle est chanteuse), je crois que c’est la première fois que l’on dispute d’un jazzman sur France Culture. Evidemment, ça n’a pas manqué, on a passé l’un des trois morceaux chantés (j’ai déjà entendu ça vingt fois sur France Culture avec Erik Truffaz : on lance un morceau avec Sophie Hunger et lorsqu’elle cesse de chanter et que l’on entend enfin la trompette, on shunte… Il y aurait donc un véritable interdit sur le jazz à France Culture), mais on a écouté du jazz et il y avait quelqu’un au micro pour dire, partant de l’exemple d’Akinmusire, que LE JAZZ SE PORTE BIEN… Paul Miller, qui connaît bien la scène du jazz, renchérit à sa manière.
Commentaire de Morgan Greenstreet. Et là, je retombe de mon tabouret : ce critique contemporain trouve les harmonies d’Akinmusire trop modernes… invité sur France Culture, après avoir prêché le métissage, martelé en début d’émission le vocabulaire de l’ouverture musicale. Heureusement Miller et Mitter sont là pour remettre quelques pendules à l’heure et resituer les vrais enjeux du métissage musicale en 2014. Mais Morgan Greenstreet ne dit-il pas tout haut ce que pense tout bas les censeurs de France Culture et d’un monde culturel où la musique semble ne devoir être qu’un divertissement fun après les disciplines sérieuses que sont les arts platiques, le cinéma, le théâtre et la danse. Censeur, non pas seulement du jazz, mais de toute abstraction instrumentale et de toute musique non formatée. On appelle ça l’ouverture et c’est à c’est réalité là que l’on prépare chaque année des centaines de jeunes instrumentistes!