Jazz live
Publié le 25 Juin 2014

Ascona, 3. Breda Jazz Festival Band / The Duke Ellington Orchestra

A chaque jour son orage. Il monte au cours de l’après-midi. Une brise le précède, ridant la surface du lac qui se plombe d’une teinte grisâtre. Il éclate en début de soirée, avec une régularité de métronome, accompagné de bourrasques et d’une pluie que l’on qualifierait de diluvienne si l’on ne redoutait les clichés tout autant que les pléonasmes.

 


Breda Jazz Festival Band

Joep Peeters (vib, as, voc), Antoine Trommelen (ts, ss), Peter Mingaars (g), Harry Kanters (p), Bart Wouters (b, voc), Onno de Brujin (dm)

 

The Duke Ellington Orchestra

Tommy James (p, lead), David Gibson (dm), Hassan Ash-Shakur (b), Robert LaVelle (ts), Shelley Paul (ts), Charlie Young (as, voc), Mark Gross (as), Morgan Price (bs), Kevin Bryan (tp), Chris Albert (tp), Shareef Clayton (tp), James Zoller (tp), Dion Tucker (tb)), Stafford Hunterv (tb), Jack Jeffers (btb)


Ascona, JazzClub Torre, 23 juin

 

Ces considérations météorologiques ne sont pas si oiseuses qu’il n’y paraît. Elles ont, évidemment, une incidence sur la fréquentation d’un festival dont la trentième édition se poursuit sans capituler devant les éléments hostiles, apportant chaque jour son lot de bonnes surprises. Le 23, c’était, au JazzClub Torre, une soirée consacrée au jazz mainstream, placée d’emblée sous le signe du swing par le Breda Jazz Festival Band. Un sextette de qualité perpétuant la musique des petites formations des années quarante et cinquante avec une ardeur, une conviction qui en préservent les vertus. Breda, c’est un peu, aux Pays-Bas, dans le Brabant, l’équivalent d’Ascona, pour ce qui est de la vocation musicale. Un frère aîné avec lequel des liens se sont tissés au fil des ans. Avec une antériorité de plusieurs lustres, puisque le festival, connu dans l’Europe entière et même au-delà, vient de fêter ses quarante-quatre ans.

 

L’orchestre qui en est issu fait montre d’une cohésion témoignant une grande familiarité entre ses membres. Cohésion mise en valeur par des arrangements dont l’efficacité fait penser à celle du Tympany Five que Louis Jordan créa en 1938 et qui connut, dans la période qui suivit, un succès considérable. Ou encore, quelques dix ou quinze ans plus tard, à la formation d’Earl Bostic, au sein de laquelle débuta un certain John Coltrane. Même instrumentation, avec, notamment, l’alliance des anches et du vibraphone. Même utilisation de riffs. Même pulsation fondée sur la simplification et l’exacerbation du rythme propice à la danse. Soit l’incandescence propre au rhythm and blues, allègre et roborative.


Une filiation que ne saurait renier le Breda Jazz Festival Band. A preuve la reprise de Flamingo, morceau emblématique de Bostic à la fin des années cinquante et dont l’arrangement original est ici utilisé avec à-propos. Ou encore le choix de Rock Around The Clock, thème composé en 1952, enregistré par Sonny Dae & The Knights, et qui devait devenir quatre ans plus tard, grâce à Bill Haley et ses Comets, un titre emblématique du rock’n’roll. Un répertoire dont l’ancrage est confirmé par Ice Cream, où Harry Kanters se distingue dans un solo au swing garnérien, ou par Hallelujah I Love Her So que Ray Charles enregistra en 1956 et dont le bassiste Bert Wouters détaille avec conviction les lyrics. Tous les solistes mériteraient, du reste, citation. A commencer par Antoine Trommelen, au ténor et au soprano, qui a le mérite, sur Flying Home, de se démarquer d’Illinois Jacquet. A signaler aussi le guitariste Peter Mingaars, auteur de quelques développements en single notes dignes de retenir l’intérêt et dont le rôle au sein de la rythmique se révèle précieux.

 

Après ce hors d’œuvre aussi savoureux que consistant, place au Duke Ellington Orchestra. J’avoue, instruit par les divers avatars qui se sont succédé au fil des ans depuis la disparition de son créateur et chef, que je ne l’attendais pas sans une certaine appréhension. Or mes préventions ont été assez vite dissipées. Des diverses tentatives pour ressusciter cette formation légendaire, celle-ci me parait la plus cohérente. D’abord parce que le pianiste Tommy James a su rassembler d’excellents musiciens, solistes accomplis, et, surtout, parce qu’il a su insuffler une âme à un ensemble qui a manifestement accompli un vrai travail collectif pour parvenir à acquérir un son original. Il est propulsé par David Gibson, batteur au drive constant, soliste attendu dans l’inévitable Caravan, et dévide, comme il se doit, les grands chevaux de bataille du répertoire, de Take The A Train à Things Aren’t What They Used To Be donné en rappel. Dans l’intervalle, The Mooche, Black And Tan Fantasy, Satin Doll et autres Mood Indigo et Cotton Tail. Jusqu’à Such Sweet Thunder, agrémenté d’un bon solo de contrebasse par Hassan Ash-Sakur et dont on ne saurait nier qu’il est ce soir en situation.

 

Aucune surprise, donc, pour ce qui est du répertoire, et il eût été vain d’en attendre. En revanche, la quasi-totalité des morceaux acquiert une coloration nouvelle grâce à des solistes (Sharif Clayton, Morgan Price, Charlie Young) qui se différencient de leurs illustres aînés pour apporter leur touche personnelle.

 

Le lendemain 24, alors que le ciel n’a pas désarmé, un sextette original, pratiquant une musique dans la pure tradition de La Nouvelle-Orléans des origines, apporte, hors festival, le vivant témoignage de l’universalité du jazz. Un trompettiste et vocaliste australien, Geoff Bull, un clarinettiste venu d’Osaka, Ryoichi Kawai, deux Belges, Philippe De Smet (t
b, voc) et Luc Van Woeteghem (bjo, g), trois Anglais, John Richardson (p), Bob Chiverhouse (b) et Emile Martya (dm) conjuguent leur amour commun pour les heures héroïques, celles de King Oliver et de Jelly Roll Morton. C’est rafraîchissant et joyeux, sans prétention. Cela se passe à l’Albergo Zelindo, dans le petit village d’Arcegno surplombant le Lac Majeur. A deux pas du Monte Verità où des artistes, des écrivains, des chercheurs (Hermann Hesse, Isadora Duncan, Otto Gross, Rudolf Steiner, entre autres), réunis en communauté, rêvèrent, au début du siècle dernier, à un monde meilleur.

 

Retour à Ascona, sur le front du lac. Juste le temps de jeter une oreille aux brass bands, le New Breed Brass Band qui accueille au Stage Elvezia Travis « Trumpet Black » Hill, et, leur succédant au Stage Seven, The Original Pinettes Brass Band.L’un et l’autre dans la lignée des Dirty Dozen et autres Rebirth. Histoire de boucler la boucle entre la New Orleans d’antan et celle d’aujourd’hui.

 

Jacques Aboucaya

|

A chaque jour son orage. Il monte au cours de l’après-midi. Une brise le précède, ridant la surface du lac qui se plombe d’une teinte grisâtre. Il éclate en début de soirée, avec une régularité de métronome, accompagné de bourrasques et d’une pluie que l’on qualifierait de diluvienne si l’on ne redoutait les clichés tout autant que les pléonasmes.

 


Breda Jazz Festival Band

Joep Peeters (vib, as, voc), Antoine Trommelen (ts, ss), Peter Mingaars (g), Harry Kanters (p), Bart Wouters (b, voc), Onno de Brujin (dm)

 

The Duke Ellington Orchestra

Tommy James (p, lead), David Gibson (dm), Hassan Ash-Shakur (b), Robert LaVelle (ts), Shelley Paul (ts), Charlie Young (as, voc), Mark Gross (as), Morgan Price (bs), Kevin Bryan (tp), Chris Albert (tp), Shareef Clayton (tp), James Zoller (tp), Dion Tucker (tb)), Stafford Hunterv (tb), Jack Jeffers (btb)


Ascona, JazzClub Torre, 23 juin

 

Ces considérations météorologiques ne sont pas si oiseuses qu’il n’y paraît. Elles ont, évidemment, une incidence sur la fréquentation d’un festival dont la trentième édition se poursuit sans capituler devant les éléments hostiles, apportant chaque jour son lot de bonnes surprises. Le 23, c’était, au JazzClub Torre, une soirée consacrée au jazz mainstream, placée d’emblée sous le signe du swing par le Breda Jazz Festival Band. Un sextette de qualité perpétuant la musique des petites formations des années quarante et cinquante avec une ardeur, une conviction qui en préservent les vertus. Breda, c’est un peu, aux Pays-Bas, dans le Brabant, l’équivalent d’Ascona, pour ce qui est de la vocation musicale. Un frère aîné avec lequel des liens se sont tissés au fil des ans. Avec une antériorité de plusieurs lustres, puisque le festival, connu dans l’Europe entière et même au-delà, vient de fêter ses quarante-quatre ans.

 

L’orchestre qui en est issu fait montre d’une cohésion témoignant une grande familiarité entre ses membres. Cohésion mise en valeur par des arrangements dont l’efficacité fait penser à celle du Tympany Five que Louis Jordan créa en 1938 et qui connut, dans la période qui suivit, un succès considérable. Ou encore, quelques dix ou quinze ans plus tard, à la formation d’Earl Bostic, au sein de laquelle débuta un certain John Coltrane. Même instrumentation, avec, notamment, l’alliance des anches et du vibraphone. Même utilisation de riffs. Même pulsation fondée sur la simplification et l’exacerbation du rythme propice à la danse. Soit l’incandescence propre au rhythm and blues, allègre et roborative.


Une filiation que ne saurait renier le Breda Jazz Festival Band. A preuve la reprise de Flamingo, morceau emblématique de Bostic à la fin des années cinquante et dont l’arrangement original est ici utilisé avec à-propos. Ou encore le choix de Rock Around The Clock, thème composé en 1952, enregistré par Sonny Dae & The Knights, et qui devait devenir quatre ans plus tard, grâce à Bill Haley et ses Comets, un titre emblématique du rock’n’roll. Un répertoire dont l’ancrage est confirmé par Ice Cream, où Harry Kanters se distingue dans un solo au swing garnérien, ou par Hallelujah I Love Her So que Ray Charles enregistra en 1956 et dont le bassiste Bert Wouters détaille avec conviction les lyrics. Tous les solistes mériteraient, du reste, citation. A commencer par Antoine Trommelen, au ténor et au soprano, qui a le mérite, sur Flying Home, de se démarquer d’Illinois Jacquet. A signaler aussi le guitariste Peter Mingaars, auteur de quelques développements en single notes dignes de retenir l’intérêt et dont le rôle au sein de la rythmique se révèle précieux.

 

Après ce hors d’œuvre aussi savoureux que consistant, place au Duke Ellington Orchestra. J’avoue, instruit par les divers avatars qui se sont succédé au fil des ans depuis la disparition de son créateur et chef, que je ne l’attendais pas sans une certaine appréhension. Or mes préventions ont été assez vite dissipées. Des diverses tentatives pour ressusciter cette formation légendaire, celle-ci me parait la plus cohérente. D’abord parce que le pianiste Tommy James a su rassembler d’excellents musiciens, solistes accomplis, et, surtout, parce qu’il a su insuffler une âme à un ensemble qui a manifestement accompli un vrai travail collectif pour parvenir à acquérir un son original. Il est propulsé par David Gibson, batteur au drive constant, soliste attendu dans l’inévitable Caravan, et dévide, comme il se doit, les grands chevaux de bataille du répertoire, de Take The A Train à Things Aren’t What They Used To Be donné en rappel. Dans l’intervalle, The Mooche, Black And Tan Fantasy, Satin Doll et autres Mood Indigo et Cotton Tail. Jusqu’à Such Sweet Thunder, agrémenté d’un bon solo de contrebasse par Hassan Ash-Sakur et dont on ne saurait nier qu’il est ce soir en situation.

 

Aucune surprise, donc, pour ce qui est du répertoire, et il eût été vain d’en attendre. En revanche, la quasi-totalité des morceaux acquiert une coloration nouvelle grâce à des solistes (Sharif Clayton, Morgan Price, Charlie Young) qui se différencient de leurs illustres aînés pour apporter leur touche personnelle.

 

Le lendemain 24, alors que le ciel n’a pas désarmé, un sextette original, pratiquant une musique dans la pure tradition de La Nouvelle-Orléans des origines, apporte, hors festival, le vivant témoignage de l’universalité du jazz. Un trompettiste et vocaliste australien, Geoff Bull, un clarinettiste venu d’Osaka, Ryoichi Kawai, deux Belges, Philippe De Smet (t
b, voc) et Luc Van Woeteghem (bjo, g), trois Anglais, John Richardson (p), Bob Chiverhouse (b) et Emile Martya (dm) conjuguent leur amour commun pour les heures héroïques, celles de King Oliver et de Jelly Roll Morton. C’est rafraîchissant et joyeux, sans prétention. Cela se passe à l’Albergo Zelindo, dans le petit village d’Arcegno surplombant le Lac Majeur. A deux pas du Monte Verità où des artistes, des écrivains, des chercheurs (Hermann Hesse, Isadora Duncan, Otto Gross, Rudolf Steiner, entre autres), réunis en communauté, rêvèrent, au début du siècle dernier, à un monde meilleur.

 

Retour à Ascona, sur le front du lac. Juste le temps de jeter une oreille aux brass bands, le New Breed Brass Band qui accueille au Stage Elvezia Travis « Trumpet Black » Hill, et, leur succédant au Stage Seven, The Original Pinettes Brass Band.L’un et l’autre dans la lignée des Dirty Dozen et autres Rebirth. Histoire de boucler la boucle entre la New Orleans d’antan et celle d’aujourd’hui.

 

Jacques Aboucaya

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A chaque jour son orage. Il monte au cours de l’après-midi. Une brise le précède, ridant la surface du lac qui se plombe d’une teinte grisâtre. Il éclate en début de soirée, avec une régularité de métronome, accompagné de bourrasques et d’une pluie que l’on qualifierait de diluvienne si l’on ne redoutait les clichés tout autant que les pléonasmes.

 


Breda Jazz Festival Band

Joep Peeters (vib, as, voc), Antoine Trommelen (ts, ss), Peter Mingaars (g), Harry Kanters (p), Bart Wouters (b, voc), Onno de Brujin (dm)

 

The Duke Ellington Orchestra

Tommy James (p, lead), David Gibson (dm), Hassan Ash-Shakur (b), Robert LaVelle (ts), Shelley Paul (ts), Charlie Young (as, voc), Mark Gross (as), Morgan Price (bs), Kevin Bryan (tp), Chris Albert (tp), Shareef Clayton (tp), James Zoller (tp), Dion Tucker (tb)), Stafford Hunterv (tb), Jack Jeffers (btb)


Ascona, JazzClub Torre, 23 juin

 

Ces considérations météorologiques ne sont pas si oiseuses qu’il n’y paraît. Elles ont, évidemment, une incidence sur la fréquentation d’un festival dont la trentième édition se poursuit sans capituler devant les éléments hostiles, apportant chaque jour son lot de bonnes surprises. Le 23, c’était, au JazzClub Torre, une soirée consacrée au jazz mainstream, placée d’emblée sous le signe du swing par le Breda Jazz Festival Band. Un sextette de qualité perpétuant la musique des petites formations des années quarante et cinquante avec une ardeur, une conviction qui en préservent les vertus. Breda, c’est un peu, aux Pays-Bas, dans le Brabant, l’équivalent d’Ascona, pour ce qui est de la vocation musicale. Un frère aîné avec lequel des liens se sont tissés au fil des ans. Avec une antériorité de plusieurs lustres, puisque le festival, connu dans l’Europe entière et même au-delà, vient de fêter ses quarante-quatre ans.

 

L’orchestre qui en est issu fait montre d’une cohésion témoignant une grande familiarité entre ses membres. Cohésion mise en valeur par des arrangements dont l’efficacité fait penser à celle du Tympany Five que Louis Jordan créa en 1938 et qui connut, dans la période qui suivit, un succès considérable. Ou encore, quelques dix ou quinze ans plus tard, à la formation d’Earl Bostic, au sein de laquelle débuta un certain John Coltrane. Même instrumentation, avec, notamment, l’alliance des anches et du vibraphone. Même utilisation de riffs. Même pulsation fondée sur la simplification et l’exacerbation du rythme propice à la danse. Soit l’incandescence propre au rhythm and blues, allègre et roborative.


Une filiation que ne saurait renier le Breda Jazz Festival Band. A preuve la reprise de Flamingo, morceau emblématique de Bostic à la fin des années cinquante et dont l’arrangement original est ici utilisé avec à-propos. Ou encore le choix de Rock Around The Clock, thème composé en 1952, enregistré par Sonny Dae & The Knights, et qui devait devenir quatre ans plus tard, grâce à Bill Haley et ses Comets, un titre emblématique du rock’n’roll. Un répertoire dont l’ancrage est confirmé par Ice Cream, où Harry Kanters se distingue dans un solo au swing garnérien, ou par Hallelujah I Love Her So que Ray Charles enregistra en 1956 et dont le bassiste Bert Wouters détaille avec conviction les lyrics. Tous les solistes mériteraient, du reste, citation. A commencer par Antoine Trommelen, au ténor et au soprano, qui a le mérite, sur Flying Home, de se démarquer d’Illinois Jacquet. A signaler aussi le guitariste Peter Mingaars, auteur de quelques développements en single notes dignes de retenir l’intérêt et dont le rôle au sein de la rythmique se révèle précieux.

 

Après ce hors d’œuvre aussi savoureux que consistant, place au Duke Ellington Orchestra. J’avoue, instruit par les divers avatars qui se sont succédé au fil des ans depuis la disparition de son créateur et chef, que je ne l’attendais pas sans une certaine appréhension. Or mes préventions ont été assez vite dissipées. Des diverses tentatives pour ressusciter cette formation légendaire, celle-ci me parait la plus cohérente. D’abord parce que le pianiste Tommy James a su rassembler d’excellents musiciens, solistes accomplis, et, surtout, parce qu’il a su insuffler une âme à un ensemble qui a manifestement accompli un vrai travail collectif pour parvenir à acquérir un son original. Il est propulsé par David Gibson, batteur au drive constant, soliste attendu dans l’inévitable Caravan, et dévide, comme il se doit, les grands chevaux de bataille du répertoire, de Take The A Train à Things Aren’t What They Used To Be donné en rappel. Dans l’intervalle, The Mooche, Black And Tan Fantasy, Satin Doll et autres Mood Indigo et Cotton Tail. Jusqu’à Such Sweet Thunder, agrémenté d’un bon solo de contrebasse par Hassan Ash-Sakur et dont on ne saurait nier qu’il est ce soir en situation.

 

Aucune surprise, donc, pour ce qui est du répertoire, et il eût été vain d’en attendre. En revanche, la quasi-totalité des morceaux acquiert une coloration nouvelle grâce à des solistes (Sharif Clayton, Morgan Price, Charlie Young) qui se différencient de leurs illustres aînés pour apporter leur touche personnelle.

 

Le lendemain 24, alors que le ciel n’a pas désarmé, un sextette original, pratiquant une musique dans la pure tradition de La Nouvelle-Orléans des origines, apporte, hors festival, le vivant témoignage de l’universalité du jazz. Un trompettiste et vocaliste australien, Geoff Bull, un clarinettiste venu d’Osaka, Ryoichi Kawai, deux Belges, Philippe De Smet (t
b, voc) et Luc Van Woeteghem (bjo, g), trois Anglais, John Richardson (p), Bob Chiverhouse (b) et Emile Martya (dm) conjuguent leur amour commun pour les heures héroïques, celles de King Oliver et de Jelly Roll Morton. C’est rafraîchissant et joyeux, sans prétention. Cela se passe à l’Albergo Zelindo, dans le petit village d’Arcegno surplombant le Lac Majeur. A deux pas du Monte Verità où des artistes, des écrivains, des chercheurs (Hermann Hesse, Isadora Duncan, Otto Gross, Rudolf Steiner, entre autres), réunis en communauté, rêvèrent, au début du siècle dernier, à un monde meilleur.

 

Retour à Ascona, sur le front du lac. Juste le temps de jeter une oreille aux brass bands, le New Breed Brass Band qui accueille au Stage Elvezia Travis « Trumpet Black » Hill, et, leur succédant au Stage Seven, The Original Pinettes Brass Band.L’un et l’autre dans la lignée des Dirty Dozen et autres Rebirth. Histoire de boucler la boucle entre la New Orleans d’antan et celle d’aujourd’hui.

 

Jacques Aboucaya

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A chaque jour son orage. Il monte au cours de l’après-midi. Une brise le précède, ridant la surface du lac qui se plombe d’une teinte grisâtre. Il éclate en début de soirée, avec une régularité de métronome, accompagné de bourrasques et d’une pluie que l’on qualifierait de diluvienne si l’on ne redoutait les clichés tout autant que les pléonasmes.

 


Breda Jazz Festival Band

Joep Peeters (vib, as, voc), Antoine Trommelen (ts, ss), Peter Mingaars (g), Harry Kanters (p), Bart Wouters (b, voc), Onno de Brujin (dm)

 

The Duke Ellington Orchestra

Tommy James (p, lead), David Gibson (dm), Hassan Ash-Shakur (b), Robert LaVelle (ts), Shelley Paul (ts), Charlie Young (as, voc), Mark Gross (as), Morgan Price (bs), Kevin Bryan (tp), Chris Albert (tp), Shareef Clayton (tp), James Zoller (tp), Dion Tucker (tb)), Stafford Hunterv (tb), Jack Jeffers (btb)


Ascona, JazzClub Torre, 23 juin

 

Ces considérations météorologiques ne sont pas si oiseuses qu’il n’y paraît. Elles ont, évidemment, une incidence sur la fréquentation d’un festival dont la trentième édition se poursuit sans capituler devant les éléments hostiles, apportant chaque jour son lot de bonnes surprises. Le 23, c’était, au JazzClub Torre, une soirée consacrée au jazz mainstream, placée d’emblée sous le signe du swing par le Breda Jazz Festival Band. Un sextette de qualité perpétuant la musique des petites formations des années quarante et cinquante avec une ardeur, une conviction qui en préservent les vertus. Breda, c’est un peu, aux Pays-Bas, dans le Brabant, l’équivalent d’Ascona, pour ce qui est de la vocation musicale. Un frère aîné avec lequel des liens se sont tissés au fil des ans. Avec une antériorité de plusieurs lustres, puisque le festival, connu dans l’Europe entière et même au-delà, vient de fêter ses quarante-quatre ans.

 

L’orchestre qui en est issu fait montre d’une cohésion témoignant une grande familiarité entre ses membres. Cohésion mise en valeur par des arrangements dont l’efficacité fait penser à celle du Tympany Five que Louis Jordan créa en 1938 et qui connut, dans la période qui suivit, un succès considérable. Ou encore, quelques dix ou quinze ans plus tard, à la formation d’Earl Bostic, au sein de laquelle débuta un certain John Coltrane. Même instrumentation, avec, notamment, l’alliance des anches et du vibraphone. Même utilisation de riffs. Même pulsation fondée sur la simplification et l’exacerbation du rythme propice à la danse. Soit l’incandescence propre au rhythm and blues, allègre et roborative.


Une filiation que ne saurait renier le Breda Jazz Festival Band. A preuve la reprise de Flamingo, morceau emblématique de Bostic à la fin des années cinquante et dont l’arrangement original est ici utilisé avec à-propos. Ou encore le choix de Rock Around The Clock, thème composé en 1952, enregistré par Sonny Dae & The Knights, et qui devait devenir quatre ans plus tard, grâce à Bill Haley et ses Comets, un titre emblématique du rock’n’roll. Un répertoire dont l’ancrage est confirmé par Ice Cream, où Harry Kanters se distingue dans un solo au swing garnérien, ou par Hallelujah I Love Her So que Ray Charles enregistra en 1956 et dont le bassiste Bert Wouters détaille avec conviction les lyrics. Tous les solistes mériteraient, du reste, citation. A commencer par Antoine Trommelen, au ténor et au soprano, qui a le mérite, sur Flying Home, de se démarquer d’Illinois Jacquet. A signaler aussi le guitariste Peter Mingaars, auteur de quelques développements en single notes dignes de retenir l’intérêt et dont le rôle au sein de la rythmique se révèle précieux.

 

Après ce hors d’œuvre aussi savoureux que consistant, place au Duke Ellington Orchestra. J’avoue, instruit par les divers avatars qui se sont succédé au fil des ans depuis la disparition de son créateur et chef, que je ne l’attendais pas sans une certaine appréhension. Or mes préventions ont été assez vite dissipées. Des diverses tentatives pour ressusciter cette formation légendaire, celle-ci me parait la plus cohérente. D’abord parce que le pianiste Tommy James a su rassembler d’excellents musiciens, solistes accomplis, et, surtout, parce qu’il a su insuffler une âme à un ensemble qui a manifestement accompli un vrai travail collectif pour parvenir à acquérir un son original. Il est propulsé par David Gibson, batteur au drive constant, soliste attendu dans l’inévitable Caravan, et dévide, comme il se doit, les grands chevaux de bataille du répertoire, de Take The A Train à Things Aren’t What They Used To Be donné en rappel. Dans l’intervalle, The Mooche, Black And Tan Fantasy, Satin Doll et autres Mood Indigo et Cotton Tail. Jusqu’à Such Sweet Thunder, agrémenté d’un bon solo de contrebasse par Hassan Ash-Sakur et dont on ne saurait nier qu’il est ce soir en situation.

 

Aucune surprise, donc, pour ce qui est du répertoire, et il eût été vain d’en attendre. En revanche, la quasi-totalité des morceaux acquiert une coloration nouvelle grâce à des solistes (Sharif Clayton, Morgan Price, Charlie Young) qui se différencient de leurs illustres aînés pour apporter leur touche personnelle.

 

Le lendemain 24, alors que le ciel n’a pas désarmé, un sextette original, pratiquant une musique dans la pure tradition de La Nouvelle-Orléans des origines, apporte, hors festival, le vivant témoignage de l’universalité du jazz. Un trompettiste et vocaliste australien, Geoff Bull, un clarinettiste venu d’Osaka, Ryoichi Kawai, deux Belges, Philippe De Smet (t
b, voc) et Luc Van Woeteghem (bjo, g), trois Anglais, John Richardson (p), Bob Chiverhouse (b) et Emile Martya (dm) conjuguent leur amour commun pour les heures héroïques, celles de King Oliver et de Jelly Roll Morton. C’est rafraîchissant et joyeux, sans prétention. Cela se passe à l’Albergo Zelindo, dans le petit village d’Arcegno surplombant le Lac Majeur. A deux pas du Monte Verità où des artistes, des écrivains, des chercheurs (Hermann Hesse, Isadora Duncan, Otto Gross, Rudolf Steiner, entre autres), réunis en communauté, rêvèrent, au début du siècle dernier, à un monde meilleur.

 

Retour à Ascona, sur le front du lac. Juste le temps de jeter une oreille aux brass bands, le New Breed Brass Band qui accueille au Stage Elvezia Travis « Trumpet Black » Hill, et, leur succédant au Stage Seven, The Original Pinettes Brass Band.L’un et l’autre dans la lignée des Dirty Dozen et autres Rebirth. Histoire de boucler la boucle entre la New Orleans d’antan et celle d’aujourd’hui.

 

Jacques Aboucaya