Jazz live
Publié le 17 Nov 2014

Jazz à Reims : les belles harmoniques de Jean-Charles Richard

 

ferté richardSamedi soir, le saxophoniste Jean-Charles Richard a donné un très beau concert pour la deuxième journée du festival de Reims. Il était accompagné de Christophe Marguet à la batterie et de l’incroyable contrebassiste autrichien Peter Herbert, qui a gratifié le public de mini-concertos mémorables.

Jean-Charles Richard Trio avec Peter Herbert (contrebasse), Christophe Marguet (batterie), Jean-Charles Richard (saxophone baryton et soprano) Centre saint exupéry, 51000 Reims

 

 

 

Il y a chez Jean-Charles Richard une joie de jouer, un enthousiasme (pour le premier morceau, on l’a vu trépigner pendant son chorus : trop de choses à dire, trop de choses à jouer, trop d’énergie à canaliser) et aussi une pédagogie instinctive qui lui permet de faire partager ce qu’il joue en quelques mots très simples. (on l’entend par exemple expliquer son projet Traces (distribué par Abalone) nom de son dernier album, dont sont tirés les morceaux du concert, comme l’inventaire des influences qui demeurent malgré la volonté d’adopter une démarche personnelle). Grâce à ces mots simples, grâce à son engagement physique, Il obtient ainsi du public qu’il hausse son niveau d’attention pour accéder à une musique qui, certes ne se veut pas expérimentale, mais reste tout de même exigeante.

Le premier morceau, machine à siffloter, est joué au baryton. C’est assez bluffant de voir comment Jean-Charles Richard maîtrise cette bête-là. Il lui fait faire ce qu’il veut, en particulier des traits souples, ondoyants, un peu comme un gars qui réussirait à faire de la calligraphie chinoise avec un marqueur. Tout au long du concert, il utilise toute l’expressivité du baryton, du son énorme, du barrissement, aux harmoniques, ces notes débarrassées de leur chair, ou encore les lignes de basse qu’il sait trouver un slappant sur les clés de l’instrument.

Tous ces effets ne sont jamais recherchés pour eux-mêmes mais pour gagner un supplément d’expressivité, comme par exemple sur un des morceaux les plus poétiques du concert, hommage au compositeur Gérard Grisey, où Jean-Charles Richard tient un long passage en respiration continue, dans lequel aucune note n’est émise , mais où toutes sont suggérées.

Au soprano, Jean-Charles Richard privilégie plus volontiers l’atmosphère que les explorations timbriques. Il l’utilise pour des thèmes lyriques, aériens, où il déploie une sonorité ample, avec des notes tenues dans l’aigu qui donnent une poignante intensité à son propos.

Jouer en trio comme ce soir, implique de n’avoir aucun maillon faible dans la formation. A Reims, JC Richard s’est présenté entouré de l’impeccable Christophe Marguet à la batterie, et du contrebassiste autrichien Peter Herbert qui pour beaucoup a été une vraie révélation. A l’archet, qu’il utilise vraiment, presque à égalité avec le pizzicato, il a un son majestueux, d’une incroyable profondeur. Il remplit l’espace. Comme ses fréquences dans le grave sont proches de celles du saxophone baryton, cela a donné de belles séquences de collusion sonore entre les deux musiciens. Quand il pose l’archet, cela reste très beau, avec une virtuosité qui ne se manifeste pas forcément par des traits ultra-rapides, mais par une manière de faire résonner le son, de le contrôler, et par une manière aussi de faire ses propres contrepoints qui est assez remarquable. Jean-Charles Richard et lui sont, à tout point de vue, sur la même longueur d’ondes. On comprend mieux pourquoi en bavardant cinq minutes avec Peter Herbert après le concert, le temps d’une cigarette. Les deux hommes partagent une double culture jazz et classique. Peter Herbert raconte un peu son parcours de Graz à Berkeley, son activité qui se partage aujourd’hui entre le jazz et la musique contemporaine. Cet homme éclectique est l’auteur d’un opéra réunissant musiciens occidentaux et du Maghreb, Trans-Maghreb (on trouvera plus de détails sur son site www.azizamusic.com) et , plus récemment d’un disque autour des musiques de Joni Mitchell (Joni, chez Col legno).

 

Avant le trio de Jean-Charles Richard , les spectateurs ont pu assister une œuvre expérimentale, audacieuse, où se mélangeaient électronique et accoustique. Elle était signée de patrick Defossez et avait pour titre singulier : « Autre voix de piano Quatre =onze==(7) ».

 

Patrick Defossez (composition, piano accoustique et électrique, percussions, laptop, piano augmenté), Anne-Gabrielle Debaeker (composition, piano électrique, sculpture électroaccoustique, bois), Daniel Erdmann (saxophones ténor, soprano, baryton), Benny Sluchin (trombone tenor et euphonium duplex)

 

 

Le dispositif présenté pour jouer cette musique originale est le suivant. A gauche le piano préparé de Patrick Defossez (augmenté à sa droite d’un piano électrique et de percussions diverses), à droite le piano d’Anne-Gabriel Debaecker, avec différentes machines et objets , nous y reviendrons), et entre les deux le tromboniste Benny Sluchin, et le saxophoniste Daniel Erdmann (que l’on peut entendre , sur disque, dans le très beau disque de Francis le Bras, «De l’estaque aux Goudes , paru cette année chez Vents d’est, où il est véritablement admirable).

Il y a plein de belles idées dans la musique qui est jouée, et l’on apprécie beaucoup l’usage musical qui est fait de tous les joujoux électroniques dont dispose Anne-Gabrielle Debaeker. On apprécie particulièrement l’usage qu’elle fait de ces halos, sortes de fantômes de sons modulés délicatement, qui viennent hanter l’espace sonore. Les moments que l’on retient du spectacle sont presque toujours reliés aux interventions de Daniel Erdmann. Il pratique souvent des interventions qu’on pourrait qualifier d’arpèges sensibles : il a une manière très personnelle de monter et de descendre des sortes d’arpèges et le miracle de ce ressassement, avec beaucoup de jeu sur le souffle, est d’aboutir à quelque chose qui ressemble presque à du lyrisme. On regrette un peu que le tromboniste par soit resté un peu retrait par rapport à ces interventions. Au bout du compte, sans que cela soit peut-être le but recherché, on picore dans ce concert comme dans une sorte de grand mezzé sonore. Après le concert on parle quelqu
es instants avec Anne-Gabrielle Debaeker. Elle nous détaille un peu les joujoux électroniques dont elle se sert : synthétiseur, oscillateur, échantillonneur, filtres, modulateurs de fréquence qu’elle règle à la main pendant le spectacle. Elle a aussi, de manière plus inattendue, des bols de cristal dont elle tire des fréquences différentes : « J’en ai un en mi grave, un ré, un fa , un sol. Pendant le concert j’ai utilisé le mi et le fa ensemble, le sol tout seul, et ensuite j’ai mis en résonnance certains de ces sons avec l’électronique. Ce dialogue entre l’acoustique et l’électronique est une des caractéristiques de mon travail. Et parfois (elle dit cela sur le ton d’un ébéniste qui livrerait les secrets de sa patine) il m’arrive de remplir les bols de quelques grains de riz ; ça modifie le son car il fait du billard à l’intérieur des bols ».

On est très content que le festival de Reims puisse trouver ainsi sa voie en mélangeant musiques de qualité, audacieuses et  séduisantes. Ça continue comme ça encore tout ce début de semaine. Demain soir 18 novembre, le grand John Abercrombie en trio avec Gary Versace à l’orgue et Adam Nussbaum à la batterie, et après-demain mercredi 19 novembre, à l’opéra de Reims, un groupe de trois musiciens français exceptionnels, Benjamin Moussay, Sarah Murcia, Franck Vaillant (Thisisatrio) suivie d’une prometteuse petite histoire de l’opéra où l’on retrouvera Laurent Dehors, Andy Emler, et la soprano Géraldine Keller.

JF Mondot

 

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ferté richardSamedi soir, le saxophoniste Jean-Charles Richard a donné un très beau concert pour la deuxième journée du festival de Reims. Il était accompagné de Christophe Marguet à la batterie et de l’incroyable contrebassiste autrichien Peter Herbert, qui a gratifié le public de mini-concertos mémorables.

Jean-Charles Richard Trio avec Peter Herbert (contrebasse), Christophe Marguet (batterie), Jean-Charles Richard (saxophone baryton et soprano) Centre saint exupéry, 51000 Reims

 

 

 

Il y a chez Jean-Charles Richard une joie de jouer, un enthousiasme (pour le premier morceau, on l’a vu trépigner pendant son chorus : trop de choses à dire, trop de choses à jouer, trop d’énergie à canaliser) et aussi une pédagogie instinctive qui lui permet de faire partager ce qu’il joue en quelques mots très simples. (on l’entend par exemple expliquer son projet Traces (distribué par Abalone) nom de son dernier album, dont sont tirés les morceaux du concert, comme l’inventaire des influences qui demeurent malgré la volonté d’adopter une démarche personnelle). Grâce à ces mots simples, grâce à son engagement physique, Il obtient ainsi du public qu’il hausse son niveau d’attention pour accéder à une musique qui, certes ne se veut pas expérimentale, mais reste tout de même exigeante.

Le premier morceau, machine à siffloter, est joué au baryton. C’est assez bluffant de voir comment Jean-Charles Richard maîtrise cette bête-là. Il lui fait faire ce qu’il veut, en particulier des traits souples, ondoyants, un peu comme un gars qui réussirait à faire de la calligraphie chinoise avec un marqueur. Tout au long du concert, il utilise toute l’expressivité du baryton, du son énorme, du barrissement, aux harmoniques, ces notes débarrassées de leur chair, ou encore les lignes de basse qu’il sait trouver un slappant sur les clés de l’instrument.

Tous ces effets ne sont jamais recherchés pour eux-mêmes mais pour gagner un supplément d’expressivité, comme par exemple sur un des morceaux les plus poétiques du concert, hommage au compositeur Gérard Grisey, où Jean-Charles Richard tient un long passage en respiration continue, dans lequel aucune note n’est émise , mais où toutes sont suggérées.

Au soprano, Jean-Charles Richard privilégie plus volontiers l’atmosphère que les explorations timbriques. Il l’utilise pour des thèmes lyriques, aériens, où il déploie une sonorité ample, avec des notes tenues dans l’aigu qui donnent une poignante intensité à son propos.

Jouer en trio comme ce soir, implique de n’avoir aucun maillon faible dans la formation. A Reims, JC Richard s’est présenté entouré de l’impeccable Christophe Marguet à la batterie, et du contrebassiste autrichien Peter Herbert qui pour beaucoup a été une vraie révélation. A l’archet, qu’il utilise vraiment, presque à égalité avec le pizzicato, il a un son majestueux, d’une incroyable profondeur. Il remplit l’espace. Comme ses fréquences dans le grave sont proches de celles du saxophone baryton, cela a donné de belles séquences de collusion sonore entre les deux musiciens. Quand il pose l’archet, cela reste très beau, avec une virtuosité qui ne se manifeste pas forcément par des traits ultra-rapides, mais par une manière de faire résonner le son, de le contrôler, et par une manière aussi de faire ses propres contrepoints qui est assez remarquable. Jean-Charles Richard et lui sont, à tout point de vue, sur la même longueur d’ondes. On comprend mieux pourquoi en bavardant cinq minutes avec Peter Herbert après le concert, le temps d’une cigarette. Les deux hommes partagent une double culture jazz et classique. Peter Herbert raconte un peu son parcours de Graz à Berkeley, son activité qui se partage aujourd’hui entre le jazz et la musique contemporaine. Cet homme éclectique est l’auteur d’un opéra réunissant musiciens occidentaux et du Maghreb, Trans-Maghreb (on trouvera plus de détails sur son site www.azizamusic.com) et , plus récemment d’un disque autour des musiques de Joni Mitchell (Joni, chez Col legno).

 

Avant le trio de Jean-Charles Richard , les spectateurs ont pu assister une œuvre expérimentale, audacieuse, où se mélangeaient électronique et accoustique. Elle était signée de patrick Defossez et avait pour titre singulier : « Autre voix de piano Quatre =onze==(7) ».

 

Patrick Defossez (composition, piano accoustique et électrique, percussions, laptop, piano augmenté), Anne-Gabrielle Debaeker (composition, piano électrique, sculpture électroaccoustique, bois), Daniel Erdmann (saxophones ténor, soprano, baryton), Benny Sluchin (trombone tenor et euphonium duplex)

 

 

Le dispositif présenté pour jouer cette musique originale est le suivant. A gauche le piano préparé de Patrick Defossez (augmenté à sa droite d’un piano électrique et de percussions diverses), à droite le piano d’Anne-Gabriel Debaecker, avec différentes machines et objets , nous y reviendrons), et entre les deux le tromboniste Benny Sluchin, et le saxophoniste Daniel Erdmann (que l’on peut entendre , sur disque, dans le très beau disque de Francis le Bras, «De l’estaque aux Goudes , paru cette année chez Vents d’est, où il est véritablement admirable).

Il y a plein de belles idées dans la musique qui est jouée, et l’on apprécie beaucoup l’usage musical qui est fait de tous les joujoux électroniques dont dispose Anne-Gabrielle Debaeker. On apprécie particulièrement l’usage qu’elle fait de ces halos, sortes de fantômes de sons modulés délicatement, qui viennent hanter l’espace sonore. Les moments que l’on retient du spectacle sont presque toujours reliés aux interventions de Daniel Erdmann. Il pratique souvent des interventions qu’on pourrait qualifier d’arpèges sensibles : il a une manière très personnelle de monter et de descendre des sortes d’arpèges et le miracle de ce ressassement, avec beaucoup de jeu sur le souffle, est d’aboutir à quelque chose qui ressemble presque à du lyrisme. On regrette un peu que le tromboniste par soit resté un peu retrait par rapport à ces interventions. Au bout du compte, sans que cela soit peut-être le but recherché, on picore dans ce concert comme dans une sorte de grand mezzé sonore. Après le concert on parle quelqu
es instants avec Anne-Gabrielle Debaeker. Elle nous détaille un peu les joujoux électroniques dont elle se sert : synthétiseur, oscillateur, échantillonneur, filtres, modulateurs de fréquence qu’elle règle à la main pendant le spectacle. Elle a aussi, de manière plus inattendue, des bols de cristal dont elle tire des fréquences différentes : « J’en ai un en mi grave, un ré, un fa , un sol. Pendant le concert j’ai utilisé le mi et le fa ensemble, le sol tout seul, et ensuite j’ai mis en résonnance certains de ces sons avec l’électronique. Ce dialogue entre l’acoustique et l’électronique est une des caractéristiques de mon travail. Et parfois (elle dit cela sur le ton d’un ébéniste qui livrerait les secrets de sa patine) il m’arrive de remplir les bols de quelques grains de riz ; ça modifie le son car il fait du billard à l’intérieur des bols ».

On est très content que le festival de Reims puisse trouver ainsi sa voie en mélangeant musiques de qualité, audacieuses et  séduisantes. Ça continue comme ça encore tout ce début de semaine. Demain soir 18 novembre, le grand John Abercrombie en trio avec Gary Versace à l’orgue et Adam Nussbaum à la batterie, et après-demain mercredi 19 novembre, à l’opéra de Reims, un groupe de trois musiciens français exceptionnels, Benjamin Moussay, Sarah Murcia, Franck Vaillant (Thisisatrio) suivie d’une prometteuse petite histoire de l’opéra où l’on retrouvera Laurent Dehors, Andy Emler, et la soprano Géraldine Keller.

JF Mondot

 

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ferté richardSamedi soir, le saxophoniste Jean-Charles Richard a donné un très beau concert pour la deuxième journée du festival de Reims. Il était accompagné de Christophe Marguet à la batterie et de l’incroyable contrebassiste autrichien Peter Herbert, qui a gratifié le public de mini-concertos mémorables.

Jean-Charles Richard Trio avec Peter Herbert (contrebasse), Christophe Marguet (batterie), Jean-Charles Richard (saxophone baryton et soprano) Centre saint exupéry, 51000 Reims

 

 

 

Il y a chez Jean-Charles Richard une joie de jouer, un enthousiasme (pour le premier morceau, on l’a vu trépigner pendant son chorus : trop de choses à dire, trop de choses à jouer, trop d’énergie à canaliser) et aussi une pédagogie instinctive qui lui permet de faire partager ce qu’il joue en quelques mots très simples. (on l’entend par exemple expliquer son projet Traces (distribué par Abalone) nom de son dernier album, dont sont tirés les morceaux du concert, comme l’inventaire des influences qui demeurent malgré la volonté d’adopter une démarche personnelle). Grâce à ces mots simples, grâce à son engagement physique, Il obtient ainsi du public qu’il hausse son niveau d’attention pour accéder à une musique qui, certes ne se veut pas expérimentale, mais reste tout de même exigeante.

Le premier morceau, machine à siffloter, est joué au baryton. C’est assez bluffant de voir comment Jean-Charles Richard maîtrise cette bête-là. Il lui fait faire ce qu’il veut, en particulier des traits souples, ondoyants, un peu comme un gars qui réussirait à faire de la calligraphie chinoise avec un marqueur. Tout au long du concert, il utilise toute l’expressivité du baryton, du son énorme, du barrissement, aux harmoniques, ces notes débarrassées de leur chair, ou encore les lignes de basse qu’il sait trouver un slappant sur les clés de l’instrument.

Tous ces effets ne sont jamais recherchés pour eux-mêmes mais pour gagner un supplément d’expressivité, comme par exemple sur un des morceaux les plus poétiques du concert, hommage au compositeur Gérard Grisey, où Jean-Charles Richard tient un long passage en respiration continue, dans lequel aucune note n’est émise , mais où toutes sont suggérées.

Au soprano, Jean-Charles Richard privilégie plus volontiers l’atmosphère que les explorations timbriques. Il l’utilise pour des thèmes lyriques, aériens, où il déploie une sonorité ample, avec des notes tenues dans l’aigu qui donnent une poignante intensité à son propos.

Jouer en trio comme ce soir, implique de n’avoir aucun maillon faible dans la formation. A Reims, JC Richard s’est présenté entouré de l’impeccable Christophe Marguet à la batterie, et du contrebassiste autrichien Peter Herbert qui pour beaucoup a été une vraie révélation. A l’archet, qu’il utilise vraiment, presque à égalité avec le pizzicato, il a un son majestueux, d’une incroyable profondeur. Il remplit l’espace. Comme ses fréquences dans le grave sont proches de celles du saxophone baryton, cela a donné de belles séquences de collusion sonore entre les deux musiciens. Quand il pose l’archet, cela reste très beau, avec une virtuosité qui ne se manifeste pas forcément par des traits ultra-rapides, mais par une manière de faire résonner le son, de le contrôler, et par une manière aussi de faire ses propres contrepoints qui est assez remarquable. Jean-Charles Richard et lui sont, à tout point de vue, sur la même longueur d’ondes. On comprend mieux pourquoi en bavardant cinq minutes avec Peter Herbert après le concert, le temps d’une cigarette. Les deux hommes partagent une double culture jazz et classique. Peter Herbert raconte un peu son parcours de Graz à Berkeley, son activité qui se partage aujourd’hui entre le jazz et la musique contemporaine. Cet homme éclectique est l’auteur d’un opéra réunissant musiciens occidentaux et du Maghreb, Trans-Maghreb (on trouvera plus de détails sur son site www.azizamusic.com) et , plus récemment d’un disque autour des musiques de Joni Mitchell (Joni, chez Col legno).

 

Avant le trio de Jean-Charles Richard , les spectateurs ont pu assister une œuvre expérimentale, audacieuse, où se mélangeaient électronique et accoustique. Elle était signée de patrick Defossez et avait pour titre singulier : « Autre voix de piano Quatre =onze==(7) ».

 

Patrick Defossez (composition, piano accoustique et électrique, percussions, laptop, piano augmenté), Anne-Gabrielle Debaeker (composition, piano électrique, sculpture électroaccoustique, bois), Daniel Erdmann (saxophones ténor, soprano, baryton), Benny Sluchin (trombone tenor et euphonium duplex)

 

 

Le dispositif présenté pour jouer cette musique originale est le suivant. A gauche le piano préparé de Patrick Defossez (augmenté à sa droite d’un piano électrique et de percussions diverses), à droite le piano d’Anne-Gabriel Debaecker, avec différentes machines et objets , nous y reviendrons), et entre les deux le tromboniste Benny Sluchin, et le saxophoniste Daniel Erdmann (que l’on peut entendre , sur disque, dans le très beau disque de Francis le Bras, «De l’estaque aux Goudes , paru cette année chez Vents d’est, où il est véritablement admirable).

Il y a plein de belles idées dans la musique qui est jouée, et l’on apprécie beaucoup l’usage musical qui est fait de tous les joujoux électroniques dont dispose Anne-Gabrielle Debaeker. On apprécie particulièrement l’usage qu’elle fait de ces halos, sortes de fantômes de sons modulés délicatement, qui viennent hanter l’espace sonore. Les moments que l’on retient du spectacle sont presque toujours reliés aux interventions de Daniel Erdmann. Il pratique souvent des interventions qu’on pourrait qualifier d’arpèges sensibles : il a une manière très personnelle de monter et de descendre des sortes d’arpèges et le miracle de ce ressassement, avec beaucoup de jeu sur le souffle, est d’aboutir à quelque chose qui ressemble presque à du lyrisme. On regrette un peu que le tromboniste par soit resté un peu retrait par rapport à ces interventions. Au bout du compte, sans que cela soit peut-être le but recherché, on picore dans ce concert comme dans une sorte de grand mezzé sonore. Après le concert on parle quelqu
es instants avec Anne-Gabrielle Debaeker. Elle nous détaille un peu les joujoux électroniques dont elle se sert : synthétiseur, oscillateur, échantillonneur, filtres, modulateurs de fréquence qu’elle règle à la main pendant le spectacle. Elle a aussi, de manière plus inattendue, des bols de cristal dont elle tire des fréquences différentes : « J’en ai un en mi grave, un ré, un fa , un sol. Pendant le concert j’ai utilisé le mi et le fa ensemble, le sol tout seul, et ensuite j’ai mis en résonnance certains de ces sons avec l’électronique. Ce dialogue entre l’acoustique et l’électronique est une des caractéristiques de mon travail. Et parfois (elle dit cela sur le ton d’un ébéniste qui livrerait les secrets de sa patine) il m’arrive de remplir les bols de quelques grains de riz ; ça modifie le son car il fait du billard à l’intérieur des bols ».

On est très content que le festival de Reims puisse trouver ainsi sa voie en mélangeant musiques de qualité, audacieuses et  séduisantes. Ça continue comme ça encore tout ce début de semaine. Demain soir 18 novembre, le grand John Abercrombie en trio avec Gary Versace à l’orgue et Adam Nussbaum à la batterie, et après-demain mercredi 19 novembre, à l’opéra de Reims, un groupe de trois musiciens français exceptionnels, Benjamin Moussay, Sarah Murcia, Franck Vaillant (Thisisatrio) suivie d’une prometteuse petite histoire de l’opéra où l’on retrouvera Laurent Dehors, Andy Emler, et la soprano Géraldine Keller.

JF Mondot

 

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ferté richardSamedi soir, le saxophoniste Jean-Charles Richard a donné un très beau concert pour la deuxième journée du festival de Reims. Il était accompagné de Christophe Marguet à la batterie et de l’incroyable contrebassiste autrichien Peter Herbert, qui a gratifié le public de mini-concertos mémorables.

Jean-Charles Richard Trio avec Peter Herbert (contrebasse), Christophe Marguet (batterie), Jean-Charles Richard (saxophone baryton et soprano) Centre saint exupéry, 51000 Reims

 

 

 

Il y a chez Jean-Charles Richard une joie de jouer, un enthousiasme (pour le premier morceau, on l’a vu trépigner pendant son chorus : trop de choses à dire, trop de choses à jouer, trop d’énergie à canaliser) et aussi une pédagogie instinctive qui lui permet de faire partager ce qu’il joue en quelques mots très simples. (on l’entend par exemple expliquer son projet Traces (distribué par Abalone) nom de son dernier album, dont sont tirés les morceaux du concert, comme l’inventaire des influences qui demeurent malgré la volonté d’adopter une démarche personnelle). Grâce à ces mots simples, grâce à son engagement physique, Il obtient ainsi du public qu’il hausse son niveau d’attention pour accéder à une musique qui, certes ne se veut pas expérimentale, mais reste tout de même exigeante.

Le premier morceau, machine à siffloter, est joué au baryton. C’est assez bluffant de voir comment Jean-Charles Richard maîtrise cette bête-là. Il lui fait faire ce qu’il veut, en particulier des traits souples, ondoyants, un peu comme un gars qui réussirait à faire de la calligraphie chinoise avec un marqueur. Tout au long du concert, il utilise toute l’expressivité du baryton, du son énorme, du barrissement, aux harmoniques, ces notes débarrassées de leur chair, ou encore les lignes de basse qu’il sait trouver un slappant sur les clés de l’instrument.

Tous ces effets ne sont jamais recherchés pour eux-mêmes mais pour gagner un supplément d’expressivité, comme par exemple sur un des morceaux les plus poétiques du concert, hommage au compositeur Gérard Grisey, où Jean-Charles Richard tient un long passage en respiration continue, dans lequel aucune note n’est émise , mais où toutes sont suggérées.

Au soprano, Jean-Charles Richard privilégie plus volontiers l’atmosphère que les explorations timbriques. Il l’utilise pour des thèmes lyriques, aériens, où il déploie une sonorité ample, avec des notes tenues dans l’aigu qui donnent une poignante intensité à son propos.

Jouer en trio comme ce soir, implique de n’avoir aucun maillon faible dans la formation. A Reims, JC Richard s’est présenté entouré de l’impeccable Christophe Marguet à la batterie, et du contrebassiste autrichien Peter Herbert qui pour beaucoup a été une vraie révélation. A l’archet, qu’il utilise vraiment, presque à égalité avec le pizzicato, il a un son majestueux, d’une incroyable profondeur. Il remplit l’espace. Comme ses fréquences dans le grave sont proches de celles du saxophone baryton, cela a donné de belles séquences de collusion sonore entre les deux musiciens. Quand il pose l’archet, cela reste très beau, avec une virtuosité qui ne se manifeste pas forcément par des traits ultra-rapides, mais par une manière de faire résonner le son, de le contrôler, et par une manière aussi de faire ses propres contrepoints qui est assez remarquable. Jean-Charles Richard et lui sont, à tout point de vue, sur la même longueur d’ondes. On comprend mieux pourquoi en bavardant cinq minutes avec Peter Herbert après le concert, le temps d’une cigarette. Les deux hommes partagent une double culture jazz et classique. Peter Herbert raconte un peu son parcours de Graz à Berkeley, son activité qui se partage aujourd’hui entre le jazz et la musique contemporaine. Cet homme éclectique est l’auteur d’un opéra réunissant musiciens occidentaux et du Maghreb, Trans-Maghreb (on trouvera plus de détails sur son site www.azizamusic.com) et , plus récemment d’un disque autour des musiques de Joni Mitchell (Joni, chez Col legno).

 

Avant le trio de Jean-Charles Richard , les spectateurs ont pu assister une œuvre expérimentale, audacieuse, où se mélangeaient électronique et accoustique. Elle était signée de patrick Defossez et avait pour titre singulier : « Autre voix de piano Quatre =onze==(7) ».

 

Patrick Defossez (composition, piano accoustique et électrique, percussions, laptop, piano augmenté), Anne-Gabrielle Debaeker (composition, piano électrique, sculpture électroaccoustique, bois), Daniel Erdmann (saxophones ténor, soprano, baryton), Benny Sluchin (trombone tenor et euphonium duplex)

 

 

Le dispositif présenté pour jouer cette musique originale est le suivant. A gauche le piano préparé de Patrick Defossez (augmenté à sa droite d’un piano électrique et de percussions diverses), à droite le piano d’Anne-Gabriel Debaecker, avec différentes machines et objets , nous y reviendrons), et entre les deux le tromboniste Benny Sluchin, et le saxophoniste Daniel Erdmann (que l’on peut entendre , sur disque, dans le très beau disque de Francis le Bras, «De l’estaque aux Goudes , paru cette année chez Vents d’est, où il est véritablement admirable).

Il y a plein de belles idées dans la musique qui est jouée, et l’on apprécie beaucoup l’usage musical qui est fait de tous les joujoux électroniques dont dispose Anne-Gabrielle Debaeker. On apprécie particulièrement l’usage qu’elle fait de ces halos, sortes de fantômes de sons modulés délicatement, qui viennent hanter l’espace sonore. Les moments que l’on retient du spectacle sont presque toujours reliés aux interventions de Daniel Erdmann. Il pratique souvent des interventions qu’on pourrait qualifier d’arpèges sensibles : il a une manière très personnelle de monter et de descendre des sortes d’arpèges et le miracle de ce ressassement, avec beaucoup de jeu sur le souffle, est d’aboutir à quelque chose qui ressemble presque à du lyrisme. On regrette un peu que le tromboniste par soit resté un peu retrait par rapport à ces interventions. Au bout du compte, sans que cela soit peut-être le but recherché, on picore dans ce concert comme dans une sorte de grand mezzé sonore. Après le concert on parle quelqu
es instants avec Anne-Gabrielle Debaeker. Elle nous détaille un peu les joujoux électroniques dont elle se sert : synthétiseur, oscillateur, échantillonneur, filtres, modulateurs de fréquence qu’elle règle à la main pendant le spectacle. Elle a aussi, de manière plus inattendue, des bols de cristal dont elle tire des fréquences différentes : « J’en ai un en mi grave, un ré, un fa , un sol. Pendant le concert j’ai utilisé le mi et le fa ensemble, le sol tout seul, et ensuite j’ai mis en résonnance certains de ces sons avec l’électronique. Ce dialogue entre l’acoustique et l’électronique est une des caractéristiques de mon travail. Et parfois (elle dit cela sur le ton d’un ébéniste qui livrerait les secrets de sa patine) il m’arrive de remplir les bols de quelques grains de riz ; ça modifie le son car il fait du billard à l’intérieur des bols ».

On est très content que le festival de Reims puisse trouver ainsi sa voie en mélangeant musiques de qualité, audacieuses et  séduisantes. Ça continue comme ça encore tout ce début de semaine. Demain soir 18 novembre, le grand John Abercrombie en trio avec Gary Versace à l’orgue et Adam Nussbaum à la batterie, et après-demain mercredi 19 novembre, à l’opéra de Reims, un groupe de trois musiciens français exceptionnels, Benjamin Moussay, Sarah Murcia, Franck Vaillant (Thisisatrio) suivie d’une prometteuse petite histoire de l’opéra où l’on retrouvera Laurent Dehors, Andy Emler, et la soprano Géraldine Keller.

JF Mondot