Jazz live
Publié le 22 Nov 2014

Steve Coleman : maître et descendances

Hier 22 novembre, Steve Coleman était sur la scène d’un New Morning plein comme un œuf. D’où quelques regards sur les descendances possibles du leader de Five Elements et quelques annonces…

 

New Morning, Paris (75), le 21 novembre 2014.


Steve Coleman Five Elements : Jonathan Finlayson (trompette), Steve Coleman (sax alto), Anthony Tidd (guitare basse 6 cordes), Sean Rickman (batterie).


Arrivé à la fin de l’avant-dernier morceau du premier set, où je crois reconnaître Drop Kick. Une autre composition en fin de set (peut-être tirée de “Resistance Is Futile”). Sur scène le groupe avec lequel Steve Coleman travaille depuis au moins un an, mais qui nous ramène quelques années en amont. Déjà l’heure de la pause arrive, l’occasion d’observer ce public compact, hétérogène en termes de génération et de sexe, beaucoup de musicienn(e)s semblent-ils, que je ne connais pas forcément, mais qui comptent parmi eux de fins connaisseurs de la musique de Coleman.

 

La musique reprend, qui me semble éloignée des dernières équipes que j’ai entendues live avec Thomas Morgan et Marcus Gilmore ou Tyshawn Sorey. Il me semble même assister à un relatif retour en arrière et à l’abandon de certains concepts formels développés sur “Harvesting Semblances and Affinities” (avec Morgan et Gilmore/Sorey) ou “Resistance Is Futile” (avec Tidd/Rickman). Où les fameux et toujours fabuleux mécanos métriques me semblent avoir perdu de leurs ambitions formelles au profit d’une espèce de work in progress sur des claves plus ou moins longues d’où surgissent différents thématiques parfois très développées (Steve Coleman chausse alors ses lunettes), sur un jeu de basse très fourni, moins discontinu et moins accidenté que par le passé, souvent en homophonie avec l’un ou l’autre des soufflants, l’attention se reportant soit sur ces formidables jeux de batterie aux allures de mobile rythmique dont les différents éléments ne cessent de se repositionner les uns par rapport aux autres, soit sur les jaillissements soudains et toujours assez prodigieux de l’un ou l’autre des deux souffleurs.

 

Impression mitigée de ma part, au milieu d’un public totalement acquis. Fallait-il entendre dans ce second set cette nouvelle phase de son œuvre que Steve Coleman décrit ainsi dans une interview pour le site The Jazz Breakfast : « 2012-2014 when I began my 4th mature phrase in music, exploring spontaneous composition more fully and its connections to the human species (55-58 years old). » Peut-être suis-je passé au cours de ce demi-concert à côté d’une nouvelle mutation chez Steve Coleman, mais je dois avouer être moins fasciné par ce que j’ai entendu hier, que par la façon dont l’héritage de Steve Coleman s’est disséminé, avec plus ou moins de bonheur (work in progress, déconvenues et coups de cœur), en Belgique (le regretté Pierre Van Dormael et la famille Aka Moon-Octurn), en Angleterre (le collectif F-Ire) et en France (la descendance de Hask) comme aux Etats-Unis auprès de disciples plus ou moins avoués, plus ou moins réels, plus ou moins directs ou simplement d’anciens collaborateurs (Vijay Iyer, Tyshawn Sorey, Steve Lehman, David Vireilles…).

 

Ce qui me frappe avec cette descendance, c’est de la voir s’affranchir ou emmener au-delà le cliché M-base (rapidité de phrasé à la précision chirurgicale, groove funk et mesures complexes), soit en approfondissant d’autres aspects de la pensée stevecolemanienne (dans le domaine de l’harmonie selon des concepts qui sont généralement passés sous silence par les journalistes parce qu’ils n’y comprennent que couic, si tant est qu’ils aient compris quelque chose au rythme colemanien, et je suis l’un de ces journalistes), soit par une sorte de transcendance de ce que l’on peut considérer comme un dogme (transcendance à laquelle, si mes informations sont exactes, il a toujours invité ses étudiants, plus qu’à l’imitation).

 

J’en trouve l’illustration auprès de cette scène bretonne que j’ai eu l’occasion de mentionner à l’occasion de mes blogs sur le festival de Malgnénac, qui s’est formée entre ces grands pôles régionaux que sont les départements jazz des conservatoires de Saint-Brieuc et Brest, la Kreiz-Breizh Akademi d’Erik Marchand (programme de formation professionnelle axé sur la musique bretonne et plus largement sur les traditions modales qui prend la forme d’un orchestre renouvelable et dont les dernières sessions ont pu bénéficier des conseils de Bojan Z, Hélène Labarrière, Camel Zekri, Dominique Pifarély…) et le Nimbus Orchestra (conçu par le contrebassiste Frédéric Bargeon-Briet selon une périodicité comparable à celle de la Kreiz Breiz Akademi et qui a connu des sessions de travail dirigées par Guillaume Orti, Bo Van der Werf, Stéphane Payen, Fabrizio Cassol, Geoffroy de Masure, Magic Malik et… Steve Coleman en personne). C’est ainsi qu’auprès de nombreux de ces musiciens bretons, l’héritage de Coleman n’est pas à retrouver de façon littérale et que, interrogeant la harpiste et chanteuse Laura Perrudin (disque solo attendu pour 2015) sur l’évolution de sa voix, il me fut donné comme explication une semaine de travail avec Steve Coleman dont elle a retenue des leçons de géomètrie de l’harmonie, de rapport au corps, de méthode de travail, plus les conseils de la chanteuse Jen Shyu.

 

Or, quelques uns des musiciens entendus à Malguénac l’été dernier se trouveront à Paris au Sunset lundi 24, au sein du quartette du batteur Clément Abraham. Rien de ce que j’ai entendu de ce groupe encore fragile, au répertoire très éloigné des conception stevecolemanienne, ne me permet de m’en porter garant et peut-être est-ce lui imposer une pression exagérée que d’évoquer à son propos l’ombre de Steve Coleman. Mais j’aurai sûrement la curiosité d’aller écouter ce qu’y font au piano la chanteuse Faustine Audebert (ex-Nimbus, ex-Kreiz Breizh Akademi, Bayati, Charka qui couronna le festival de Malguénac, groupe de progressive rock Faustine) le saxophoniste Nicolas Peoc’h (ex-Nimbus, membre de Nautilis, The Khu, du très stevecolemanien trio Oko salué à Malguénac), et le contrebassiste Jonathan Caserta (ex-Kreiz Breizh Akademi, Charka).

 

On pourrait me soupçonner de vouloir faire passer les disciples devant le Maître, ce qui n’est pas exactement mon idée mais, quoique la tentation de clore l’Histoire est d’autant plus forte que la surabondance laisse souvent la critique quelque peu désemparée, je ne peux me résoudre à considérer les maîtres sans descendance, ni à regarder ailleurs en attendant quelque révélation surnaturelle. C’est pourquoi j’irai très sûrement, ce jeudi 27 novembre à la Dynamo de Pantin au concert du collectif Onze heure onze, où j’invite, avec une conviction plus assurée, à aller écouter le trio du pianiste Alexandre Herer et ses invités (Julien Pontvia
nne et Stéphane Payen), ainsi que le quartette de l’altiste Denis Guivarc’h ([Choc] de notre numéro de novembre pour l’album “Reverse”) et ses invités (Magic Malik et Nelson Veras).

 

Entre temps, le maître Steve Coleman, après un détour ce soir par Birmingham, animera trois après-midi de masterclass à Montreuil (Café la Pêche, le Centre des musiques urbaines) autour des questions de rythme, de mélodie et de mouvements tonaux. Franck Bergerot

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Hier 22 novembre, Steve Coleman était sur la scène d’un New Morning plein comme un œuf. D’où quelques regards sur les descendances possibles du leader de Five Elements et quelques annonces…

 

New Morning, Paris (75), le 21 novembre 2014.


Steve Coleman Five Elements : Jonathan Finlayson (trompette), Steve Coleman (sax alto), Anthony Tidd (guitare basse 6 cordes), Sean Rickman (batterie).


Arrivé à la fin de l’avant-dernier morceau du premier set, où je crois reconnaître Drop Kick. Une autre composition en fin de set (peut-être tirée de “Resistance Is Futile”). Sur scène le groupe avec lequel Steve Coleman travaille depuis au moins un an, mais qui nous ramène quelques années en amont. Déjà l’heure de la pause arrive, l’occasion d’observer ce public compact, hétérogène en termes de génération et de sexe, beaucoup de musicienn(e)s semblent-ils, que je ne connais pas forcément, mais qui comptent parmi eux de fins connaisseurs de la musique de Coleman.

 

La musique reprend, qui me semble éloignée des dernières équipes que j’ai entendues live avec Thomas Morgan et Marcus Gilmore ou Tyshawn Sorey. Il me semble même assister à un relatif retour en arrière et à l’abandon de certains concepts formels développés sur “Harvesting Semblances and Affinities” (avec Morgan et Gilmore/Sorey) ou “Resistance Is Futile” (avec Tidd/Rickman). Où les fameux et toujours fabuleux mécanos métriques me semblent avoir perdu de leurs ambitions formelles au profit d’une espèce de work in progress sur des claves plus ou moins longues d’où surgissent différents thématiques parfois très développées (Steve Coleman chausse alors ses lunettes), sur un jeu de basse très fourni, moins discontinu et moins accidenté que par le passé, souvent en homophonie avec l’un ou l’autre des soufflants, l’attention se reportant soit sur ces formidables jeux de batterie aux allures de mobile rythmique dont les différents éléments ne cessent de se repositionner les uns par rapport aux autres, soit sur les jaillissements soudains et toujours assez prodigieux de l’un ou l’autre des deux souffleurs.

 

Impression mitigée de ma part, au milieu d’un public totalement acquis. Fallait-il entendre dans ce second set cette nouvelle phase de son œuvre que Steve Coleman décrit ainsi dans une interview pour le site The Jazz Breakfast : « 2012-2014 when I began my 4th mature phrase in music, exploring spontaneous composition more fully and its connections to the human species (55-58 years old). » Peut-être suis-je passé au cours de ce demi-concert à côté d’une nouvelle mutation chez Steve Coleman, mais je dois avouer être moins fasciné par ce que j’ai entendu hier, que par la façon dont l’héritage de Steve Coleman s’est disséminé, avec plus ou moins de bonheur (work in progress, déconvenues et coups de cœur), en Belgique (le regretté Pierre Van Dormael et la famille Aka Moon-Octurn), en Angleterre (le collectif F-Ire) et en France (la descendance de Hask) comme aux Etats-Unis auprès de disciples plus ou moins avoués, plus ou moins réels, plus ou moins directs ou simplement d’anciens collaborateurs (Vijay Iyer, Tyshawn Sorey, Steve Lehman, David Vireilles…).

 

Ce qui me frappe avec cette descendance, c’est de la voir s’affranchir ou emmener au-delà le cliché M-base (rapidité de phrasé à la précision chirurgicale, groove funk et mesures complexes), soit en approfondissant d’autres aspects de la pensée stevecolemanienne (dans le domaine de l’harmonie selon des concepts qui sont généralement passés sous silence par les journalistes parce qu’ils n’y comprennent que couic, si tant est qu’ils aient compris quelque chose au rythme colemanien, et je suis l’un de ces journalistes), soit par une sorte de transcendance de ce que l’on peut considérer comme un dogme (transcendance à laquelle, si mes informations sont exactes, il a toujours invité ses étudiants, plus qu’à l’imitation).

 

J’en trouve l’illustration auprès de cette scène bretonne que j’ai eu l’occasion de mentionner à l’occasion de mes blogs sur le festival de Malgnénac, qui s’est formée entre ces grands pôles régionaux que sont les départements jazz des conservatoires de Saint-Brieuc et Brest, la Kreiz-Breizh Akademi d’Erik Marchand (programme de formation professionnelle axé sur la musique bretonne et plus largement sur les traditions modales qui prend la forme d’un orchestre renouvelable et dont les dernières sessions ont pu bénéficier des conseils de Bojan Z, Hélène Labarrière, Camel Zekri, Dominique Pifarély…) et le Nimbus Orchestra (conçu par le contrebassiste Frédéric Bargeon-Briet selon une périodicité comparable à celle de la Kreiz Breiz Akademi et qui a connu des sessions de travail dirigées par Guillaume Orti, Bo Van der Werf, Stéphane Payen, Fabrizio Cassol, Geoffroy de Masure, Magic Malik et… Steve Coleman en personne). C’est ainsi qu’auprès de nombreux de ces musiciens bretons, l’héritage de Coleman n’est pas à retrouver de façon littérale et que, interrogeant la harpiste et chanteuse Laura Perrudin (disque solo attendu pour 2015) sur l’évolution de sa voix, il me fut donné comme explication une semaine de travail avec Steve Coleman dont elle a retenue des leçons de géomètrie de l’harmonie, de rapport au corps, de méthode de travail, plus les conseils de la chanteuse Jen Shyu.

 

Or, quelques uns des musiciens entendus à Malguénac l’été dernier se trouveront à Paris au Sunset lundi 24, au sein du quartette du batteur Clément Abraham. Rien de ce que j’ai entendu de ce groupe encore fragile, au répertoire très éloigné des conception stevecolemanienne, ne me permet de m’en porter garant et peut-être est-ce lui imposer une pression exagérée que d’évoquer à son propos l’ombre de Steve Coleman. Mais j’aurai sûrement la curiosité d’aller écouter ce qu’y font au piano la chanteuse Faustine Audebert (ex-Nimbus, ex-Kreiz Breizh Akademi, Bayati, Charka qui couronna le festival de Malguénac, groupe de progressive rock Faustine) le saxophoniste Nicolas Peoc’h (ex-Nimbus, membre de Nautilis, The Khu, du très stevecolemanien trio Oko salué à Malguénac), et le contrebassiste Jonathan Caserta (ex-Kreiz Breizh Akademi, Charka).

 

On pourrait me soupçonner de vouloir faire passer les disciples devant le Maître, ce qui n’est pas exactement mon idée mais, quoique la tentation de clore l’Histoire est d’autant plus forte que la surabondance laisse souvent la critique quelque peu désemparée, je ne peux me résoudre à considérer les maîtres sans descendance, ni à regarder ailleurs en attendant quelque révélation surnaturelle. C’est pourquoi j’irai très sûrement, ce jeudi 27 novembre à la Dynamo de Pantin au concert du collectif Onze heure onze, où j’invite, avec une conviction plus assurée, à aller écouter le trio du pianiste Alexandre Herer et ses invités (Julien Pontvia
nne et Stéphane Payen), ainsi que le quartette de l’altiste Denis Guivarc’h ([Choc] de notre numéro de novembre pour l’album “Reverse”) et ses invités (Magic Malik et Nelson Veras).

 

Entre temps, le maître Steve Coleman, après un détour ce soir par Birmingham, animera trois après-midi de masterclass à Montreuil (Café la Pêche, le Centre des musiques urbaines) autour des questions de rythme, de mélodie et de mouvements tonaux. Franck Bergerot

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Hier 22 novembre, Steve Coleman était sur la scène d’un New Morning plein comme un œuf. D’où quelques regards sur les descendances possibles du leader de Five Elements et quelques annonces…

 

New Morning, Paris (75), le 21 novembre 2014.


Steve Coleman Five Elements : Jonathan Finlayson (trompette), Steve Coleman (sax alto), Anthony Tidd (guitare basse 6 cordes), Sean Rickman (batterie).


Arrivé à la fin de l’avant-dernier morceau du premier set, où je crois reconnaître Drop Kick. Une autre composition en fin de set (peut-être tirée de “Resistance Is Futile”). Sur scène le groupe avec lequel Steve Coleman travaille depuis au moins un an, mais qui nous ramène quelques années en amont. Déjà l’heure de la pause arrive, l’occasion d’observer ce public compact, hétérogène en termes de génération et de sexe, beaucoup de musicienn(e)s semblent-ils, que je ne connais pas forcément, mais qui comptent parmi eux de fins connaisseurs de la musique de Coleman.

 

La musique reprend, qui me semble éloignée des dernières équipes que j’ai entendues live avec Thomas Morgan et Marcus Gilmore ou Tyshawn Sorey. Il me semble même assister à un relatif retour en arrière et à l’abandon de certains concepts formels développés sur “Harvesting Semblances and Affinities” (avec Morgan et Gilmore/Sorey) ou “Resistance Is Futile” (avec Tidd/Rickman). Où les fameux et toujours fabuleux mécanos métriques me semblent avoir perdu de leurs ambitions formelles au profit d’une espèce de work in progress sur des claves plus ou moins longues d’où surgissent différents thématiques parfois très développées (Steve Coleman chausse alors ses lunettes), sur un jeu de basse très fourni, moins discontinu et moins accidenté que par le passé, souvent en homophonie avec l’un ou l’autre des soufflants, l’attention se reportant soit sur ces formidables jeux de batterie aux allures de mobile rythmique dont les différents éléments ne cessent de se repositionner les uns par rapport aux autres, soit sur les jaillissements soudains et toujours assez prodigieux de l’un ou l’autre des deux souffleurs.

 

Impression mitigée de ma part, au milieu d’un public totalement acquis. Fallait-il entendre dans ce second set cette nouvelle phase de son œuvre que Steve Coleman décrit ainsi dans une interview pour le site The Jazz Breakfast : « 2012-2014 when I began my 4th mature phrase in music, exploring spontaneous composition more fully and its connections to the human species (55-58 years old). » Peut-être suis-je passé au cours de ce demi-concert à côté d’une nouvelle mutation chez Steve Coleman, mais je dois avouer être moins fasciné par ce que j’ai entendu hier, que par la façon dont l’héritage de Steve Coleman s’est disséminé, avec plus ou moins de bonheur (work in progress, déconvenues et coups de cœur), en Belgique (le regretté Pierre Van Dormael et la famille Aka Moon-Octurn), en Angleterre (le collectif F-Ire) et en France (la descendance de Hask) comme aux Etats-Unis auprès de disciples plus ou moins avoués, plus ou moins réels, plus ou moins directs ou simplement d’anciens collaborateurs (Vijay Iyer, Tyshawn Sorey, Steve Lehman, David Vireilles…).

 

Ce qui me frappe avec cette descendance, c’est de la voir s’affranchir ou emmener au-delà le cliché M-base (rapidité de phrasé à la précision chirurgicale, groove funk et mesures complexes), soit en approfondissant d’autres aspects de la pensée stevecolemanienne (dans le domaine de l’harmonie selon des concepts qui sont généralement passés sous silence par les journalistes parce qu’ils n’y comprennent que couic, si tant est qu’ils aient compris quelque chose au rythme colemanien, et je suis l’un de ces journalistes), soit par une sorte de transcendance de ce que l’on peut considérer comme un dogme (transcendance à laquelle, si mes informations sont exactes, il a toujours invité ses étudiants, plus qu’à l’imitation).

 

J’en trouve l’illustration auprès de cette scène bretonne que j’ai eu l’occasion de mentionner à l’occasion de mes blogs sur le festival de Malgnénac, qui s’est formée entre ces grands pôles régionaux que sont les départements jazz des conservatoires de Saint-Brieuc et Brest, la Kreiz-Breizh Akademi d’Erik Marchand (programme de formation professionnelle axé sur la musique bretonne et plus largement sur les traditions modales qui prend la forme d’un orchestre renouvelable et dont les dernières sessions ont pu bénéficier des conseils de Bojan Z, Hélène Labarrière, Camel Zekri, Dominique Pifarély…) et le Nimbus Orchestra (conçu par le contrebassiste Frédéric Bargeon-Briet selon une périodicité comparable à celle de la Kreiz Breiz Akademi et qui a connu des sessions de travail dirigées par Guillaume Orti, Bo Van der Werf, Stéphane Payen, Fabrizio Cassol, Geoffroy de Masure, Magic Malik et… Steve Coleman en personne). C’est ainsi qu’auprès de nombreux de ces musiciens bretons, l’héritage de Coleman n’est pas à retrouver de façon littérale et que, interrogeant la harpiste et chanteuse Laura Perrudin (disque solo attendu pour 2015) sur l’évolution de sa voix, il me fut donné comme explication une semaine de travail avec Steve Coleman dont elle a retenue des leçons de géomètrie de l’harmonie, de rapport au corps, de méthode de travail, plus les conseils de la chanteuse Jen Shyu.

 

Or, quelques uns des musiciens entendus à Malguénac l’été dernier se trouveront à Paris au Sunset lundi 24, au sein du quartette du batteur Clément Abraham. Rien de ce que j’ai entendu de ce groupe encore fragile, au répertoire très éloigné des conception stevecolemanienne, ne me permet de m’en porter garant et peut-être est-ce lui imposer une pression exagérée que d’évoquer à son propos l’ombre de Steve Coleman. Mais j’aurai sûrement la curiosité d’aller écouter ce qu’y font au piano la chanteuse Faustine Audebert (ex-Nimbus, ex-Kreiz Breizh Akademi, Bayati, Charka qui couronna le festival de Malguénac, groupe de progressive rock Faustine) le saxophoniste Nicolas Peoc’h (ex-Nimbus, membre de Nautilis, The Khu, du très stevecolemanien trio Oko salué à Malguénac), et le contrebassiste Jonathan Caserta (ex-Kreiz Breizh Akademi, Charka).

 

On pourrait me soupçonner de vouloir faire passer les disciples devant le Maître, ce qui n’est pas exactement mon idée mais, quoique la tentation de clore l’Histoire est d’autant plus forte que la surabondance laisse souvent la critique quelque peu désemparée, je ne peux me résoudre à considérer les maîtres sans descendance, ni à regarder ailleurs en attendant quelque révélation surnaturelle. C’est pourquoi j’irai très sûrement, ce jeudi 27 novembre à la Dynamo de Pantin au concert du collectif Onze heure onze, où j’invite, avec une conviction plus assurée, à aller écouter le trio du pianiste Alexandre Herer et ses invités (Julien Pontvia
nne et Stéphane Payen), ainsi que le quartette de l’altiste Denis Guivarc’h ([Choc] de notre numéro de novembre pour l’album “Reverse”) et ses invités (Magic Malik et Nelson Veras).

 

Entre temps, le maître Steve Coleman, après un détour ce soir par Birmingham, animera trois après-midi de masterclass à Montreuil (Café la Pêche, le Centre des musiques urbaines) autour des questions de rythme, de mélodie et de mouvements tonaux. Franck Bergerot

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Hier 22 novembre, Steve Coleman était sur la scène d’un New Morning plein comme un œuf. D’où quelques regards sur les descendances possibles du leader de Five Elements et quelques annonces…

 

New Morning, Paris (75), le 21 novembre 2014.


Steve Coleman Five Elements : Jonathan Finlayson (trompette), Steve Coleman (sax alto), Anthony Tidd (guitare basse 6 cordes), Sean Rickman (batterie).


Arrivé à la fin de l’avant-dernier morceau du premier set, où je crois reconnaître Drop Kick. Une autre composition en fin de set (peut-être tirée de “Resistance Is Futile”). Sur scène le groupe avec lequel Steve Coleman travaille depuis au moins un an, mais qui nous ramène quelques années en amont. Déjà l’heure de la pause arrive, l’occasion d’observer ce public compact, hétérogène en termes de génération et de sexe, beaucoup de musicienn(e)s semblent-ils, que je ne connais pas forcément, mais qui comptent parmi eux de fins connaisseurs de la musique de Coleman.

 

La musique reprend, qui me semble éloignée des dernières équipes que j’ai entendues live avec Thomas Morgan et Marcus Gilmore ou Tyshawn Sorey. Il me semble même assister à un relatif retour en arrière et à l’abandon de certains concepts formels développés sur “Harvesting Semblances and Affinities” (avec Morgan et Gilmore/Sorey) ou “Resistance Is Futile” (avec Tidd/Rickman). Où les fameux et toujours fabuleux mécanos métriques me semblent avoir perdu de leurs ambitions formelles au profit d’une espèce de work in progress sur des claves plus ou moins longues d’où surgissent différents thématiques parfois très développées (Steve Coleman chausse alors ses lunettes), sur un jeu de basse très fourni, moins discontinu et moins accidenté que par le passé, souvent en homophonie avec l’un ou l’autre des soufflants, l’attention se reportant soit sur ces formidables jeux de batterie aux allures de mobile rythmique dont les différents éléments ne cessent de se repositionner les uns par rapport aux autres, soit sur les jaillissements soudains et toujours assez prodigieux de l’un ou l’autre des deux souffleurs.

 

Impression mitigée de ma part, au milieu d’un public totalement acquis. Fallait-il entendre dans ce second set cette nouvelle phase de son œuvre que Steve Coleman décrit ainsi dans une interview pour le site The Jazz Breakfast : « 2012-2014 when I began my 4th mature phrase in music, exploring spontaneous composition more fully and its connections to the human species (55-58 years old). » Peut-être suis-je passé au cours de ce demi-concert à côté d’une nouvelle mutation chez Steve Coleman, mais je dois avouer être moins fasciné par ce que j’ai entendu hier, que par la façon dont l’héritage de Steve Coleman s’est disséminé, avec plus ou moins de bonheur (work in progress, déconvenues et coups de cœur), en Belgique (le regretté Pierre Van Dormael et la famille Aka Moon-Octurn), en Angleterre (le collectif F-Ire) et en France (la descendance de Hask) comme aux Etats-Unis auprès de disciples plus ou moins avoués, plus ou moins réels, plus ou moins directs ou simplement d’anciens collaborateurs (Vijay Iyer, Tyshawn Sorey, Steve Lehman, David Vireilles…).

 

Ce qui me frappe avec cette descendance, c’est de la voir s’affranchir ou emmener au-delà le cliché M-base (rapidité de phrasé à la précision chirurgicale, groove funk et mesures complexes), soit en approfondissant d’autres aspects de la pensée stevecolemanienne (dans le domaine de l’harmonie selon des concepts qui sont généralement passés sous silence par les journalistes parce qu’ils n’y comprennent que couic, si tant est qu’ils aient compris quelque chose au rythme colemanien, et je suis l’un de ces journalistes), soit par une sorte de transcendance de ce que l’on peut considérer comme un dogme (transcendance à laquelle, si mes informations sont exactes, il a toujours invité ses étudiants, plus qu’à l’imitation).

 

J’en trouve l’illustration auprès de cette scène bretonne que j’ai eu l’occasion de mentionner à l’occasion de mes blogs sur le festival de Malgnénac, qui s’est formée entre ces grands pôles régionaux que sont les départements jazz des conservatoires de Saint-Brieuc et Brest, la Kreiz-Breizh Akademi d’Erik Marchand (programme de formation professionnelle axé sur la musique bretonne et plus largement sur les traditions modales qui prend la forme d’un orchestre renouvelable et dont les dernières sessions ont pu bénéficier des conseils de Bojan Z, Hélène Labarrière, Camel Zekri, Dominique Pifarély…) et le Nimbus Orchestra (conçu par le contrebassiste Frédéric Bargeon-Briet selon une périodicité comparable à celle de la Kreiz Breiz Akademi et qui a connu des sessions de travail dirigées par Guillaume Orti, Bo Van der Werf, Stéphane Payen, Fabrizio Cassol, Geoffroy de Masure, Magic Malik et… Steve Coleman en personne). C’est ainsi qu’auprès de nombreux de ces musiciens bretons, l’héritage de Coleman n’est pas à retrouver de façon littérale et que, interrogeant la harpiste et chanteuse Laura Perrudin (disque solo attendu pour 2015) sur l’évolution de sa voix, il me fut donné comme explication une semaine de travail avec Steve Coleman dont elle a retenue des leçons de géomètrie de l’harmonie, de rapport au corps, de méthode de travail, plus les conseils de la chanteuse Jen Shyu.

 

Or, quelques uns des musiciens entendus à Malguénac l’été dernier se trouveront à Paris au Sunset lundi 24, au sein du quartette du batteur Clément Abraham. Rien de ce que j’ai entendu de ce groupe encore fragile, au répertoire très éloigné des conception stevecolemanienne, ne me permet de m’en porter garant et peut-être est-ce lui imposer une pression exagérée que d’évoquer à son propos l’ombre de Steve Coleman. Mais j’aurai sûrement la curiosité d’aller écouter ce qu’y font au piano la chanteuse Faustine Audebert (ex-Nimbus, ex-Kreiz Breizh Akademi, Bayati, Charka qui couronna le festival de Malguénac, groupe de progressive rock Faustine) le saxophoniste Nicolas Peoc’h (ex-Nimbus, membre de Nautilis, The Khu, du très stevecolemanien trio Oko salué à Malguénac), et le contrebassiste Jonathan Caserta (ex-Kreiz Breizh Akademi, Charka).

 

On pourrait me soupçonner de vouloir faire passer les disciples devant le Maître, ce qui n’est pas exactement mon idée mais, quoique la tentation de clore l’Histoire est d’autant plus forte que la surabondance laisse souvent la critique quelque peu désemparée, je ne peux me résoudre à considérer les maîtres sans descendance, ni à regarder ailleurs en attendant quelque révélation surnaturelle. C’est pourquoi j’irai très sûrement, ce jeudi 27 novembre à la Dynamo de Pantin au concert du collectif Onze heure onze, où j’invite, avec une conviction plus assurée, à aller écouter le trio du pianiste Alexandre Herer et ses invités (Julien Pontvia
nne et Stéphane Payen), ainsi que le quartette de l’altiste Denis Guivarc’h ([Choc] de notre numéro de novembre pour l’album “Reverse”) et ses invités (Magic Malik et Nelson Veras).

 

Entre temps, le maître Steve Coleman, après un détour ce soir par Birmingham, animera trois après-midi de masterclass à Montreuil (Café la Pêche, le Centre des musiques urbaines) autour des questions de rythme, de mélodie et de mouvements tonaux. Franck Bergerot