Viktorija Gecyte au scanner d’Alain Jean-Marie
Mercredi dernier au 38 Riv, Viktorija Gecyte a chanté dans une formule qui ne pardonne rien : celle du duo. Non seulement on ne peut cacher aucune faiblesse mais celles-ci sont éclairées, grossies, exacerbées. L’exercice était d’autant plus intimidant que son accompagnateur, Alain Jean-Marie, a accompagné les plus grandes. Cela s’appelle passer un scanner….
Alain Jean-Marie (p) et Viktorija gecyte (v) au 38 Riv, 75004 Paris, mercredi 18 janvier 2015
Que dit-il, ce scanner ? D’abord que Viktorija Gecyte a un time parfait. A aucun moment, même au début, les deux musiciens n’ont donné l’impression de devoir s’ajuster, ni de se courir après. A une ou deux reprises, Viktorija Gecyte a même demandé au maître d’allonger un peu sa foulée. Confortablement adossée à ce time parfait, Viktorija délivre un swing irréfutable et joyeux, porté par un timbre de voix qui aime à musarder dans les graves. Cette soirée avec Alain Jean-Marie a révélé une autre qualité de cette jeune chanteuse d’origine lithuanienne : son goût. Il se manifeste dans sa manière aérienne de scatter, là où tant de chanteuses s’adonnent à cet exercice comme si elles conduisaient un semi-remorque à cent vingt kilomètre à l’heure sur l’autoroute. Il apparaît aussi dans le choix du répertoire, avec une très belle alternance entre standards du premier tiroir, et standards du deuxième et du troisième tiroir. Que l’on en juge par le programme du premier set : Viktorija Gecyte et Alain Jean-Marie se sont attaqués à Don’t worry about me, Just friends, An occasional man, lucky to be me, Angel face (titre merveilleux et trop méconnu écrit par Hank Jones, dont Viktorja dit que c’est une de ses ballades préférées) No more blues, The days of wine and roses, You came a long way from Saint Louis (titre chanté par Abbey Lincoln, la chanteuse favorite de Viktorja), I keep going back to Jones.
Les morceaux s’enchaînent assez vite tout en donnant l’impression qu’ils ont donné tout leur suc. Alain Jean-Marie n’a pas besoin de longs discours pour offrir la quintessence d’un morceau. Il sait laisser beaucoup d’espace à la chanteuse, et cela donne un sentiment agréable d’entendre les mots, les phrases, résonner de manière presque renouvelée. L’alchimie du duo est évidente. L’un de ses ressorts est certainement dans ce qui réunit ces deux musiciens, l’absence d’esbroufe dans leurs phrases musicales, une manière d’être toujours au cœur de la mélodie. Après le dernier morceau, Viktorija Gecyte tape dans la main d’Alain Jean-Marie. Elle a gagné ce droit.
Après le concert, je bavarde quelques minutes sur un coin de table avec Alain Jean-Marie. Je lui demande ce qu’est pour lui un bon accompagnement pour une vocaliste. Il considère gravement la question avec la courtoisie de faire comme si on ne lui avait pas posé dix mille fois la question. Il répond ceci : « Il faut de l’espace…savoir transposer très vite… ». Il ajoute : « Jimmy Jones disait qu’il ne jouait que quand la chanteuse ne chantait pas. Il attendait les trous. Bon…C’est peut-être exagéré mais… ». Il réfléchit. « Et puis aussi…il faut aimer ça…être à l’écoute…et rester sobre pour que la chanteuse ne soit pas troublée. Je ne fais pas de pompe ou de vraie ligne de basse. Nous ne sommes pas tenus de remplacer l’orchestre… ». Viktorija Gecyte arrive sur ces entrefaites, avec son grand sourire. Je lui demande si la configuration du duo l’a gênée. « C’est sur le fil…mais j’adore ça…ça ne me dérange pas du tout d’être mise à nue ». On n’a même pas rougi en entendant ce commentaire drôle, piquant, ingénu. Ça prouve qu’on vieillit, bon sang de bonsoir.
texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
Post-sciptum : On pourra retrouver Viktorja très bientôt sur le disque Blue Lake, où elle est accompagnée par un grand orchestre avec au piano Julien Coriatt, également signataire des arrangements. Au menu, standards, blues, chansons folk lithuanienne. Un mélange original, intrigant, réussi.
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Mercredi dernier au 38 Riv, Viktorija Gecyte a chanté dans une formule qui ne pardonne rien : celle du duo. Non seulement on ne peut cacher aucune faiblesse mais celles-ci sont éclairées, grossies, exacerbées. L’exercice était d’autant plus intimidant que son accompagnateur, Alain Jean-Marie, a accompagné les plus grandes. Cela s’appelle passer un scanner….
Alain Jean-Marie (p) et Viktorija gecyte (v) au 38 Riv, 75004 Paris, mercredi 18 janvier 2015
Que dit-il, ce scanner ? D’abord que Viktorija Gecyte a un time parfait. A aucun moment, même au début, les deux musiciens n’ont donné l’impression de devoir s’ajuster, ni de se courir après. A une ou deux reprises, Viktorija Gecyte a même demandé au maître d’allonger un peu sa foulée. Confortablement adossée à ce time parfait, Viktorija délivre un swing irréfutable et joyeux, porté par un timbre de voix qui aime à musarder dans les graves. Cette soirée avec Alain Jean-Marie a révélé une autre qualité de cette jeune chanteuse d’origine lithuanienne : son goût. Il se manifeste dans sa manière aérienne de scatter, là où tant de chanteuses s’adonnent à cet exercice comme si elles conduisaient un semi-remorque à cent vingt kilomètre à l’heure sur l’autoroute. Il apparaît aussi dans le choix du répertoire, avec une très belle alternance entre standards du premier tiroir, et standards du deuxième et du troisième tiroir. Que l’on en juge par le programme du premier set : Viktorija Gecyte et Alain Jean-Marie se sont attaqués à Don’t worry about me, Just friends, An occasional man, lucky to be me, Angel face (titre merveilleux et trop méconnu écrit par Hank Jones, dont Viktorja dit que c’est une de ses ballades préférées) No more blues, The days of wine and roses, You came a long way from Saint Louis (titre chanté par Abbey Lincoln, la chanteuse favorite de Viktorja), I keep going back to Jones.
Les morceaux s’enchaînent assez vite tout en donnant l’impression qu’ils ont donné tout leur suc. Alain Jean-Marie n’a pas besoin de longs discours pour offrir la quintessence d’un morceau. Il sait laisser beaucoup d’espace à la chanteuse, et cela donne un sentiment agréable d’entendre les mots, les phrases, résonner de manière presque renouvelée. L’alchimie du duo est évidente. L’un de ses ressorts est certainement dans ce qui réunit ces deux musiciens, l’absence d’esbroufe dans leurs phrases musicales, une manière d’être toujours au cœur de la mélodie. Après le dernier morceau, Viktorija Gecyte tape dans la main d’Alain Jean-Marie. Elle a gagné ce droit.
Après le concert, je bavarde quelques minutes sur un coin de table avec Alain Jean-Marie. Je lui demande ce qu’est pour lui un bon accompagnement pour une vocaliste. Il considère gravement la question avec la courtoisie de faire comme si on ne lui avait pas posé dix mille fois la question. Il répond ceci : « Il faut de l’espace…savoir transposer très vite… ». Il ajoute : « Jimmy Jones disait qu’il ne jouait que quand la chanteuse ne chantait pas. Il attendait les trous. Bon…C’est peut-être exagéré mais… ». Il réfléchit. « Et puis aussi…il faut aimer ça…être à l’écoute…et rester sobre pour que la chanteuse ne soit pas troublée. Je ne fais pas de pompe ou de vraie ligne de basse. Nous ne sommes pas tenus de remplacer l’orchestre… ». Viktorija Gecyte arrive sur ces entrefaites, avec son grand sourire. Je lui demande si la configuration du duo l’a gênée. « C’est sur le fil…mais j’adore ça…ça ne me dérange pas du tout d’être mise à nue ». On n’a même pas rougi en entendant ce commentaire drôle, piquant, ingénu. Ça prouve qu’on vieillit, bon sang de bonsoir.
texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
Post-sciptum : On pourra retrouver Viktorja très bientôt sur le disque Blue Lake, où elle est accompagnée par un grand orchestre avec au piano Julien Coriatt, également signataire des arrangements. Au menu, standards, blues, chansons folk lithuanienne. Un mélange original, intrigant, réussi.
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Mercredi dernier au 38 Riv, Viktorija Gecyte a chanté dans une formule qui ne pardonne rien : celle du duo. Non seulement on ne peut cacher aucune faiblesse mais celles-ci sont éclairées, grossies, exacerbées. L’exercice était d’autant plus intimidant que son accompagnateur, Alain Jean-Marie, a accompagné les plus grandes. Cela s’appelle passer un scanner….
Alain Jean-Marie (p) et Viktorija gecyte (v) au 38 Riv, 75004 Paris, mercredi 18 janvier 2015
Que dit-il, ce scanner ? D’abord que Viktorija Gecyte a un time parfait. A aucun moment, même au début, les deux musiciens n’ont donné l’impression de devoir s’ajuster, ni de se courir après. A une ou deux reprises, Viktorija Gecyte a même demandé au maître d’allonger un peu sa foulée. Confortablement adossée à ce time parfait, Viktorija délivre un swing irréfutable et joyeux, porté par un timbre de voix qui aime à musarder dans les graves. Cette soirée avec Alain Jean-Marie a révélé une autre qualité de cette jeune chanteuse d’origine lithuanienne : son goût. Il se manifeste dans sa manière aérienne de scatter, là où tant de chanteuses s’adonnent à cet exercice comme si elles conduisaient un semi-remorque à cent vingt kilomètre à l’heure sur l’autoroute. Il apparaît aussi dans le choix du répertoire, avec une très belle alternance entre standards du premier tiroir, et standards du deuxième et du troisième tiroir. Que l’on en juge par le programme du premier set : Viktorija Gecyte et Alain Jean-Marie se sont attaqués à Don’t worry about me, Just friends, An occasional man, lucky to be me, Angel face (titre merveilleux et trop méconnu écrit par Hank Jones, dont Viktorja dit que c’est une de ses ballades préférées) No more blues, The days of wine and roses, You came a long way from Saint Louis (titre chanté par Abbey Lincoln, la chanteuse favorite de Viktorja), I keep going back to Jones.
Les morceaux s’enchaînent assez vite tout en donnant l’impression qu’ils ont donné tout leur suc. Alain Jean-Marie n’a pas besoin de longs discours pour offrir la quintessence d’un morceau. Il sait laisser beaucoup d’espace à la chanteuse, et cela donne un sentiment agréable d’entendre les mots, les phrases, résonner de manière presque renouvelée. L’alchimie du duo est évidente. L’un de ses ressorts est certainement dans ce qui réunit ces deux musiciens, l’absence d’esbroufe dans leurs phrases musicales, une manière d’être toujours au cœur de la mélodie. Après le dernier morceau, Viktorija Gecyte tape dans la main d’Alain Jean-Marie. Elle a gagné ce droit.
Après le concert, je bavarde quelques minutes sur un coin de table avec Alain Jean-Marie. Je lui demande ce qu’est pour lui un bon accompagnement pour une vocaliste. Il considère gravement la question avec la courtoisie de faire comme si on ne lui avait pas posé dix mille fois la question. Il répond ceci : « Il faut de l’espace…savoir transposer très vite… ». Il ajoute : « Jimmy Jones disait qu’il ne jouait que quand la chanteuse ne chantait pas. Il attendait les trous. Bon…C’est peut-être exagéré mais… ». Il réfléchit. « Et puis aussi…il faut aimer ça…être à l’écoute…et rester sobre pour que la chanteuse ne soit pas troublée. Je ne fais pas de pompe ou de vraie ligne de basse. Nous ne sommes pas tenus de remplacer l’orchestre… ». Viktorija Gecyte arrive sur ces entrefaites, avec son grand sourire. Je lui demande si la configuration du duo l’a gênée. « C’est sur le fil…mais j’adore ça…ça ne me dérange pas du tout d’être mise à nue ». On n’a même pas rougi en entendant ce commentaire drôle, piquant, ingénu. Ça prouve qu’on vieillit, bon sang de bonsoir.
texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
Post-sciptum : On pourra retrouver Viktorja très bientôt sur le disque Blue Lake, où elle est accompagnée par un grand orchestre avec au piano Julien Coriatt, également signataire des arrangements. Au menu, standards, blues, chansons folk lithuanienne. Un mélange original, intrigant, réussi.
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Mercredi dernier au 38 Riv, Viktorija Gecyte a chanté dans une formule qui ne pardonne rien : celle du duo. Non seulement on ne peut cacher aucune faiblesse mais celles-ci sont éclairées, grossies, exacerbées. L’exercice était d’autant plus intimidant que son accompagnateur, Alain Jean-Marie, a accompagné les plus grandes. Cela s’appelle passer un scanner….
Alain Jean-Marie (p) et Viktorija gecyte (v) au 38 Riv, 75004 Paris, mercredi 18 janvier 2015
Que dit-il, ce scanner ? D’abord que Viktorija Gecyte a un time parfait. A aucun moment, même au début, les deux musiciens n’ont donné l’impression de devoir s’ajuster, ni de se courir après. A une ou deux reprises, Viktorija Gecyte a même demandé au maître d’allonger un peu sa foulée. Confortablement adossée à ce time parfait, Viktorija délivre un swing irréfutable et joyeux, porté par un timbre de voix qui aime à musarder dans les graves. Cette soirée avec Alain Jean-Marie a révélé une autre qualité de cette jeune chanteuse d’origine lithuanienne : son goût. Il se manifeste dans sa manière aérienne de scatter, là où tant de chanteuses s’adonnent à cet exercice comme si elles conduisaient un semi-remorque à cent vingt kilomètre à l’heure sur l’autoroute. Il apparaît aussi dans le choix du répertoire, avec une très belle alternance entre standards du premier tiroir, et standards du deuxième et du troisième tiroir. Que l’on en juge par le programme du premier set : Viktorija Gecyte et Alain Jean-Marie se sont attaqués à Don’t worry about me, Just friends, An occasional man, lucky to be me, Angel face (titre merveilleux et trop méconnu écrit par Hank Jones, dont Viktorja dit que c’est une de ses ballades préférées) No more blues, The days of wine and roses, You came a long way from Saint Louis (titre chanté par Abbey Lincoln, la chanteuse favorite de Viktorja), I keep going back to Jones.
Les morceaux s’enchaînent assez vite tout en donnant l’impression qu’ils ont donné tout leur suc. Alain Jean-Marie n’a pas besoin de longs discours pour offrir la quintessence d’un morceau. Il sait laisser beaucoup d’espace à la chanteuse, et cela donne un sentiment agréable d’entendre les mots, les phrases, résonner de manière presque renouvelée. L’alchimie du duo est évidente. L’un de ses ressorts est certainement dans ce qui réunit ces deux musiciens, l’absence d’esbroufe dans leurs phrases musicales, une manière d’être toujours au cœur de la mélodie. Après le dernier morceau, Viktorija Gecyte tape dans la main d’Alain Jean-Marie. Elle a gagné ce droit.
Après le concert, je bavarde quelques minutes sur un coin de table avec Alain Jean-Marie. Je lui demande ce qu’est pour lui un bon accompagnement pour une vocaliste. Il considère gravement la question avec la courtoisie de faire comme si on ne lui avait pas posé dix mille fois la question. Il répond ceci : « Il faut de l’espace…savoir transposer très vite… ». Il ajoute : « Jimmy Jones disait qu’il ne jouait que quand la chanteuse ne chantait pas. Il attendait les trous. Bon…C’est peut-être exagéré mais… ». Il réfléchit. « Et puis aussi…il faut aimer ça…être à l’écoute…et rester sobre pour que la chanteuse ne soit pas troublée. Je ne fais pas de pompe ou de vraie ligne de basse. Nous ne sommes pas tenus de remplacer l’orchestre… ». Viktorija Gecyte arrive sur ces entrefaites, avec son grand sourire. Je lui demande si la configuration du duo l’a gênée. « C’est sur le fil…mais j’adore ça…ça ne me dérange pas du tout d’être mise à nue ». On n’a même pas rougi en entendant ce commentaire drôle, piquant, ingénu. Ça prouve qu’on vieillit, bon sang de bonsoir.
texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
Post-sciptum : On pourra retrouver Viktorja très bientôt sur le disque Blue Lake, où elle est accompagnée par un grand orchestre avec au piano Julien Coriatt, également signataire des arrangements. Au menu, standards, blues, chansons folk lithuanienne. Un mélange original, intrigant, réussi.