Jazz live
Publié le 22 Mai 2015

Free poli et polyfree

Un soir d’Ascension en deux phases et deux étages.

Instants Chavirés. Montreuil, 14 mai.

Thierry Müller (synthé, guitares), Quentin Rollet (saxophones).

Tribraque : Jean-François Pauvros (guitare, vocal), Patrick Muller (électroson), Jean-Noël Cognard (batterie, percussions, vocal).

 

Ce jeudi est jour férié en France (“fille aînée de l’Eglise” depuis, paraît-il, la conversion de Clovis). Ceci explique (et me laisse rêveur) que la foule soit moindre devant la porte des Instants Chavirés. C’est ici qu’au début de ce siècle, au bar entre deux sets, le batteur de l’ARFI Christian Rollet m’avait parlé de ses projets de ciné-concerts, et de ses recherches de films appropriés. Une vieille et chère amie m’ayant encouragé à aller voir “Chang : A Drama of the Wilderness” (1927) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (futurs signataires de “King Kong”), j’avais fait part à Rollet de mon enthousiasme, et la suite montra qu’il l’avait partagé, et avec lui l’ARFI. Pas étonnant qu’une bonne décennie plus tard quand je découvre un Rollet dans le programme, puis live, je trouve qu’il a terriblement changé et finis par comprendre que cet individu hispide et souriant est Quentin, fils de Christian et inventeur des disques Rectangle. Pas étonnant non plus que ce duo assure la première partie de la soirée : Quentin Rollet a participé à “La Vierge de Nuremberg”, un vinyle Bloc Thyristors, le même label que celui de “Tribraque”. D’emblée le saxophoniste et le manipulateur de synthé et de guitares s’imposent, visuellement déjà, par un mixte de rigueur et d’irréprochabilité à partir de quoi se déploie un éventail impressionnant d’explorations phonogènes, le glabre et presque solennel Thierry Müller assurant-concoctant à force de triturations de ses machines, cordes et effets un efficace stimulant contexte tandis que Rollet, assez méthodiquement et graduellement semble faire l’inventaire, au fil des morceaux, de ce qu’il est possible d’obtenir avec l’instrument inventé par Adolphe Sax jusqu’à l’utiliser tout autrement que ce qu’avait prévu le facteur belge (dont le bicentenaire fut célébré l’an dernier). Soit un aérophone à anche traité comme divers idiophones ou détourné de sa technique fondamentale, parfois inversée, et une captivante et spectaculaire démonstration de maîtrise assumée. 

A cette remarquable leçon devait succéder un tout autre spectacle : acmé paroxystique d’une ascension triangulaire, c’est alors que Tribraque allait, comme on ne dit plus, casser la baraque du 7 de la montreuilloise Rue Richard Lenoir pour aussitôt en édifier d’autres plus vives exquisément hérissées de pics sonores, échos exacerbés et collisions d’harmoniques mixés en un seul matériau éphémère. Pâte superbement impure d’où, après une trompeuse accalmie, émerge, comme d’un sable mouvant le chant grave déchirant/déchiré de Pauvros dont la guitare éructante, rockeuse, bluesy, mélancoliquement country quand elle caresse la mémoire de Johnny Cash, voire lyriquement violoneuse dès qu’elle se frotte à un archet, participe pleinement de l’alliage suscité par les électrosons de Patrick Müller, à la fois acteur polymorphe et paysagiste virtuose. Et surtout, le trio se distingue de ses innombrables congénères par son absolu refus de toute hiérarchie entre les fonctions et importances des instruments, les divers idiophones et cris de Cognard ponctuant évidemment mais surtout orientant, colorant, ambiançant, traversant décisivement le discours global. Bel exemple d’utopie ou d’anarchie jouissive.

Philippe Carles


 

 

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Un soir d’Ascension en deux phases et deux étages.

Instants Chavirés. Montreuil, 14 mai.

Thierry Müller (synthé, guitares), Quentin Rollet (saxophones).

Tribraque : Jean-François Pauvros (guitare, vocal), Patrick Muller (électroson), Jean-Noël Cognard (batterie, percussions, vocal).

 

Ce jeudi est jour férié en France (“fille aînée de l’Eglise” depuis, paraît-il, la conversion de Clovis). Ceci explique (et me laisse rêveur) que la foule soit moindre devant la porte des Instants Chavirés. C’est ici qu’au début de ce siècle, au bar entre deux sets, le batteur de l’ARFI Christian Rollet m’avait parlé de ses projets de ciné-concerts, et de ses recherches de films appropriés. Une vieille et chère amie m’ayant encouragé à aller voir “Chang : A Drama of the Wilderness” (1927) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (futurs signataires de “King Kong”), j’avais fait part à Rollet de mon enthousiasme, et la suite montra qu’il l’avait partagé, et avec lui l’ARFI. Pas étonnant qu’une bonne décennie plus tard quand je découvre un Rollet dans le programme, puis live, je trouve qu’il a terriblement changé et finis par comprendre que cet individu hispide et souriant est Quentin, fils de Christian et inventeur des disques Rectangle. Pas étonnant non plus que ce duo assure la première partie de la soirée : Quentin Rollet a participé à “La Vierge de Nuremberg”, un vinyle Bloc Thyristors, le même label que celui de “Tribraque”. D’emblée le saxophoniste et le manipulateur de synthé et de guitares s’imposent, visuellement déjà, par un mixte de rigueur et d’irréprochabilité à partir de quoi se déploie un éventail impressionnant d’explorations phonogènes, le glabre et presque solennel Thierry Müller assurant-concoctant à force de triturations de ses machines, cordes et effets un efficace stimulant contexte tandis que Rollet, assez méthodiquement et graduellement semble faire l’inventaire, au fil des morceaux, de ce qu’il est possible d’obtenir avec l’instrument inventé par Adolphe Sax jusqu’à l’utiliser tout autrement que ce qu’avait prévu le facteur belge (dont le bicentenaire fut célébré l’an dernier). Soit un aérophone à anche traité comme divers idiophones ou détourné de sa technique fondamentale, parfois inversée, et une captivante et spectaculaire démonstration de maîtrise assumée. 

A cette remarquable leçon devait succéder un tout autre spectacle : acmé paroxystique d’une ascension triangulaire, c’est alors que Tribraque allait, comme on ne dit plus, casser la baraque du 7 de la montreuilloise Rue Richard Lenoir pour aussitôt en édifier d’autres plus vives exquisément hérissées de pics sonores, échos exacerbés et collisions d’harmoniques mixés en un seul matériau éphémère. Pâte superbement impure d’où, après une trompeuse accalmie, émerge, comme d’un sable mouvant le chant grave déchirant/déchiré de Pauvros dont la guitare éructante, rockeuse, bluesy, mélancoliquement country quand elle caresse la mémoire de Johnny Cash, voire lyriquement violoneuse dès qu’elle se frotte à un archet, participe pleinement de l’alliage suscité par les électrosons de Patrick Müller, à la fois acteur polymorphe et paysagiste virtuose. Et surtout, le trio se distingue de ses innombrables congénères par son absolu refus de toute hiérarchie entre les fonctions et importances des instruments, les divers idiophones et cris de Cognard ponctuant évidemment mais surtout orientant, colorant, ambiançant, traversant décisivement le discours global. Bel exemple d’utopie ou d’anarchie jouissive.

Philippe Carles


 

 

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Un soir d’Ascension en deux phases et deux étages.

Instants Chavirés. Montreuil, 14 mai.

Thierry Müller (synthé, guitares), Quentin Rollet (saxophones).

Tribraque : Jean-François Pauvros (guitare, vocal), Patrick Muller (électroson), Jean-Noël Cognard (batterie, percussions, vocal).

 

Ce jeudi est jour férié en France (“fille aînée de l’Eglise” depuis, paraît-il, la conversion de Clovis). Ceci explique (et me laisse rêveur) que la foule soit moindre devant la porte des Instants Chavirés. C’est ici qu’au début de ce siècle, au bar entre deux sets, le batteur de l’ARFI Christian Rollet m’avait parlé de ses projets de ciné-concerts, et de ses recherches de films appropriés. Une vieille et chère amie m’ayant encouragé à aller voir “Chang : A Drama of the Wilderness” (1927) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (futurs signataires de “King Kong”), j’avais fait part à Rollet de mon enthousiasme, et la suite montra qu’il l’avait partagé, et avec lui l’ARFI. Pas étonnant qu’une bonne décennie plus tard quand je découvre un Rollet dans le programme, puis live, je trouve qu’il a terriblement changé et finis par comprendre que cet individu hispide et souriant est Quentin, fils de Christian et inventeur des disques Rectangle. Pas étonnant non plus que ce duo assure la première partie de la soirée : Quentin Rollet a participé à “La Vierge de Nuremberg”, un vinyle Bloc Thyristors, le même label que celui de “Tribraque”. D’emblée le saxophoniste et le manipulateur de synthé et de guitares s’imposent, visuellement déjà, par un mixte de rigueur et d’irréprochabilité à partir de quoi se déploie un éventail impressionnant d’explorations phonogènes, le glabre et presque solennel Thierry Müller assurant-concoctant à force de triturations de ses machines, cordes et effets un efficace stimulant contexte tandis que Rollet, assez méthodiquement et graduellement semble faire l’inventaire, au fil des morceaux, de ce qu’il est possible d’obtenir avec l’instrument inventé par Adolphe Sax jusqu’à l’utiliser tout autrement que ce qu’avait prévu le facteur belge (dont le bicentenaire fut célébré l’an dernier). Soit un aérophone à anche traité comme divers idiophones ou détourné de sa technique fondamentale, parfois inversée, et une captivante et spectaculaire démonstration de maîtrise assumée. 

A cette remarquable leçon devait succéder un tout autre spectacle : acmé paroxystique d’une ascension triangulaire, c’est alors que Tribraque allait, comme on ne dit plus, casser la baraque du 7 de la montreuilloise Rue Richard Lenoir pour aussitôt en édifier d’autres plus vives exquisément hérissées de pics sonores, échos exacerbés et collisions d’harmoniques mixés en un seul matériau éphémère. Pâte superbement impure d’où, après une trompeuse accalmie, émerge, comme d’un sable mouvant le chant grave déchirant/déchiré de Pauvros dont la guitare éructante, rockeuse, bluesy, mélancoliquement country quand elle caresse la mémoire de Johnny Cash, voire lyriquement violoneuse dès qu’elle se frotte à un archet, participe pleinement de l’alliage suscité par les électrosons de Patrick Müller, à la fois acteur polymorphe et paysagiste virtuose. Et surtout, le trio se distingue de ses innombrables congénères par son absolu refus de toute hiérarchie entre les fonctions et importances des instruments, les divers idiophones et cris de Cognard ponctuant évidemment mais surtout orientant, colorant, ambiançant, traversant décisivement le discours global. Bel exemple d’utopie ou d’anarchie jouissive.

Philippe Carles


 

 

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Un soir d’Ascension en deux phases et deux étages.

Instants Chavirés. Montreuil, 14 mai.

Thierry Müller (synthé, guitares), Quentin Rollet (saxophones).

Tribraque : Jean-François Pauvros (guitare, vocal), Patrick Muller (électroson), Jean-Noël Cognard (batterie, percussions, vocal).

 

Ce jeudi est jour férié en France (“fille aînée de l’Eglise” depuis, paraît-il, la conversion de Clovis). Ceci explique (et me laisse rêveur) que la foule soit moindre devant la porte des Instants Chavirés. C’est ici qu’au début de ce siècle, au bar entre deux sets, le batteur de l’ARFI Christian Rollet m’avait parlé de ses projets de ciné-concerts, et de ses recherches de films appropriés. Une vieille et chère amie m’ayant encouragé à aller voir “Chang : A Drama of the Wilderness” (1927) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (futurs signataires de “King Kong”), j’avais fait part à Rollet de mon enthousiasme, et la suite montra qu’il l’avait partagé, et avec lui l’ARFI. Pas étonnant qu’une bonne décennie plus tard quand je découvre un Rollet dans le programme, puis live, je trouve qu’il a terriblement changé et finis par comprendre que cet individu hispide et souriant est Quentin, fils de Christian et inventeur des disques Rectangle. Pas étonnant non plus que ce duo assure la première partie de la soirée : Quentin Rollet a participé à “La Vierge de Nuremberg”, un vinyle Bloc Thyristors, le même label que celui de “Tribraque”. D’emblée le saxophoniste et le manipulateur de synthé et de guitares s’imposent, visuellement déjà, par un mixte de rigueur et d’irréprochabilité à partir de quoi se déploie un éventail impressionnant d’explorations phonogènes, le glabre et presque solennel Thierry Müller assurant-concoctant à force de triturations de ses machines, cordes et effets un efficace stimulant contexte tandis que Rollet, assez méthodiquement et graduellement semble faire l’inventaire, au fil des morceaux, de ce qu’il est possible d’obtenir avec l’instrument inventé par Adolphe Sax jusqu’à l’utiliser tout autrement que ce qu’avait prévu le facteur belge (dont le bicentenaire fut célébré l’an dernier). Soit un aérophone à anche traité comme divers idiophones ou détourné de sa technique fondamentale, parfois inversée, et une captivante et spectaculaire démonstration de maîtrise assumée. 

A cette remarquable leçon devait succéder un tout autre spectacle : acmé paroxystique d’une ascension triangulaire, c’est alors que Tribraque allait, comme on ne dit plus, casser la baraque du 7 de la montreuilloise Rue Richard Lenoir pour aussitôt en édifier d’autres plus vives exquisément hérissées de pics sonores, échos exacerbés et collisions d’harmoniques mixés en un seul matériau éphémère. Pâte superbement impure d’où, après une trompeuse accalmie, émerge, comme d’un sable mouvant le chant grave déchirant/déchiré de Pauvros dont la guitare éructante, rockeuse, bluesy, mélancoliquement country quand elle caresse la mémoire de Johnny Cash, voire lyriquement violoneuse dès qu’elle se frotte à un archet, participe pleinement de l’alliage suscité par les électrosons de Patrick Müller, à la fois acteur polymorphe et paysagiste virtuose. Et surtout, le trio se distingue de ses innombrables congénères par son absolu refus de toute hiérarchie entre les fonctions et importances des instruments, les divers idiophones et cris de Cognard ponctuant évidemment mais surtout orientant, colorant, ambiançant, traversant décisivement le discours global. Bel exemple d’utopie ou d’anarchie jouissive.

Philippe Carles