Jazz à Luz (III)
Jazz à Luz, ce n’est pas que du jazz au sens restrictif du terme, on le sait. Mais ce n’est pas non plus que de la musique. Outre la présence du texte, ou la place accordée à la photographie dans la ville, ce sont aussi des excursions artistiques. Reportage(-photos).
Festival « Jazz à Luz », Luz-Saint Sauveur (65), 12 juillet 2015
Voilà donc les estivants conviés à une balade de quelques kilomètres (la plupart du temps en descente) ponctuée de surprises musicales pour ce 12 juillet. Après la montée en bus jusqu’au village de Barège, un premier concert, annoncé, lançait idéalement cette pénultième journée du festival.
Salle de projection du cinéma de Barège, 11h
Jean-Luc Guionnet solo
Jean-Luc Guionnet (as)
Il n’est pas aisé d’exprimer par des mots l’impression produite par le solo du saxophoniste tant celui-ci devait se vivre dans l’instant. Décrire cette prestation en indiquant qu’il s’agit d’une exploration du son, d’une réinvention du son du saxophone notamment par l’usage de techniques non conventionnelles n’indique en rien la puissance qui a saisi d’emblée l’auditoire. Préciser qu’il s’inscrit dans la lignée autant de Braxton (dans un certain rendu sonore et non dans la démarche en amont de l’exécution) et d’Evan Parker (souffle continu, création d’illusions de polyphonies, etc.) n’éclaire pas davantage la singularité du musicien. Tout juste peut-on préciser que l’approche sonore de l’altiste semble graviter autour de la notion de vibration. Vibration de l’anche, bien sûr, qui transmet l’énergie du producteur via ce résonateur qu’est le corps du saxophone ; vibration sous forme de trémolos ensuite, autour d’une même note éclairée de multiples façons par l’emploi de doigtés spécifiques, de jeux de prise de bec autorisant l’apparition d’une granulation nouvelle, d’harmoniques, de variations de hauteurs microtonales… ; vibration encore dans l’exploration des intensités, de l’infiniment doux au très puissant. Bref, rien de tangible pour exprimer la puissance ressentie à l’écoute d’une telle performance, hélas. Seuls les poètes seraient à même de rendre honneur par les mots à l’ineffable de ce moment hors du temps, au contraire des simples écrivants !
L’une des spécificités de Jazz à Luz consiste à ne pas se contenter d’une simple succession de concerts présentés de manière frontale, mais d’emmener ses festivaliers à la découverte de sites naturels exceptionnels. Profitant de la venue d’improvisateurs bordelais et toulousains qui, étrangement, se rencontrent peu, les organisateurs du festival ont cette année concocté une randonnée de Barège à Viey, en passant pas Sers, trois charmantes bourgades que l’on traverse via un sentier au pied de quelques pics. Le parcours est jalonné de surprises musicales, totalement improvisées. A midi, au moment de la pause casse-croûte, ce succédèrent ainsi un duo entre Sébastien Cirotteau (tp) et Mathieu Werchovski (vl) suivi d’un trio composé de Florian Nastorg (bs), Paolo Chatet (tp) et Yan Saboya (elg).
Même si cela a peu à voir, on pense au paysage sonore de R. Murray Schafer, ou du moins à cette écologie sonore développée dans les années 1980, non dans le sens d’une économie des matériaux employés mais dans celui d’une symbiose entre l’homme (post-)moderne et la nature qui l’entoure. Au gré du temps qui passe doucement… :
Laurent Avizou guidant, tel le Hamelin du conte des frères Grimm, la troupe des festivaliers jusqu’à une petite place de village où deux circassiennes improvisèrent des numéros à la barre fixe au son de sa clarinette.
Après avoir pris un chemin ombragé, le public se retrouva dans une clairière où les échos s’amusèrent à répondre aux propositions cuivrées de Paolo Chatet et David Chiesa.
Dans une petite ruelle de Viey, Robin Fincker et Julien Pontévia réalisèrent un remarquable duo, moins décor à l’environnement que performance proprement musicale cette fois, qui donnant envie au maire du village de dire un mot.
Dans le car, le président du festival, Jean-Pierre Layrac donne de lui-même.
Bar Le Centre, 18h
Julo
Laurie Batista (vx), Juliette Lacroix (vlle)
Arrivé juste à l’heure pour écouter le duo sorti du rang de l’Ensemble Un, une foule compacte m’interdit d’apprécier correctement leur prestation. Le son m’arrivant de loin, ne pouvant plonger mon esprit au cœur de l’action, je ne pus véritablement juger les deux jeunes femmes, si ce n’est qu’il me parut que la violoncelliste puisait surtout dans son savoir « classique », tandis que la vocaliste penchait essentiellement vers un style loin du cliché des « chanteuses de jazz », laissant pointer de loin en loin une bonne dose si ce n’est d’humour du moins de bonne humeur contagieuse. Elles obtinrent une belle ovation.
Chapiteau du Verger, 21h
TOC
Ivann Cruz (elg), Jérémie Ternoy (fender rhodes), Peter Orrins (dm)
Cette fois, ne sont à l’honneur ni Bordelais, ni Toulousains, mais des Lillois. Trois ans après la venue de La Pieuvre au grand complet à Luz, le trio TOC a très favorablement impressionné l’assistance. Tout commence par des murmures et des rumeurs. Bien vite, on comprend qu’il s’agit d’un grand crescendo. Sauf qu’il durera in fine presque une heure non stop… Le cérémonial, à laquelle nous autres auditeurs avons librement choisi d’adhérer, tourne au rituel, la musique devenant obsédante puis menant à la transe (telle la spectatrice devant moi). Si la musique repose sur des systèmes de répétitions, les boucles étant imaginées dans l’instant, TOC développe un jeu extrêmement fin entre répétition stricte et répétition variée, faussement identique. L’improvisation, totale, permet ainsi le déploiement organique d’une matière en perpétuelle évolution. Stylistiquement (si l’on peut dire), on passe ainsi du drone au minimalisme, du rock au metal, de la techno au free – Peter Orrins usant le plus souvent du cut up pour passer d’un style à l’autre. Maniant à la perfection l’art de la temporisation, TOC parvient ainsi à mettre ses auditeurs en constante position d’attente, les musiciens repoussant perpétuellement la retombée des incessants élans qu’ils engendrent. En soulignant enfin que leur travail orchestral fut époustouflant, donnant l’impression qu’ils n’y avaient pas trois instrumentistes mais vingt, on comprend pourquoi le public leur réserva son accueil le plus chaleureux depuis le début du festival.
Chapiteau du Verger, 23h
Hildegard Lernt Fliegen
Andreas Schaerer (vx), Matthias Wenger (as, fl à bec), Benedikt Reising (bs, bcl, fl à bec), Andreas Tschopp (tb, tu, vx), Marco Müller (cb), Christoph Steiner (dm, perc, marimba)
Et pourtant les festivaliers n’étaient pas au bout de leur surprise, car Hildegard Lernt Fliegen, le groupe d’Andreas Schaerer, étonna son monde. Surprise de la part de ceux qui ne comprirent pas pourquoi avait été invité ce « groupe à chanteur » qui interpréta une pièce initiale dans l’idiome jazz. Le groupe suisse, dominé – il faut bien le reconnaître – par la présence de son vocaliste, proposa en réalité un concert évolutif du swing jusqu’à l’improvisation libre. Andreas Schaerer attira toute l’attention, étonnant l’autre partie du public, parce qu’il sut allier avec une rare maestria « divertissement » à une exigence musicale extrêmement haute. Sans doute n’a-t-il pas uniquement retenu la leçon musicale de ses idoles, mais aussi leur grand professionnalisme. Virtuose sans équivalent – il réalisa un solo de beatbox/vocalises époustouflant –, il se laissa parfois griser par ses moyens techniques hors normes, péché véniel dont il contrecarra la portée en recourant à une bonne dose d’humour. Pour donner une idée de la dimension de cet artiste showman, voici comment se termina le concert : après avoir donner la dernière pièce du répertoire, Schaerer enchaîna par une improvisation libre, transformant ses musiciens en un matériau supplémentaire qu’il mania par des gestes de la main et des regards. L’envie lui prit de caricaturer le chant des interprètes féminines lyriques. Par signe, il incita alors ses instrumentistes à compléter son chant, à leur guise. Un étrange choral résulta alors de cette improvisation libre. Peu à peu, le vocaliste toujours en voix de tête, la musique devint magnifique : Schaerer venait de réussir le tour de force de métamorphoser un élément caricatural en une force expressive extrêmement poignante. Le public, dans une large majorité séduit et admiratif, fit une standing ovation au talent de Schaerer et à ses artistes.
Club Maison du Parc National et de la vallée, 1h30
Archi Ouïr
Jean-Marc Reilla (installation électroacoustique), Julien Sellam (vlle préparé), Mathias Pontevia (batterie horizontale)
Il est des musiques qui s’écoutent, telle celle d’Archi Ouïr – la bien nommée. Or, si une bonne partie du public ouïe attentivement celle du trio, entre électroacoustique et improvisation libre européenne, une autre était davantage intéressée pour étancher sa soif en discutant bruyamment. Il ne s’agit pas là d’un reproche, certains des auditeurs estimant peut-être qu’ils en avaient déjà beaucoup entendu sans aspirer pour autant à clore leur journée en cette heure somme toute matinale. Mais il fut de nouveau difficile pour votre rapporteur d’entrer véritablement dans la matière musicale, d’en saisir son évolution, ses subtilités, sa mécanique, ce qui est le sens même, il me semble, de ce type de prestation : vivre pleinement les diastoles et les systoles énergétiques du son créées hic et nunc. Sans doute ne suis-je pas encore assez cagien… cela m’aurait aider à accéder à cet état où, selon le compositeur américain, la musique n’est pas ce qui est présentée comme telle, mais l’état de disposition dans lequel l’individu reçoit son environnement sonore !
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Jazz à Luz, ce n’est pas que du jazz au sens restrictif du terme, on le sait. Mais ce n’est pas non plus que de la musique. Outre la présence du texte, ou la place accordée à la photographie dans la ville, ce sont aussi des excursions artistiques. Reportage(-photos).
Festival « Jazz à Luz », Luz-Saint Sauveur (65), 12 juillet 2015
Voilà donc les estivants conviés à une balade de quelques kilomètres (la plupart du temps en descente) ponctuée de surprises musicales pour ce 12 juillet. Après la montée en bus jusqu’au village de Barège, un premier concert, annoncé, lançait idéalement cette pénultième journée du festival.
Salle de projection du cinéma de Barège, 11h
Jean-Luc Guionnet solo
Jean-Luc Guionnet (as)
Il n’est pas aisé d’exprimer par des mots l’impression produite par le solo du saxophoniste tant celui-ci devait se vivre dans l’instant. Décrire cette prestation en indiquant qu’il s’agit d’une exploration du son, d’une réinvention du son du saxophone notamment par l’usage de techniques non conventionnelles n’indique en rien la puissance qui a saisi d’emblée l’auditoire. Préciser qu’il s’inscrit dans la lignée autant de Braxton (dans un certain rendu sonore et non dans la démarche en amont de l’exécution) et d’Evan Parker (souffle continu, création d’illusions de polyphonies, etc.) n’éclaire pas davantage la singularité du musicien. Tout juste peut-on préciser que l’approche sonore de l’altiste semble graviter autour de la notion de vibration. Vibration de l’anche, bien sûr, qui transmet l’énergie du producteur via ce résonateur qu’est le corps du saxophone ; vibration sous forme de trémolos ensuite, autour d’une même note éclairée de multiples façons par l’emploi de doigtés spécifiques, de jeux de prise de bec autorisant l’apparition d’une granulation nouvelle, d’harmoniques, de variations de hauteurs microtonales… ; vibration encore dans l’exploration des intensités, de l’infiniment doux au très puissant. Bref, rien de tangible pour exprimer la puissance ressentie à l’écoute d’une telle performance, hélas. Seuls les poètes seraient à même de rendre honneur par les mots à l’ineffable de ce moment hors du temps, au contraire des simples écrivants !
L’une des spécificités de Jazz à Luz consiste à ne pas se contenter d’une simple succession de concerts présentés de manière frontale, mais d’emmener ses festivaliers à la découverte de sites naturels exceptionnels. Profitant de la venue d’improvisateurs bordelais et toulousains qui, étrangement, se rencontrent peu, les organisateurs du festival ont cette année concocté une randonnée de Barège à Viey, en passant pas Sers, trois charmantes bourgades que l’on traverse via un sentier au pied de quelques pics. Le parcours est jalonné de surprises musicales, totalement improvisées. A midi, au moment de la pause casse-croûte, ce succédèrent ainsi un duo entre Sébastien Cirotteau (tp) et Mathieu Werchovski (vl) suivi d’un trio composé de Florian Nastorg (bs), Paolo Chatet (tp) et Yan Saboya (elg).
Même si cela a peu à voir, on pense au paysage sonore de R. Murray Schafer, ou du moins à cette écologie sonore développée dans les années 1980, non dans le sens d’une économie des matériaux employés mais dans celui d’une symbiose entre l’homme (post-)moderne et la nature qui l’entoure. Au gré du temps qui passe doucement… :
Laurent Avizou guidant, tel le Hamelin du conte des frères Grimm, la troupe des festivaliers jusqu’à une petite place de village où deux circassiennes improvisèrent des numéros à la barre fixe au son de sa clarinette.
Après avoir pris un chemin ombragé, le public se retrouva dans une clairière où les échos s’amusèrent à répondre aux propositions cuivrées de Paolo Chatet et David Chiesa.
Dans une petite ruelle de Viey, Robin Fincker et Julien Pontévia réalisèrent un remarquable duo, moins décor à l’environnement que performance proprement musicale cette fois, qui donnant envie au maire du village de dire un mot.
Dans le car, le président du festival, Jean-Pierre Layrac donne de lui-même.
Bar Le Centre, 18h
Julo
Laurie Batista (vx), Juliette Lacroix (vlle)
Arrivé juste à l’heure pour écouter le duo sorti du rang de l’Ensemble Un, une foule compacte m’interdit d’apprécier correctement leur prestation. Le son m’arrivant de loin, ne pouvant plonger mon esprit au cœur de l’action, je ne pus véritablement juger les deux jeunes femmes, si ce n’est qu’il me parut que la violoncelliste puisait surtout dans son savoir « classique », tandis que la vocaliste penchait essentiellement vers un style loin du cliché des « chanteuses de jazz », laissant pointer de loin en loin une bonne dose si ce n’est d’humour du moins de bonne humeur contagieuse. Elles obtinrent une belle ovation.
Chapiteau du Verger, 21h
TOC
Ivann Cruz (elg), Jérémie Ternoy (fender rhodes), Peter Orrins (dm)
Cette fois, ne sont à l’honneur ni Bordelais, ni Toulousains, mais des Lillois. Trois ans après la venue de La Pieuvre au grand complet à Luz, le trio TOC a très favorablement impressionné l’assistance. Tout commence par des murmures et des rumeurs. Bien vite, on comprend qu’il s’agit d’un grand crescendo. Sauf qu’il durera in fine presque une heure non stop… Le cérémonial, à laquelle nous autres auditeurs avons librement choisi d’adhérer, tourne au rituel, la musique devenant obsédante puis menant à la transe (telle la spectatrice devant moi). Si la musique repose sur des systèmes de répétitions, les boucles étant imaginées dans l’instant, TOC développe un jeu extrêmement fin entre répétition stricte et répétition variée, faussement identique. L’improvisation, totale, permet ainsi le déploiement organique d’une matière en perpétuelle évolution. Stylistiquement (si l’on peut dire), on passe ainsi du drone au minimalisme, du rock au metal, de la techno au free – Peter Orrins usant le plus souvent du cut up pour passer d’un style à l’autre. Maniant à la perfection l’art de la temporisation, TOC parvient ainsi à mettre ses auditeurs en constante position d’attente, les musiciens repoussant perpétuellement la retombée des incessants élans qu’ils engendrent. En soulignant enfin que leur travail orchestral fut époustouflant, donnant l’impression qu’ils n’y avaient pas trois instrumentistes mais vingt, on comprend pourquoi le public leur réserva son accueil le plus chaleureux depuis le début du festival.
Chapiteau du Verger, 23h
Hildegard Lernt Fliegen
Andreas Schaerer (vx), Matthias Wenger (as, fl à bec), Benedikt Reising (bs, bcl, fl à bec), Andreas Tschopp (tb, tu, vx), Marco Müller (cb), Christoph Steiner (dm, perc, marimba)
Et pourtant les festivaliers n’étaient pas au bout de leur surprise, car Hildegard Lernt Fliegen, le groupe d’Andreas Schaerer, étonna son monde. Surprise de la part de ceux qui ne comprirent pas pourquoi avait été invité ce « groupe à chanteur » qui interpréta une pièce initiale dans l’idiome jazz. Le groupe suisse, dominé – il faut bien le reconnaître – par la présence de son vocaliste, proposa en réalité un concert évolutif du swing jusqu’à l’improvisation libre. Andreas Schaerer attira toute l’attention, étonnant l’autre partie du public, parce qu’il sut allier avec une rare maestria « divertissement » à une exigence musicale extrêmement haute. Sans doute n’a-t-il pas uniquement retenu la leçon musicale de ses idoles, mais aussi leur grand professionnalisme. Virtuose sans équivalent – il réalisa un solo de beatbox/vocalises époustouflant –, il se laissa parfois griser par ses moyens techniques hors normes, péché véniel dont il contrecarra la portée en recourant à une bonne dose d’humour. Pour donner une idée de la dimension de cet artiste showman, voici comment se termina le concert : après avoir donner la dernière pièce du répertoire, Schaerer enchaîna par une improvisation libre, transformant ses musiciens en un matériau supplémentaire qu’il mania par des gestes de la main et des regards. L’envie lui prit de caricaturer le chant des interprètes féminines lyriques. Par signe, il incita alors ses instrumentistes à compléter son chant, à leur guise. Un étrange choral résulta alors de cette improvisation libre. Peu à peu, le vocaliste toujours en voix de tête, la musique devint magnifique : Schaerer venait de réussir le tour de force de métamorphoser un élément caricatural en une force expressive extrêmement poignante. Le public, dans une large majorité séduit et admiratif, fit une standing ovation au talent de Schaerer et à ses artistes.
Club Maison du Parc National et de la vallée, 1h30
Archi Ouïr
Jean-Marc Reilla (installation électroacoustique), Julien Sellam (vlle préparé), Mathias Pontevia (batterie horizontale)
Il est des musiques qui s’écoutent, telle celle d’Archi Ouïr – la bien nommée. Or, si une bonne partie du public ouïe attentivement celle du trio, entre électroacoustique et improvisation libre européenne, une autre était davantage intéressée pour étancher sa soif en discutant bruyamment. Il ne s’agit pas là d’un reproche, certains des auditeurs estimant peut-être qu’ils en avaient déjà beaucoup entendu sans aspirer pour autant à clore leur journée en cette heure somme toute matinale. Mais il fut de nouveau difficile pour votre rapporteur d’entrer véritablement dans la matière musicale, d’en saisir son évolution, ses subtilités, sa mécanique, ce qui est le sens même, il me semble, de ce type de prestation : vivre pleinement les diastoles et les systoles énergétiques du son créées hic et nunc. Sans doute ne suis-je pas encore assez cagien… cela m’aurait aider à accéder à cet état où, selon le compositeur américain, la musique n’est pas ce qui est présentée comme telle, mais l’état de disposition dans lequel l’individu reçoit son environnement sonore !
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Jazz à Luz, ce n’est pas que du jazz au sens restrictif du terme, on le sait. Mais ce n’est pas non plus que de la musique. Outre la présence du texte, ou la place accordée à la photographie dans la ville, ce sont aussi des excursions artistiques. Reportage(-photos).
Festival « Jazz à Luz », Luz-Saint Sauveur (65), 12 juillet 2015
Voilà donc les estivants conviés à une balade de quelques kilomètres (la plupart du temps en descente) ponctuée de surprises musicales pour ce 12 juillet. Après la montée en bus jusqu’au village de Barège, un premier concert, annoncé, lançait idéalement cette pénultième journée du festival.
Salle de projection du cinéma de Barège, 11h
Jean-Luc Guionnet solo
Jean-Luc Guionnet (as)
Il n’est pas aisé d’exprimer par des mots l’impression produite par le solo du saxophoniste tant celui-ci devait se vivre dans l’instant. Décrire cette prestation en indiquant qu’il s’agit d’une exploration du son, d’une réinvention du son du saxophone notamment par l’usage de techniques non conventionnelles n’indique en rien la puissance qui a saisi d’emblée l’auditoire. Préciser qu’il s’inscrit dans la lignée autant de Braxton (dans un certain rendu sonore et non dans la démarche en amont de l’exécution) et d’Evan Parker (souffle continu, création d’illusions de polyphonies, etc.) n’éclaire pas davantage la singularité du musicien. Tout juste peut-on préciser que l’approche sonore de l’altiste semble graviter autour de la notion de vibration. Vibration de l’anche, bien sûr, qui transmet l’énergie du producteur via ce résonateur qu’est le corps du saxophone ; vibration sous forme de trémolos ensuite, autour d’une même note éclairée de multiples façons par l’emploi de doigtés spécifiques, de jeux de prise de bec autorisant l’apparition d’une granulation nouvelle, d’harmoniques, de variations de hauteurs microtonales… ; vibration encore dans l’exploration des intensités, de l’infiniment doux au très puissant. Bref, rien de tangible pour exprimer la puissance ressentie à l’écoute d’une telle performance, hélas. Seuls les poètes seraient à même de rendre honneur par les mots à l’ineffable de ce moment hors du temps, au contraire des simples écrivants !
L’une des spécificités de Jazz à Luz consiste à ne pas se contenter d’une simple succession de concerts présentés de manière frontale, mais d’emmener ses festivaliers à la découverte de sites naturels exceptionnels. Profitant de la venue d’improvisateurs bordelais et toulousains qui, étrangement, se rencontrent peu, les organisateurs du festival ont cette année concocté une randonnée de Barège à Viey, en passant pas Sers, trois charmantes bourgades que l’on traverse via un sentier au pied de quelques pics. Le parcours est jalonné de surprises musicales, totalement improvisées. A midi, au moment de la pause casse-croûte, ce succédèrent ainsi un duo entre Sébastien Cirotteau (tp) et Mathieu Werchovski (vl) suivi d’un trio composé de Florian Nastorg (bs), Paolo Chatet (tp) et Yan Saboya (elg).
Même si cela a peu à voir, on pense au paysage sonore de R. Murray Schafer, ou du moins à cette écologie sonore développée dans les années 1980, non dans le sens d’une économie des matériaux employés mais dans celui d’une symbiose entre l’homme (post-)moderne et la nature qui l’entoure. Au gré du temps qui passe doucement… :
Laurent Avizou guidant, tel le Hamelin du conte des frères Grimm, la troupe des festivaliers jusqu’à une petite place de village où deux circassiennes improvisèrent des numéros à la barre fixe au son de sa clarinette.
Après avoir pris un chemin ombragé, le public se retrouva dans une clairière où les échos s’amusèrent à répondre aux propositions cuivrées de Paolo Chatet et David Chiesa.
Dans une petite ruelle de Viey, Robin Fincker et Julien Pontévia réalisèrent un remarquable duo, moins décor à l’environnement que performance proprement musicale cette fois, qui donnant envie au maire du village de dire un mot.
Dans le car, le président du festival, Jean-Pierre Layrac donne de lui-même.
Bar Le Centre, 18h
Julo
Laurie Batista (vx), Juliette Lacroix (vlle)
Arrivé juste à l’heure pour écouter le duo sorti du rang de l’Ensemble Un, une foule compacte m’interdit d’apprécier correctement leur prestation. Le son m’arrivant de loin, ne pouvant plonger mon esprit au cœur de l’action, je ne pus véritablement juger les deux jeunes femmes, si ce n’est qu’il me parut que la violoncelliste puisait surtout dans son savoir « classique », tandis que la vocaliste penchait essentiellement vers un style loin du cliché des « chanteuses de jazz », laissant pointer de loin en loin une bonne dose si ce n’est d’humour du moins de bonne humeur contagieuse. Elles obtinrent une belle ovation.
Chapiteau du Verger, 21h
TOC
Ivann Cruz (elg), Jérémie Ternoy (fender rhodes), Peter Orrins (dm)
Cette fois, ne sont à l’honneur ni Bordelais, ni Toulousains, mais des Lillois. Trois ans après la venue de La Pieuvre au grand complet à Luz, le trio TOC a très favorablement impressionné l’assistance. Tout commence par des murmures et des rumeurs. Bien vite, on comprend qu’il s’agit d’un grand crescendo. Sauf qu’il durera in fine presque une heure non stop… Le cérémonial, à laquelle nous autres auditeurs avons librement choisi d’adhérer, tourne au rituel, la musique devenant obsédante puis menant à la transe (telle la spectatrice devant moi). Si la musique repose sur des systèmes de répétitions, les boucles étant imaginées dans l’instant, TOC développe un jeu extrêmement fin entre répétition stricte et répétition variée, faussement identique. L’improvisation, totale, permet ainsi le déploiement organique d’une matière en perpétuelle évolution. Stylistiquement (si l’on peut dire), on passe ainsi du drone au minimalisme, du rock au metal, de la techno au free – Peter Orrins usant le plus souvent du cut up pour passer d’un style à l’autre. Maniant à la perfection l’art de la temporisation, TOC parvient ainsi à mettre ses auditeurs en constante position d’attente, les musiciens repoussant perpétuellement la retombée des incessants élans qu’ils engendrent. En soulignant enfin que leur travail orchestral fut époustouflant, donnant l’impression qu’ils n’y avaient pas trois instrumentistes mais vingt, on comprend pourquoi le public leur réserva son accueil le plus chaleureux depuis le début du festival.
Chapiteau du Verger, 23h
Hildegard Lernt Fliegen
Andreas Schaerer (vx), Matthias Wenger (as, fl à bec), Benedikt Reising (bs, bcl, fl à bec), Andreas Tschopp (tb, tu, vx), Marco Müller (cb), Christoph Steiner (dm, perc, marimba)
Et pourtant les festivaliers n’étaient pas au bout de leur surprise, car Hildegard Lernt Fliegen, le groupe d’Andreas Schaerer, étonna son monde. Surprise de la part de ceux qui ne comprirent pas pourquoi avait été invité ce « groupe à chanteur » qui interpréta une pièce initiale dans l’idiome jazz. Le groupe suisse, dominé – il faut bien le reconnaître – par la présence de son vocaliste, proposa en réalité un concert évolutif du swing jusqu’à l’improvisation libre. Andreas Schaerer attira toute l’attention, étonnant l’autre partie du public, parce qu’il sut allier avec une rare maestria « divertissement » à une exigence musicale extrêmement haute. Sans doute n’a-t-il pas uniquement retenu la leçon musicale de ses idoles, mais aussi leur grand professionnalisme. Virtuose sans équivalent – il réalisa un solo de beatbox/vocalises époustouflant –, il se laissa parfois griser par ses moyens techniques hors normes, péché véniel dont il contrecarra la portée en recourant à une bonne dose d’humour. Pour donner une idée de la dimension de cet artiste showman, voici comment se termina le concert : après avoir donner la dernière pièce du répertoire, Schaerer enchaîna par une improvisation libre, transformant ses musiciens en un matériau supplémentaire qu’il mania par des gestes de la main et des regards. L’envie lui prit de caricaturer le chant des interprètes féminines lyriques. Par signe, il incita alors ses instrumentistes à compléter son chant, à leur guise. Un étrange choral résulta alors de cette improvisation libre. Peu à peu, le vocaliste toujours en voix de tête, la musique devint magnifique : Schaerer venait de réussir le tour de force de métamorphoser un élément caricatural en une force expressive extrêmement poignante. Le public, dans une large majorité séduit et admiratif, fit une standing ovation au talent de Schaerer et à ses artistes.
Club Maison du Parc National et de la vallée, 1h30
Archi Ouïr
Jean-Marc Reilla (installation électroacoustique), Julien Sellam (vlle préparé), Mathias Pontevia (batterie horizontale)
Il est des musiques qui s’écoutent, telle celle d’Archi Ouïr – la bien nommée. Or, si une bonne partie du public ouïe attentivement celle du trio, entre électroacoustique et improvisation libre européenne, une autre était davantage intéressée pour étancher sa soif en discutant bruyamment. Il ne s’agit pas là d’un reproche, certains des auditeurs estimant peut-être qu’ils en avaient déjà beaucoup entendu sans aspirer pour autant à clore leur journée en cette heure somme toute matinale. Mais il fut de nouveau difficile pour votre rapporteur d’entrer véritablement dans la matière musicale, d’en saisir son évolution, ses subtilités, sa mécanique, ce qui est le sens même, il me semble, de ce type de prestation : vivre pleinement les diastoles et les systoles énergétiques du son créées hic et nunc. Sans doute ne suis-je pas encore assez cagien… cela m’aurait aider à accéder à cet état où, selon le compositeur américain, la musique n’est pas ce qui est présentée comme telle, mais l’état de disposition dans lequel l’individu reçoit son environnement sonore !
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Jazz à Luz, ce n’est pas que du jazz au sens restrictif du terme, on le sait. Mais ce n’est pas non plus que de la musique. Outre la présence du texte, ou la place accordée à la photographie dans la ville, ce sont aussi des excursions artistiques. Reportage(-photos).
Festival « Jazz à Luz », Luz-Saint Sauveur (65), 12 juillet 2015
Voilà donc les estivants conviés à une balade de quelques kilomètres (la plupart du temps en descente) ponctuée de surprises musicales pour ce 12 juillet. Après la montée en bus jusqu’au village de Barège, un premier concert, annoncé, lançait idéalement cette pénultième journée du festival.
Salle de projection du cinéma de Barège, 11h
Jean-Luc Guionnet solo
Jean-Luc Guionnet (as)
Il n’est pas aisé d’exprimer par des mots l’impression produite par le solo du saxophoniste tant celui-ci devait se vivre dans l’instant. Décrire cette prestation en indiquant qu’il s’agit d’une exploration du son, d’une réinvention du son du saxophone notamment par l’usage de techniques non conventionnelles n’indique en rien la puissance qui a saisi d’emblée l’auditoire. Préciser qu’il s’inscrit dans la lignée autant de Braxton (dans un certain rendu sonore et non dans la démarche en amont de l’exécution) et d’Evan Parker (souffle continu, création d’illusions de polyphonies, etc.) n’éclaire pas davantage la singularité du musicien. Tout juste peut-on préciser que l’approche sonore de l’altiste semble graviter autour de la notion de vibration. Vibration de l’anche, bien sûr, qui transmet l’énergie du producteur via ce résonateur qu’est le corps du saxophone ; vibration sous forme de trémolos ensuite, autour d’une même note éclairée de multiples façons par l’emploi de doigtés spécifiques, de jeux de prise de bec autorisant l’apparition d’une granulation nouvelle, d’harmoniques, de variations de hauteurs microtonales… ; vibration encore dans l’exploration des intensités, de l’infiniment doux au très puissant. Bref, rien de tangible pour exprimer la puissance ressentie à l’écoute d’une telle performance, hélas. Seuls les poètes seraient à même de rendre honneur par les mots à l’ineffable de ce moment hors du temps, au contraire des simples écrivants !
L’une des spécificités de Jazz à Luz consiste à ne pas se contenter d’une simple succession de concerts présentés de manière frontale, mais d’emmener ses festivaliers à la découverte de sites naturels exceptionnels. Profitant de la venue d’improvisateurs bordelais et toulousains qui, étrangement, se rencontrent peu, les organisateurs du festival ont cette année concocté une randonnée de Barège à Viey, en passant pas Sers, trois charmantes bourgades que l’on traverse via un sentier au pied de quelques pics. Le parcours est jalonné de surprises musicales, totalement improvisées. A midi, au moment de la pause casse-croûte, ce succédèrent ainsi un duo entre Sébastien Cirotteau (tp) et Mathieu Werchovski (vl) suivi d’un trio composé de Florian Nastorg (bs), Paolo Chatet (tp) et Yan Saboya (elg).
Même si cela a peu à voir, on pense au paysage sonore de R. Murray Schafer, ou du moins à cette écologie sonore développée dans les années 1980, non dans le sens d’une économie des matériaux employés mais dans celui d’une symbiose entre l’homme (post-)moderne et la nature qui l’entoure. Au gré du temps qui passe doucement… :
Laurent Avizou guidant, tel le Hamelin du conte des frères Grimm, la troupe des festivaliers jusqu’à une petite place de village où deux circassiennes improvisèrent des numéros à la barre fixe au son de sa clarinette.
Après avoir pris un chemin ombragé, le public se retrouva dans une clairière où les échos s’amusèrent à répondre aux propositions cuivrées de Paolo Chatet et David Chiesa.
Dans une petite ruelle de Viey, Robin Fincker et Julien Pontévia réalisèrent un remarquable duo, moins décor à l’environnement que performance proprement musicale cette fois, qui donnant envie au maire du village de dire un mot.
Dans le car, le président du festival, Jean-Pierre Layrac donne de lui-même.
Bar Le Centre, 18h
Julo
Laurie Batista (vx), Juliette Lacroix (vlle)
Arrivé juste à l’heure pour écouter le duo sorti du rang de l’Ensemble Un, une foule compacte m’interdit d’apprécier correctement leur prestation. Le son m’arrivant de loin, ne pouvant plonger mon esprit au cœur de l’action, je ne pus véritablement juger les deux jeunes femmes, si ce n’est qu’il me parut que la violoncelliste puisait surtout dans son savoir « classique », tandis que la vocaliste penchait essentiellement vers un style loin du cliché des « chanteuses de jazz », laissant pointer de loin en loin une bonne dose si ce n’est d’humour du moins de bonne humeur contagieuse. Elles obtinrent une belle ovation.
Chapiteau du Verger, 21h
TOC
Ivann Cruz (elg), Jérémie Ternoy (fender rhodes), Peter Orrins (dm)
Cette fois, ne sont à l’honneur ni Bordelais, ni Toulousains, mais des Lillois. Trois ans après la venue de La Pieuvre au grand complet à Luz, le trio TOC a très favorablement impressionné l’assistance. Tout commence par des murmures et des rumeurs. Bien vite, on comprend qu’il s’agit d’un grand crescendo. Sauf qu’il durera in fine presque une heure non stop… Le cérémonial, à laquelle nous autres auditeurs avons librement choisi d’adhérer, tourne au rituel, la musique devenant obsédante puis menant à la transe (telle la spectatrice devant moi). Si la musique repose sur des systèmes de répétitions, les boucles étant imaginées dans l’instant, TOC développe un jeu extrêmement fin entre répétition stricte et répétition variée, faussement identique. L’improvisation, totale, permet ainsi le déploiement organique d’une matière en perpétuelle évolution. Stylistiquement (si l’on peut dire), on passe ainsi du drone au minimalisme, du rock au metal, de la techno au free – Peter Orrins usant le plus souvent du cut up pour passer d’un style à l’autre. Maniant à la perfection l’art de la temporisation, TOC parvient ainsi à mettre ses auditeurs en constante position d’attente, les musiciens repoussant perpétuellement la retombée des incessants élans qu’ils engendrent. En soulignant enfin que leur travail orchestral fut époustouflant, donnant l’impression qu’ils n’y avaient pas trois instrumentistes mais vingt, on comprend pourquoi le public leur réserva son accueil le plus chaleureux depuis le début du festival.
Chapiteau du Verger, 23h
Hildegard Lernt Fliegen
Andreas Schaerer (vx), Matthias Wenger (as, fl à bec), Benedikt Reising (bs, bcl, fl à bec), Andreas Tschopp (tb, tu, vx), Marco Müller (cb), Christoph Steiner (dm, perc, marimba)
Et pourtant les festivaliers n’étaient pas au bout de leur surprise, car Hildegard Lernt Fliegen, le groupe d’Andreas Schaerer, étonna son monde. Surprise de la part de ceux qui ne comprirent pas pourquoi avait été invité ce « groupe à chanteur » qui interpréta une pièce initiale dans l’idiome jazz. Le groupe suisse, dominé – il faut bien le reconnaître – par la présence de son vocaliste, proposa en réalité un concert évolutif du swing jusqu’à l’improvisation libre. Andreas Schaerer attira toute l’attention, étonnant l’autre partie du public, parce qu’il sut allier avec une rare maestria « divertissement » à une exigence musicale extrêmement haute. Sans doute n’a-t-il pas uniquement retenu la leçon musicale de ses idoles, mais aussi leur grand professionnalisme. Virtuose sans équivalent – il réalisa un solo de beatbox/vocalises époustouflant –, il se laissa parfois griser par ses moyens techniques hors normes, péché véniel dont il contrecarra la portée en recourant à une bonne dose d’humour. Pour donner une idée de la dimension de cet artiste showman, voici comment se termina le concert : après avoir donner la dernière pièce du répertoire, Schaerer enchaîna par une improvisation libre, transformant ses musiciens en un matériau supplémentaire qu’il mania par des gestes de la main et des regards. L’envie lui prit de caricaturer le chant des interprètes féminines lyriques. Par signe, il incita alors ses instrumentistes à compléter son chant, à leur guise. Un étrange choral résulta alors de cette improvisation libre. Peu à peu, le vocaliste toujours en voix de tête, la musique devint magnifique : Schaerer venait de réussir le tour de force de métamorphoser un élément caricatural en une force expressive extrêmement poignante. Le public, dans une large majorité séduit et admiratif, fit une standing ovation au talent de Schaerer et à ses artistes.
Club Maison du Parc National et de la vallée, 1h30
Archi Ouïr
Jean-Marc Reilla (installation électroacoustique), Julien Sellam (vlle préparé), Mathias Pontevia (batterie horizontale)
Il est des musiques qui s’écoutent, telle celle d’Archi Ouïr – la bien nommée. Or, si une bonne partie du public ouïe attentivement celle du trio, entre électroacoustique et improvisation libre européenne, une autre était davantage intéressée pour étancher sa soif en discutant bruyamment. Il ne s’agit pas là d’un reproche, certains des auditeurs estimant peut-être qu’ils en avaient déjà beaucoup entendu sans aspirer pour autant à clore leur journée en cette heure somme toute matinale. Mais il fut de nouveau difficile pour votre rapporteur d’entrer véritablement dans la matière musicale, d’en saisir son évolution, ses subtilités, sa mécanique, ce qui est le sens même, il me semble, de ce type de prestation : vivre pleinement les diastoles et les systoles énergétiques du son créées hic et nunc. Sans doute ne suis-je pas encore assez cagien… cela m’aurait aider à accéder à cet état où, selon le compositeur américain, la musique n’est pas ce qui est présentée comme telle, mais l’état de disposition dans lequel l’individu reçoit son environnement sonore !