Jazz à Foix : Louis Hayes !!
Depuis quinze ans, le festival Jazz à Foix programme des artistes historiques du jazz rarement présents sur nos scènes hexagonales. En 2014, les amateurs avaient ainsi pu entendre en Ariège Benny Golson, en 2013 Cedar Walton, Harold Mabern en 2012, Roger Kellaway en 2011… On pourrait ainsi remonter le temps jusqu’à la première édition qui accueillit John Hicks. Après Azar Lawrence la veille, ce 22 juillet les festivaliers purent découvrir live un batteur qui appartient à la légende : Louis Hayes.
Festival Jazz à Foix
Mercredi 22 juillet 2015, L’Estive, Foix (09)
David Hazeltine & Piero Odorici « Special guest Louis Hayes »
Joe Magnarelli (tp), Piero Odorici (ts), David Hazeltine (p), Aldo Zunani (cb), Louis Hayes (dm).
Ne le cachons pas : c’est pour Louis Hayes plus que pour les autres musiciens que le concert de ce soir avait quelque chose de spécial. Ce batteur lancé par Art Blakey – dont il a de vrais faux-airs – a participé à nombre de sessions mythiques : “6 Pieces of Silver” d’Horace Silver, “Hard Driving Jazz” de Cecil Taylor (avec John Coltrane), “At the Lighthouse” avec les frères Adderley, “A World of Piano! ” de Phineas Newborn, “Work Song” de Nat Adderley, “Tetragon” et “The Kicker” de Joe Henderson, “The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery”, et tant d’autres encore. Il a même remplacé Elvin Jones sur Lush Life pour la rencontre en studio de Duke Ellington et John Coltrane. Sans parler de ses collaborations avec Kenny Burrell, Freddie Hubbard, McCoy Tyner, Yusef Lateef, Oscar Peterson, Dexter Gordon… Tony Williams et Billy Hart, parmi d’autres, le citent comme une source d’influence majeure dans leur approche de l’instrument. En arrivant sur scène, en complet veston et avec une coupe de cheveux qui se souvient des années 1970, un parfum d’histoire embaume la salle.
On le devine à la lecture des noms cités et au vu de la formation, c’est à un concert de hardbop auquel nous allons assister, ce que l’entame du concert confirme d’emblée par un up tempo sans tour de chauffe. Il faudra tout de même plusieurs chorus avant que Louis Hayes, aujourd’hui âgé de 77 ans, ne se mette en train. Même si les pieds furent un peu à la traîne (sans jeu de mot homophonique !), Louis Hayes démontra que ses mains avaient encore beaucoup à dire. Et une fois la machine lancée, elle s’avèrera inarrêtable, et motivante pour les solistes. Parmi ceux-ci, le trompettiste Joe Magnarelli – que l’on a pu entendre avec des néo-boppers comme Walt Weiskopf ou Dick Oatts, mais aussi dans le big band de Toshiko Akioshi ou celui de Harry Connick Jr. – pratiqua un style entre Woody Shaw (en moins sauvage) et Tom Harrell (en plus incisif) d’un plaisant caractère. Après le Coltrane de 1965 recyclé la veille par Azar Lawrence, nous avons eu droit à celui de 1958 en la personne de Piero Odorici (déjà entendu à Foix en 2013 invité par Cyrus Chestnut), une personnalité musicale peu marquante mais à l’artisanat toujours très soigné.
Le cas de David Hazeltine réclame davantage de précisions. Celui qui fit ses premières armes près de Charles McPherson, Eddie Harris, Sonny Stitt et Chet Baker à la fin des années 1980 et qui joue avec Louis Hayes depuis le début des années 1990 est considéré comme un musicien pour musicien. Solide improvisateur, ce fut toutefois son comping qui m’interpella, fin, réactif, plein de propositions, pas seulement à l’écoute du soliste mais en interaction avec l’ensemble du groupe. Après une belle reprise de Pannonica en tempo médium et du Cedar’s Blues de Cedar Walton, Hazeltine réalisa une étonnante introduction solo à Over the Rainbow, étonnante en ce sens qu’elle prit les traits étranges d’un Art Tatum réharmonisant le standard grâce à l’usage de coltrane changes (progression harmonique modulant à distance de tierce) subtilement distillés ! Dans l’interprétation en trio qui suivit, on put sentir la filiation avec le trio d’Oscar Peterson, dont Louis Hayes fut le batteur titulaire de 1965 à 1967 (succédant à Ed Thigpen), notamment au travers de la structure résultante : introduction piano solo – tempo de ballade en trio – le batteur double le tempo aux balais – il passe ensuite aux baguettes – retour du tempo ballade – conclusion en piano solo.
Un événement inattendu révéla de façon incongrue le meilleur des musiciens. Jusqu’alors, certes le métier s’avérait parfait, mais la flamme et le feu n’y étaient pas, sans doute (et de manière paradoxale) à cause de la chaleur étouffante qui régna tout au long de la soirée dans la salle de l’Estive (que, en l’absence de climatisation, on aurait pu renommer l’Estuve). Présent dans l’auditoire, Jimmy Owens, qui jouait la veille au festival, fut bientôt invité à venir jammer sur scène par David Hazeltime.
Soudain, au milieu du Straight No Chaser sur lequel ils avaient choisi de ferrailler, les musiciens se voient agresser par un larsen très puissant. Un autre encore. Louis Hayes se lève de son siège. La musique vient de s’arrêter. Tous quittent la scène. Le public ne sait trop comment réagir : le concert vient-il de s’achever ? Faut-il applaudir ? Demander un bis ? Doit-on partir ou attendre une suite ? Tout penaud, un technicien monte sur scène et annonce que le concert reprendra après que les musiciens aient pu se rafraîchir. « Il faut très chaud sur scène« , ajoute-t-il… Effectivement, une dizaine de minutes plus tard, le quintette reprend ses instruments. Alors la musicalité atteignit un autre niveau. Piqués au vif, les musiciens s’investirent bien davantage dans leur art, se prouvant sans doute d’abord à eux-mêmes qu’ils possèdent bien ce feu sacré qui donne tout son prix, et surtout son sel, à cette musique de jazz.
Prochains concerts du festival de Foix :
23 j
uillet (21h30) : Tcha Limberger Trio invite Mozes Rosenberg (jazz manouche)
24 juillet (21h30) : Havana Street Band (latin jazz)
25 juillet (21h30) : Claude Tissendier « Countissimo » (swing)
A noter : Portée par l’envie de faire apprécier la musique de jazz au plus grand nombre, (prix des places abaissée par rapport à l’année dernière, tous les concerts gratuits pour les moins de 18 ans, 17 concerts « off » donnés dans la ville durant le festival…), l’association Art’Riège a provoqué une rencontre entre l’Harmonie Foix-Varilhes et Louis Sclavis. Le concert qui en découlera aura lieu le 1er août, à Foix (avant de se produire à Marciac le lendemain) avec en première partie le trio LPT3 (Jean-Louis Pommier, François Thuillier, Christophe Lavergne).
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Depuis quinze ans, le festival Jazz à Foix programme des artistes historiques du jazz rarement présents sur nos scènes hexagonales. En 2014, les amateurs avaient ainsi pu entendre en Ariège Benny Golson, en 2013 Cedar Walton, Harold Mabern en 2012, Roger Kellaway en 2011… On pourrait ainsi remonter le temps jusqu’à la première édition qui accueillit John Hicks. Après Azar Lawrence la veille, ce 22 juillet les festivaliers purent découvrir live un batteur qui appartient à la légende : Louis Hayes.
Festival Jazz à Foix
Mercredi 22 juillet 2015, L’Estive, Foix (09)
David Hazeltine & Piero Odorici « Special guest Louis Hayes »
Joe Magnarelli (tp), Piero Odorici (ts), David Hazeltine (p), Aldo Zunani (cb), Louis Hayes (dm).
Ne le cachons pas : c’est pour Louis Hayes plus que pour les autres musiciens que le concert de ce soir avait quelque chose de spécial. Ce batteur lancé par Art Blakey – dont il a de vrais faux-airs – a participé à nombre de sessions mythiques : “6 Pieces of Silver” d’Horace Silver, “Hard Driving Jazz” de Cecil Taylor (avec John Coltrane), “At the Lighthouse” avec les frères Adderley, “A World of Piano! ” de Phineas Newborn, “Work Song” de Nat Adderley, “Tetragon” et “The Kicker” de Joe Henderson, “The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery”, et tant d’autres encore. Il a même remplacé Elvin Jones sur Lush Life pour la rencontre en studio de Duke Ellington et John Coltrane. Sans parler de ses collaborations avec Kenny Burrell, Freddie Hubbard, McCoy Tyner, Yusef Lateef, Oscar Peterson, Dexter Gordon… Tony Williams et Billy Hart, parmi d’autres, le citent comme une source d’influence majeure dans leur approche de l’instrument. En arrivant sur scène, en complet veston et avec une coupe de cheveux qui se souvient des années 1970, un parfum d’histoire embaume la salle.
On le devine à la lecture des noms cités et au vu de la formation, c’est à un concert de hardbop auquel nous allons assister, ce que l’entame du concert confirme d’emblée par un up tempo sans tour de chauffe. Il faudra tout de même plusieurs chorus avant que Louis Hayes, aujourd’hui âgé de 77 ans, ne se mette en train. Même si les pieds furent un peu à la traîne (sans jeu de mot homophonique !), Louis Hayes démontra que ses mains avaient encore beaucoup à dire. Et une fois la machine lancée, elle s’avèrera inarrêtable, et motivante pour les solistes. Parmi ceux-ci, le trompettiste Joe Magnarelli – que l’on a pu entendre avec des néo-boppers comme Walt Weiskopf ou Dick Oatts, mais aussi dans le big band de Toshiko Akioshi ou celui de Harry Connick Jr. – pratiqua un style entre Woody Shaw (en moins sauvage) et Tom Harrell (en plus incisif) d’un plaisant caractère. Après le Coltrane de 1965 recyclé la veille par Azar Lawrence, nous avons eu droit à celui de 1958 en la personne de Piero Odorici (déjà entendu à Foix en 2013 invité par Cyrus Chestnut), une personnalité musicale peu marquante mais à l’artisanat toujours très soigné.
Le cas de David Hazeltine réclame davantage de précisions. Celui qui fit ses premières armes près de Charles McPherson, Eddie Harris, Sonny Stitt et Chet Baker à la fin des années 1980 et qui joue avec Louis Hayes depuis le début des années 1990 est considéré comme un musicien pour musicien. Solide improvisateur, ce fut toutefois son comping qui m’interpella, fin, réactif, plein de propositions, pas seulement à l’écoute du soliste mais en interaction avec l’ensemble du groupe. Après une belle reprise de Pannonica en tempo médium et du Cedar’s Blues de Cedar Walton, Hazeltine réalisa une étonnante introduction solo à Over the Rainbow, étonnante en ce sens qu’elle prit les traits étranges d’un Art Tatum réharmonisant le standard grâce à l’usage de coltrane changes (progression harmonique modulant à distance de tierce) subtilement distillés ! Dans l’interprétation en trio qui suivit, on put sentir la filiation avec le trio d’Oscar Peterson, dont Louis Hayes fut le batteur titulaire de 1965 à 1967 (succédant à Ed Thigpen), notamment au travers de la structure résultante : introduction piano solo – tempo de ballade en trio – le batteur double le tempo aux balais – il passe ensuite aux baguettes – retour du tempo ballade – conclusion en piano solo.
Un événement inattendu révéla de façon incongrue le meilleur des musiciens. Jusqu’alors, certes le métier s’avérait parfait, mais la flamme et le feu n’y étaient pas, sans doute (et de manière paradoxale) à cause de la chaleur étouffante qui régna tout au long de la soirée dans la salle de l’Estive (que, en l’absence de climatisation, on aurait pu renommer l’Estuve). Présent dans l’auditoire, Jimmy Owens, qui jouait la veille au festival, fut bientôt invité à venir jammer sur scène par David Hazeltime.
Soudain, au milieu du Straight No Chaser sur lequel ils avaient choisi de ferrailler, les musiciens se voient agresser par un larsen très puissant. Un autre encore. Louis Hayes se lève de son siège. La musique vient de s’arrêter. Tous quittent la scène. Le public ne sait trop comment réagir : le concert vient-il de s’achever ? Faut-il applaudir ? Demander un bis ? Doit-on partir ou attendre une suite ? Tout penaud, un technicien monte sur scène et annonce que le concert reprendra après que les musiciens aient pu se rafraîchir. « Il faut très chaud sur scène« , ajoute-t-il… Effectivement, une dizaine de minutes plus tard, le quintette reprend ses instruments. Alors la musicalité atteignit un autre niveau. Piqués au vif, les musiciens s’investirent bien davantage dans leur art, se prouvant sans doute d’abord à eux-mêmes qu’ils possèdent bien ce feu sacré qui donne tout son prix, et surtout son sel, à cette musique de jazz.
Prochains concerts du festival de Foix :
23 j
uillet (21h30) : Tcha Limberger Trio invite Mozes Rosenberg (jazz manouche)
24 juillet (21h30) : Havana Street Band (latin jazz)
25 juillet (21h30) : Claude Tissendier « Countissimo » (swing)
A noter : Portée par l’envie de faire apprécier la musique de jazz au plus grand nombre, (prix des places abaissée par rapport à l’année dernière, tous les concerts gratuits pour les moins de 18 ans, 17 concerts « off » donnés dans la ville durant le festival…), l’association Art’Riège a provoqué une rencontre entre l’Harmonie Foix-Varilhes et Louis Sclavis. Le concert qui en découlera aura lieu le 1er août, à Foix (avant de se produire à Marciac le lendemain) avec en première partie le trio LPT3 (Jean-Louis Pommier, François Thuillier, Christophe Lavergne).
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Depuis quinze ans, le festival Jazz à Foix programme des artistes historiques du jazz rarement présents sur nos scènes hexagonales. En 2014, les amateurs avaient ainsi pu entendre en Ariège Benny Golson, en 2013 Cedar Walton, Harold Mabern en 2012, Roger Kellaway en 2011… On pourrait ainsi remonter le temps jusqu’à la première édition qui accueillit John Hicks. Après Azar Lawrence la veille, ce 22 juillet les festivaliers purent découvrir live un batteur qui appartient à la légende : Louis Hayes.
Festival Jazz à Foix
Mercredi 22 juillet 2015, L’Estive, Foix (09)
David Hazeltine & Piero Odorici « Special guest Louis Hayes »
Joe Magnarelli (tp), Piero Odorici (ts), David Hazeltine (p), Aldo Zunani (cb), Louis Hayes (dm).
Ne le cachons pas : c’est pour Louis Hayes plus que pour les autres musiciens que le concert de ce soir avait quelque chose de spécial. Ce batteur lancé par Art Blakey – dont il a de vrais faux-airs – a participé à nombre de sessions mythiques : “6 Pieces of Silver” d’Horace Silver, “Hard Driving Jazz” de Cecil Taylor (avec John Coltrane), “At the Lighthouse” avec les frères Adderley, “A World of Piano! ” de Phineas Newborn, “Work Song” de Nat Adderley, “Tetragon” et “The Kicker” de Joe Henderson, “The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery”, et tant d’autres encore. Il a même remplacé Elvin Jones sur Lush Life pour la rencontre en studio de Duke Ellington et John Coltrane. Sans parler de ses collaborations avec Kenny Burrell, Freddie Hubbard, McCoy Tyner, Yusef Lateef, Oscar Peterson, Dexter Gordon… Tony Williams et Billy Hart, parmi d’autres, le citent comme une source d’influence majeure dans leur approche de l’instrument. En arrivant sur scène, en complet veston et avec une coupe de cheveux qui se souvient des années 1970, un parfum d’histoire embaume la salle.
On le devine à la lecture des noms cités et au vu de la formation, c’est à un concert de hardbop auquel nous allons assister, ce que l’entame du concert confirme d’emblée par un up tempo sans tour de chauffe. Il faudra tout de même plusieurs chorus avant que Louis Hayes, aujourd’hui âgé de 77 ans, ne se mette en train. Même si les pieds furent un peu à la traîne (sans jeu de mot homophonique !), Louis Hayes démontra que ses mains avaient encore beaucoup à dire. Et une fois la machine lancée, elle s’avèrera inarrêtable, et motivante pour les solistes. Parmi ceux-ci, le trompettiste Joe Magnarelli – que l’on a pu entendre avec des néo-boppers comme Walt Weiskopf ou Dick Oatts, mais aussi dans le big band de Toshiko Akioshi ou celui de Harry Connick Jr. – pratiqua un style entre Woody Shaw (en moins sauvage) et Tom Harrell (en plus incisif) d’un plaisant caractère. Après le Coltrane de 1965 recyclé la veille par Azar Lawrence, nous avons eu droit à celui de 1958 en la personne de Piero Odorici (déjà entendu à Foix en 2013 invité par Cyrus Chestnut), une personnalité musicale peu marquante mais à l’artisanat toujours très soigné.
Le cas de David Hazeltine réclame davantage de précisions. Celui qui fit ses premières armes près de Charles McPherson, Eddie Harris, Sonny Stitt et Chet Baker à la fin des années 1980 et qui joue avec Louis Hayes depuis le début des années 1990 est considéré comme un musicien pour musicien. Solide improvisateur, ce fut toutefois son comping qui m’interpella, fin, réactif, plein de propositions, pas seulement à l’écoute du soliste mais en interaction avec l’ensemble du groupe. Après une belle reprise de Pannonica en tempo médium et du Cedar’s Blues de Cedar Walton, Hazeltine réalisa une étonnante introduction solo à Over the Rainbow, étonnante en ce sens qu’elle prit les traits étranges d’un Art Tatum réharmonisant le standard grâce à l’usage de coltrane changes (progression harmonique modulant à distance de tierce) subtilement distillés ! Dans l’interprétation en trio qui suivit, on put sentir la filiation avec le trio d’Oscar Peterson, dont Louis Hayes fut le batteur titulaire de 1965 à 1967 (succédant à Ed Thigpen), notamment au travers de la structure résultante : introduction piano solo – tempo de ballade en trio – le batteur double le tempo aux balais – il passe ensuite aux baguettes – retour du tempo ballade – conclusion en piano solo.
Un événement inattendu révéla de façon incongrue le meilleur des musiciens. Jusqu’alors, certes le métier s’avérait parfait, mais la flamme et le feu n’y étaient pas, sans doute (et de manière paradoxale) à cause de la chaleur étouffante qui régna tout au long de la soirée dans la salle de l’Estive (que, en l’absence de climatisation, on aurait pu renommer l’Estuve). Présent dans l’auditoire, Jimmy Owens, qui jouait la veille au festival, fut bientôt invité à venir jammer sur scène par David Hazeltime.
Soudain, au milieu du Straight No Chaser sur lequel ils avaient choisi de ferrailler, les musiciens se voient agresser par un larsen très puissant. Un autre encore. Louis Hayes se lève de son siège. La musique vient de s’arrêter. Tous quittent la scène. Le public ne sait trop comment réagir : le concert vient-il de s’achever ? Faut-il applaudir ? Demander un bis ? Doit-on partir ou attendre une suite ? Tout penaud, un technicien monte sur scène et annonce que le concert reprendra après que les musiciens aient pu se rafraîchir. « Il faut très chaud sur scène« , ajoute-t-il… Effectivement, une dizaine de minutes plus tard, le quintette reprend ses instruments. Alors la musicalité atteignit un autre niveau. Piqués au vif, les musiciens s’investirent bien davantage dans leur art, se prouvant sans doute d’abord à eux-mêmes qu’ils possèdent bien ce feu sacré qui donne tout son prix, et surtout son sel, à cette musique de jazz.
Prochains concerts du festival de Foix :
23 j
uillet (21h30) : Tcha Limberger Trio invite Mozes Rosenberg (jazz manouche)
24 juillet (21h30) : Havana Street Band (latin jazz)
25 juillet (21h30) : Claude Tissendier « Countissimo » (swing)
A noter : Portée par l’envie de faire apprécier la musique de jazz au plus grand nombre, (prix des places abaissée par rapport à l’année dernière, tous les concerts gratuits pour les moins de 18 ans, 17 concerts « off » donnés dans la ville durant le festival…), l’association Art’Riège a provoqué une rencontre entre l’Harmonie Foix-Varilhes et Louis Sclavis. Le concert qui en découlera aura lieu le 1er août, à Foix (avant de se produire à Marciac le lendemain) avec en première partie le trio LPT3 (Jean-Louis Pommier, François Thuillier, Christophe Lavergne).
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Depuis quinze ans, le festival Jazz à Foix programme des artistes historiques du jazz rarement présents sur nos scènes hexagonales. En 2014, les amateurs avaient ainsi pu entendre en Ariège Benny Golson, en 2013 Cedar Walton, Harold Mabern en 2012, Roger Kellaway en 2011… On pourrait ainsi remonter le temps jusqu’à la première édition qui accueillit John Hicks. Après Azar Lawrence la veille, ce 22 juillet les festivaliers purent découvrir live un batteur qui appartient à la légende : Louis Hayes.
Festival Jazz à Foix
Mercredi 22 juillet 2015, L’Estive, Foix (09)
David Hazeltine & Piero Odorici « Special guest Louis Hayes »
Joe Magnarelli (tp), Piero Odorici (ts), David Hazeltine (p), Aldo Zunani (cb), Louis Hayes (dm).
Ne le cachons pas : c’est pour Louis Hayes plus que pour les autres musiciens que le concert de ce soir avait quelque chose de spécial. Ce batteur lancé par Art Blakey – dont il a de vrais faux-airs – a participé à nombre de sessions mythiques : “6 Pieces of Silver” d’Horace Silver, “Hard Driving Jazz” de Cecil Taylor (avec John Coltrane), “At the Lighthouse” avec les frères Adderley, “A World of Piano! ” de Phineas Newborn, “Work Song” de Nat Adderley, “Tetragon” et “The Kicker” de Joe Henderson, “The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery”, et tant d’autres encore. Il a même remplacé Elvin Jones sur Lush Life pour la rencontre en studio de Duke Ellington et John Coltrane. Sans parler de ses collaborations avec Kenny Burrell, Freddie Hubbard, McCoy Tyner, Yusef Lateef, Oscar Peterson, Dexter Gordon… Tony Williams et Billy Hart, parmi d’autres, le citent comme une source d’influence majeure dans leur approche de l’instrument. En arrivant sur scène, en complet veston et avec une coupe de cheveux qui se souvient des années 1970, un parfum d’histoire embaume la salle.
On le devine à la lecture des noms cités et au vu de la formation, c’est à un concert de hardbop auquel nous allons assister, ce que l’entame du concert confirme d’emblée par un up tempo sans tour de chauffe. Il faudra tout de même plusieurs chorus avant que Louis Hayes, aujourd’hui âgé de 77 ans, ne se mette en train. Même si les pieds furent un peu à la traîne (sans jeu de mot homophonique !), Louis Hayes démontra que ses mains avaient encore beaucoup à dire. Et une fois la machine lancée, elle s’avèrera inarrêtable, et motivante pour les solistes. Parmi ceux-ci, le trompettiste Joe Magnarelli – que l’on a pu entendre avec des néo-boppers comme Walt Weiskopf ou Dick Oatts, mais aussi dans le big band de Toshiko Akioshi ou celui de Harry Connick Jr. – pratiqua un style entre Woody Shaw (en moins sauvage) et Tom Harrell (en plus incisif) d’un plaisant caractère. Après le Coltrane de 1965 recyclé la veille par Azar Lawrence, nous avons eu droit à celui de 1958 en la personne de Piero Odorici (déjà entendu à Foix en 2013 invité par Cyrus Chestnut), une personnalité musicale peu marquante mais à l’artisanat toujours très soigné.
Le cas de David Hazeltine réclame davantage de précisions. Celui qui fit ses premières armes près de Charles McPherson, Eddie Harris, Sonny Stitt et Chet Baker à la fin des années 1980 et qui joue avec Louis Hayes depuis le début des années 1990 est considéré comme un musicien pour musicien. Solide improvisateur, ce fut toutefois son comping qui m’interpella, fin, réactif, plein de propositions, pas seulement à l’écoute du soliste mais en interaction avec l’ensemble du groupe. Après une belle reprise de Pannonica en tempo médium et du Cedar’s Blues de Cedar Walton, Hazeltine réalisa une étonnante introduction solo à Over the Rainbow, étonnante en ce sens qu’elle prit les traits étranges d’un Art Tatum réharmonisant le standard grâce à l’usage de coltrane changes (progression harmonique modulant à distance de tierce) subtilement distillés ! Dans l’interprétation en trio qui suivit, on put sentir la filiation avec le trio d’Oscar Peterson, dont Louis Hayes fut le batteur titulaire de 1965 à 1967 (succédant à Ed Thigpen), notamment au travers de la structure résultante : introduction piano solo – tempo de ballade en trio – le batteur double le tempo aux balais – il passe ensuite aux baguettes – retour du tempo ballade – conclusion en piano solo.
Un événement inattendu révéla de façon incongrue le meilleur des musiciens. Jusqu’alors, certes le métier s’avérait parfait, mais la flamme et le feu n’y étaient pas, sans doute (et de manière paradoxale) à cause de la chaleur étouffante qui régna tout au long de la soirée dans la salle de l’Estive (que, en l’absence de climatisation, on aurait pu renommer l’Estuve). Présent dans l’auditoire, Jimmy Owens, qui jouait la veille au festival, fut bientôt invité à venir jammer sur scène par David Hazeltime.
Soudain, au milieu du Straight No Chaser sur lequel ils avaient choisi de ferrailler, les musiciens se voient agresser par un larsen très puissant. Un autre encore. Louis Hayes se lève de son siège. La musique vient de s’arrêter. Tous quittent la scène. Le public ne sait trop comment réagir : le concert vient-il de s’achever ? Faut-il applaudir ? Demander un bis ? Doit-on partir ou attendre une suite ? Tout penaud, un technicien monte sur scène et annonce que le concert reprendra après que les musiciens aient pu se rafraîchir. « Il faut très chaud sur scène« , ajoute-t-il… Effectivement, une dizaine de minutes plus tard, le quintette reprend ses instruments. Alors la musicalité atteignit un autre niveau. Piqués au vif, les musiciens s’investirent bien davantage dans leur art, se prouvant sans doute d’abord à eux-mêmes qu’ils possèdent bien ce feu sacré qui donne tout son prix, et surtout son sel, à cette musique de jazz.
Prochains concerts du festival de Foix :
23 j
uillet (21h30) : Tcha Limberger Trio invite Mozes Rosenberg (jazz manouche)
24 juillet (21h30) : Havana Street Band (latin jazz)
25 juillet (21h30) : Claude Tissendier « Countissimo » (swing)
A noter : Portée par l’envie de faire apprécier la musique de jazz au plus grand nombre, (prix des places abaissée par rapport à l’année dernière, tous les concerts gratuits pour les moins de 18 ans, 17 concerts « off » donnés dans la ville durant le festival…), l’association Art’Riège a provoqué une rencontre entre l’Harmonie Foix-Varilhes et Louis Sclavis. Le concert qui en découlera aura lieu le 1er août, à Foix (avant de se produire à Marciac le lendemain) avec en première partie le trio LPT3 (Jean-Louis Pommier, François Thuillier, Christophe Lavergne).