Jazz à la Villette : l'époustouflante Cécile McLorin Salvant
La chanteuse a définitivement conquis le public en usant d’un éventail de carte inattendues. De quoi faire frémir les mélomanes les plus aguerris. Récit d’un retour de flamme à l’incandescence quasi divine.
Il faut bien le reconnaître. Ce n’est pas seulement à l’écoute du deuxième opus de Cécile McLorin Salvant, ô combien salvateur pour les amateurs de jazz vocal, qu’il est possible de mesurer l’étendue de son talent. Aussi, sa prestation ce samedi de septembre, à l’occasion du Festival Jazz à la Villette, n’était pas un simple coup de poker car “For One To Love” annonçait déjà la couleur. Mais Miss McLorin Salvant s’était visiblement attachée à laisser planer le mystère sur ce qui devait définitivement finir par nous terrasser. La jeune femme de 26 ans n’est pas une chanteuse de jazz attachée à un répertoire de standards piochés au hasard. C’est une comédienne qui incarne absolument sa musique. Une geek de l’interprétation. Elle joue sur ses madeleines de Proust. Elle joue sur les mots qui la transcendent. Elle joue sur la portée des textes qu’elle clame avec justesse et malice. Elle sourit peu mais s’amuse en cheminant, d’un pas assuré, sur le fil de son articulation, toute aussi parfaite en anglais qu’en français, et de son timbre aux mille et une nuances dont elle se sert pour toujours mieux nous duper. On ne sait jamais quelle sera la teneur de ses attaques, le degré d’audace au cours de son jeu. On ne sait pas quand elle s’éteindra un brin pour revenir brûler avec fracas.
Une présence scénique sans artifices
Après que le chanteur Hugh Coltman et ses musiciens portés sur des reprises de morceaux de Nat King Cole mises à mal par une sonorisation un brin saturée se soient éclipsés (on retiendra toutefois Mona Lisa brillamment interprétée avec le pianiste Éric Legnini comme invité), voilà que trois jeunes hommes en costumes gris clairs débarquent sur scène. Le pianiste Aaron Diehl, le contrebassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers. Les trois dandys annoncent l’entrée de celle qu’on attend en trépignant avec l’introduction du morceau Fog, incipit de “For One To Love”. Elle arrive moulée dans sa robe à pois multicolore du haut de ses escarpins salomé gris métallisés. Ne vous méprenez pas. La robe n’est pas une pièce ultra sophistiquée et ses talons ne dépassent pas huit centimètres. Pourquoi ces détails ? Parce-que l’élégance sans artifices de Cécile McLorin Salvant tranche avec la puissance de sa présence scénique. Et cela fait partie des cartes gagnantes qu’elle lance sans prévenir. Elle n’a pas besoin d’user de simagrées. Elle titille ses musiciens à la moindre occasion. “Come on guys !”, s’exclame-t-elle en tendant le micro à chacun. Aucun d’eux n’ose prendre la parole. “Ils sont timides”, conclut-elle. Puis elle demande une pièce à l’assistance pour le batteur, qui, en studio, s’est amusé à utiliser deux pièces de monnaie pour créer un effet de distorsion acoustique sur sa caisse claire. Une astuce qui ne laisse pas de marbre. Suivent The Trolley Song, Look At Me, …
Une artiste engagée ?
Cécile Mclorin Salvant se meut, danse, occupe l’espace en marchant sans empressement. Puis, elle raconte que, petite, elle était obsédée par la comédie musicale Cendrillon dont elle connaissait toutes les chansons par cœur. “Cécile, je me souviens !”, crie quelqu’un dans l’assistance. C’est sa tante… Stepsister’s Lament. Cette chanson qui traduit la frustration des demi-sœurs de Cendrillon de ne pas être remarquées par le prince au cours du bal. “C’est une chanson qui me venait souvent en tête quand on m’ignorait pendant les bals”, avoue notre chanteuse. Belle revanche sur la vie. Car ce soir-là, on ne voit qu’elle. Le charme n’est pas prêt d’être rompu. Elle reprend le Si j’étais blanche de Joséphine Baker : “Moi, c’est la flamme de mon cœur qui me colore…” Serait-ce un message subliminal ? Cécile McLorin Salvant serait-elle une artiste subtilement engagée ? On est tenté de le croire quand elle en vient à interpréter Wives and Lovers, chanson écrite par Burt Bacharach qu’elle juge la plus sexiste de toute l’histoire de la musique.
Du blues à Broadway
On ne se lasse pas de la voir jouer les actrices. Entre la mine effarouchée qui nous renvoie aux vedettes des années 30 ou cet air mélancolique qui marque le moment de grâce du concert avec Le mal de vivre de Barbara. Elle chante aussi Monday, chanson qu’elle a écrite à Paris juste avant un départ – l’amour, toujours – et reprend Something’s Coming de la comédie musicale West Side Story. Aussi, avec Cécile, on passe de l’univers des cabarets de l’entre-deux-guerres aux grands succès de Broadway en passant par le blues made in Mississipi ou la chanson française des sixties. Et dire que la chanteuse avait attrapé froid la nuit d’avant. Mais selon elle, chanter Growlin’s Dan a un grand pouvoir de guérison. Et à la voir rugir ces paroles de Blanche Calloway, on ne peut que la croire… On ne saurait couronner cette prestation de succès sans un mot à l’attention du trio de musiciens qui l’accompagnent. Complicité et symbiose totale. Des solos déconcertants d’originalité. Quant à la note finale, autant dire que nous avions bien compris le message bien avant qu’elle ne l’exprime : ”I only sing for one to love… Me too”.
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La chanteuse a définitivement conquis le public en usant d’un éventail de carte inattendues. De quoi faire frémir les mélomanes les plus aguerris. Récit d’un retour de flamme à l’incandescence quasi divine.
Il faut bien le reconnaître. Ce n’est pas seulement à l’écoute du deuxième opus de Cécile McLorin Salvant, ô combien salvateur pour les amateurs de jazz vocal, qu’il est possible de mesurer l’étendue de son talent. Aussi, sa prestation ce samedi de septembre, à l’occasion du Festival Jazz à la Villette, n’était pas un simple coup de poker car “For One To Love” annonçait déjà la couleur. Mais Miss McLorin Salvant s’était visiblement attachée à laisser planer le mystère sur ce qui devait définitivement finir par nous terrasser. La jeune femme de 26 ans n’est pas une chanteuse de jazz attachée à un répertoire de standards piochés au hasard. C’est une comédienne qui incarne absolument sa musique. Une geek de l’interprétation. Elle joue sur ses madeleines de Proust. Elle joue sur les mots qui la transcendent. Elle joue sur la portée des textes qu’elle clame avec justesse et malice. Elle sourit peu mais s’amuse en cheminant, d’un pas assuré, sur le fil de son articulation, toute aussi parfaite en anglais qu’en français, et de son timbre aux mille et une nuances dont elle se sert pour toujours mieux nous duper. On ne sait jamais quelle sera la teneur de ses attaques, le degré d’audace au cours de son jeu. On ne sait pas quand elle s’éteindra un brin pour revenir brûler avec fracas.
Une présence scénique sans artifices
Après que le chanteur Hugh Coltman et ses musiciens portés sur des reprises de morceaux de Nat King Cole mises à mal par une sonorisation un brin saturée se soient éclipsés (on retiendra toutefois Mona Lisa brillamment interprétée avec le pianiste Éric Legnini comme invité), voilà que trois jeunes hommes en costumes gris clairs débarquent sur scène. Le pianiste Aaron Diehl, le contrebassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers. Les trois dandys annoncent l’entrée de celle qu’on attend en trépignant avec l’introduction du morceau Fog, incipit de “For One To Love”. Elle arrive moulée dans sa robe à pois multicolore du haut de ses escarpins salomé gris métallisés. Ne vous méprenez pas. La robe n’est pas une pièce ultra sophistiquée et ses talons ne dépassent pas huit centimètres. Pourquoi ces détails ? Parce-que l’élégance sans artifices de Cécile McLorin Salvant tranche avec la puissance de sa présence scénique. Et cela fait partie des cartes gagnantes qu’elle lance sans prévenir. Elle n’a pas besoin d’user de simagrées. Elle titille ses musiciens à la moindre occasion. “Come on guys !”, s’exclame-t-elle en tendant le micro à chacun. Aucun d’eux n’ose prendre la parole. “Ils sont timides”, conclut-elle. Puis elle demande une pièce à l’assistance pour le batteur, qui, en studio, s’est amusé à utiliser deux pièces de monnaie pour créer un effet de distorsion acoustique sur sa caisse claire. Une astuce qui ne laisse pas de marbre. Suivent The Trolley Song, Look At Me, …
Une artiste engagée ?
Cécile Mclorin Salvant se meut, danse, occupe l’espace en marchant sans empressement. Puis, elle raconte que, petite, elle était obsédée par la comédie musicale Cendrillon dont elle connaissait toutes les chansons par cœur. “Cécile, je me souviens !”, crie quelqu’un dans l’assistance. C’est sa tante… Stepsister’s Lament. Cette chanson qui traduit la frustration des demi-sœurs de Cendrillon de ne pas être remarquées par le prince au cours du bal. “C’est une chanson qui me venait souvent en tête quand on m’ignorait pendant les bals”, avoue notre chanteuse. Belle revanche sur la vie. Car ce soir-là, on ne voit qu’elle. Le charme n’est pas prêt d’être rompu. Elle reprend le Si j’étais blanche de Joséphine Baker : “Moi, c’est la flamme de mon cœur qui me colore…” Serait-ce un message subliminal ? Cécile McLorin Salvant serait-elle une artiste subtilement engagée ? On est tenté de le croire quand elle en vient à interpréter Wives and Lovers, chanson écrite par Burt Bacharach qu’elle juge la plus sexiste de toute l’histoire de la musique.
Du blues à Broadway
On ne se lasse pas de la voir jouer les actrices. Entre la mine effarouchée qui nous renvoie aux vedettes des années 30 ou cet air mélancolique qui marque le moment de grâce du concert avec Le mal de vivre de Barbara. Elle chante aussi Monday, chanson qu’elle a écrite à Paris juste avant un départ – l’amour, toujours – et reprend Something’s Coming de la comédie musicale West Side Story. Aussi, avec Cécile, on passe de l’univers des cabarets de l’entre-deux-guerres aux grands succès de Broadway en passant par le blues made in Mississipi ou la chanson française des sixties. Et dire que la chanteuse avait attrapé froid la nuit d’avant. Mais selon elle, chanter Growlin’s Dan a un grand pouvoir de guérison. Et à la voir rugir ces paroles de Blanche Calloway, on ne peut que la croire… On ne saurait couronner cette prestation de succès sans un mot à l’attention du trio de musiciens qui l’accompagnent. Complicité et symbiose totale. Des solos déconcertants d’originalité. Quant à la note finale, autant dire que nous avions bien compris le message bien avant qu’elle ne l’exprime : ”I only sing for one to love… Me too”.
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La chanteuse a définitivement conquis le public en usant d’un éventail de carte inattendues. De quoi faire frémir les mélomanes les plus aguerris. Récit d’un retour de flamme à l’incandescence quasi divine.
Il faut bien le reconnaître. Ce n’est pas seulement à l’écoute du deuxième opus de Cécile McLorin Salvant, ô combien salvateur pour les amateurs de jazz vocal, qu’il est possible de mesurer l’étendue de son talent. Aussi, sa prestation ce samedi de septembre, à l’occasion du Festival Jazz à la Villette, n’était pas un simple coup de poker car “For One To Love” annonçait déjà la couleur. Mais Miss McLorin Salvant s’était visiblement attachée à laisser planer le mystère sur ce qui devait définitivement finir par nous terrasser. La jeune femme de 26 ans n’est pas une chanteuse de jazz attachée à un répertoire de standards piochés au hasard. C’est une comédienne qui incarne absolument sa musique. Une geek de l’interprétation. Elle joue sur ses madeleines de Proust. Elle joue sur les mots qui la transcendent. Elle joue sur la portée des textes qu’elle clame avec justesse et malice. Elle sourit peu mais s’amuse en cheminant, d’un pas assuré, sur le fil de son articulation, toute aussi parfaite en anglais qu’en français, et de son timbre aux mille et une nuances dont elle se sert pour toujours mieux nous duper. On ne sait jamais quelle sera la teneur de ses attaques, le degré d’audace au cours de son jeu. On ne sait pas quand elle s’éteindra un brin pour revenir brûler avec fracas.
Une présence scénique sans artifices
Après que le chanteur Hugh Coltman et ses musiciens portés sur des reprises de morceaux de Nat King Cole mises à mal par une sonorisation un brin saturée se soient éclipsés (on retiendra toutefois Mona Lisa brillamment interprétée avec le pianiste Éric Legnini comme invité), voilà que trois jeunes hommes en costumes gris clairs débarquent sur scène. Le pianiste Aaron Diehl, le contrebassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers. Les trois dandys annoncent l’entrée de celle qu’on attend en trépignant avec l’introduction du morceau Fog, incipit de “For One To Love”. Elle arrive moulée dans sa robe à pois multicolore du haut de ses escarpins salomé gris métallisés. Ne vous méprenez pas. La robe n’est pas une pièce ultra sophistiquée et ses talons ne dépassent pas huit centimètres. Pourquoi ces détails ? Parce-que l’élégance sans artifices de Cécile McLorin Salvant tranche avec la puissance de sa présence scénique. Et cela fait partie des cartes gagnantes qu’elle lance sans prévenir. Elle n’a pas besoin d’user de simagrées. Elle titille ses musiciens à la moindre occasion. “Come on guys !”, s’exclame-t-elle en tendant le micro à chacun. Aucun d’eux n’ose prendre la parole. “Ils sont timides”, conclut-elle. Puis elle demande une pièce à l’assistance pour le batteur, qui, en studio, s’est amusé à utiliser deux pièces de monnaie pour créer un effet de distorsion acoustique sur sa caisse claire. Une astuce qui ne laisse pas de marbre. Suivent The Trolley Song, Look At Me, …
Une artiste engagée ?
Cécile Mclorin Salvant se meut, danse, occupe l’espace en marchant sans empressement. Puis, elle raconte que, petite, elle était obsédée par la comédie musicale Cendrillon dont elle connaissait toutes les chansons par cœur. “Cécile, je me souviens !”, crie quelqu’un dans l’assistance. C’est sa tante… Stepsister’s Lament. Cette chanson qui traduit la frustration des demi-sœurs de Cendrillon de ne pas être remarquées par le prince au cours du bal. “C’est une chanson qui me venait souvent en tête quand on m’ignorait pendant les bals”, avoue notre chanteuse. Belle revanche sur la vie. Car ce soir-là, on ne voit qu’elle. Le charme n’est pas prêt d’être rompu. Elle reprend le Si j’étais blanche de Joséphine Baker : “Moi, c’est la flamme de mon cœur qui me colore…” Serait-ce un message subliminal ? Cécile McLorin Salvant serait-elle une artiste subtilement engagée ? On est tenté de le croire quand elle en vient à interpréter Wives and Lovers, chanson écrite par Burt Bacharach qu’elle juge la plus sexiste de toute l’histoire de la musique.
Du blues à Broadway
On ne se lasse pas de la voir jouer les actrices. Entre la mine effarouchée qui nous renvoie aux vedettes des années 30 ou cet air mélancolique qui marque le moment de grâce du concert avec Le mal de vivre de Barbara. Elle chante aussi Monday, chanson qu’elle a écrite à Paris juste avant un départ – l’amour, toujours – et reprend Something’s Coming de la comédie musicale West Side Story. Aussi, avec Cécile, on passe de l’univers des cabarets de l’entre-deux-guerres aux grands succès de Broadway en passant par le blues made in Mississipi ou la chanson française des sixties. Et dire que la chanteuse avait attrapé froid la nuit d’avant. Mais selon elle, chanter Growlin’s Dan a un grand pouvoir de guérison. Et à la voir rugir ces paroles de Blanche Calloway, on ne peut que la croire… On ne saurait couronner cette prestation de succès sans un mot à l’attention du trio de musiciens qui l’accompagnent. Complicité et symbiose totale. Des solos déconcertants d’originalité. Quant à la note finale, autant dire que nous avions bien compris le message bien avant qu’elle ne l’exprime : ”I only sing for one to love… Me too”.
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La chanteuse a définitivement conquis le public en usant d’un éventail de carte inattendues. De quoi faire frémir les mélomanes les plus aguerris. Récit d’un retour de flamme à l’incandescence quasi divine.
Il faut bien le reconnaître. Ce n’est pas seulement à l’écoute du deuxième opus de Cécile McLorin Salvant, ô combien salvateur pour les amateurs de jazz vocal, qu’il est possible de mesurer l’étendue de son talent. Aussi, sa prestation ce samedi de septembre, à l’occasion du Festival Jazz à la Villette, n’était pas un simple coup de poker car “For One To Love” annonçait déjà la couleur. Mais Miss McLorin Salvant s’était visiblement attachée à laisser planer le mystère sur ce qui devait définitivement finir par nous terrasser. La jeune femme de 26 ans n’est pas une chanteuse de jazz attachée à un répertoire de standards piochés au hasard. C’est une comédienne qui incarne absolument sa musique. Une geek de l’interprétation. Elle joue sur ses madeleines de Proust. Elle joue sur les mots qui la transcendent. Elle joue sur la portée des textes qu’elle clame avec justesse et malice. Elle sourit peu mais s’amuse en cheminant, d’un pas assuré, sur le fil de son articulation, toute aussi parfaite en anglais qu’en français, et de son timbre aux mille et une nuances dont elle se sert pour toujours mieux nous duper. On ne sait jamais quelle sera la teneur de ses attaques, le degré d’audace au cours de son jeu. On ne sait pas quand elle s’éteindra un brin pour revenir brûler avec fracas.
Une présence scénique sans artifices
Après que le chanteur Hugh Coltman et ses musiciens portés sur des reprises de morceaux de Nat King Cole mises à mal par une sonorisation un brin saturée se soient éclipsés (on retiendra toutefois Mona Lisa brillamment interprétée avec le pianiste Éric Legnini comme invité), voilà que trois jeunes hommes en costumes gris clairs débarquent sur scène. Le pianiste Aaron Diehl, le contrebassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers. Les trois dandys annoncent l’entrée de celle qu’on attend en trépignant avec l’introduction du morceau Fog, incipit de “For One To Love”. Elle arrive moulée dans sa robe à pois multicolore du haut de ses escarpins salomé gris métallisés. Ne vous méprenez pas. La robe n’est pas une pièce ultra sophistiquée et ses talons ne dépassent pas huit centimètres. Pourquoi ces détails ? Parce-que l’élégance sans artifices de Cécile McLorin Salvant tranche avec la puissance de sa présence scénique. Et cela fait partie des cartes gagnantes qu’elle lance sans prévenir. Elle n’a pas besoin d’user de simagrées. Elle titille ses musiciens à la moindre occasion. “Come on guys !”, s’exclame-t-elle en tendant le micro à chacun. Aucun d’eux n’ose prendre la parole. “Ils sont timides”, conclut-elle. Puis elle demande une pièce à l’assistance pour le batteur, qui, en studio, s’est amusé à utiliser deux pièces de monnaie pour créer un effet de distorsion acoustique sur sa caisse claire. Une astuce qui ne laisse pas de marbre. Suivent The Trolley Song, Look At Me, …
Une artiste engagée ?
Cécile Mclorin Salvant se meut, danse, occupe l’espace en marchant sans empressement. Puis, elle raconte que, petite, elle était obsédée par la comédie musicale Cendrillon dont elle connaissait toutes les chansons par cœur. “Cécile, je me souviens !”, crie quelqu’un dans l’assistance. C’est sa tante… Stepsister’s Lament. Cette chanson qui traduit la frustration des demi-sœurs de Cendrillon de ne pas être remarquées par le prince au cours du bal. “C’est une chanson qui me venait souvent en tête quand on m’ignorait pendant les bals”, avoue notre chanteuse. Belle revanche sur la vie. Car ce soir-là, on ne voit qu’elle. Le charme n’est pas prêt d’être rompu. Elle reprend le Si j’étais blanche de Joséphine Baker : “Moi, c’est la flamme de mon cœur qui me colore…” Serait-ce un message subliminal ? Cécile McLorin Salvant serait-elle une artiste subtilement engagée ? On est tenté de le croire quand elle en vient à interpréter Wives and Lovers, chanson écrite par Burt Bacharach qu’elle juge la plus sexiste de toute l’histoire de la musique.
Du blues à Broadway
On ne se lasse pas de la voir jouer les actrices. Entre la mine effarouchée qui nous renvoie aux vedettes des années 30 ou cet air mélancolique qui marque le moment de grâce du concert avec Le mal de vivre de Barbara. Elle chante aussi Monday, chanson qu’elle a écrite à Paris juste avant un départ – l’amour, toujours – et reprend Something’s Coming de la comédie musicale West Side Story. Aussi, avec Cécile, on passe de l’univers des cabarets de l’entre-deux-guerres aux grands succès de Broadway en passant par le blues made in Mississipi ou la chanson française des sixties. Et dire que la chanteuse avait attrapé froid la nuit d’avant. Mais selon elle, chanter Growlin’s Dan a un grand pouvoir de guérison. Et à la voir rugir ces paroles de Blanche Calloway, on ne peut que la croire… On ne saurait couronner cette prestation de succès sans un mot à l’attention du trio de musiciens qui l’accompagnent. Complicité et symbiose totale. Des solos déconcertants d’originalité. Quant à la note finale, autant dire que nous avions bien compris le message bien avant qu’elle ne l’exprime : ”I only sing for one to love… Me too”.