Anglet Jazz Festival: la nouvelle vague
Alors que depuis quelques mois, les mauvaises nouvelles se multiplient concernant les festivals de jazz, l’Anglet Jazz Festival esquisse une nouvelle vague avec le succès de sa 2ème édition. Hier soir, les quartettes de Stéphane Kerecki et Dhafer Youssef. Aujourd’hui, Jazz sur l’herbe dont il est l’extension et dont la 8ème édition accueillera Marie Carrié, le Blues and Beyond Quartet et la Fanfare de Sergent Perrut.
Stéphane Kerecki Quartet: Antonin-Tri Hoang (saxophone alto), Guillaume de Chassy (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie).
Les projets! La maladie du jazz contemporain. « Alors coco? C’est formidable ton quartette – Justement, j’aimerais l’amener à ton festival – Pourquoi pas? Mais tu n’aurais pas un nouveau projet? Un hommage à l’AACM? À Nina Simone? A Richard Anthony? Au chocolat? » Chacun en a pris son parti, avec plus ou moins de roublardise, de savoir faire, de lucidité, avec d’un côté des projets carrément fumiste et de l’autre un prétexte qui aura stimulé la créativité, suscité une vision… Stéphane Kerecki a joué la double carte de l’émotion et de l’intelligence, en se lançant dans son projet Nouvelle vague, le succès artistique et public également au rendez-vous… jusqu’au deuil de l’été, la disparition brutale de John Taylor avec qui Stéphane Kerecki avait entamé un compagnonnage au long cours, d’abord en duo.
Pourquoi sur le programme de l’Anglet Jazz Festival est-ce un sobre « Stéphane Kerecki Quartet » qui est annoncé? Bévue des organisateurs qui d’habitude appuie leur communication sur le prétexte, ici la référence aux grands airs du cinéma français? Décision de Stéphane Kerecki de marquer la rupture d’avec le quartette fondateur du projet, avec John Taylor et Emile Parisien (tellement sollicité qu’il en devient insaisissable)? J’avoue n’avoir pas posé la question. Mais si les compositions de Georges Delerue, Antoine Duhamel, Michel Legrand et Jean Constantin ont captivé le public d’Anglet, qui semblait s’être déplacé en masse pour la seconde partie, et s’est laissé séduire par la résurgence de ces mélodies, il a aussi découvert, certes à travers elles, un quartette et le miracle de cette double prise de parole qu’est l’appropriation d’un matériau pré-existant par cette écriture en partie collective que constitue le plus souvent le répertoire d’un orchestre de jazz et l’improvisation dans cette dimension collective que l’on appelle l’interplay.
Or depuis sa création et ce concert spécial programmé par Jazz Magazine à la Dynamo de Banlieues bleues l’hiver dernier accompagné de projections, le projet n’en est plus un, il a perdu de sa solennité et il a gagné une légèreté qui n’est d’ailleurs pas la même que celle qui avait pu se dessiner avec John Taylor, mais autre chose qui est propre à Guillaume de Chassy dont on voit ici le trio poursuivre une route entamée en 2007 avec Stéphane Kerecki et Fabrice Moreau. Même s’il reste des détails à régler entre les nouveaux venus et le répertoire conçu par Kerecki, c’est un quartette qui joue et cabriole avec une aisance, une liberté, un audace qui nous laisse bouche bée. Quant à Antonin-Tri Hoang, il oppose à la fièvre et aux emportements d’Emile Parisien qu’il remplace, une approche visionnaire reposant sur une forme de patience et de méthodisme qui nous fait oser le rapprochement Emile Coltrane et Antonin Konitz, comparaison à rapporter aux ouvertures du jazz contemporain. Et même cette approche plus indirecte d’Antonin-Tri a su captiver le public.
Dhafer Youssef Quartet: Dhafer Youssef (oud, chant), Kirtjan Randalu (piano), Phil Donkin (contrebasse), Ferenc Nemeth (batterie).
Le triomphe de la soirée aura cependant été celui de Dhafer Youssef, et même si ce triomphe n’était pas unanime, ceux qui boudèrent ce triomphe étaient très minoritaires. J’en fais partie, déplorant un récital redondant, qui voit l’oudiste vedette s’exciter sur quelques ritournelles aux saveurs moyen-orientales (mais aussi une espagnolade de Chick Corea), puis laisser au trio qui l’accompagne le soin de remplir les trous. Un bon trio, avec un batteur souvent bruyant, un bassiste qui nous a fait sursauter chaque fois que, touchant sa corde grave, il faisait trembler les gradins (« Merci à notre ingénieur du son, il vient de Berlin » La réverb disproportionnée sur la voix vient-elle aussi de Berlin?) et un pianiste dont il faut garder le nom en mémoire et que l’on aimera surement réentendre dans un contexte différent.
Le concert terminé, jam session aux écuries de Baroja où les musiciens de Leïla Martial (Eric Pérez et Pierre Teryegeol) avait donné rendez-vous au pianiste Arnaud Labastie et au contrebassiste Jean-Luc Fabre, ainsi qu’à ceux qui joueront tout à l’heure sur l’herbe en ce même domaine de Baroja: le pianiste Hervé St-Guirons (aujourd’hui organiste avec Marie Carrié), l’harmoniciste diatonique et néanmoins bopper Sébastien Charlier qui conduira avec Yannick Robert le Blues and Beyond 4tet et le saxophoniste Antoine Perrut qui mènera la Fanfare du Sergent Perrut. Plus l’incontournable Pascal Segala dont la guitare fait toujours le bonheur des jams. Franck Bergerot
|
Alors que depuis quelques mois, les mauvaises nouvelles se multiplient concernant les festivals de jazz, l’Anglet Jazz Festival esquisse une nouvelle vague avec le succès de sa 2ème édition. Hier soir, les quartettes de Stéphane Kerecki et Dhafer Youssef. Aujourd’hui, Jazz sur l’herbe dont il est l’extension et dont la 8ème édition accueillera Marie Carrié, le Blues and Beyond Quartet et la Fanfare de Sergent Perrut.
Stéphane Kerecki Quartet: Antonin-Tri Hoang (saxophone alto), Guillaume de Chassy (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie).
Les projets! La maladie du jazz contemporain. « Alors coco? C’est formidable ton quartette – Justement, j’aimerais l’amener à ton festival – Pourquoi pas? Mais tu n’aurais pas un nouveau projet? Un hommage à l’AACM? À Nina Simone? A Richard Anthony? Au chocolat? » Chacun en a pris son parti, avec plus ou moins de roublardise, de savoir faire, de lucidité, avec d’un côté des projets carrément fumiste et de l’autre un prétexte qui aura stimulé la créativité, suscité une vision… Stéphane Kerecki a joué la double carte de l’émotion et de l’intelligence, en se lançant dans son projet Nouvelle vague, le succès artistique et public également au rendez-vous… jusqu’au deuil de l’été, la disparition brutale de John Taylor avec qui Stéphane Kerecki avait entamé un compagnonnage au long cours, d’abord en duo.
Pourquoi sur le programme de l’Anglet Jazz Festival est-ce un sobre « Stéphane Kerecki Quartet » qui est annoncé? Bévue des organisateurs qui d’habitude appuie leur communication sur le prétexte, ici la référence aux grands airs du cinéma français? Décision de Stéphane Kerecki de marquer la rupture d’avec le quartette fondateur du projet, avec John Taylor et Emile Parisien (tellement sollicité qu’il en devient insaisissable)? J’avoue n’avoir pas posé la question. Mais si les compositions de Georges Delerue, Antoine Duhamel, Michel Legrand et Jean Constantin ont captivé le public d’Anglet, qui semblait s’être déplacé en masse pour la seconde partie, et s’est laissé séduire par la résurgence de ces mélodies, il a aussi découvert, certes à travers elles, un quartette et le miracle de cette double prise de parole qu’est l’appropriation d’un matériau pré-existant par cette écriture en partie collective que constitue le plus souvent le répertoire d’un orchestre de jazz et l’improvisation dans cette dimension collective que l’on appelle l’interplay.
Or depuis sa création et ce concert spécial programmé par Jazz Magazine à la Dynamo de Banlieues bleues l’hiver dernier accompagné de projections, le projet n’en est plus un, il a perdu de sa solennité et il a gagné une légèreté qui n’est d’ailleurs pas la même que celle qui avait pu se dessiner avec John Taylor, mais autre chose qui est propre à Guillaume de Chassy dont on voit ici le trio poursuivre une route entamée en 2007 avec Stéphane Kerecki et Fabrice Moreau. Même s’il reste des détails à régler entre les nouveaux venus et le répertoire conçu par Kerecki, c’est un quartette qui joue et cabriole avec une aisance, une liberté, un audace qui nous laisse bouche bée. Quant à Antonin-Tri Hoang, il oppose à la fièvre et aux emportements d’Emile Parisien qu’il remplace, une approche visionnaire reposant sur une forme de patience et de méthodisme qui nous fait oser le rapprochement Emile Coltrane et Antonin Konitz, comparaison à rapporter aux ouvertures du jazz contemporain. Et même cette approche plus indirecte d’Antonin-Tri a su captiver le public.
Dhafer Youssef Quartet: Dhafer Youssef (oud, chant), Kirtjan Randalu (piano), Phil Donkin (contrebasse), Ferenc Nemeth (batterie).
Le triomphe de la soirée aura cependant été celui de Dhafer Youssef, et même si ce triomphe n’était pas unanime, ceux qui boudèrent ce triomphe étaient très minoritaires. J’en fais partie, déplorant un récital redondant, qui voit l’oudiste vedette s’exciter sur quelques ritournelles aux saveurs moyen-orientales (mais aussi une espagnolade de Chick Corea), puis laisser au trio qui l’accompagne le soin de remplir les trous. Un bon trio, avec un batteur souvent bruyant, un bassiste qui nous a fait sursauter chaque fois que, touchant sa corde grave, il faisait trembler les gradins (« Merci à notre ingénieur du son, il vient de Berlin » La réverb disproportionnée sur la voix vient-elle aussi de Berlin?) et un pianiste dont il faut garder le nom en mémoire et que l’on aimera surement réentendre dans un contexte différent.
Le concert terminé, jam session aux écuries de Baroja où les musiciens de Leïla Martial (Eric Pérez et Pierre Teryegeol) avait donné rendez-vous au pianiste Arnaud Labastie et au contrebassiste Jean-Luc Fabre, ainsi qu’à ceux qui joueront tout à l’heure sur l’herbe en ce même domaine de Baroja: le pianiste Hervé St-Guirons (aujourd’hui organiste avec Marie Carrié), l’harmoniciste diatonique et néanmoins bopper Sébastien Charlier qui conduira avec Yannick Robert le Blues and Beyond 4tet et le saxophoniste Antoine Perrut qui mènera la Fanfare du Sergent Perrut. Plus l’incontournable Pascal Segala dont la guitare fait toujours le bonheur des jams. Franck Bergerot
|
Alors que depuis quelques mois, les mauvaises nouvelles se multiplient concernant les festivals de jazz, l’Anglet Jazz Festival esquisse une nouvelle vague avec le succès de sa 2ème édition. Hier soir, les quartettes de Stéphane Kerecki et Dhafer Youssef. Aujourd’hui, Jazz sur l’herbe dont il est l’extension et dont la 8ème édition accueillera Marie Carrié, le Blues and Beyond Quartet et la Fanfare de Sergent Perrut.
Stéphane Kerecki Quartet: Antonin-Tri Hoang (saxophone alto), Guillaume de Chassy (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie).
Les projets! La maladie du jazz contemporain. « Alors coco? C’est formidable ton quartette – Justement, j’aimerais l’amener à ton festival – Pourquoi pas? Mais tu n’aurais pas un nouveau projet? Un hommage à l’AACM? À Nina Simone? A Richard Anthony? Au chocolat? » Chacun en a pris son parti, avec plus ou moins de roublardise, de savoir faire, de lucidité, avec d’un côté des projets carrément fumiste et de l’autre un prétexte qui aura stimulé la créativité, suscité une vision… Stéphane Kerecki a joué la double carte de l’émotion et de l’intelligence, en se lançant dans son projet Nouvelle vague, le succès artistique et public également au rendez-vous… jusqu’au deuil de l’été, la disparition brutale de John Taylor avec qui Stéphane Kerecki avait entamé un compagnonnage au long cours, d’abord en duo.
Pourquoi sur le programme de l’Anglet Jazz Festival est-ce un sobre « Stéphane Kerecki Quartet » qui est annoncé? Bévue des organisateurs qui d’habitude appuie leur communication sur le prétexte, ici la référence aux grands airs du cinéma français? Décision de Stéphane Kerecki de marquer la rupture d’avec le quartette fondateur du projet, avec John Taylor et Emile Parisien (tellement sollicité qu’il en devient insaisissable)? J’avoue n’avoir pas posé la question. Mais si les compositions de Georges Delerue, Antoine Duhamel, Michel Legrand et Jean Constantin ont captivé le public d’Anglet, qui semblait s’être déplacé en masse pour la seconde partie, et s’est laissé séduire par la résurgence de ces mélodies, il a aussi découvert, certes à travers elles, un quartette et le miracle de cette double prise de parole qu’est l’appropriation d’un matériau pré-existant par cette écriture en partie collective que constitue le plus souvent le répertoire d’un orchestre de jazz et l’improvisation dans cette dimension collective que l’on appelle l’interplay.
Or depuis sa création et ce concert spécial programmé par Jazz Magazine à la Dynamo de Banlieues bleues l’hiver dernier accompagné de projections, le projet n’en est plus un, il a perdu de sa solennité et il a gagné une légèreté qui n’est d’ailleurs pas la même que celle qui avait pu se dessiner avec John Taylor, mais autre chose qui est propre à Guillaume de Chassy dont on voit ici le trio poursuivre une route entamée en 2007 avec Stéphane Kerecki et Fabrice Moreau. Même s’il reste des détails à régler entre les nouveaux venus et le répertoire conçu par Kerecki, c’est un quartette qui joue et cabriole avec une aisance, une liberté, un audace qui nous laisse bouche bée. Quant à Antonin-Tri Hoang, il oppose à la fièvre et aux emportements d’Emile Parisien qu’il remplace, une approche visionnaire reposant sur une forme de patience et de méthodisme qui nous fait oser le rapprochement Emile Coltrane et Antonin Konitz, comparaison à rapporter aux ouvertures du jazz contemporain. Et même cette approche plus indirecte d’Antonin-Tri a su captiver le public.
Dhafer Youssef Quartet: Dhafer Youssef (oud, chant), Kirtjan Randalu (piano), Phil Donkin (contrebasse), Ferenc Nemeth (batterie).
Le triomphe de la soirée aura cependant été celui de Dhafer Youssef, et même si ce triomphe n’était pas unanime, ceux qui boudèrent ce triomphe étaient très minoritaires. J’en fais partie, déplorant un récital redondant, qui voit l’oudiste vedette s’exciter sur quelques ritournelles aux saveurs moyen-orientales (mais aussi une espagnolade de Chick Corea), puis laisser au trio qui l’accompagne le soin de remplir les trous. Un bon trio, avec un batteur souvent bruyant, un bassiste qui nous a fait sursauter chaque fois que, touchant sa corde grave, il faisait trembler les gradins (« Merci à notre ingénieur du son, il vient de Berlin » La réverb disproportionnée sur la voix vient-elle aussi de Berlin?) et un pianiste dont il faut garder le nom en mémoire et que l’on aimera surement réentendre dans un contexte différent.
Le concert terminé, jam session aux écuries de Baroja où les musiciens de Leïla Martial (Eric Pérez et Pierre Teryegeol) avait donné rendez-vous au pianiste Arnaud Labastie et au contrebassiste Jean-Luc Fabre, ainsi qu’à ceux qui joueront tout à l’heure sur l’herbe en ce même domaine de Baroja: le pianiste Hervé St-Guirons (aujourd’hui organiste avec Marie Carrié), l’harmoniciste diatonique et néanmoins bopper Sébastien Charlier qui conduira avec Yannick Robert le Blues and Beyond 4tet et le saxophoniste Antoine Perrut qui mènera la Fanfare du Sergent Perrut. Plus l’incontournable Pascal Segala dont la guitare fait toujours le bonheur des jams. Franck Bergerot
|
Alors que depuis quelques mois, les mauvaises nouvelles se multiplient concernant les festivals de jazz, l’Anglet Jazz Festival esquisse une nouvelle vague avec le succès de sa 2ème édition. Hier soir, les quartettes de Stéphane Kerecki et Dhafer Youssef. Aujourd’hui, Jazz sur l’herbe dont il est l’extension et dont la 8ème édition accueillera Marie Carrié, le Blues and Beyond Quartet et la Fanfare de Sergent Perrut.
Stéphane Kerecki Quartet: Antonin-Tri Hoang (saxophone alto), Guillaume de Chassy (piano), Stéphane Kerecki (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie).
Les projets! La maladie du jazz contemporain. « Alors coco? C’est formidable ton quartette – Justement, j’aimerais l’amener à ton festival – Pourquoi pas? Mais tu n’aurais pas un nouveau projet? Un hommage à l’AACM? À Nina Simone? A Richard Anthony? Au chocolat? » Chacun en a pris son parti, avec plus ou moins de roublardise, de savoir faire, de lucidité, avec d’un côté des projets carrément fumiste et de l’autre un prétexte qui aura stimulé la créativité, suscité une vision… Stéphane Kerecki a joué la double carte de l’émotion et de l’intelligence, en se lançant dans son projet Nouvelle vague, le succès artistique et public également au rendez-vous… jusqu’au deuil de l’été, la disparition brutale de John Taylor avec qui Stéphane Kerecki avait entamé un compagnonnage au long cours, d’abord en duo.
Pourquoi sur le programme de l’Anglet Jazz Festival est-ce un sobre « Stéphane Kerecki Quartet » qui est annoncé? Bévue des organisateurs qui d’habitude appuie leur communication sur le prétexte, ici la référence aux grands airs du cinéma français? Décision de Stéphane Kerecki de marquer la rupture d’avec le quartette fondateur du projet, avec John Taylor et Emile Parisien (tellement sollicité qu’il en devient insaisissable)? J’avoue n’avoir pas posé la question. Mais si les compositions de Georges Delerue, Antoine Duhamel, Michel Legrand et Jean Constantin ont captivé le public d’Anglet, qui semblait s’être déplacé en masse pour la seconde partie, et s’est laissé séduire par la résurgence de ces mélodies, il a aussi découvert, certes à travers elles, un quartette et le miracle de cette double prise de parole qu’est l’appropriation d’un matériau pré-existant par cette écriture en partie collective que constitue le plus souvent le répertoire d’un orchestre de jazz et l’improvisation dans cette dimension collective que l’on appelle l’interplay.
Or depuis sa création et ce concert spécial programmé par Jazz Magazine à la Dynamo de Banlieues bleues l’hiver dernier accompagné de projections, le projet n’en est plus un, il a perdu de sa solennité et il a gagné une légèreté qui n’est d’ailleurs pas la même que celle qui avait pu se dessiner avec John Taylor, mais autre chose qui est propre à Guillaume de Chassy dont on voit ici le trio poursuivre une route entamée en 2007 avec Stéphane Kerecki et Fabrice Moreau. Même s’il reste des détails à régler entre les nouveaux venus et le répertoire conçu par Kerecki, c’est un quartette qui joue et cabriole avec une aisance, une liberté, un audace qui nous laisse bouche bée. Quant à Antonin-Tri Hoang, il oppose à la fièvre et aux emportements d’Emile Parisien qu’il remplace, une approche visionnaire reposant sur une forme de patience et de méthodisme qui nous fait oser le rapprochement Emile Coltrane et Antonin Konitz, comparaison à rapporter aux ouvertures du jazz contemporain. Et même cette approche plus indirecte d’Antonin-Tri a su captiver le public.
Dhafer Youssef Quartet: Dhafer Youssef (oud, chant), Kirtjan Randalu (piano), Phil Donkin (contrebasse), Ferenc Nemeth (batterie).
Le triomphe de la soirée aura cependant été celui de Dhafer Youssef, et même si ce triomphe n’était pas unanime, ceux qui boudèrent ce triomphe étaient très minoritaires. J’en fais partie, déplorant un récital redondant, qui voit l’oudiste vedette s’exciter sur quelques ritournelles aux saveurs moyen-orientales (mais aussi une espagnolade de Chick Corea), puis laisser au trio qui l’accompagne le soin de remplir les trous. Un bon trio, avec un batteur souvent bruyant, un bassiste qui nous a fait sursauter chaque fois que, touchant sa corde grave, il faisait trembler les gradins (« Merci à notre ingénieur du son, il vient de Berlin » La réverb disproportionnée sur la voix vient-elle aussi de Berlin?) et un pianiste dont il faut garder le nom en mémoire et que l’on aimera surement réentendre dans un contexte différent.
Le concert terminé, jam session aux écuries de Baroja où les musiciens de Leïla Martial (Eric Pérez et Pierre Teryegeol) avait donné rendez-vous au pianiste Arnaud Labastie et au contrebassiste Jean-Luc Fabre, ainsi qu’à ceux qui joueront tout à l’heure sur l’herbe en ce même domaine de Baroja: le pianiste Hervé St-Guirons (aujourd’hui organiste avec Marie Carrié), l’harmoniciste diatonique et néanmoins bopper Sébastien Charlier qui conduira avec Yannick Robert le Blues and Beyond 4tet et le saxophoniste Antoine Perrut qui mènera la Fanfare du Sergent Perrut. Plus l’incontournable Pascal Segala dont la guitare fait toujours le bonheur des jams. Franck Bergerot