Géraldine LAURENT "At Work" au Duc des Lombards : Un pas au-delà
Pour un concert de sortie, les artistes ont coutume, et de manière très légitime, de jouer sur scène le répertoire du CD. Avec son nouveau quartette, la saxophoniste Géraldine Laurent fait bien plus que cela : avec ses partenaires, tout en jouant les thèmes du très exceptionnel « At Work » (Gazebo / L’Autre distribution, cf. Jazz Magazine n° 678, novembre 2015), elle entraîne chaque musique vers un horizon neuf. C’est le propre du jazz, sa nature (ou plutôt sa culture), de chercher à chaque fois, sur un territoire repéré (composition originale déjà publiée au disque, standard du jazz, et standard tout court), le saut dans le vide, la projection dans l’ailleurs, l’abandon aux forces du dehors…. Et le groupe y parvenait ce soir-là, au-delà de tout ce qui était, déjà, largement espéré.
Géraldine Laurent (saxophone alto), Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)
Paris, Duc des Lombards, 2 novembre 2015, 19h30 (premier set)
On est, dès les premières minutes, saisi par cette injonction à entendre vraiment. Écouter bien sûr, avec l’attention la plus soutenue, mais agir aussi avec son entendement, pour comprendre même ce qui nous échappe, ressentir même ce qui paraît se dérober à la sensation, à l’émoi. Les amateurs de jazz ont coutume dans ce cas de parler d’urgence. Nous sommes conviés, et même convoqués, à être pleinement présents, investis, immergés, captifs en somme. L’immense qualité de ce groupe, c’est de parvenir à conjoindre l’absolue maîtrise et le plus total abandon. Je voulais éviter d’employer le trop galvaudé lâcher prise mais ça y est, c’est écrit (il est parfois malaisé de contourner les clichés….). L’impression qui va prévaloir tout au long du concert, c’est qu’il s’agit là de l’enfance du grand art. Odd Folk, le bien nommé, ne désavoue pas l’étrangeté de sa forme, sublimée par l’insolente liberté de chaque musicien. At Work résonne comme un hymne au bebop et à toutes les audaces qu’il a induites, dans une descendance esthétique où Dolphy occuperait une place de choix. Et là encore, pas question de mimer le CD, on s’évade, ailleurs, plus haut, plus loin…. J’avais écouté le disque à maintes reprises dans les semaines précédentes ; et là je redécouvrais un répertoire, magnifié encore par l’intensité de l’instant. Et le concert se poursuivait dans un état proche de la lévitation, jusqu’à Epistrophy, faussement conclusif, où le piano s’échappe jusqu’à tutoyer d’autres terres, d’autres thèmes (un court instant, on croirait que le chorus se joue sur Caravan). Et puisqu’il faut bien finir, car l’heure approche du set de 21h30, pour un autre public, et que l’enthousiasme des auditeurs/auditrices le mérite, vient la conclusion vraie : Goobye Porkpie Hat (qui conclut également l’album), avec une intro en trio sans piano, lequel enchaîne ensuite en commentant, in and out (dans les harmonies et en dehors), sur le mode du blues dévoyé avec amour. Bonheur total pour tous les heureux présents, avec cette sensation déjà nostalgique de voir s’évanouir un moment privilégié.
Xavier Prévost
Le quartette « At Work » jouera le 22 janvier au Chorus de Lausanne, le 23 janvier à la Maison de la Radio pour « Jazz sur le vif », et le 7 mars au Jazz Club de Saint Denis
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Pour un concert de sortie, les artistes ont coutume, et de manière très légitime, de jouer sur scène le répertoire du CD. Avec son nouveau quartette, la saxophoniste Géraldine Laurent fait bien plus que cela : avec ses partenaires, tout en jouant les thèmes du très exceptionnel « At Work » (Gazebo / L’Autre distribution, cf. Jazz Magazine n° 678, novembre 2015), elle entraîne chaque musique vers un horizon neuf. C’est le propre du jazz, sa nature (ou plutôt sa culture), de chercher à chaque fois, sur un territoire repéré (composition originale déjà publiée au disque, standard du jazz, et standard tout court), le saut dans le vide, la projection dans l’ailleurs, l’abandon aux forces du dehors…. Et le groupe y parvenait ce soir-là, au-delà de tout ce qui était, déjà, largement espéré.
Géraldine Laurent (saxophone alto), Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)
Paris, Duc des Lombards, 2 novembre 2015, 19h30 (premier set)
On est, dès les premières minutes, saisi par cette injonction à entendre vraiment. Écouter bien sûr, avec l’attention la plus soutenue, mais agir aussi avec son entendement, pour comprendre même ce qui nous échappe, ressentir même ce qui paraît se dérober à la sensation, à l’émoi. Les amateurs de jazz ont coutume dans ce cas de parler d’urgence. Nous sommes conviés, et même convoqués, à être pleinement présents, investis, immergés, captifs en somme. L’immense qualité de ce groupe, c’est de parvenir à conjoindre l’absolue maîtrise et le plus total abandon. Je voulais éviter d’employer le trop galvaudé lâcher prise mais ça y est, c’est écrit (il est parfois malaisé de contourner les clichés….). L’impression qui va prévaloir tout au long du concert, c’est qu’il s’agit là de l’enfance du grand art. Odd Folk, le bien nommé, ne désavoue pas l’étrangeté de sa forme, sublimée par l’insolente liberté de chaque musicien. At Work résonne comme un hymne au bebop et à toutes les audaces qu’il a induites, dans une descendance esthétique où Dolphy occuperait une place de choix. Et là encore, pas question de mimer le CD, on s’évade, ailleurs, plus haut, plus loin…. J’avais écouté le disque à maintes reprises dans les semaines précédentes ; et là je redécouvrais un répertoire, magnifié encore par l’intensité de l’instant. Et le concert se poursuivait dans un état proche de la lévitation, jusqu’à Epistrophy, faussement conclusif, où le piano s’échappe jusqu’à tutoyer d’autres terres, d’autres thèmes (un court instant, on croirait que le chorus se joue sur Caravan). Et puisqu’il faut bien finir, car l’heure approche du set de 21h30, pour un autre public, et que l’enthousiasme des auditeurs/auditrices le mérite, vient la conclusion vraie : Goobye Porkpie Hat (qui conclut également l’album), avec une intro en trio sans piano, lequel enchaîne ensuite en commentant, in and out (dans les harmonies et en dehors), sur le mode du blues dévoyé avec amour. Bonheur total pour tous les heureux présents, avec cette sensation déjà nostalgique de voir s’évanouir un moment privilégié.
Xavier Prévost
Le quartette « At Work » jouera le 22 janvier au Chorus de Lausanne, le 23 janvier à la Maison de la Radio pour « Jazz sur le vif », et le 7 mars au Jazz Club de Saint Denis
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Pour un concert de sortie, les artistes ont coutume, et de manière très légitime, de jouer sur scène le répertoire du CD. Avec son nouveau quartette, la saxophoniste Géraldine Laurent fait bien plus que cela : avec ses partenaires, tout en jouant les thèmes du très exceptionnel « At Work » (Gazebo / L’Autre distribution, cf. Jazz Magazine n° 678, novembre 2015), elle entraîne chaque musique vers un horizon neuf. C’est le propre du jazz, sa nature (ou plutôt sa culture), de chercher à chaque fois, sur un territoire repéré (composition originale déjà publiée au disque, standard du jazz, et standard tout court), le saut dans le vide, la projection dans l’ailleurs, l’abandon aux forces du dehors…. Et le groupe y parvenait ce soir-là, au-delà de tout ce qui était, déjà, largement espéré.
Géraldine Laurent (saxophone alto), Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)
Paris, Duc des Lombards, 2 novembre 2015, 19h30 (premier set)
On est, dès les premières minutes, saisi par cette injonction à entendre vraiment. Écouter bien sûr, avec l’attention la plus soutenue, mais agir aussi avec son entendement, pour comprendre même ce qui nous échappe, ressentir même ce qui paraît se dérober à la sensation, à l’émoi. Les amateurs de jazz ont coutume dans ce cas de parler d’urgence. Nous sommes conviés, et même convoqués, à être pleinement présents, investis, immergés, captifs en somme. L’immense qualité de ce groupe, c’est de parvenir à conjoindre l’absolue maîtrise et le plus total abandon. Je voulais éviter d’employer le trop galvaudé lâcher prise mais ça y est, c’est écrit (il est parfois malaisé de contourner les clichés….). L’impression qui va prévaloir tout au long du concert, c’est qu’il s’agit là de l’enfance du grand art. Odd Folk, le bien nommé, ne désavoue pas l’étrangeté de sa forme, sublimée par l’insolente liberté de chaque musicien. At Work résonne comme un hymne au bebop et à toutes les audaces qu’il a induites, dans une descendance esthétique où Dolphy occuperait une place de choix. Et là encore, pas question de mimer le CD, on s’évade, ailleurs, plus haut, plus loin…. J’avais écouté le disque à maintes reprises dans les semaines précédentes ; et là je redécouvrais un répertoire, magnifié encore par l’intensité de l’instant. Et le concert se poursuivait dans un état proche de la lévitation, jusqu’à Epistrophy, faussement conclusif, où le piano s’échappe jusqu’à tutoyer d’autres terres, d’autres thèmes (un court instant, on croirait que le chorus se joue sur Caravan). Et puisqu’il faut bien finir, car l’heure approche du set de 21h30, pour un autre public, et que l’enthousiasme des auditeurs/auditrices le mérite, vient la conclusion vraie : Goobye Porkpie Hat (qui conclut également l’album), avec une intro en trio sans piano, lequel enchaîne ensuite en commentant, in and out (dans les harmonies et en dehors), sur le mode du blues dévoyé avec amour. Bonheur total pour tous les heureux présents, avec cette sensation déjà nostalgique de voir s’évanouir un moment privilégié.
Xavier Prévost
Le quartette « At Work » jouera le 22 janvier au Chorus de Lausanne, le 23 janvier à la Maison de la Radio pour « Jazz sur le vif », et le 7 mars au Jazz Club de Saint Denis
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Pour un concert de sortie, les artistes ont coutume, et de manière très légitime, de jouer sur scène le répertoire du CD. Avec son nouveau quartette, la saxophoniste Géraldine Laurent fait bien plus que cela : avec ses partenaires, tout en jouant les thèmes du très exceptionnel « At Work » (Gazebo / L’Autre distribution, cf. Jazz Magazine n° 678, novembre 2015), elle entraîne chaque musique vers un horizon neuf. C’est le propre du jazz, sa nature (ou plutôt sa culture), de chercher à chaque fois, sur un territoire repéré (composition originale déjà publiée au disque, standard du jazz, et standard tout court), le saut dans le vide, la projection dans l’ailleurs, l’abandon aux forces du dehors…. Et le groupe y parvenait ce soir-là, au-delà de tout ce qui était, déjà, largement espéré.
Géraldine Laurent (saxophone alto), Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie)
Paris, Duc des Lombards, 2 novembre 2015, 19h30 (premier set)
On est, dès les premières minutes, saisi par cette injonction à entendre vraiment. Écouter bien sûr, avec l’attention la plus soutenue, mais agir aussi avec son entendement, pour comprendre même ce qui nous échappe, ressentir même ce qui paraît se dérober à la sensation, à l’émoi. Les amateurs de jazz ont coutume dans ce cas de parler d’urgence. Nous sommes conviés, et même convoqués, à être pleinement présents, investis, immergés, captifs en somme. L’immense qualité de ce groupe, c’est de parvenir à conjoindre l’absolue maîtrise et le plus total abandon. Je voulais éviter d’employer le trop galvaudé lâcher prise mais ça y est, c’est écrit (il est parfois malaisé de contourner les clichés….). L’impression qui va prévaloir tout au long du concert, c’est qu’il s’agit là de l’enfance du grand art. Odd Folk, le bien nommé, ne désavoue pas l’étrangeté de sa forme, sublimée par l’insolente liberté de chaque musicien. At Work résonne comme un hymne au bebop et à toutes les audaces qu’il a induites, dans une descendance esthétique où Dolphy occuperait une place de choix. Et là encore, pas question de mimer le CD, on s’évade, ailleurs, plus haut, plus loin…. J’avais écouté le disque à maintes reprises dans les semaines précédentes ; et là je redécouvrais un répertoire, magnifié encore par l’intensité de l’instant. Et le concert se poursuivait dans un état proche de la lévitation, jusqu’à Epistrophy, faussement conclusif, où le piano s’échappe jusqu’à tutoyer d’autres terres, d’autres thèmes (un court instant, on croirait que le chorus se joue sur Caravan). Et puisqu’il faut bien finir, car l’heure approche du set de 21h30, pour un autre public, et que l’enthousiasme des auditeurs/auditrices le mérite, vient la conclusion vraie : Goobye Porkpie Hat (qui conclut également l’album), avec une intro en trio sans piano, lequel enchaîne ensuite en commentant, in and out (dans les harmonies et en dehors), sur le mode du blues dévoyé avec amour. Bonheur total pour tous les heureux présents, avec cette sensation déjà nostalgique de voir s’évanouir un moment privilégié.
Xavier Prévost
Le quartette « At Work » jouera le 22 janvier au Chorus de Lausanne, le 23 janvier à la Maison de la Radio pour « Jazz sur le vif », et le 7 mars au Jazz Club de Saint Denis