La corporation de Jeff Herr ouvre le D'Jazz Nevers Festival
Entouré d’un concitoyen saxophoniste, Maxime Bender, et d’un contrebassiste messin, Laurent Payfert, le batteur luxembourgeois, Jeff Herr, a ouvert hier 6 novembre le D’Jazz Nevers Festival, par un concert nerveux, ludique, concis, pénétrant sous la charpente des Forges royales de Guérigny.
Sortie Bercy, quitter le métro en suivant le troupeau court sur pattes des valises à roulettes, c’est déjà quitter Paris. La gare de Paris-Bercy n’est déjà plus vraiment Paris et les trains qu’on y annoncent donnent envie d’y embarquer à l’aveuglette juste pour voir où ça mène. Et j’étais hier quelques instants tenté de prendre l’omnibus pour Nevers avant de découvrir que partait cinq minutes auparavant sur le même quai un direct Paris-Nevers, en direction de Clermont-Ferrand (tentation nouvelle). Le train inter-cités et le vieux Corail possède le charme de la diligence pour le Parisien qui y embarque et qui trop souvent oublie qu’une vie est possible à plus de 10 km de la place du Châtelet et à l’écart des lignes à grande vitesse. Notre ministre Emmanuel Macron qui vante le charme et l’efficacité des autocars, doit être de la pire sorte de ces Parisiens et doit faire des rêves de diligence.
Et prendre la route des festivals non estivaux pour le jazzfan parisien, c’est aussi se rappeler que le jazz est possible loin de la rue des Lombards. Certes, Nevers n’est pas de ces sanctuaires du bout du monde qui accueillent ici et là sur le territoire les plus grands jazzmen à l’abri des regards “indésirables” (on en a connu et on nous en signale encore), mais s’y retrouvent chaque année les amateurs de jazz de toute une région autour d’une programmation qui, édition après édition, ainsi qu’hors festival par l’action de terrain du Centre Régional de Jazz de Bourgogne, tente d’élargir l’audience de cette merveilleuse abstraction sonore qu’est le jazz dans cette dimension instrumentale aujourd’hui si méprisée parce qu’affranchie du format couplet-refrain et du langage parlé sans lesquels la musique semble condamnée à l’indifférence voie à l’étouffoir.
Forges royales de Guérigny, D’jazz Nevers (58), le 6 novembre 2015.
Jeff Herr Corporation: Maxime Bender (saxes soprano et ténor), Laurent Payfert (contrebasse), Jeff Herr (batterie).
Car sous la belle charpente des Forges royales de Guérigny qui après avoir fourni en ancres marines les ports de guerre français et la Compagnie des Indes abrite aujourd’hui le Carambole Théâtre, c’est une belle abstraction qui a réjoui le public de ce concert d’ouverture du 29ème D’jazz Nevers. La simple abstraction ludique et joyeuse de trois instruments se frottant l’un à l’autre dans une course-poursuite sur des parcours balisés (mélodies fléchées, tiroirs formels, cadres rythmiques) qu’ils ont acquis pour y jouer le jeu de la liberté et de la contrainte, du désir et de la joie.
Le Jeff Herr Corporation est un trio dont l’album “Layer Caker” a retenu notre attention à sa parution l’an passé sur le label belge Igloo Records (Révélation! dans notre numéro 669 sous la plume de Pascal Rozat) pour l’assise rythmique, la belle nervosité et la vivacité de l’interaction. Live (et après une longue série de concerts dont le groupe a été gratifié cette année), on y découvre un son collectif, rond et dense comme un melon, qui repose peut-être sur la profonde contrebasse de Laurent Payfert. Marie-Claude Nouy à qui Martine Palmé remet cette année un historique bâton d’attaché de presse sur le festival de Nevers, elle-même habitée d’une longue carrière entre Paris et New York, sur la route avec les musiciens, puis dans les bureaux d’Universal France pour le label ECM, me souffle: « Quelle magnifique sonorité… Il me rappelle Mark Helias. » Après le concert, alors qu’il nous raconte son passé lorrain de jeune bassiste électrique de jazz-rock passé à la contrebasse et aux musiques ouvertes, elle le félicite pour la profondeur et l’assise de sa sonorité et, citant à nouveau le nom de Mark Helias, suscitant un blanc… Visiblement touché par cette comparaison, Laurent Payfert reprend son souffle et répète le nom de Mark Helias avec un ton de grande vénération. Il nous raconte comme cette sonorité que nous avons aimé, il l’a trouvée après bien des années, à la suite d’un stage à Cap Breton, il y a une demie-douzaine d’années, avec Hein Van de Geyn, et comment, à son contact, le travail des standards lui a été bénéfique.
Les standards, on en est pourtant loin, mais cette rondeur du trio repose peut-être bien sur cette sagesse de la note choisie et du placement acquise à leurs contacts, et qui permet à la danse de ce trio feu-follet de résister à toute dispersion énergétique et à Maxime Bender d’affirmer cette générosité de la ligne claire qui attira mon attention au Tremplin Jazz d’Avignon, l’année où Hein Van de Geyn révélait Payfert à lui-même. Depuis, je l’ai réentendu toujours avec plaisir, à la tête de son quartette où brillait le pianiste Sebastian Sternal, puis au travers des projets en suspens sous son nom et avec Anne Paceo du côté de Limoges où le Label Laborie lui fit bon accueil avant de connaître les difficultés dont on l’espère bientôt sorti.
À l’écoute de Jeff Herr, la mémoire de Marie-Claude Nouy mouline décidément plus vite que la mienne à cet exercice communs à tous les critiques et consistant à faire défiler les noms et les sons d’un vaste corpus qui permettrait une première approche comparative: « Pheeroan Ak Laff”. À se demander si sa force d’attachée de presse n’est pas de faire écrire au critique ce qu’elle aimerait lire sous sa plume. Je trouve la raison de sa comparaison dans une affaire de son, là encore, avec cette quasi absence de cymbale ride et cette préférence pour la charleston, les sonorités de métal froissé et les peaux, souvent frappés à mains nues, plus cette sorte de “célébration du rythme” (pour reprendre les termes de Pascal Rozat) qui depuis le disque s’est épanouie, libérée au profit du son collectif, qui n’en est pas moins un groupe de batteur.
À l’heure où j’écris ces lignes, un soleil de bon augure s’est levé sur Nevers et l’armada des bénévoles fourmille probablement déjà dans les bureaux du festival, les différentes salles de concert investies dans la ville ou vers la gare où sont attendus Antonin-Tri Hoang pour un solo à 16h et 17h dans la salle des faïences du musée, le quintette de Jean-Marc Padovani pour son hommage à Paul Motian à 18h30 à l’auditorium Jean Jaurès, l’Ulmaut Big Band et son répertoire des grands big bands européens des années 20-30 (Lud Gluskin, Alexandre Tsfasman, Jack Hylton… longtemps regardés de haut et ainsi révélés) à 20h30 à la Maison de la Culture en première partie de Lisa Simone. Franck Bergerot
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Entouré d’un concitoyen saxophoniste, Maxime Bender, et d’un contrebassiste messin, Laurent Payfert, le batteur luxembourgeois, Jeff Herr, a ouvert hier 6 novembre le D’Jazz Nevers Festival, par un concert nerveux, ludique, concis, pénétrant sous la charpente des Forges royales de Guérigny.
Sortie Bercy, quitter le métro en suivant le troupeau court sur pattes des valises à roulettes, c’est déjà quitter Paris. La gare de Paris-Bercy n’est déjà plus vraiment Paris et les trains qu’on y annoncent donnent envie d’y embarquer à l’aveuglette juste pour voir où ça mène. Et j’étais hier quelques instants tenté de prendre l’omnibus pour Nevers avant de découvrir que partait cinq minutes auparavant sur le même quai un direct Paris-Nevers, en direction de Clermont-Ferrand (tentation nouvelle). Le train inter-cités et le vieux Corail possède le charme de la diligence pour le Parisien qui y embarque et qui trop souvent oublie qu’une vie est possible à plus de 10 km de la place du Châtelet et à l’écart des lignes à grande vitesse. Notre ministre Emmanuel Macron qui vante le charme et l’efficacité des autocars, doit être de la pire sorte de ces Parisiens et doit faire des rêves de diligence.
Et prendre la route des festivals non estivaux pour le jazzfan parisien, c’est aussi se rappeler que le jazz est possible loin de la rue des Lombards. Certes, Nevers n’est pas de ces sanctuaires du bout du monde qui accueillent ici et là sur le territoire les plus grands jazzmen à l’abri des regards “indésirables” (on en a connu et on nous en signale encore), mais s’y retrouvent chaque année les amateurs de jazz de toute une région autour d’une programmation qui, édition après édition, ainsi qu’hors festival par l’action de terrain du Centre Régional de Jazz de Bourgogne, tente d’élargir l’audience de cette merveilleuse abstraction sonore qu’est le jazz dans cette dimension instrumentale aujourd’hui si méprisée parce qu’affranchie du format couplet-refrain et du langage parlé sans lesquels la musique semble condamnée à l’indifférence voie à l’étouffoir.
Forges royales de Guérigny, D’jazz Nevers (58), le 6 novembre 2015.
Jeff Herr Corporation: Maxime Bender (saxes soprano et ténor), Laurent Payfert (contrebasse), Jeff Herr (batterie).
Car sous la belle charpente des Forges royales de Guérigny qui après avoir fourni en ancres marines les ports de guerre français et la Compagnie des Indes abrite aujourd’hui le Carambole Théâtre, c’est une belle abstraction qui a réjoui le public de ce concert d’ouverture du 29ème D’jazz Nevers. La simple abstraction ludique et joyeuse de trois instruments se frottant l’un à l’autre dans une course-poursuite sur des parcours balisés (mélodies fléchées, tiroirs formels, cadres rythmiques) qu’ils ont acquis pour y jouer le jeu de la liberté et de la contrainte, du désir et de la joie.
Le Jeff Herr Corporation est un trio dont l’album “Layer Caker” a retenu notre attention à sa parution l’an passé sur le label belge Igloo Records (Révélation! dans notre numéro 669 sous la plume de Pascal Rozat) pour l’assise rythmique, la belle nervosité et la vivacité de l’interaction. Live (et après une longue série de concerts dont le groupe a été gratifié cette année), on y découvre un son collectif, rond et dense comme un melon, qui repose peut-être sur la profonde contrebasse de Laurent Payfert. Marie-Claude Nouy à qui Martine Palmé remet cette année un historique bâton d’attaché de presse sur le festival de Nevers, elle-même habitée d’une longue carrière entre Paris et New York, sur la route avec les musiciens, puis dans les bureaux d’Universal France pour le label ECM, me souffle: « Quelle magnifique sonorité… Il me rappelle Mark Helias. » Après le concert, alors qu’il nous raconte son passé lorrain de jeune bassiste électrique de jazz-rock passé à la contrebasse et aux musiques ouvertes, elle le félicite pour la profondeur et l’assise de sa sonorité et, citant à nouveau le nom de Mark Helias, suscitant un blanc… Visiblement touché par cette comparaison, Laurent Payfert reprend son souffle et répète le nom de Mark Helias avec un ton de grande vénération. Il nous raconte comme cette sonorité que nous avons aimé, il l’a trouvée après bien des années, à la suite d’un stage à Cap Breton, il y a une demie-douzaine d’années, avec Hein Van de Geyn, et comment, à son contact, le travail des standards lui a été bénéfique.
Les standards, on en est pourtant loin, mais cette rondeur du trio repose peut-être bien sur cette sagesse de la note choisie et du placement acquise à leurs contacts, et qui permet à la danse de ce trio feu-follet de résister à toute dispersion énergétique et à Maxime Bender d’affirmer cette générosité de la ligne claire qui attira mon attention au Tremplin Jazz d’Avignon, l’année où Hein Van de Geyn révélait Payfert à lui-même. Depuis, je l’ai réentendu toujours avec plaisir, à la tête de son quartette où brillait le pianiste Sebastian Sternal, puis au travers des projets en suspens sous son nom et avec Anne Paceo du côté de Limoges où le Label Laborie lui fit bon accueil avant de connaître les difficultés dont on l’espère bientôt sorti.
À l’écoute de Jeff Herr, la mémoire de Marie-Claude Nouy mouline décidément plus vite que la mienne à cet exercice communs à tous les critiques et consistant à faire défiler les noms et les sons d’un vaste corpus qui permettrait une première approche comparative: « Pheeroan Ak Laff”. À se demander si sa force d’attachée de presse n’est pas de faire écrire au critique ce qu’elle aimerait lire sous sa plume. Je trouve la raison de sa comparaison dans une affaire de son, là encore, avec cette quasi absence de cymbale ride et cette préférence pour la charleston, les sonorités de métal froissé et les peaux, souvent frappés à mains nues, plus cette sorte de “célébration du rythme” (pour reprendre les termes de Pascal Rozat) qui depuis le disque s’est épanouie, libérée au profit du son collectif, qui n’en est pas moins un groupe de batteur.
À l’heure où j’écris ces lignes, un soleil de bon augure s’est levé sur Nevers et l’armada des bénévoles fourmille probablement déjà dans les bureaux du festival, les différentes salles de concert investies dans la ville ou vers la gare où sont attendus Antonin-Tri Hoang pour un solo à 16h et 17h dans la salle des faïences du musée, le quintette de Jean-Marc Padovani pour son hommage à Paul Motian à 18h30 à l’auditorium Jean Jaurès, l’Ulmaut Big Band et son répertoire des grands big bands européens des années 20-30 (Lud Gluskin, Alexandre Tsfasman, Jack Hylton… longtemps regardés de haut et ainsi révélés) à 20h30 à la Maison de la Culture en première partie de Lisa Simone. Franck Bergerot
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Entouré d’un concitoyen saxophoniste, Maxime Bender, et d’un contrebassiste messin, Laurent Payfert, le batteur luxembourgeois, Jeff Herr, a ouvert hier 6 novembre le D’Jazz Nevers Festival, par un concert nerveux, ludique, concis, pénétrant sous la charpente des Forges royales de Guérigny.
Sortie Bercy, quitter le métro en suivant le troupeau court sur pattes des valises à roulettes, c’est déjà quitter Paris. La gare de Paris-Bercy n’est déjà plus vraiment Paris et les trains qu’on y annoncent donnent envie d’y embarquer à l’aveuglette juste pour voir où ça mène. Et j’étais hier quelques instants tenté de prendre l’omnibus pour Nevers avant de découvrir que partait cinq minutes auparavant sur le même quai un direct Paris-Nevers, en direction de Clermont-Ferrand (tentation nouvelle). Le train inter-cités et le vieux Corail possède le charme de la diligence pour le Parisien qui y embarque et qui trop souvent oublie qu’une vie est possible à plus de 10 km de la place du Châtelet et à l’écart des lignes à grande vitesse. Notre ministre Emmanuel Macron qui vante le charme et l’efficacité des autocars, doit être de la pire sorte de ces Parisiens et doit faire des rêves de diligence.
Et prendre la route des festivals non estivaux pour le jazzfan parisien, c’est aussi se rappeler que le jazz est possible loin de la rue des Lombards. Certes, Nevers n’est pas de ces sanctuaires du bout du monde qui accueillent ici et là sur le territoire les plus grands jazzmen à l’abri des regards “indésirables” (on en a connu et on nous en signale encore), mais s’y retrouvent chaque année les amateurs de jazz de toute une région autour d’une programmation qui, édition après édition, ainsi qu’hors festival par l’action de terrain du Centre Régional de Jazz de Bourgogne, tente d’élargir l’audience de cette merveilleuse abstraction sonore qu’est le jazz dans cette dimension instrumentale aujourd’hui si méprisée parce qu’affranchie du format couplet-refrain et du langage parlé sans lesquels la musique semble condamnée à l’indifférence voie à l’étouffoir.
Forges royales de Guérigny, D’jazz Nevers (58), le 6 novembre 2015.
Jeff Herr Corporation: Maxime Bender (saxes soprano et ténor), Laurent Payfert (contrebasse), Jeff Herr (batterie).
Car sous la belle charpente des Forges royales de Guérigny qui après avoir fourni en ancres marines les ports de guerre français et la Compagnie des Indes abrite aujourd’hui le Carambole Théâtre, c’est une belle abstraction qui a réjoui le public de ce concert d’ouverture du 29ème D’jazz Nevers. La simple abstraction ludique et joyeuse de trois instruments se frottant l’un à l’autre dans une course-poursuite sur des parcours balisés (mélodies fléchées, tiroirs formels, cadres rythmiques) qu’ils ont acquis pour y jouer le jeu de la liberté et de la contrainte, du désir et de la joie.
Le Jeff Herr Corporation est un trio dont l’album “Layer Caker” a retenu notre attention à sa parution l’an passé sur le label belge Igloo Records (Révélation! dans notre numéro 669 sous la plume de Pascal Rozat) pour l’assise rythmique, la belle nervosité et la vivacité de l’interaction. Live (et après une longue série de concerts dont le groupe a été gratifié cette année), on y découvre un son collectif, rond et dense comme un melon, qui repose peut-être sur la profonde contrebasse de Laurent Payfert. Marie-Claude Nouy à qui Martine Palmé remet cette année un historique bâton d’attaché de presse sur le festival de Nevers, elle-même habitée d’une longue carrière entre Paris et New York, sur la route avec les musiciens, puis dans les bureaux d’Universal France pour le label ECM, me souffle: « Quelle magnifique sonorité… Il me rappelle Mark Helias. » Après le concert, alors qu’il nous raconte son passé lorrain de jeune bassiste électrique de jazz-rock passé à la contrebasse et aux musiques ouvertes, elle le félicite pour la profondeur et l’assise de sa sonorité et, citant à nouveau le nom de Mark Helias, suscitant un blanc… Visiblement touché par cette comparaison, Laurent Payfert reprend son souffle et répète le nom de Mark Helias avec un ton de grande vénération. Il nous raconte comme cette sonorité que nous avons aimé, il l’a trouvée après bien des années, à la suite d’un stage à Cap Breton, il y a une demie-douzaine d’années, avec Hein Van de Geyn, et comment, à son contact, le travail des standards lui a été bénéfique.
Les standards, on en est pourtant loin, mais cette rondeur du trio repose peut-être bien sur cette sagesse de la note choisie et du placement acquise à leurs contacts, et qui permet à la danse de ce trio feu-follet de résister à toute dispersion énergétique et à Maxime Bender d’affirmer cette générosité de la ligne claire qui attira mon attention au Tremplin Jazz d’Avignon, l’année où Hein Van de Geyn révélait Payfert à lui-même. Depuis, je l’ai réentendu toujours avec plaisir, à la tête de son quartette où brillait le pianiste Sebastian Sternal, puis au travers des projets en suspens sous son nom et avec Anne Paceo du côté de Limoges où le Label Laborie lui fit bon accueil avant de connaître les difficultés dont on l’espère bientôt sorti.
À l’écoute de Jeff Herr, la mémoire de Marie-Claude Nouy mouline décidément plus vite que la mienne à cet exercice communs à tous les critiques et consistant à faire défiler les noms et les sons d’un vaste corpus qui permettrait une première approche comparative: « Pheeroan Ak Laff”. À se demander si sa force d’attachée de presse n’est pas de faire écrire au critique ce qu’elle aimerait lire sous sa plume. Je trouve la raison de sa comparaison dans une affaire de son, là encore, avec cette quasi absence de cymbale ride et cette préférence pour la charleston, les sonorités de métal froissé et les peaux, souvent frappés à mains nues, plus cette sorte de “célébration du rythme” (pour reprendre les termes de Pascal Rozat) qui depuis le disque s’est épanouie, libérée au profit du son collectif, qui n’en est pas moins un groupe de batteur.
À l’heure où j’écris ces lignes, un soleil de bon augure s’est levé sur Nevers et l’armada des bénévoles fourmille probablement déjà dans les bureaux du festival, les différentes salles de concert investies dans la ville ou vers la gare où sont attendus Antonin-Tri Hoang pour un solo à 16h et 17h dans la salle des faïences du musée, le quintette de Jean-Marc Padovani pour son hommage à Paul Motian à 18h30 à l’auditorium Jean Jaurès, l’Ulmaut Big Band et son répertoire des grands big bands européens des années 20-30 (Lud Gluskin, Alexandre Tsfasman, Jack Hylton… longtemps regardés de haut et ainsi révélés) à 20h30 à la Maison de la Culture en première partie de Lisa Simone. Franck Bergerot
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Entouré d’un concitoyen saxophoniste, Maxime Bender, et d’un contrebassiste messin, Laurent Payfert, le batteur luxembourgeois, Jeff Herr, a ouvert hier 6 novembre le D’Jazz Nevers Festival, par un concert nerveux, ludique, concis, pénétrant sous la charpente des Forges royales de Guérigny.
Sortie Bercy, quitter le métro en suivant le troupeau court sur pattes des valises à roulettes, c’est déjà quitter Paris. La gare de Paris-Bercy n’est déjà plus vraiment Paris et les trains qu’on y annoncent donnent envie d’y embarquer à l’aveuglette juste pour voir où ça mène. Et j’étais hier quelques instants tenté de prendre l’omnibus pour Nevers avant de découvrir que partait cinq minutes auparavant sur le même quai un direct Paris-Nevers, en direction de Clermont-Ferrand (tentation nouvelle). Le train inter-cités et le vieux Corail possède le charme de la diligence pour le Parisien qui y embarque et qui trop souvent oublie qu’une vie est possible à plus de 10 km de la place du Châtelet et à l’écart des lignes à grande vitesse. Notre ministre Emmanuel Macron qui vante le charme et l’efficacité des autocars, doit être de la pire sorte de ces Parisiens et doit faire des rêves de diligence.
Et prendre la route des festivals non estivaux pour le jazzfan parisien, c’est aussi se rappeler que le jazz est possible loin de la rue des Lombards. Certes, Nevers n’est pas de ces sanctuaires du bout du monde qui accueillent ici et là sur le territoire les plus grands jazzmen à l’abri des regards “indésirables” (on en a connu et on nous en signale encore), mais s’y retrouvent chaque année les amateurs de jazz de toute une région autour d’une programmation qui, édition après édition, ainsi qu’hors festival par l’action de terrain du Centre Régional de Jazz de Bourgogne, tente d’élargir l’audience de cette merveilleuse abstraction sonore qu’est le jazz dans cette dimension instrumentale aujourd’hui si méprisée parce qu’affranchie du format couplet-refrain et du langage parlé sans lesquels la musique semble condamnée à l’indifférence voie à l’étouffoir.
Forges royales de Guérigny, D’jazz Nevers (58), le 6 novembre 2015.
Jeff Herr Corporation: Maxime Bender (saxes soprano et ténor), Laurent Payfert (contrebasse), Jeff Herr (batterie).
Car sous la belle charpente des Forges royales de Guérigny qui après avoir fourni en ancres marines les ports de guerre français et la Compagnie des Indes abrite aujourd’hui le Carambole Théâtre, c’est une belle abstraction qui a réjoui le public de ce concert d’ouverture du 29ème D’jazz Nevers. La simple abstraction ludique et joyeuse de trois instruments se frottant l’un à l’autre dans une course-poursuite sur des parcours balisés (mélodies fléchées, tiroirs formels, cadres rythmiques) qu’ils ont acquis pour y jouer le jeu de la liberté et de la contrainte, du désir et de la joie.
Le Jeff Herr Corporation est un trio dont l’album “Layer Caker” a retenu notre attention à sa parution l’an passé sur le label belge Igloo Records (Révélation! dans notre numéro 669 sous la plume de Pascal Rozat) pour l’assise rythmique, la belle nervosité et la vivacité de l’interaction. Live (et après une longue série de concerts dont le groupe a été gratifié cette année), on y découvre un son collectif, rond et dense comme un melon, qui repose peut-être sur la profonde contrebasse de Laurent Payfert. Marie-Claude Nouy à qui Martine Palmé remet cette année un historique bâton d’attaché de presse sur le festival de Nevers, elle-même habitée d’une longue carrière entre Paris et New York, sur la route avec les musiciens, puis dans les bureaux d’Universal France pour le label ECM, me souffle: « Quelle magnifique sonorité… Il me rappelle Mark Helias. » Après le concert, alors qu’il nous raconte son passé lorrain de jeune bassiste électrique de jazz-rock passé à la contrebasse et aux musiques ouvertes, elle le félicite pour la profondeur et l’assise de sa sonorité et, citant à nouveau le nom de Mark Helias, suscitant un blanc… Visiblement touché par cette comparaison, Laurent Payfert reprend son souffle et répète le nom de Mark Helias avec un ton de grande vénération. Il nous raconte comme cette sonorité que nous avons aimé, il l’a trouvée après bien des années, à la suite d’un stage à Cap Breton, il y a une demie-douzaine d’années, avec Hein Van de Geyn, et comment, à son contact, le travail des standards lui a été bénéfique.
Les standards, on en est pourtant loin, mais cette rondeur du trio repose peut-être bien sur cette sagesse de la note choisie et du placement acquise à leurs contacts, et qui permet à la danse de ce trio feu-follet de résister à toute dispersion énergétique et à Maxime Bender d’affirmer cette générosité de la ligne claire qui attira mon attention au Tremplin Jazz d’Avignon, l’année où Hein Van de Geyn révélait Payfert à lui-même. Depuis, je l’ai réentendu toujours avec plaisir, à la tête de son quartette où brillait le pianiste Sebastian Sternal, puis au travers des projets en suspens sous son nom et avec Anne Paceo du côté de Limoges où le Label Laborie lui fit bon accueil avant de connaître les difficultés dont on l’espère bientôt sorti.
À l’écoute de Jeff Herr, la mémoire de Marie-Claude Nouy mouline décidément plus vite que la mienne à cet exercice communs à tous les critiques et consistant à faire défiler les noms et les sons d’un vaste corpus qui permettrait une première approche comparative: « Pheeroan Ak Laff”. À se demander si sa force d’attachée de presse n’est pas de faire écrire au critique ce qu’elle aimerait lire sous sa plume. Je trouve la raison de sa comparaison dans une affaire de son, là encore, avec cette quasi absence de cymbale ride et cette préférence pour la charleston, les sonorités de métal froissé et les peaux, souvent frappés à mains nues, plus cette sorte de “célébration du rythme” (pour reprendre les termes de Pascal Rozat) qui depuis le disque s’est épanouie, libérée au profit du son collectif, qui n’en est pas moins un groupe de batteur.
À l’heure où j’écris ces lignes, un soleil de bon augure s’est levé sur Nevers et l’armada des bénévoles fourmille probablement déjà dans les bureaux du festival, les différentes salles de concert investies dans la ville ou vers la gare où sont attendus Antonin-Tri Hoang pour un solo à 16h et 17h dans la salle des faïences du musée, le quintette de Jean-Marc Padovani pour son hommage à Paul Motian à 18h30 à l’auditorium Jean Jaurès, l’Ulmaut Big Band et son répertoire des grands big bands européens des années 20-30 (Lud Gluskin, Alexandre Tsfasman, Jack Hylton… longtemps regardés de haut et ainsi révélés) à 20h30 à la Maison de la Culture en première partie de Lisa Simone. Franck Bergerot