Jazz live
Publié le 30 Nov 2015

Monte Carlo Festival: le jazz sera rythmique ou ne sera pas…

Ils sont les deux à genoux sur le plancher de scène tels deux guitar heroes en compétition, empoignant chacun sa basse, à celui qui slappe le plus fort, le plus vite ! Marcus Miller a provoqué Aloune Wade. Le musicien sénégalais venu en guest, quitte sa réserve et relève le gant. Jusques et y compris lorsque le leader, déchainé, vient par défi de sa main gauche jouer en percussion…sur le manche de sa propre basse. Sacré duel en paysage western funk plutôt inattendu à vrai dire dans le décor dorures éclatantes du Palais Garnier.

 

Avishai Cohen Trio & Orchestre Philharmonique de Monte Carlo (Direction Robert Sadin)

Avisai Cohen (b), Nitai Hershkovitz (p), Daniel Dor (dm)

Thomas Enhco (p)

Salah Sue

Gogo Penguin : Chris Illingworth (p), Nick Blaka (b), Rob Turner (dm)

Cory Henry & the Funk Apostles: Cory Henry (voc, keyb, el p), Andrew Bailey (g), Erin Jakemore (perc), Cleon Edwards (dm), Sharay Reed (b), Nick Simrod (synthé)

Marcus Miller Band : Marcus Miller (b, cl b, voc), Adam agate (g), Brett Williams (keyb, el p), Alex Bailey (dm), Mino Cinelu (perc), Alex Han (as, ss), Marquis Hill (tp) + Aloune Wade (voc, b, perc), Chérif Soumano (cora)

Opéra Garnier, Monaco, 26-28 novembre

 

Ça ne marche pas à tous les coups. L’alliance entre les eaux moirées d’un orchestre symphonique et le courant alimenté, continu d’un trio de jazz. Ou plutôt la jonction musicale ne rend pas forcément hommage à part égales aux deux générateurs de contenu. Des arrangements de qualité, un panorama harmonique riche, porteurs de couleurs fortes, oui sans conteste. Pourtant dans une enveloppe globale aussi dense, pareillement alimentée en couches musicales superposées (vents, cuivres, cordes) la substance du trio vient à se disséminer dans l’action conjuguée des dizaines d’instrument de la formation classique. Au point de passer parfois au second plan. Questions de nature des compositions, de texture instrumentale, d’espace laissé aux développement et solistes ? Un peu tout à la fois. Dans ce contexte chargé l’échange dans le triangle du trio, l’interplay, la dimension des trois musiciens quant à leur savoir faire individuel -à commencer par les superbes lignes de basse du leader sans compter la fougue et le relief sonore du batteur- s’en trouvent minorés d’autant. Et les parties vocales (ces chansons inspirées par son arrière grand mère d’origine espagnole qu’il enchaine en bis habituellement dans ses concerts) sans doute placées trop en premier plan. Avishai Cohen il faut pouvoir l’entendre avant tout comme un formidable bassiste.

 

Dans son jeu il utilise la qualité de ses deux mains, droite et gauche, à égalité. Ce n’est pas le lot de tous les pianistes mais Thomas Enhco, lui, allie avec une égale vigueur le rythmique et le développement mélodique dans l’expression de son art du piano solo. Qu’il façonne un thème du Porgy and Bess de Gershwin en l’habillant d’un complet rag time ou qu’il aborde en douceur une ballade (Je voulais te dire, extraite de son album Feathers, Verve/Universal) en tissant des fils aux textures chatoyantes. Le piano (traité en solo) de Thomas Enhco sonne toujours en recherche d’équilibre.

 

Trois jeunes musiciens au look de lycéen. Un contenu livré live sans fioriture façon power trio. Une heure de musique dense jouée dans un engagement total. Gogo Penguin ne triche pas sur la marchandise malgré des titres épelés sans queue ni tête (GDB, GBFISYSIH, Hopopono) Les thèmes sont construits in vivo à partir de structures rythmiques exposées très serrées. Les échanges, les interpellations ou relances se font à trois. Avec beaucoup de précision dans l’exécution instrumentale. A base d’un savoir faire technique incontestable. Peut-être manque-t-il tout de même au final une étincelle, quelques effets surprises de la part d’un soliste inspiré. Histoire de faire éclater des schémas un peu répétitif au final.

 

Selah Sue a deux visages. Celui d’une faiseuse de chansons douces (Mommy dédiée évidemment à sa maman) accompagné (d’un excellent jeu de) d’une guitare arpégée (Reason) Un tout autre également affiché par séquences regroupées pour un impact maximum. Soit alors une chanteuse soul rap rock vibrionnante, violente qui s’embarque corps et voix avec force gesticulation dans des montées en tension no limit, arc boutée sur un back ground instrumental à haut volume. Silhouette blonde et sombre en déplacement permanent, toujours apte à électriser la scène. et le public. Dans ce son et lumière tout en contraste on ne voit qu’elle. Ce n’est pas du jazz non, mesdames messieurs. Du blues, du rock, du funk, du rythme quoi… j’en passe et des meilleures. Et surtout du spectacle vivant. Quel punch, quelle voix, quelle présence la flamande blonde ! 

 

Cet orchestre d’une drôle de dimensions (deux claviers, deux batteries plus percussions)  représente une drôle de machine. Machine à groover grave dans une production intensive de rythmes ébouriffants. Cory Henry chemise jaune vif et carreaux noirs est un enfant naturel de la balle funky. La musique éclôt directe d’un épais substrat de figures rythmiques. Riffs de guitare, accords frappés serrés: les mélodies jaillissent directes portées par un étonnant syncrétisme des deux batteries. En attendant Marcus M, en écoutant les six jeunes gens revisiter à haut voltage des paysages connotés direct soul-funk, en se disant au passage que sa voix chaude pourrait s’afficher plus présente  encore, on a tout loisir de penser que ce jazz polymorphe conjugué au présent sera rythmique ou ne sera pas.

 

A Monte Carlo le Marcus Miller Band clôturait une tournée européenne marathon de plus de trente dates. Visiblement avec encore de l’envie, de l’entrain, du caractère. Un programme labellisé Afrodeezia -Blue Note/Universal (Hylife, B’s River désormais comme des classiques) exécuté en place, carré, avec du souffle même si le boss souffrait d’un léger rhume. Travail cadré oui, mais pas seulement. Car ainsi va Marcus Milller, bassiste, compositeur, artiste UNESCO de l’année et chef d’équipe. S’il était dans la peau d’un footballeur il jouerait n° 10 avec le masque d’un Messi ou d’un Iniesta. Au rugby il porterait le même n° dans le dos avec le visage d’un Dan Carter. Car Marcus, c’est sa force, son intelligence, son talent se plait à distribuer le jeu, à placer ses artistes sur orbite, à provoquer leur créativité, à mettre les solistes à la bonne place au bon moment. Fort de ce feeling avisé cette soirée, l’ex bassiste et arrangeur des dernières oeuvres de Miles, l’a faite décoller en deux temps forts. Une re-visite de Jean Pierre -thème minimaliste de Miles Davis devenu culte- avec le soutien inspiré de Mino Cinelu, lui aussi ancien de ce même orchestre du trompettiste de légende. Et l’oreille sans nul doute avisée de John Mc Laughlin, citoyen monégasque présent dans la salle, lui aussi ancien ( génération des seventies) de chez Miles. Autre temps fort, marqué par l’émotion et une certaine grâce musicale: Gorée, composition figurant sur l’album Renaissance. Les deux musiciens invités (le chant poignant en introduction de la part d’Aloune Wade comme les couleurs vive des mélopées de la cora de Chérif Soumano) y  auront largement apporté leur pierre. Hasard ou nécessité en ces temps de tension et de trouble, au bord même de la Méditerranée, l’Afrique aura marqué de son empreinte sonore l’étape finale du voyage Afrodeezia de Marcus Miller et de ses musiciens. Comme un écho impromptu mais justifié de l’Histoire.

 

Robert Latxague

 

 

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Ils sont les deux à genoux sur le plancher de scène tels deux guitar heroes en compétition, empoignant chacun sa basse, à celui qui slappe le plus fort, le plus vite ! Marcus Miller a provoqué Aloune Wade. Le musicien sénégalais venu en guest, quitte sa réserve et relève le gant. Jusques et y compris lorsque le leader, déchainé, vient par défi de sa main gauche jouer en percussion…sur le manche de sa propre basse. Sacré duel en paysage western funk plutôt inattendu à vrai dire dans le décor dorures éclatantes du Palais Garnier.

 

Avishai Cohen Trio & Orchestre Philharmonique de Monte Carlo (Direction Robert Sadin)

Avisai Cohen (b), Nitai Hershkovitz (p), Daniel Dor (dm)

Thomas Enhco (p)

Salah Sue

Gogo Penguin : Chris Illingworth (p), Nick Blaka (b), Rob Turner (dm)

Cory Henry & the Funk Apostles: Cory Henry (voc, keyb, el p), Andrew Bailey (g), Erin Jakemore (perc), Cleon Edwards (dm), Sharay Reed (b), Nick Simrod (synthé)

Marcus Miller Band : Marcus Miller (b, cl b, voc), Adam agate (g), Brett Williams (keyb, el p), Alex Bailey (dm), Mino Cinelu (perc), Alex Han (as, ss), Marquis Hill (tp) + Aloune Wade (voc, b, perc), Chérif Soumano (cora)

Opéra Garnier, Monaco, 26-28 novembre

 

Ça ne marche pas à tous les coups. L’alliance entre les eaux moirées d’un orchestre symphonique et le courant alimenté, continu d’un trio de jazz. Ou plutôt la jonction musicale ne rend pas forcément hommage à part égales aux deux générateurs de contenu. Des arrangements de qualité, un panorama harmonique riche, porteurs de couleurs fortes, oui sans conteste. Pourtant dans une enveloppe globale aussi dense, pareillement alimentée en couches musicales superposées (vents, cuivres, cordes) la substance du trio vient à se disséminer dans l’action conjuguée des dizaines d’instrument de la formation classique. Au point de passer parfois au second plan. Questions de nature des compositions, de texture instrumentale, d’espace laissé aux développement et solistes ? Un peu tout à la fois. Dans ce contexte chargé l’échange dans le triangle du trio, l’interplay, la dimension des trois musiciens quant à leur savoir faire individuel -à commencer par les superbes lignes de basse du leader sans compter la fougue et le relief sonore du batteur- s’en trouvent minorés d’autant. Et les parties vocales (ces chansons inspirées par son arrière grand mère d’origine espagnole qu’il enchaine en bis habituellement dans ses concerts) sans doute placées trop en premier plan. Avishai Cohen il faut pouvoir l’entendre avant tout comme un formidable bassiste.

 

Dans son jeu il utilise la qualité de ses deux mains, droite et gauche, à égalité. Ce n’est pas le lot de tous les pianistes mais Thomas Enhco, lui, allie avec une égale vigueur le rythmique et le développement mélodique dans l’expression de son art du piano solo. Qu’il façonne un thème du Porgy and Bess de Gershwin en l’habillant d’un complet rag time ou qu’il aborde en douceur une ballade (Je voulais te dire, extraite de son album Feathers, Verve/Universal) en tissant des fils aux textures chatoyantes. Le piano (traité en solo) de Thomas Enhco sonne toujours en recherche d’équilibre.

 

Trois jeunes musiciens au look de lycéen. Un contenu livré live sans fioriture façon power trio. Une heure de musique dense jouée dans un engagement total. Gogo Penguin ne triche pas sur la marchandise malgré des titres épelés sans queue ni tête (GDB, GBFISYSIH, Hopopono) Les thèmes sont construits in vivo à partir de structures rythmiques exposées très serrées. Les échanges, les interpellations ou relances se font à trois. Avec beaucoup de précision dans l’exécution instrumentale. A base d’un savoir faire technique incontestable. Peut-être manque-t-il tout de même au final une étincelle, quelques effets surprises de la part d’un soliste inspiré. Histoire de faire éclater des schémas un peu répétitif au final.

 

Selah Sue a deux visages. Celui d’une faiseuse de chansons douces (Mommy dédiée évidemment à sa maman) accompagné (d’un excellent jeu de) d’une guitare arpégée (Reason) Un tout autre également affiché par séquences regroupées pour un impact maximum. Soit alors une chanteuse soul rap rock vibrionnante, violente qui s’embarque corps et voix avec force gesticulation dans des montées en tension no limit, arc boutée sur un back ground instrumental à haut volume. Silhouette blonde et sombre en déplacement permanent, toujours apte à électriser la scène. et le public. Dans ce son et lumière tout en contraste on ne voit qu’elle. Ce n’est pas du jazz non, mesdames messieurs. Du blues, du rock, du funk, du rythme quoi… j’en passe et des meilleures. Et surtout du spectacle vivant. Quel punch, quelle voix, quelle présence la flamande blonde ! 

 

Cet orchestre d’une drôle de dimensions (deux claviers, deux batteries plus percussions)  représente une drôle de machine. Machine à groover grave dans une production intensive de rythmes ébouriffants. Cory Henry chemise jaune vif et carreaux noirs est un enfant naturel de la balle funky. La musique éclôt directe d’un épais substrat de figures rythmiques. Riffs de guitare, accords frappés serrés: les mélodies jaillissent directes portées par un étonnant syncrétisme des deux batteries. En attendant Marcus M, en écoutant les six jeunes gens revisiter à haut voltage des paysages connotés direct soul-funk, en se disant au passage que sa voix chaude pourrait s’afficher plus présente  encore, on a tout loisir de penser que ce jazz polymorphe conjugué au présent sera rythmique ou ne sera pas.

 

A Monte Carlo le Marcus Miller Band clôturait une tournée européenne marathon de plus de trente dates. Visiblement avec encore de l’envie, de l’entrain, du caractère. Un programme labellisé Afrodeezia -Blue Note/Universal (Hylife, B’s River désormais comme des classiques) exécuté en place, carré, avec du souffle même si le boss souffrait d’un léger rhume. Travail cadré oui, mais pas seulement. Car ainsi va Marcus Milller, bassiste, compositeur, artiste UNESCO de l’année et chef d’équipe. S’il était dans la peau d’un footballeur il jouerait n° 10 avec le masque d’un Messi ou d’un Iniesta. Au rugby il porterait le même n° dans le dos avec le visage d’un Dan Carter. Car Marcus, c’est sa force, son intelligence, son talent se plait à distribuer le jeu, à placer ses artistes sur orbite, à provoquer leur créativité, à mettre les solistes à la bonne place au bon moment. Fort de ce feeling avisé cette soirée, l’ex bassiste et arrangeur des dernières oeuvres de Miles, l’a faite décoller en deux temps forts. Une re-visite de Jean Pierre -thème minimaliste de Miles Davis devenu culte- avec le soutien inspiré de Mino Cinelu, lui aussi ancien de ce même orchestre du trompettiste de légende. Et l’oreille sans nul doute avisée de John Mc Laughlin, citoyen monégasque présent dans la salle, lui aussi ancien ( génération des seventies) de chez Miles. Autre temps fort, marqué par l’émotion et une certaine grâce musicale: Gorée, composition figurant sur l’album Renaissance. Les deux musiciens invités (le chant poignant en introduction de la part d’Aloune Wade comme les couleurs vive des mélopées de la cora de Chérif Soumano) y  auront largement apporté leur pierre. Hasard ou nécessité en ces temps de tension et de trouble, au bord même de la Méditerranée, l’Afrique aura marqué de son empreinte sonore l’étape finale du voyage Afrodeezia de Marcus Miller et de ses musiciens. Comme un écho impromptu mais justifié de l’Histoire.

 

Robert Latxague

 

 

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Ils sont les deux à genoux sur le plancher de scène tels deux guitar heroes en compétition, empoignant chacun sa basse, à celui qui slappe le plus fort, le plus vite ! Marcus Miller a provoqué Aloune Wade. Le musicien sénégalais venu en guest, quitte sa réserve et relève le gant. Jusques et y compris lorsque le leader, déchainé, vient par défi de sa main gauche jouer en percussion…sur le manche de sa propre basse. Sacré duel en paysage western funk plutôt inattendu à vrai dire dans le décor dorures éclatantes du Palais Garnier.

 

Avishai Cohen Trio & Orchestre Philharmonique de Monte Carlo (Direction Robert Sadin)

Avisai Cohen (b), Nitai Hershkovitz (p), Daniel Dor (dm)

Thomas Enhco (p)

Salah Sue

Gogo Penguin : Chris Illingworth (p), Nick Blaka (b), Rob Turner (dm)

Cory Henry & the Funk Apostles: Cory Henry (voc, keyb, el p), Andrew Bailey (g), Erin Jakemore (perc), Cleon Edwards (dm), Sharay Reed (b), Nick Simrod (synthé)

Marcus Miller Band : Marcus Miller (b, cl b, voc), Adam agate (g), Brett Williams (keyb, el p), Alex Bailey (dm), Mino Cinelu (perc), Alex Han (as, ss), Marquis Hill (tp) + Aloune Wade (voc, b, perc), Chérif Soumano (cora)

Opéra Garnier, Monaco, 26-28 novembre

 

Ça ne marche pas à tous les coups. L’alliance entre les eaux moirées d’un orchestre symphonique et le courant alimenté, continu d’un trio de jazz. Ou plutôt la jonction musicale ne rend pas forcément hommage à part égales aux deux générateurs de contenu. Des arrangements de qualité, un panorama harmonique riche, porteurs de couleurs fortes, oui sans conteste. Pourtant dans une enveloppe globale aussi dense, pareillement alimentée en couches musicales superposées (vents, cuivres, cordes) la substance du trio vient à se disséminer dans l’action conjuguée des dizaines d’instrument de la formation classique. Au point de passer parfois au second plan. Questions de nature des compositions, de texture instrumentale, d’espace laissé aux développement et solistes ? Un peu tout à la fois. Dans ce contexte chargé l’échange dans le triangle du trio, l’interplay, la dimension des trois musiciens quant à leur savoir faire individuel -à commencer par les superbes lignes de basse du leader sans compter la fougue et le relief sonore du batteur- s’en trouvent minorés d’autant. Et les parties vocales (ces chansons inspirées par son arrière grand mère d’origine espagnole qu’il enchaine en bis habituellement dans ses concerts) sans doute placées trop en premier plan. Avishai Cohen il faut pouvoir l’entendre avant tout comme un formidable bassiste.

 

Dans son jeu il utilise la qualité de ses deux mains, droite et gauche, à égalité. Ce n’est pas le lot de tous les pianistes mais Thomas Enhco, lui, allie avec une égale vigueur le rythmique et le développement mélodique dans l’expression de son art du piano solo. Qu’il façonne un thème du Porgy and Bess de Gershwin en l’habillant d’un complet rag time ou qu’il aborde en douceur une ballade (Je voulais te dire, extraite de son album Feathers, Verve/Universal) en tissant des fils aux textures chatoyantes. Le piano (traité en solo) de Thomas Enhco sonne toujours en recherche d’équilibre.

 

Trois jeunes musiciens au look de lycéen. Un contenu livré live sans fioriture façon power trio. Une heure de musique dense jouée dans un engagement total. Gogo Penguin ne triche pas sur la marchandise malgré des titres épelés sans queue ni tête (GDB, GBFISYSIH, Hopopono) Les thèmes sont construits in vivo à partir de structures rythmiques exposées très serrées. Les échanges, les interpellations ou relances se font à trois. Avec beaucoup de précision dans l’exécution instrumentale. A base d’un savoir faire technique incontestable. Peut-être manque-t-il tout de même au final une étincelle, quelques effets surprises de la part d’un soliste inspiré. Histoire de faire éclater des schémas un peu répétitif au final.

 

Selah Sue a deux visages. Celui d’une faiseuse de chansons douces (Mommy dédiée évidemment à sa maman) accompagné (d’un excellent jeu de) d’une guitare arpégée (Reason) Un tout autre également affiché par séquences regroupées pour un impact maximum. Soit alors une chanteuse soul rap rock vibrionnante, violente qui s’embarque corps et voix avec force gesticulation dans des montées en tension no limit, arc boutée sur un back ground instrumental à haut volume. Silhouette blonde et sombre en déplacement permanent, toujours apte à électriser la scène. et le public. Dans ce son et lumière tout en contraste on ne voit qu’elle. Ce n’est pas du jazz non, mesdames messieurs. Du blues, du rock, du funk, du rythme quoi… j’en passe et des meilleures. Et surtout du spectacle vivant. Quel punch, quelle voix, quelle présence la flamande blonde ! 

 

Cet orchestre d’une drôle de dimensions (deux claviers, deux batteries plus percussions)  représente une drôle de machine. Machine à groover grave dans une production intensive de rythmes ébouriffants. Cory Henry chemise jaune vif et carreaux noirs est un enfant naturel de la balle funky. La musique éclôt directe d’un épais substrat de figures rythmiques. Riffs de guitare, accords frappés serrés: les mélodies jaillissent directes portées par un étonnant syncrétisme des deux batteries. En attendant Marcus M, en écoutant les six jeunes gens revisiter à haut voltage des paysages connotés direct soul-funk, en se disant au passage que sa voix chaude pourrait s’afficher plus présente  encore, on a tout loisir de penser que ce jazz polymorphe conjugué au présent sera rythmique ou ne sera pas.

 

A Monte Carlo le Marcus Miller Band clôturait une tournée européenne marathon de plus de trente dates. Visiblement avec encore de l’envie, de l’entrain, du caractère. Un programme labellisé Afrodeezia -Blue Note/Universal (Hylife, B’s River désormais comme des classiques) exécuté en place, carré, avec du souffle même si le boss souffrait d’un léger rhume. Travail cadré oui, mais pas seulement. Car ainsi va Marcus Milller, bassiste, compositeur, artiste UNESCO de l’année et chef d’équipe. S’il était dans la peau d’un footballeur il jouerait n° 10 avec le masque d’un Messi ou d’un Iniesta. Au rugby il porterait le même n° dans le dos avec le visage d’un Dan Carter. Car Marcus, c’est sa force, son intelligence, son talent se plait à distribuer le jeu, à placer ses artistes sur orbite, à provoquer leur créativité, à mettre les solistes à la bonne place au bon moment. Fort de ce feeling avisé cette soirée, l’ex bassiste et arrangeur des dernières oeuvres de Miles, l’a faite décoller en deux temps forts. Une re-visite de Jean Pierre -thème minimaliste de Miles Davis devenu culte- avec le soutien inspiré de Mino Cinelu, lui aussi ancien de ce même orchestre du trompettiste de légende. Et l’oreille sans nul doute avisée de John Mc Laughlin, citoyen monégasque présent dans la salle, lui aussi ancien ( génération des seventies) de chez Miles. Autre temps fort, marqué par l’émotion et une certaine grâce musicale: Gorée, composition figurant sur l’album Renaissance. Les deux musiciens invités (le chant poignant en introduction de la part d’Aloune Wade comme les couleurs vive des mélopées de la cora de Chérif Soumano) y  auront largement apporté leur pierre. Hasard ou nécessité en ces temps de tension et de trouble, au bord même de la Méditerranée, l’Afrique aura marqué de son empreinte sonore l’étape finale du voyage Afrodeezia de Marcus Miller et de ses musiciens. Comme un écho impromptu mais justifié de l’Histoire.

 

Robert Latxague

 

 

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Ils sont les deux à genoux sur le plancher de scène tels deux guitar heroes en compétition, empoignant chacun sa basse, à celui qui slappe le plus fort, le plus vite ! Marcus Miller a provoqué Aloune Wade. Le musicien sénégalais venu en guest, quitte sa réserve et relève le gant. Jusques et y compris lorsque le leader, déchainé, vient par défi de sa main gauche jouer en percussion…sur le manche de sa propre basse. Sacré duel en paysage western funk plutôt inattendu à vrai dire dans le décor dorures éclatantes du Palais Garnier.

 

Avishai Cohen Trio & Orchestre Philharmonique de Monte Carlo (Direction Robert Sadin)

Avisai Cohen (b), Nitai Hershkovitz (p), Daniel Dor (dm)

Thomas Enhco (p)

Salah Sue

Gogo Penguin : Chris Illingworth (p), Nick Blaka (b), Rob Turner (dm)

Cory Henry & the Funk Apostles: Cory Henry (voc, keyb, el p), Andrew Bailey (g), Erin Jakemore (perc), Cleon Edwards (dm), Sharay Reed (b), Nick Simrod (synthé)

Marcus Miller Band : Marcus Miller (b, cl b, voc), Adam agate (g), Brett Williams (keyb, el p), Alex Bailey (dm), Mino Cinelu (perc), Alex Han (as, ss), Marquis Hill (tp) + Aloune Wade (voc, b, perc), Chérif Soumano (cora)

Opéra Garnier, Monaco, 26-28 novembre

 

Ça ne marche pas à tous les coups. L’alliance entre les eaux moirées d’un orchestre symphonique et le courant alimenté, continu d’un trio de jazz. Ou plutôt la jonction musicale ne rend pas forcément hommage à part égales aux deux générateurs de contenu. Des arrangements de qualité, un panorama harmonique riche, porteurs de couleurs fortes, oui sans conteste. Pourtant dans une enveloppe globale aussi dense, pareillement alimentée en couches musicales superposées (vents, cuivres, cordes) la substance du trio vient à se disséminer dans l’action conjuguée des dizaines d’instrument de la formation classique. Au point de passer parfois au second plan. Questions de nature des compositions, de texture instrumentale, d’espace laissé aux développement et solistes ? Un peu tout à la fois. Dans ce contexte chargé l’échange dans le triangle du trio, l’interplay, la dimension des trois musiciens quant à leur savoir faire individuel -à commencer par les superbes lignes de basse du leader sans compter la fougue et le relief sonore du batteur- s’en trouvent minorés d’autant. Et les parties vocales (ces chansons inspirées par son arrière grand mère d’origine espagnole qu’il enchaine en bis habituellement dans ses concerts) sans doute placées trop en premier plan. Avishai Cohen il faut pouvoir l’entendre avant tout comme un formidable bassiste.

 

Dans son jeu il utilise la qualité de ses deux mains, droite et gauche, à égalité. Ce n’est pas le lot de tous les pianistes mais Thomas Enhco, lui, allie avec une égale vigueur le rythmique et le développement mélodique dans l’expression de son art du piano solo. Qu’il façonne un thème du Porgy and Bess de Gershwin en l’habillant d’un complet rag time ou qu’il aborde en douceur une ballade (Je voulais te dire, extraite de son album Feathers, Verve/Universal) en tissant des fils aux textures chatoyantes. Le piano (traité en solo) de Thomas Enhco sonne toujours en recherche d’équilibre.

 

Trois jeunes musiciens au look de lycéen. Un contenu livré live sans fioriture façon power trio. Une heure de musique dense jouée dans un engagement total. Gogo Penguin ne triche pas sur la marchandise malgré des titres épelés sans queue ni tête (GDB, GBFISYSIH, Hopopono) Les thèmes sont construits in vivo à partir de structures rythmiques exposées très serrées. Les échanges, les interpellations ou relances se font à trois. Avec beaucoup de précision dans l’exécution instrumentale. A base d’un savoir faire technique incontestable. Peut-être manque-t-il tout de même au final une étincelle, quelques effets surprises de la part d’un soliste inspiré. Histoire de faire éclater des schémas un peu répétitif au final.

 

Selah Sue a deux visages. Celui d’une faiseuse de chansons douces (Mommy dédiée évidemment à sa maman) accompagné (d’un excellent jeu de) d’une guitare arpégée (Reason) Un tout autre également affiché par séquences regroupées pour un impact maximum. Soit alors une chanteuse soul rap rock vibrionnante, violente qui s’embarque corps et voix avec force gesticulation dans des montées en tension no limit, arc boutée sur un back ground instrumental à haut volume. Silhouette blonde et sombre en déplacement permanent, toujours apte à électriser la scène. et le public. Dans ce son et lumière tout en contraste on ne voit qu’elle. Ce n’est pas du jazz non, mesdames messieurs. Du blues, du rock, du funk, du rythme quoi… j’en passe et des meilleures. Et surtout du spectacle vivant. Quel punch, quelle voix, quelle présence la flamande blonde ! 

 

Cet orchestre d’une drôle de dimensions (deux claviers, deux batteries plus percussions)  représente une drôle de machine. Machine à groover grave dans une production intensive de rythmes ébouriffants. Cory Henry chemise jaune vif et carreaux noirs est un enfant naturel de la balle funky. La musique éclôt directe d’un épais substrat de figures rythmiques. Riffs de guitare, accords frappés serrés: les mélodies jaillissent directes portées par un étonnant syncrétisme des deux batteries. En attendant Marcus M, en écoutant les six jeunes gens revisiter à haut voltage des paysages connotés direct soul-funk, en se disant au passage que sa voix chaude pourrait s’afficher plus présente  encore, on a tout loisir de penser que ce jazz polymorphe conjugué au présent sera rythmique ou ne sera pas.

 

A Monte Carlo le Marcus Miller Band clôturait une tournée européenne marathon de plus de trente dates. Visiblement avec encore de l’envie, de l’entrain, du caractère. Un programme labellisé Afrodeezia -Blue Note/Universal (Hylife, B’s River désormais comme des classiques) exécuté en place, carré, avec du souffle même si le boss souffrait d’un léger rhume. Travail cadré oui, mais pas seulement. Car ainsi va Marcus Milller, bassiste, compositeur, artiste UNESCO de l’année et chef d’équipe. S’il était dans la peau d’un footballeur il jouerait n° 10 avec le masque d’un Messi ou d’un Iniesta. Au rugby il porterait le même n° dans le dos avec le visage d’un Dan Carter. Car Marcus, c’est sa force, son intelligence, son talent se plait à distribuer le jeu, à placer ses artistes sur orbite, à provoquer leur créativité, à mettre les solistes à la bonne place au bon moment. Fort de ce feeling avisé cette soirée, l’ex bassiste et arrangeur des dernières oeuvres de Miles, l’a faite décoller en deux temps forts. Une re-visite de Jean Pierre -thème minimaliste de Miles Davis devenu culte- avec le soutien inspiré de Mino Cinelu, lui aussi ancien de ce même orchestre du trompettiste de légende. Et l’oreille sans nul doute avisée de John Mc Laughlin, citoyen monégasque présent dans la salle, lui aussi ancien ( génération des seventies) de chez Miles. Autre temps fort, marqué par l’émotion et une certaine grâce musicale: Gorée, composition figurant sur l’album Renaissance. Les deux musiciens invités (le chant poignant en introduction de la part d’Aloune Wade comme les couleurs vive des mélopées de la cora de Chérif Soumano) y  auront largement apporté leur pierre. Hasard ou nécessité en ces temps de tension et de trouble, au bord même de la Méditerranée, l’Afrique aura marqué de son empreinte sonore l’étape finale du voyage Afrodeezia de Marcus Miller et de ses musiciens. Comme un écho impromptu mais justifié de l’Histoire.

 

Robert Latxague