Couleurs du monde à Langonnet 2 : le jour le plus long
Le festival Couleurs du monde accueillait hier 31 mars à La Grande Boutique et à la médiathèque de Langonnet, de 10 heures du matin à tard dans la nuit des rencontres professionnelles et une série de showcases dominée par les musiques du monde, mais où le jazz, sujet principal de ces pages, n’a pas manqué de s’inviter.Musiques au comptoir
En début de journée, arrivé la veille pour éviter les effets de la grève nationale, j’ai pu assister aux rencontres professionnelles de ce 31 mars autour des problèmes de diffusion musicale en Bretagne. Des retrouvailles quasi historiques, précédées d’un inventaire (283 lieux recensés), motivées par une nostalgie que l’on perçoit régulièrement lorsque l’on discute avec les acteurs artistiques bretons d’un certain âge et même entretenue par eux auprès des générations suivantes. Comme l’a rappelé Jakez L’Haridon, qui préside depuis 36 ans aux destinées du café concert de Châteaulin Run ar Puns, la fin des années 1970 avait vu la structure “artisanale” du café pallier aux manques de salles en Bretagne face à l’explosion musicale de l’époque. Une explosion dans les domaines du rock, du folk, du jazz, mais aussi dans le domaine politique, sur laquelle était venu se greffer le renouveau breton (musique, langue, combats autour de la marée noire, des centrales nucléaires, des camps militaires, du remembrement). Or le café était le lieu du “vivre et travailler au pays”, où se tenait le débat, où se préparaient les manifs et où germinait la musique. C’est ainsi que l’on vit, au début des années 1980, se tisser un réseau de “cafconces”, débits de boisson où, une ou deux fois par semaine, on poussait les tables pour accueillir un artiste ou un groupe payé avec l’intégralité de la recette aux entrées, qui permettait l’organisation de tournées de quinze jours sur un territoire restreint, les différents points de chute pouvant n’être séparés que d’une quinzaine de kilomètres.
Un âge d’or qui se heurta rapidement à une dure réalité que se chargèrent de rappeler la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), le Griss (Groupement des institutions sociales du spectacle). Le propriétaire d’une terrasse de café où un musicien se produisait même à la manche était considéré par ces institutions comme des employeurs, donc soumis à contributions. Pour faire face à cette difficulté, deux centaines de cafés bretons des cinq départements bretons se constituèrent en association, Hanter Noz (minuit en breton) et négocièrent un forfait avec la Sacem applicable à l’ensemble des cafés du réseau. Mais face à une épidémie de réglementation accompagnant la structuration galopante des réseaux culturels décrite par Denis Tallédec du collectif Culture Bar-bars, comme “hygiéniste et normative”, privilégiant la concentration urbaine plutôt que la dispersion et la proximité au milieu rural, on vit de nombreux cafés se désengager. Quelques années plus tard, le réseau avait vécu et chacun était parti “bricoler” dans son coin, lorsqu’il n’avait pas renoncé à toute activité culturelle.
La présentation de Bar-bars, collectif de cafés culturels créé en 1999, et celle encore adolescente du réseau d’orchestres Tomahawk, était ce matin destinée à ouvrir dans l’après-midi un champ de réflexion aux acteurs culturels bretons afin de « définir des actions collaboratives, solidaires et innovantes pour une meilleure lisibilité des Musiques du monde en Bretagne. » Musiques du monde, mais pas que, si l’on songe que le même soir, à quelques kilomètres, le café des Anges de Quelven accueillait l’orchestre de Gilles Conorado (Choc dans le numéro de Jazz Magazine actuellement en kiosque), raison pour laquelle on vit s’éclipser discrètement en milieu de journée son programmateur actuel, Ronan Prod’homme, également programmateur du festival de Malguénac “Arts des villes, arts des champs”, qui nous a confié quelques éléments de sa programmation en août prochain : Ambrose Akinmusire Quartet, Marc Ducret Sextet, Gaël Horelou en duo avec Ari Hoenig, un nouveau projet d’Emmanuel Bex avec notamment Elise Caron… Jazz Magazine y sera.
Showcase 1 : Mze Shina (polyphonie de Géorgie)
Denise Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, harpe changi), Craig Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, vièle tchuniri), Eric Menneteau, Nicolas Leguet (chant).
Loin du jazz et de ses territoires, des polyphonies de Géorgie chantées par un quatuor pas du tout géorgien, avec une présence un peu raide (mais qui n’est pas étrangère aux chorales “officielles” de là-bas), au servie d’un art choral qui n’est pas sans évoquer l’Albanie, par ses bourdons mobiles, parfois glissés, ses homophonies ici et là dissociées d’un occasionnel “sanglot” ou d’un contrepoint plus durable, selon des harmonisations très horizontales aux lignes mélodiques très indépendantes (mouvements contraires, souvent croisés), et de vraies polyphonies à trois voix autonomes évoquant parfois les libertés de l’Ars Nova. Avec en outre des luths évoquant les banjos archaïques du début du XIXème siècle (trois cordes longues et une corde basse courte accordée au milieu du manche, un jeu alternant une forme de frailing du revers des ongles et le finger picking), plus une vièle à trois cordes et chevalet plat, tenue verticalement sur les genoux, qui se joue en triple sons avec des doigtés complexes.
Showcase 2 : Ouside
Florian Baron (oud), Charles Blandin, Louis Boudot (guitares).
Le nom de Florian Baron a déjà figuré dans ces pages. Non parce qu’il est le fils du grand sonneur de bombarde Jean Baron, mais parce qu’il est le joueur de oud du groupe Charka, qui fut ma révélation de l’édition 2014 du festival de Malguénac. Le voir programmé avec deux guitares manouches pouvait faire craindre le pire, à tort. Car c’est tout le contraire de la traditionnelle “locomotive” manouche qui accompagne le oud de Baron. Plutôt une authentique conversation orchestrale entre la touche orientale du vocabulaire de Florian Baron et les deux guitaristes évitant les approximations et les excès du type anneau de vitesse si répandus dans le revival manouche et tirant le meilleur de leurs “Selmer” : délicatesse, profondeur. Un premier morceau nous renvoie plutôt, sans aucun mimétisme, à l’héritage du Django de Cavalerie, Anouman et Mélodie au Crépuscule. Plus loin, c’est une métamorphose de Night in Tunisia, puis une pièce qui m’évoque un Shakti appaisé (celui de Lotus Feet). Et ils ont le bon goût de choisir pour valse La Gitane de Tchan Tchou et de redessiner totalement en rappel, le merveilleux Troublant Bolero de Django.
Show Case 3 : Hayes & Titleys
Jack Titley (chant, mandoline, banjo 5 cordes), Danielle Titley (chant, guitare), Nicola Hayes (violon).
Intermède bluegrass, bon enfant, présence scénique pleine d’humour, vrai son de groupe… très loin des préoccupations de ces pages..
Show Case 4 : Faustine
Faustine Audebert (chant, piano numérique), Hélène Brunet (guitare électrique), Antonin Volson (basse électrique), Nicolas Pointard (batterie).
Ici trois musiciens qui ont déjà figuré dans ces pages. Nicolas Pointard pour ses collaborations avec le clarinettiste Christophe Rocher notamment au sein de Nautilis et pour sa prestation à Malguénac au sein du quartette Oko , Antonin Volson batteur et compositeur du répertoire de l’orchestre “canterburrien” Belly Up , mais aussi batteur du Badume’s Band dédié à la musique éthopienne, mais ici bassiste) et Faustine Audebert pour ses prestations au sein du trio Zon, de Charka (au côté de Florian Baron) et dont le disque “Faustine” fut chroniqué dans notre numéro de septembre 2015.
En dépit d’une balance où les instruments amplifiés écrasent un peu la voix, on retrouve les arrangements de James McGaw, le bassiste du groupe (hélas empêché par la maladie contre laquelle il mène actuellement un rude combat), très progressive rock, avec un son de groupe très cohérent, quelque chose de plus vivant que sur le disque (dont la qualité d’écriture aurait pu faire craindre que la scène ne soit pas à la hauteur), grâce à la guitare d’Hèlène Brunet, rockeuse habitée, styliste de son instrument, et grâce au sens du détail de ses deux comparses. En dépit de l’aisance dont elle témoigne pour chanter tout en jouant des parties de piano très indépendantes, on se demande parfois si Faustine Audebert ne gagnerait pas en “projection” (projection dont elle nous a convaincus au sein de Charka) si ces parties étaient confiées à un cinquième larron, mais elle sait nous séduire sur les contours mélodiques et rythmiques audacieux qu’elle prête à cet élégante sélection de textes, de Lewis Carroll à Elizabeth Bishop.
Show Case 5 : Thimothée Le Net Quartet
Thimothée Le Net (accordéon diatonique), Martin Chapron (guitare, ciste), Pierre Droual violon), Dylan James (contrebasse).
Les habitués de Nato connaissent peut-être le nom de Thimothée Le Net qui surprit par l’apparition récente de son disque en duo “Le Bénéfice du doute” sur le catalogue de Jean Rochard. Ici pas de trace de jazz (sinon dans les gestes élégants du contrebassiste Dylan James venu remplacer au pied levé Yann Le Bozec, sans partition, sur une littérature musicale pourtant abondante), mais plutôt une sorte de pendant pour les musiques de “l’archipel celtique” (faute de trouver appellation plus adéquate) de ce que fit Astor Piazzolla pour le tango, par son écriture chambriste.
On se retrouvera ce soir à Kergrist-Moëllou, pour une soirée ponctuée par les interventions d’Antoine Chao, où se succèderont les formations No Tongues, Armolodium et Moger où l’on retrouvera Dylan James, Nicolas Pointard et quelques noms qui ne sont pas totalement inconnus dans ces pages, tels que Ronan Courty, Benoît Lugué, Janick Martin, Sylvain Barou… À suivre. • Franck Bergerot
|Le festival Couleurs du monde accueillait hier 31 mars à La Grande Boutique et à la médiathèque de Langonnet, de 10 heures du matin à tard dans la nuit des rencontres professionnelles et une série de showcases dominée par les musiques du monde, mais où le jazz, sujet principal de ces pages, n’a pas manqué de s’inviter.Musiques au comptoir
En début de journée, arrivé la veille pour éviter les effets de la grève nationale, j’ai pu assister aux rencontres professionnelles de ce 31 mars autour des problèmes de diffusion musicale en Bretagne. Des retrouvailles quasi historiques, précédées d’un inventaire (283 lieux recensés), motivées par une nostalgie que l’on perçoit régulièrement lorsque l’on discute avec les acteurs artistiques bretons d’un certain âge et même entretenue par eux auprès des générations suivantes. Comme l’a rappelé Jakez L’Haridon, qui préside depuis 36 ans aux destinées du café concert de Châteaulin Run ar Puns, la fin des années 1970 avait vu la structure “artisanale” du café pallier aux manques de salles en Bretagne face à l’explosion musicale de l’époque. Une explosion dans les domaines du rock, du folk, du jazz, mais aussi dans le domaine politique, sur laquelle était venu se greffer le renouveau breton (musique, langue, combats autour de la marée noire, des centrales nucléaires, des camps militaires, du remembrement). Or le café était le lieu du “vivre et travailler au pays”, où se tenait le débat, où se préparaient les manifs et où germinait la musique. C’est ainsi que l’on vit, au début des années 1980, se tisser un réseau de “cafconces”, débits de boisson où, une ou deux fois par semaine, on poussait les tables pour accueillir un artiste ou un groupe payé avec l’intégralité de la recette aux entrées, qui permettait l’organisation de tournées de quinze jours sur un territoire restreint, les différents points de chute pouvant n’être séparés que d’une quinzaine de kilomètres.
Un âge d’or qui se heurta rapidement à une dure réalité que se chargèrent de rappeler la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), le Griss (Groupement des institutions sociales du spectacle). Le propriétaire d’une terrasse de café où un musicien se produisait même à la manche était considéré par ces institutions comme des employeurs, donc soumis à contributions. Pour faire face à cette difficulté, deux centaines de cafés bretons des cinq départements bretons se constituèrent en association, Hanter Noz (minuit en breton) et négocièrent un forfait avec la Sacem applicable à l’ensemble des cafés du réseau. Mais face à une épidémie de réglementation accompagnant la structuration galopante des réseaux culturels décrite par Denis Tallédec du collectif Culture Bar-bars, comme “hygiéniste et normative”, privilégiant la concentration urbaine plutôt que la dispersion et la proximité au milieu rural, on vit de nombreux cafés se désengager. Quelques années plus tard, le réseau avait vécu et chacun était parti “bricoler” dans son coin, lorsqu’il n’avait pas renoncé à toute activité culturelle.
La présentation de Bar-bars, collectif de cafés culturels créé en 1999, et celle encore adolescente du réseau d’orchestres Tomahawk, était ce matin destinée à ouvrir dans l’après-midi un champ de réflexion aux acteurs culturels bretons afin de « définir des actions collaboratives, solidaires et innovantes pour une meilleure lisibilité des Musiques du monde en Bretagne. » Musiques du monde, mais pas que, si l’on songe que le même soir, à quelques kilomètres, le café des Anges de Quelven accueillait l’orchestre de Gilles Conorado (Choc dans le numéro de Jazz Magazine actuellement en kiosque), raison pour laquelle on vit s’éclipser discrètement en milieu de journée son programmateur actuel, Ronan Prod’homme, également programmateur du festival de Malguénac “Arts des villes, arts des champs”, qui nous a confié quelques éléments de sa programmation en août prochain : Ambrose Akinmusire Quartet, Marc Ducret Sextet, Gaël Horelou en duo avec Ari Hoenig, un nouveau projet d’Emmanuel Bex avec notamment Elise Caron… Jazz Magazine y sera.
Showcase 1 : Mze Shina (polyphonie de Géorgie)
Denise Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, harpe changi), Craig Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, vièle tchuniri), Eric Menneteau, Nicolas Leguet (chant).
Loin du jazz et de ses territoires, des polyphonies de Géorgie chantées par un quatuor pas du tout géorgien, avec une présence un peu raide (mais qui n’est pas étrangère aux chorales “officielles” de là-bas), au servie d’un art choral qui n’est pas sans évoquer l’Albanie, par ses bourdons mobiles, parfois glissés, ses homophonies ici et là dissociées d’un occasionnel “sanglot” ou d’un contrepoint plus durable, selon des harmonisations très horizontales aux lignes mélodiques très indépendantes (mouvements contraires, souvent croisés), et de vraies polyphonies à trois voix autonomes évoquant parfois les libertés de l’Ars Nova. Avec en outre des luths évoquant les banjos archaïques du début du XIXème siècle (trois cordes longues et une corde basse courte accordée au milieu du manche, un jeu alternant une forme de frailing du revers des ongles et le finger picking), plus une vièle à trois cordes et chevalet plat, tenue verticalement sur les genoux, qui se joue en triple sons avec des doigtés complexes.
Showcase 2 : Ouside
Florian Baron (oud), Charles Blandin, Louis Boudot (guitares).
Le nom de Florian Baron a déjà figuré dans ces pages. Non parce qu’il est le fils du grand sonneur de bombarde Jean Baron, mais parce qu’il est le joueur de oud du groupe Charka, qui fut ma révélation de l’édition 2014 du festival de Malguénac. Le voir programmé avec deux guitares manouches pouvait faire craindre le pire, à tort. Car c’est tout le contraire de la traditionnelle “locomotive” manouche qui accompagne le oud de Baron. Plutôt une authentique conversation orchestrale entre la touche orientale du vocabulaire de Florian Baron et les deux guitaristes évitant les approximations et les excès du type anneau de vitesse si répandus dans le revival manouche et tirant le meilleur de leurs “Selmer” : délicatesse, profondeur. Un premier morceau nous renvoie plutôt, sans aucun mimétisme, à l’héritage du Django de Cavalerie, Anouman et Mélodie au Crépuscule. Plus loin, c’est une métamorphose de Night in Tunisia, puis une pièce qui m’évoque un Shakti appaisé (celui de Lotus Feet). Et ils ont le bon goût de choisir pour valse La Gitane de Tchan Tchou et de redessiner totalement en rappel, le merveilleux Troublant Bolero de Django.
Show Case 3 : Hayes & Titleys
Jack Titley (chant, mandoline, banjo 5 cordes), Danielle Titley (chant, guitare), Nicola Hayes (violon).
Intermède bluegrass, bon enfant, présence scénique pleine d’humour, vrai son de groupe… très loin des préoccupations de ces pages..
Show Case 4 : Faustine
Faustine Audebert (chant, piano numérique), Hélène Brunet (guitare électrique), Antonin Volson (basse électrique), Nicolas Pointard (batterie).
Ici trois musiciens qui ont déjà figuré dans ces pages. Nicolas Pointard pour ses collaborations avec le clarinettiste Christophe Rocher notamment au sein de Nautilis et pour sa prestation à Malguénac au sein du quartette Oko , Antonin Volson batteur et compositeur du répertoire de l’orchestre “canterburrien” Belly Up , mais aussi batteur du Badume’s Band dédié à la musique éthopienne, mais ici bassiste) et Faustine Audebert pour ses prestations au sein du trio Zon, de Charka (au côté de Florian Baron) et dont le disque “Faustine” fut chroniqué dans notre numéro de septembre 2015.
En dépit d’une balance où les instruments amplifiés écrasent un peu la voix, on retrouve les arrangements de James McGaw, le bassiste du groupe (hélas empêché par la maladie contre laquelle il mène actuellement un rude combat), très progressive rock, avec un son de groupe très cohérent, quelque chose de plus vivant que sur le disque (dont la qualité d’écriture aurait pu faire craindre que la scène ne soit pas à la hauteur), grâce à la guitare d’Hèlène Brunet, rockeuse habitée, styliste de son instrument, et grâce au sens du détail de ses deux comparses. En dépit de l’aisance dont elle témoigne pour chanter tout en jouant des parties de piano très indépendantes, on se demande parfois si Faustine Audebert ne gagnerait pas en “projection” (projection dont elle nous a convaincus au sein de Charka) si ces parties étaient confiées à un cinquième larron, mais elle sait nous séduire sur les contours mélodiques et rythmiques audacieux qu’elle prête à cet élégante sélection de textes, de Lewis Carroll à Elizabeth Bishop.
Show Case 5 : Thimothée Le Net Quartet
Thimothée Le Net (accordéon diatonique), Martin Chapron (guitare, ciste), Pierre Droual violon), Dylan James (contrebasse).
Les habitués de Nato connaissent peut-être le nom de Thimothée Le Net qui surprit par l’apparition récente de son disque en duo “Le Bénéfice du doute” sur le catalogue de Jean Rochard. Ici pas de trace de jazz (sinon dans les gestes élégants du contrebassiste Dylan James venu remplacer au pied levé Yann Le Bozec, sans partition, sur une littérature musicale pourtant abondante), mais plutôt une sorte de pendant pour les musiques de “l’archipel celtique” (faute de trouver appellation plus adéquate) de ce que fit Astor Piazzolla pour le tango, par son écriture chambriste.
On se retrouvera ce soir à Kergrist-Moëllou, pour une soirée ponctuée par les interventions d’Antoine Chao, où se succèderont les formations No Tongues, Armolodium et Moger où l’on retrouvera Dylan James, Nicolas Pointard et quelques noms qui ne sont pas totalement inconnus dans ces pages, tels que Ronan Courty, Benoît Lugué, Janick Martin, Sylvain Barou… À suivre. • Franck Bergerot
|Le festival Couleurs du monde accueillait hier 31 mars à La Grande Boutique et à la médiathèque de Langonnet, de 10 heures du matin à tard dans la nuit des rencontres professionnelles et une série de showcases dominée par les musiques du monde, mais où le jazz, sujet principal de ces pages, n’a pas manqué de s’inviter.Musiques au comptoir
En début de journée, arrivé la veille pour éviter les effets de la grève nationale, j’ai pu assister aux rencontres professionnelles de ce 31 mars autour des problèmes de diffusion musicale en Bretagne. Des retrouvailles quasi historiques, précédées d’un inventaire (283 lieux recensés), motivées par une nostalgie que l’on perçoit régulièrement lorsque l’on discute avec les acteurs artistiques bretons d’un certain âge et même entretenue par eux auprès des générations suivantes. Comme l’a rappelé Jakez L’Haridon, qui préside depuis 36 ans aux destinées du café concert de Châteaulin Run ar Puns, la fin des années 1970 avait vu la structure “artisanale” du café pallier aux manques de salles en Bretagne face à l’explosion musicale de l’époque. Une explosion dans les domaines du rock, du folk, du jazz, mais aussi dans le domaine politique, sur laquelle était venu se greffer le renouveau breton (musique, langue, combats autour de la marée noire, des centrales nucléaires, des camps militaires, du remembrement). Or le café était le lieu du “vivre et travailler au pays”, où se tenait le débat, où se préparaient les manifs et où germinait la musique. C’est ainsi que l’on vit, au début des années 1980, se tisser un réseau de “cafconces”, débits de boisson où, une ou deux fois par semaine, on poussait les tables pour accueillir un artiste ou un groupe payé avec l’intégralité de la recette aux entrées, qui permettait l’organisation de tournées de quinze jours sur un territoire restreint, les différents points de chute pouvant n’être séparés que d’une quinzaine de kilomètres.
Un âge d’or qui se heurta rapidement à une dure réalité que se chargèrent de rappeler la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), le Griss (Groupement des institutions sociales du spectacle). Le propriétaire d’une terrasse de café où un musicien se produisait même à la manche était considéré par ces institutions comme des employeurs, donc soumis à contributions. Pour faire face à cette difficulté, deux centaines de cafés bretons des cinq départements bretons se constituèrent en association, Hanter Noz (minuit en breton) et négocièrent un forfait avec la Sacem applicable à l’ensemble des cafés du réseau. Mais face à une épidémie de réglementation accompagnant la structuration galopante des réseaux culturels décrite par Denis Tallédec du collectif Culture Bar-bars, comme “hygiéniste et normative”, privilégiant la concentration urbaine plutôt que la dispersion et la proximité au milieu rural, on vit de nombreux cafés se désengager. Quelques années plus tard, le réseau avait vécu et chacun était parti “bricoler” dans son coin, lorsqu’il n’avait pas renoncé à toute activité culturelle.
La présentation de Bar-bars, collectif de cafés culturels créé en 1999, et celle encore adolescente du réseau d’orchestres Tomahawk, était ce matin destinée à ouvrir dans l’après-midi un champ de réflexion aux acteurs culturels bretons afin de « définir des actions collaboratives, solidaires et innovantes pour une meilleure lisibilité des Musiques du monde en Bretagne. » Musiques du monde, mais pas que, si l’on songe que le même soir, à quelques kilomètres, le café des Anges de Quelven accueillait l’orchestre de Gilles Conorado (Choc dans le numéro de Jazz Magazine actuellement en kiosque), raison pour laquelle on vit s’éclipser discrètement en milieu de journée son programmateur actuel, Ronan Prod’homme, également programmateur du festival de Malguénac “Arts des villes, arts des champs”, qui nous a confié quelques éléments de sa programmation en août prochain : Ambrose Akinmusire Quartet, Marc Ducret Sextet, Gaël Horelou en duo avec Ari Hoenig, un nouveau projet d’Emmanuel Bex avec notamment Elise Caron… Jazz Magazine y sera.
Showcase 1 : Mze Shina (polyphonie de Géorgie)
Denise Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, harpe changi), Craig Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, vièle tchuniri), Eric Menneteau, Nicolas Leguet (chant).
Loin du jazz et de ses territoires, des polyphonies de Géorgie chantées par un quatuor pas du tout géorgien, avec une présence un peu raide (mais qui n’est pas étrangère aux chorales “officielles” de là-bas), au servie d’un art choral qui n’est pas sans évoquer l’Albanie, par ses bourdons mobiles, parfois glissés, ses homophonies ici et là dissociées d’un occasionnel “sanglot” ou d’un contrepoint plus durable, selon des harmonisations très horizontales aux lignes mélodiques très indépendantes (mouvements contraires, souvent croisés), et de vraies polyphonies à trois voix autonomes évoquant parfois les libertés de l’Ars Nova. Avec en outre des luths évoquant les banjos archaïques du début du XIXème siècle (trois cordes longues et une corde basse courte accordée au milieu du manche, un jeu alternant une forme de frailing du revers des ongles et le finger picking), plus une vièle à trois cordes et chevalet plat, tenue verticalement sur les genoux, qui se joue en triple sons avec des doigtés complexes.
Showcase 2 : Ouside
Florian Baron (oud), Charles Blandin, Louis Boudot (guitares).
Le nom de Florian Baron a déjà figuré dans ces pages. Non parce qu’il est le fils du grand sonneur de bombarde Jean Baron, mais parce qu’il est le joueur de oud du groupe Charka, qui fut ma révélation de l’édition 2014 du festival de Malguénac. Le voir programmé avec deux guitares manouches pouvait faire craindre le pire, à tort. Car c’est tout le contraire de la traditionnelle “locomotive” manouche qui accompagne le oud de Baron. Plutôt une authentique conversation orchestrale entre la touche orientale du vocabulaire de Florian Baron et les deux guitaristes évitant les approximations et les excès du type anneau de vitesse si répandus dans le revival manouche et tirant le meilleur de leurs “Selmer” : délicatesse, profondeur. Un premier morceau nous renvoie plutôt, sans aucun mimétisme, à l’héritage du Django de Cavalerie, Anouman et Mélodie au Crépuscule. Plus loin, c’est une métamorphose de Night in Tunisia, puis une pièce qui m’évoque un Shakti appaisé (celui de Lotus Feet). Et ils ont le bon goût de choisir pour valse La Gitane de Tchan Tchou et de redessiner totalement en rappel, le merveilleux Troublant Bolero de Django.
Show Case 3 : Hayes & Titleys
Jack Titley (chant, mandoline, banjo 5 cordes), Danielle Titley (chant, guitare), Nicola Hayes (violon).
Intermède bluegrass, bon enfant, présence scénique pleine d’humour, vrai son de groupe… très loin des préoccupations de ces pages..
Show Case 4 : Faustine
Faustine Audebert (chant, piano numérique), Hélène Brunet (guitare électrique), Antonin Volson (basse électrique), Nicolas Pointard (batterie).
Ici trois musiciens qui ont déjà figuré dans ces pages. Nicolas Pointard pour ses collaborations avec le clarinettiste Christophe Rocher notamment au sein de Nautilis et pour sa prestation à Malguénac au sein du quartette Oko , Antonin Volson batteur et compositeur du répertoire de l’orchestre “canterburrien” Belly Up , mais aussi batteur du Badume’s Band dédié à la musique éthopienne, mais ici bassiste) et Faustine Audebert pour ses prestations au sein du trio Zon, de Charka (au côté de Florian Baron) et dont le disque “Faustine” fut chroniqué dans notre numéro de septembre 2015.
En dépit d’une balance où les instruments amplifiés écrasent un peu la voix, on retrouve les arrangements de James McGaw, le bassiste du groupe (hélas empêché par la maladie contre laquelle il mène actuellement un rude combat), très progressive rock, avec un son de groupe très cohérent, quelque chose de plus vivant que sur le disque (dont la qualité d’écriture aurait pu faire craindre que la scène ne soit pas à la hauteur), grâce à la guitare d’Hèlène Brunet, rockeuse habitée, styliste de son instrument, et grâce au sens du détail de ses deux comparses. En dépit de l’aisance dont elle témoigne pour chanter tout en jouant des parties de piano très indépendantes, on se demande parfois si Faustine Audebert ne gagnerait pas en “projection” (projection dont elle nous a convaincus au sein de Charka) si ces parties étaient confiées à un cinquième larron, mais elle sait nous séduire sur les contours mélodiques et rythmiques audacieux qu’elle prête à cet élégante sélection de textes, de Lewis Carroll à Elizabeth Bishop.
Show Case 5 : Thimothée Le Net Quartet
Thimothée Le Net (accordéon diatonique), Martin Chapron (guitare, ciste), Pierre Droual violon), Dylan James (contrebasse).
Les habitués de Nato connaissent peut-être le nom de Thimothée Le Net qui surprit par l’apparition récente de son disque en duo “Le Bénéfice du doute” sur le catalogue de Jean Rochard. Ici pas de trace de jazz (sinon dans les gestes élégants du contrebassiste Dylan James venu remplacer au pied levé Yann Le Bozec, sans partition, sur une littérature musicale pourtant abondante), mais plutôt une sorte de pendant pour les musiques de “l’archipel celtique” (faute de trouver appellation plus adéquate) de ce que fit Astor Piazzolla pour le tango, par son écriture chambriste.
On se retrouvera ce soir à Kergrist-Moëllou, pour une soirée ponctuée par les interventions d’Antoine Chao, où se succèderont les formations No Tongues, Armolodium et Moger où l’on retrouvera Dylan James, Nicolas Pointard et quelques noms qui ne sont pas totalement inconnus dans ces pages, tels que Ronan Courty, Benoît Lugué, Janick Martin, Sylvain Barou… À suivre. • Franck Bergerot
|Le festival Couleurs du monde accueillait hier 31 mars à La Grande Boutique et à la médiathèque de Langonnet, de 10 heures du matin à tard dans la nuit des rencontres professionnelles et une série de showcases dominée par les musiques du monde, mais où le jazz, sujet principal de ces pages, n’a pas manqué de s’inviter.Musiques au comptoir
En début de journée, arrivé la veille pour éviter les effets de la grève nationale, j’ai pu assister aux rencontres professionnelles de ce 31 mars autour des problèmes de diffusion musicale en Bretagne. Des retrouvailles quasi historiques, précédées d’un inventaire (283 lieux recensés), motivées par une nostalgie que l’on perçoit régulièrement lorsque l’on discute avec les acteurs artistiques bretons d’un certain âge et même entretenue par eux auprès des générations suivantes. Comme l’a rappelé Jakez L’Haridon, qui préside depuis 36 ans aux destinées du café concert de Châteaulin Run ar Puns, la fin des années 1970 avait vu la structure “artisanale” du café pallier aux manques de salles en Bretagne face à l’explosion musicale de l’époque. Une explosion dans les domaines du rock, du folk, du jazz, mais aussi dans le domaine politique, sur laquelle était venu se greffer le renouveau breton (musique, langue, combats autour de la marée noire, des centrales nucléaires, des camps militaires, du remembrement). Or le café était le lieu du “vivre et travailler au pays”, où se tenait le débat, où se préparaient les manifs et où germinait la musique. C’est ainsi que l’on vit, au début des années 1980, se tisser un réseau de “cafconces”, débits de boisson où, une ou deux fois par semaine, on poussait les tables pour accueillir un artiste ou un groupe payé avec l’intégralité de la recette aux entrées, qui permettait l’organisation de tournées de quinze jours sur un territoire restreint, les différents points de chute pouvant n’être séparés que d’une quinzaine de kilomètres.
Un âge d’or qui se heurta rapidement à une dure réalité que se chargèrent de rappeler la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), le Griss (Groupement des institutions sociales du spectacle). Le propriétaire d’une terrasse de café où un musicien se produisait même à la manche était considéré par ces institutions comme des employeurs, donc soumis à contributions. Pour faire face à cette difficulté, deux centaines de cafés bretons des cinq départements bretons se constituèrent en association, Hanter Noz (minuit en breton) et négocièrent un forfait avec la Sacem applicable à l’ensemble des cafés du réseau. Mais face à une épidémie de réglementation accompagnant la structuration galopante des réseaux culturels décrite par Denis Tallédec du collectif Culture Bar-bars, comme “hygiéniste et normative”, privilégiant la concentration urbaine plutôt que la dispersion et la proximité au milieu rural, on vit de nombreux cafés se désengager. Quelques années plus tard, le réseau avait vécu et chacun était parti “bricoler” dans son coin, lorsqu’il n’avait pas renoncé à toute activité culturelle.
La présentation de Bar-bars, collectif de cafés culturels créé en 1999, et celle encore adolescente du réseau d’orchestres Tomahawk, était ce matin destinée à ouvrir dans l’après-midi un champ de réflexion aux acteurs culturels bretons afin de « définir des actions collaboratives, solidaires et innovantes pour une meilleure lisibilité des Musiques du monde en Bretagne. » Musiques du monde, mais pas que, si l’on songe que le même soir, à quelques kilomètres, le café des Anges de Quelven accueillait l’orchestre de Gilles Conorado (Choc dans le numéro de Jazz Magazine actuellement en kiosque), raison pour laquelle on vit s’éclipser discrètement en milieu de journée son programmateur actuel, Ronan Prod’homme, également programmateur du festival de Malguénac “Arts des villes, arts des champs”, qui nous a confié quelques éléments de sa programmation en août prochain : Ambrose Akinmusire Quartet, Marc Ducret Sextet, Gaël Horelou en duo avec Ari Hoenig, un nouveau projet d’Emmanuel Bex avec notamment Elise Caron… Jazz Magazine y sera.
Showcase 1 : Mze Shina (polyphonie de Géorgie)
Denise Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, harpe changi), Craig Schaffer (chant, luths chonguri et panduri, vièle tchuniri), Eric Menneteau, Nicolas Leguet (chant).
Loin du jazz et de ses territoires, des polyphonies de Géorgie chantées par un quatuor pas du tout géorgien, avec une présence un peu raide (mais qui n’est pas étrangère aux chorales “officielles” de là-bas), au servie d’un art choral qui n’est pas sans évoquer l’Albanie, par ses bourdons mobiles, parfois glissés, ses homophonies ici et là dissociées d’un occasionnel “sanglot” ou d’un contrepoint plus durable, selon des harmonisations très horizontales aux lignes mélodiques très indépendantes (mouvements contraires, souvent croisés), et de vraies polyphonies à trois voix autonomes évoquant parfois les libertés de l’Ars Nova. Avec en outre des luths évoquant les banjos archaïques du début du XIXème siècle (trois cordes longues et une corde basse courte accordée au milieu du manche, un jeu alternant une forme de frailing du revers des ongles et le finger picking), plus une vièle à trois cordes et chevalet plat, tenue verticalement sur les genoux, qui se joue en triple sons avec des doigtés complexes.
Showcase 2 : Ouside
Florian Baron (oud), Charles Blandin, Louis Boudot (guitares).
Le nom de Florian Baron a déjà figuré dans ces pages. Non parce qu’il est le fils du grand sonneur de bombarde Jean Baron, mais parce qu’il est le joueur de oud du groupe Charka, qui fut ma révélation de l’édition 2014 du festival de Malguénac. Le voir programmé avec deux guitares manouches pouvait faire craindre le pire, à tort. Car c’est tout le contraire de la traditionnelle “locomotive” manouche qui accompagne le oud de Baron. Plutôt une authentique conversation orchestrale entre la touche orientale du vocabulaire de Florian Baron et les deux guitaristes évitant les approximations et les excès du type anneau de vitesse si répandus dans le revival manouche et tirant le meilleur de leurs “Selmer” : délicatesse, profondeur. Un premier morceau nous renvoie plutôt, sans aucun mimétisme, à l’héritage du Django de Cavalerie, Anouman et Mélodie au Crépuscule. Plus loin, c’est une métamorphose de Night in Tunisia, puis une pièce qui m’évoque un Shakti appaisé (celui de Lotus Feet). Et ils ont le bon goût de choisir pour valse La Gitane de Tchan Tchou et de redessiner totalement en rappel, le merveilleux Troublant Bolero de Django.
Show Case 3 : Hayes & Titleys
Jack Titley (chant, mandoline, banjo 5 cordes), Danielle Titley (chant, guitare), Nicola Hayes (violon).
Intermède bluegrass, bon enfant, présence scénique pleine d’humour, vrai son de groupe… très loin des préoccupations de ces pages..
Show Case 4 : Faustine
Faustine Audebert (chant, piano numérique), Hélène Brunet (guitare électrique), Antonin Volson (basse électrique), Nicolas Pointard (batterie).
Ici trois musiciens qui ont déjà figuré dans ces pages. Nicolas Pointard pour ses collaborations avec le clarinettiste Christophe Rocher notamment au sein de Nautilis et pour sa prestation à Malguénac au sein du quartette Oko , Antonin Volson batteur et compositeur du répertoire de l’orchestre “canterburrien” Belly Up , mais aussi batteur du Badume’s Band dédié à la musique éthopienne, mais ici bassiste) et Faustine Audebert pour ses prestations au sein du trio Zon, de Charka (au côté de Florian Baron) et dont le disque “Faustine” fut chroniqué dans notre numéro de septembre 2015.
En dépit d’une balance où les instruments amplifiés écrasent un peu la voix, on retrouve les arrangements de James McGaw, le bassiste du groupe (hélas empêché par la maladie contre laquelle il mène actuellement un rude combat), très progressive rock, avec un son de groupe très cohérent, quelque chose de plus vivant que sur le disque (dont la qualité d’écriture aurait pu faire craindre que la scène ne soit pas à la hauteur), grâce à la guitare d’Hèlène Brunet, rockeuse habitée, styliste de son instrument, et grâce au sens du détail de ses deux comparses. En dépit de l’aisance dont elle témoigne pour chanter tout en jouant des parties de piano très indépendantes, on se demande parfois si Faustine Audebert ne gagnerait pas en “projection” (projection dont elle nous a convaincus au sein de Charka) si ces parties étaient confiées à un cinquième larron, mais elle sait nous séduire sur les contours mélodiques et rythmiques audacieux qu’elle prête à cet élégante sélection de textes, de Lewis Carroll à Elizabeth Bishop.
Show Case 5 : Thimothée Le Net Quartet
Thimothée Le Net (accordéon diatonique), Martin Chapron (guitare, ciste), Pierre Droual violon), Dylan James (contrebasse).
Les habitués de Nato connaissent peut-être le nom de Thimothée Le Net qui surprit par l’apparition récente de son disque en duo “Le Bénéfice du doute” sur le catalogue de Jean Rochard. Ici pas de trace de jazz (sinon dans les gestes élégants du contrebassiste Dylan James venu remplacer au pied levé Yann Le Bozec, sans partition, sur une littérature musicale pourtant abondante), mais plutôt une sorte de pendant pour les musiques de “l’archipel celtique” (faute de trouver appellation plus adéquate) de ce que fit Astor Piazzolla pour le tango, par son écriture chambriste.
On se retrouvera ce soir à Kergrist-Moëllou, pour une soirée ponctuée par les interventions d’Antoine Chao, où se succèderont les formations No Tongues, Armolodium et Moger où l’on retrouvera Dylan James, Nicolas Pointard et quelques noms qui ne sont pas totalement inconnus dans ces pages, tels que Ronan Courty, Benoît Lugué, Janick Martin, Sylvain Barou… À suivre. • Franck Bergerot