Junas (2): Echo d'un Tout Monde en improvisations (suite)
Solé, dix ans, trépigne brûlant de venir danser sur scène comme l’y invite le saxophoniste leader. Sa mère pourtant, chanteuse et consacrée, lui fait les gros yeux. Trop jeune, trop d’innocence encore chez la fillette pour entrer dans l’univers balisé, chargé en signes, du vaudou haïtien.
Junas, les Carrières 21, 22 juillet
Jacques Schwartz-Bart (ts), Moonlight Benjamin (voc), Gregory Privat (p, keyb), Stéphane Kerecki (b), Arnaud Dolmen (dm)
Joseph (voc, perc), Andrew Johns (b), Shabata Huchings (as, bar s, fl), Christian Arcucci (g), Roger Raspail (perc)
Omar Sosa (p, kjeyb), Jacques Schwartz-Bart (p), Martha Galarraga, Moonlight Benjamin (voc, perc, danse), Gustavo Ovalles, Claude Saturne (perc)
Mario Canonge (p), Michel Zenino (b), Riacardo Izquierdo (ts), Josiah Woodson (tp), Arnaud Dolmen (dm)
Avec lui il est question dans le même tempo de spiritualité et de musique. En des concerts distincts, seul leader ou à deux têtes avec Omar Sosa, au long de deux soirées successives Jacques Schwartz-Bart aura posé son empreinte. Traces de sons, philosophie de vies et de musiques qui vont avec. Pour un premier programme, Jazz Racine Haiti, le saxophoniste guadeloupéen fait preuve de didactisme. Il explicite le vaudou, ses origines africaines venues du Dahomey, ses principes -mode de pensée, de vie, langue yoruba, rites- , son influence dans l’art en général -jazz, peinture (le cubisme), ballet etc. Sur scène retentit d’abord une voix, celle de Moonlight Benjamin, chanteuse et prêtresse du vaudou haïtien. Longue silhouette drapée de pourpre, sonorité de gorge tantôt gutturale, tantôt pétrie d’une douceur lancinante (Cousin Zaka). L’autre flux de sons dominants jaillit tout droit du sax ténor de Schwartz Bart, puissant, fortement timbré, navigant quelque part entre les stridences de Coltrane et les rondeurs de Rollins, autre caribéen d’origine. En contrepoint, en complément, en solide travail de collectif également l’appui des autres musiciens dépasse le seul cadre rythmique. Basse, batterie et piano (Grégory Privat en particulier donne des couleurs fortes) construisent, conduisent par leurs lignes propres les différentes phases du tableau ainsi dessiné. Un jazz mâtiné de schémas traditionnels par lequel s’ajoutent aux pulsations (la basse de Stephane Kerecki) syncopes (Arnaud Dolmen, joueur de ka est aussi un batteur) des accents de lyrisme caractéristiques de l’univers caribéen. Créole Spirit, spectacle total (l’album correspondant devrait venir début 2017) se veut plus ambitieux encore: un pont jeté par la musique entre les pratique du vaudou haïtien et les santerias cubaines. Deux mondes intimes, deux cosmogonies, deux sources spirituelles qui ont survécu à l’esclavage. Directement issues de l’Afrique elles ont généré des musiques de danse et de transe. Avec, pour transcender la voix/parole le tambour comme instrument géniteur. Sur la scène de Junas dressée au beau milieu des immenses pans de roches claires taillés à même la carrière, échos de voix et frappes de tambours se répondent puis s’imbibent les uns les autres. Drapées d’un tissus blanc immaculé, Moonlight Benjamin, l’haïtienne, superbe visage de vierge noire et Martha Galarraga, la cubaine au regard perforant conduisent le bal. Cris, couplets susurrés résonnent dans l’espace soulignés de mouvements de corps lents, souples, sensuels. Les battements des tambours et percussions métal ou bois figurent les moteurs à explosion de rythmes. Claude Saturne (quel nom à propos pour un univers esquissé à grands traits!) assure la base, perpétue les roulements. Gustavo Ovales le cubain cherche les saillies, provoque les syncopes. Il revient à Schwartz-Bart et Sosa à introduire, guider, aiguiller l’architecture sonore ainsi édifiée en direct. Omar, le pianiste cubain, expressionniste, virtuose, virevoltant sur le clavier comme sur les planches pique les rythmes, pimente les mélodies. Le ténor du guadeloupéen toujours accroché au jazz (la chaleur mise dans sa manière peut faire penser aussi, in fine, à Gato Barbierii…) soigne chaque liaison, fait la jonction et relance l’improvisation sur de nouveaux développements. Le temps du concert passant on oublierait facilement l’esprit pour goûter avant tout à la lettre. Un tel monde de notes, de phrases résonne en profondeur y compris en mémoire, une fois le concert éteint .
Le quintet de Mario Canonge et Michel Zenino est de formation récente. Et ne comporte aucun enregistrement, simplement rodé dans leur repaire parisien du Baiser Salé. Le pianiste martiniquais a pourtant déjà composé pour cette géométrie orchestrale propre. Open the door sonne à la façon d’une partition des Jazz Messengers qui se serait échappée subrepticement d’une enveloppe ouverte. Les contenus se trouvent précisément définis, marqués par une écriture brillante. Deux cuivres convoqués à dessein enrichissent le propos. Josiah Woodson, jeune trompettiste américain basé à Paris affiche une manière séduisante de tourner autour de la mélodie (Quintitude) Le pianiste, inventif, attentif reste très présent. A tout moment Mario déploie un volume de jeu conséquent. Avec brio, insufflant des idées neuves en partage avec Michel Zenino, basse élégante, pourvoyeur de lignes musicales originales.
Anthony Joseph, une autre île, une autre histoire, d’autres facettes de la musique caribéenne en parallèle. Moins créoles sans doute, moins prolixe en sucré salé mais tout aussi consommatrice de Caribbean roots. Le groove s’épaissit sur des lignes d’un binaire appuyé. Les motifs de basse produisent en simultané une forte addiction funk. Un véritable appel à la danse également boosté, chauffé par les congas du volumineux Roger Raspail. Ça déménage sur les planches ( ça ondule des hanches dans le parterre (Our History) Au micro il s’affiche à la fois entertainer, récitant et passeur de vécu personnel comme d’une histoire particulière à Trinidad, île du plus célèbre carnaval de l’Arc antillais. Joseph preacher-poète parle avec force du passé (Small Land, illustration de l’esclavage dans les plantations) autant que du présent (Drums on, terre de tambours de peaux et métal, ceux issus des bidons d’huile, les steel pans) Cocktail salutaire, fermenté donc explosif, de soul et de calypso.
En conclusion Stéphane Pessina Dassonville, président de l’association Jazz à Junas brosse à chaud un premier bilan du festival gardois: « L’écho rencontré par ce programme très typé nous renforce dans notre idée d’ouverture, de nécessité de la rencontre avec d’autres univers musicaux. Après la célébration des vingt ans de festival Jazz à Junas a voulu sortir du seul horizon de l’Europe pour se tourner vers d’autres continents: Afrique, Asie, Amériques. Les Caraïbes incluant les Antilles françaises mais pas seulement représentent un bon départ pour leur richesse en matière de musiques. La réponse du public malgré une période un peu troublée, porteuse d’incertitudes sinon de peurs, nous encourage. La zone visitée peut s’élargir également vers d’autres pays limitrophes (Vénézuela, Colombie, Mexique, Panama) porteurs de musiques périphériques au jazz. Quant à la dimension acquise par le festival notre travail porte sur la manière d’occuper le terrain. Ainsi avons nous pris le relais Vauvert, devenu désormais une autre étape de festival. L’objectif reste le même: insuffler le spectacle vivant, la musique, le jazz dans la ville. Avec l’ambition d’y apporter de la culture, du divertissement, de la pédagogie »
Robert Latxague
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Solé, dix ans, trépigne brûlant de venir danser sur scène comme l’y invite le saxophoniste leader. Sa mère pourtant, chanteuse et consacrée, lui fait les gros yeux. Trop jeune, trop d’innocence encore chez la fillette pour entrer dans l’univers balisé, chargé en signes, du vaudou haïtien.
Junas, les Carrières 21, 22 juillet
Jacques Schwartz-Bart (ts), Moonlight Benjamin (voc), Gregory Privat (p, keyb), Stéphane Kerecki (b), Arnaud Dolmen (dm)
Joseph (voc, perc), Andrew Johns (b), Shabata Huchings (as, bar s, fl), Christian Arcucci (g), Roger Raspail (perc)
Omar Sosa (p, kjeyb), Jacques Schwartz-Bart (p), Martha Galarraga, Moonlight Benjamin (voc, perc, danse), Gustavo Ovalles, Claude Saturne (perc)
Mario Canonge (p), Michel Zenino (b), Riacardo Izquierdo (ts), Josiah Woodson (tp), Arnaud Dolmen (dm)
Avec lui il est question dans le même tempo de spiritualité et de musique. En des concerts distincts, seul leader ou à deux têtes avec Omar Sosa, au long de deux soirées successives Jacques Schwartz-Bart aura posé son empreinte. Traces de sons, philosophie de vies et de musiques qui vont avec. Pour un premier programme, Jazz Racine Haiti, le saxophoniste guadeloupéen fait preuve de didactisme. Il explicite le vaudou, ses origines africaines venues du Dahomey, ses principes -mode de pensée, de vie, langue yoruba, rites- , son influence dans l’art en général -jazz, peinture (le cubisme), ballet etc. Sur scène retentit d’abord une voix, celle de Moonlight Benjamin, chanteuse et prêtresse du vaudou haïtien. Longue silhouette drapée de pourpre, sonorité de gorge tantôt gutturale, tantôt pétrie d’une douceur lancinante (Cousin Zaka). L’autre flux de sons dominants jaillit tout droit du sax ténor de Schwartz Bart, puissant, fortement timbré, navigant quelque part entre les stridences de Coltrane et les rondeurs de Rollins, autre caribéen d’origine. En contrepoint, en complément, en solide travail de collectif également l’appui des autres musiciens dépasse le seul cadre rythmique. Basse, batterie et piano (Grégory Privat en particulier donne des couleurs fortes) construisent, conduisent par leurs lignes propres les différentes phases du tableau ainsi dessiné. Un jazz mâtiné de schémas traditionnels par lequel s’ajoutent aux pulsations (la basse de Stephane Kerecki) syncopes (Arnaud Dolmen, joueur de ka est aussi un batteur) des accents de lyrisme caractéristiques de l’univers caribéen. Créole Spirit, spectacle total (l’album correspondant devrait venir début 2017) se veut plus ambitieux encore: un pont jeté par la musique entre les pratique du vaudou haïtien et les santerias cubaines. Deux mondes intimes, deux cosmogonies, deux sources spirituelles qui ont survécu à l’esclavage. Directement issues de l’Afrique elles ont généré des musiques de danse et de transe. Avec, pour transcender la voix/parole le tambour comme instrument géniteur. Sur la scène de Junas dressée au beau milieu des immenses pans de roches claires taillés à même la carrière, échos de voix et frappes de tambours se répondent puis s’imbibent les uns les autres. Drapées d’un tissus blanc immaculé, Moonlight Benjamin, l’haïtienne, superbe visage de vierge noire et Martha Galarraga, la cubaine au regard perforant conduisent le bal. Cris, couplets susurrés résonnent dans l’espace soulignés de mouvements de corps lents, souples, sensuels. Les battements des tambours et percussions métal ou bois figurent les moteurs à explosion de rythmes. Claude Saturne (quel nom à propos pour un univers esquissé à grands traits!) assure la base, perpétue les roulements. Gustavo Ovales le cubain cherche les saillies, provoque les syncopes. Il revient à Schwartz-Bart et Sosa à introduire, guider, aiguiller l’architecture sonore ainsi édifiée en direct. Omar, le pianiste cubain, expressionniste, virtuose, virevoltant sur le clavier comme sur les planches pique les rythmes, pimente les mélodies. Le ténor du guadeloupéen toujours accroché au jazz (la chaleur mise dans sa manière peut faire penser aussi, in fine, à Gato Barbierii…) soigne chaque liaison, fait la jonction et relance l’improvisation sur de nouveaux développements. Le temps du concert passant on oublierait facilement l’esprit pour goûter avant tout à la lettre. Un tel monde de notes, de phrases résonne en profondeur y compris en mémoire, une fois le concert éteint .
Le quintet de Mario Canonge et Michel Zenino est de formation récente. Et ne comporte aucun enregistrement, simplement rodé dans leur repaire parisien du Baiser Salé. Le pianiste martiniquais a pourtant déjà composé pour cette géométrie orchestrale propre. Open the door sonne à la façon d’une partition des Jazz Messengers qui se serait échappée subrepticement d’une enveloppe ouverte. Les contenus se trouvent précisément définis, marqués par une écriture brillante. Deux cuivres convoqués à dessein enrichissent le propos. Josiah Woodson, jeune trompettiste américain basé à Paris affiche une manière séduisante de tourner autour de la mélodie (Quintitude) Le pianiste, inventif, attentif reste très présent. A tout moment Mario déploie un volume de jeu conséquent. Avec brio, insufflant des idées neuves en partage avec Michel Zenino, basse élégante, pourvoyeur de lignes musicales originales.
Anthony Joseph, une autre île, une autre histoire, d’autres facettes de la musique caribéenne en parallèle. Moins créoles sans doute, moins prolixe en sucré salé mais tout aussi consommatrice de Caribbean roots. Le groove s’épaissit sur des lignes d’un binaire appuyé. Les motifs de basse produisent en simultané une forte addiction funk. Un véritable appel à la danse également boosté, chauffé par les congas du volumineux Roger Raspail. Ça déménage sur les planches ( ça ondule des hanches dans le parterre (Our History) Au micro il s’affiche à la fois entertainer, récitant et passeur de vécu personnel comme d’une histoire particulière à Trinidad, île du plus célèbre carnaval de l’Arc antillais. Joseph preacher-poète parle avec force du passé (Small Land, illustration de l’esclavage dans les plantations) autant que du présent (Drums on, terre de tambours de peaux et métal, ceux issus des bidons d’huile, les steel pans) Cocktail salutaire, fermenté donc explosif, de soul et de calypso.
En conclusion Stéphane Pessina Dassonville, président de l’association Jazz à Junas brosse à chaud un premier bilan du festival gardois: « L’écho rencontré par ce programme très typé nous renforce dans notre idée d’ouverture, de nécessité de la rencontre avec d’autres univers musicaux. Après la célébration des vingt ans de festival Jazz à Junas a voulu sortir du seul horizon de l’Europe pour se tourner vers d’autres continents: Afrique, Asie, Amériques. Les Caraïbes incluant les Antilles françaises mais pas seulement représentent un bon départ pour leur richesse en matière de musiques. La réponse du public malgré une période un peu troublée, porteuse d’incertitudes sinon de peurs, nous encourage. La zone visitée peut s’élargir également vers d’autres pays limitrophes (Vénézuela, Colombie, Mexique, Panama) porteurs de musiques périphériques au jazz. Quant à la dimension acquise par le festival notre travail porte sur la manière d’occuper le terrain. Ainsi avons nous pris le relais Vauvert, devenu désormais une autre étape de festival. L’objectif reste le même: insuffler le spectacle vivant, la musique, le jazz dans la ville. Avec l’ambition d’y apporter de la culture, du divertissement, de la pédagogie »
Robert Latxague
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Solé, dix ans, trépigne brûlant de venir danser sur scène comme l’y invite le saxophoniste leader. Sa mère pourtant, chanteuse et consacrée, lui fait les gros yeux. Trop jeune, trop d’innocence encore chez la fillette pour entrer dans l’univers balisé, chargé en signes, du vaudou haïtien.
Junas, les Carrières 21, 22 juillet
Jacques Schwartz-Bart (ts), Moonlight Benjamin (voc), Gregory Privat (p, keyb), Stéphane Kerecki (b), Arnaud Dolmen (dm)
Joseph (voc, perc), Andrew Johns (b), Shabata Huchings (as, bar s, fl), Christian Arcucci (g), Roger Raspail (perc)
Omar Sosa (p, kjeyb), Jacques Schwartz-Bart (p), Martha Galarraga, Moonlight Benjamin (voc, perc, danse), Gustavo Ovalles, Claude Saturne (perc)
Mario Canonge (p), Michel Zenino (b), Riacardo Izquierdo (ts), Josiah Woodson (tp), Arnaud Dolmen (dm)
Avec lui il est question dans le même tempo de spiritualité et de musique. En des concerts distincts, seul leader ou à deux têtes avec Omar Sosa, au long de deux soirées successives Jacques Schwartz-Bart aura posé son empreinte. Traces de sons, philosophie de vies et de musiques qui vont avec. Pour un premier programme, Jazz Racine Haiti, le saxophoniste guadeloupéen fait preuve de didactisme. Il explicite le vaudou, ses origines africaines venues du Dahomey, ses principes -mode de pensée, de vie, langue yoruba, rites- , son influence dans l’art en général -jazz, peinture (le cubisme), ballet etc. Sur scène retentit d’abord une voix, celle de Moonlight Benjamin, chanteuse et prêtresse du vaudou haïtien. Longue silhouette drapée de pourpre, sonorité de gorge tantôt gutturale, tantôt pétrie d’une douceur lancinante (Cousin Zaka). L’autre flux de sons dominants jaillit tout droit du sax ténor de Schwartz Bart, puissant, fortement timbré, navigant quelque part entre les stridences de Coltrane et les rondeurs de Rollins, autre caribéen d’origine. En contrepoint, en complément, en solide travail de collectif également l’appui des autres musiciens dépasse le seul cadre rythmique. Basse, batterie et piano (Grégory Privat en particulier donne des couleurs fortes) construisent, conduisent par leurs lignes propres les différentes phases du tableau ainsi dessiné. Un jazz mâtiné de schémas traditionnels par lequel s’ajoutent aux pulsations (la basse de Stephane Kerecki) syncopes (Arnaud Dolmen, joueur de ka est aussi un batteur) des accents de lyrisme caractéristiques de l’univers caribéen. Créole Spirit, spectacle total (l’album correspondant devrait venir début 2017) se veut plus ambitieux encore: un pont jeté par la musique entre les pratique du vaudou haïtien et les santerias cubaines. Deux mondes intimes, deux cosmogonies, deux sources spirituelles qui ont survécu à l’esclavage. Directement issues de l’Afrique elles ont généré des musiques de danse et de transe. Avec, pour transcender la voix/parole le tambour comme instrument géniteur. Sur la scène de Junas dressée au beau milieu des immenses pans de roches claires taillés à même la carrière, échos de voix et frappes de tambours se répondent puis s’imbibent les uns les autres. Drapées d’un tissus blanc immaculé, Moonlight Benjamin, l’haïtienne, superbe visage de vierge noire et Martha Galarraga, la cubaine au regard perforant conduisent le bal. Cris, couplets susurrés résonnent dans l’espace soulignés de mouvements de corps lents, souples, sensuels. Les battements des tambours et percussions métal ou bois figurent les moteurs à explosion de rythmes. Claude Saturne (quel nom à propos pour un univers esquissé à grands traits!) assure la base, perpétue les roulements. Gustavo Ovales le cubain cherche les saillies, provoque les syncopes. Il revient à Schwartz-Bart et Sosa à introduire, guider, aiguiller l’architecture sonore ainsi édifiée en direct. Omar, le pianiste cubain, expressionniste, virtuose, virevoltant sur le clavier comme sur les planches pique les rythmes, pimente les mélodies. Le ténor du guadeloupéen toujours accroché au jazz (la chaleur mise dans sa manière peut faire penser aussi, in fine, à Gato Barbierii…) soigne chaque liaison, fait la jonction et relance l’improvisation sur de nouveaux développements. Le temps du concert passant on oublierait facilement l’esprit pour goûter avant tout à la lettre. Un tel monde de notes, de phrases résonne en profondeur y compris en mémoire, une fois le concert éteint .
Le quintet de Mario Canonge et Michel Zenino est de formation récente. Et ne comporte aucun enregistrement, simplement rodé dans leur repaire parisien du Baiser Salé. Le pianiste martiniquais a pourtant déjà composé pour cette géométrie orchestrale propre. Open the door sonne à la façon d’une partition des Jazz Messengers qui se serait échappée subrepticement d’une enveloppe ouverte. Les contenus se trouvent précisément définis, marqués par une écriture brillante. Deux cuivres convoqués à dessein enrichissent le propos. Josiah Woodson, jeune trompettiste américain basé à Paris affiche une manière séduisante de tourner autour de la mélodie (Quintitude) Le pianiste, inventif, attentif reste très présent. A tout moment Mario déploie un volume de jeu conséquent. Avec brio, insufflant des idées neuves en partage avec Michel Zenino, basse élégante, pourvoyeur de lignes musicales originales.
Anthony Joseph, une autre île, une autre histoire, d’autres facettes de la musique caribéenne en parallèle. Moins créoles sans doute, moins prolixe en sucré salé mais tout aussi consommatrice de Caribbean roots. Le groove s’épaissit sur des lignes d’un binaire appuyé. Les motifs de basse produisent en simultané une forte addiction funk. Un véritable appel à la danse également boosté, chauffé par les congas du volumineux Roger Raspail. Ça déménage sur les planches ( ça ondule des hanches dans le parterre (Our History) Au micro il s’affiche à la fois entertainer, récitant et passeur de vécu personnel comme d’une histoire particulière à Trinidad, île du plus célèbre carnaval de l’Arc antillais. Joseph preacher-poète parle avec force du passé (Small Land, illustration de l’esclavage dans les plantations) autant que du présent (Drums on, terre de tambours de peaux et métal, ceux issus des bidons d’huile, les steel pans) Cocktail salutaire, fermenté donc explosif, de soul et de calypso.
En conclusion Stéphane Pessina Dassonville, président de l’association Jazz à Junas brosse à chaud un premier bilan du festival gardois: « L’écho rencontré par ce programme très typé nous renforce dans notre idée d’ouverture, de nécessité de la rencontre avec d’autres univers musicaux. Après la célébration des vingt ans de festival Jazz à Junas a voulu sortir du seul horizon de l’Europe pour se tourner vers d’autres continents: Afrique, Asie, Amériques. Les Caraïbes incluant les Antilles françaises mais pas seulement représentent un bon départ pour leur richesse en matière de musiques. La réponse du public malgré une période un peu troublée, porteuse d’incertitudes sinon de peurs, nous encourage. La zone visitée peut s’élargir également vers d’autres pays limitrophes (Vénézuela, Colombie, Mexique, Panama) porteurs de musiques périphériques au jazz. Quant à la dimension acquise par le festival notre travail porte sur la manière d’occuper le terrain. Ainsi avons nous pris le relais Vauvert, devenu désormais une autre étape de festival. L’objectif reste le même: insuffler le spectacle vivant, la musique, le jazz dans la ville. Avec l’ambition d’y apporter de la culture, du divertissement, de la pédagogie »
Robert Latxague
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Solé, dix ans, trépigne brûlant de venir danser sur scène comme l’y invite le saxophoniste leader. Sa mère pourtant, chanteuse et consacrée, lui fait les gros yeux. Trop jeune, trop d’innocence encore chez la fillette pour entrer dans l’univers balisé, chargé en signes, du vaudou haïtien.
Junas, les Carrières 21, 22 juillet
Jacques Schwartz-Bart (ts), Moonlight Benjamin (voc), Gregory Privat (p, keyb), Stéphane Kerecki (b), Arnaud Dolmen (dm)
Joseph (voc, perc), Andrew Johns (b), Shabata Huchings (as, bar s, fl), Christian Arcucci (g), Roger Raspail (perc)
Omar Sosa (p, kjeyb), Jacques Schwartz-Bart (p), Martha Galarraga, Moonlight Benjamin (voc, perc, danse), Gustavo Ovalles, Claude Saturne (perc)
Mario Canonge (p), Michel Zenino (b), Riacardo Izquierdo (ts), Josiah Woodson (tp), Arnaud Dolmen (dm)
Avec lui il est question dans le même tempo de spiritualité et de musique. En des concerts distincts, seul leader ou à deux têtes avec Omar Sosa, au long de deux soirées successives Jacques Schwartz-Bart aura posé son empreinte. Traces de sons, philosophie de vies et de musiques qui vont avec. Pour un premier programme, Jazz Racine Haiti, le saxophoniste guadeloupéen fait preuve de didactisme. Il explicite le vaudou, ses origines africaines venues du Dahomey, ses principes -mode de pensée, de vie, langue yoruba, rites- , son influence dans l’art en général -jazz, peinture (le cubisme), ballet etc. Sur scène retentit d’abord une voix, celle de Moonlight Benjamin, chanteuse et prêtresse du vaudou haïtien. Longue silhouette drapée de pourpre, sonorité de gorge tantôt gutturale, tantôt pétrie d’une douceur lancinante (Cousin Zaka). L’autre flux de sons dominants jaillit tout droit du sax ténor de Schwartz Bart, puissant, fortement timbré, navigant quelque part entre les stridences de Coltrane et les rondeurs de Rollins, autre caribéen d’origine. En contrepoint, en complément, en solide travail de collectif également l’appui des autres musiciens dépasse le seul cadre rythmique. Basse, batterie et piano (Grégory Privat en particulier donne des couleurs fortes) construisent, conduisent par leurs lignes propres les différentes phases du tableau ainsi dessiné. Un jazz mâtiné de schémas traditionnels par lequel s’ajoutent aux pulsations (la basse de Stephane Kerecki) syncopes (Arnaud Dolmen, joueur de ka est aussi un batteur) des accents de lyrisme caractéristiques de l’univers caribéen. Créole Spirit, spectacle total (l’album correspondant devrait venir début 2017) se veut plus ambitieux encore: un pont jeté par la musique entre les pratique du vaudou haïtien et les santerias cubaines. Deux mondes intimes, deux cosmogonies, deux sources spirituelles qui ont survécu à l’esclavage. Directement issues de l’Afrique elles ont généré des musiques de danse et de transe. Avec, pour transcender la voix/parole le tambour comme instrument géniteur. Sur la scène de Junas dressée au beau milieu des immenses pans de roches claires taillés à même la carrière, échos de voix et frappes de tambours se répondent puis s’imbibent les uns les autres. Drapées d’un tissus blanc immaculé, Moonlight Benjamin, l’haïtienne, superbe visage de vierge noire et Martha Galarraga, la cubaine au regard perforant conduisent le bal. Cris, couplets susurrés résonnent dans l’espace soulignés de mouvements de corps lents, souples, sensuels. Les battements des tambours et percussions métal ou bois figurent les moteurs à explosion de rythmes. Claude Saturne (quel nom à propos pour un univers esquissé à grands traits!) assure la base, perpétue les roulements. Gustavo Ovales le cubain cherche les saillies, provoque les syncopes. Il revient à Schwartz-Bart et Sosa à introduire, guider, aiguiller l’architecture sonore ainsi édifiée en direct. Omar, le pianiste cubain, expressionniste, virtuose, virevoltant sur le clavier comme sur les planches pique les rythmes, pimente les mélodies. Le ténor du guadeloupéen toujours accroché au jazz (la chaleur mise dans sa manière peut faire penser aussi, in fine, à Gato Barbierii…) soigne chaque liaison, fait la jonction et relance l’improvisation sur de nouveaux développements. Le temps du concert passant on oublierait facilement l’esprit pour goûter avant tout à la lettre. Un tel monde de notes, de phrases résonne en profondeur y compris en mémoire, une fois le concert éteint .
Le quintet de Mario Canonge et Michel Zenino est de formation récente. Et ne comporte aucun enregistrement, simplement rodé dans leur repaire parisien du Baiser Salé. Le pianiste martiniquais a pourtant déjà composé pour cette géométrie orchestrale propre. Open the door sonne à la façon d’une partition des Jazz Messengers qui se serait échappée subrepticement d’une enveloppe ouverte. Les contenus se trouvent précisément définis, marqués par une écriture brillante. Deux cuivres convoqués à dessein enrichissent le propos. Josiah Woodson, jeune trompettiste américain basé à Paris affiche une manière séduisante de tourner autour de la mélodie (Quintitude) Le pianiste, inventif, attentif reste très présent. A tout moment Mario déploie un volume de jeu conséquent. Avec brio, insufflant des idées neuves en partage avec Michel Zenino, basse élégante, pourvoyeur de lignes musicales originales.
Anthony Joseph, une autre île, une autre histoire, d’autres facettes de la musique caribéenne en parallèle. Moins créoles sans doute, moins prolixe en sucré salé mais tout aussi consommatrice de Caribbean roots. Le groove s’épaissit sur des lignes d’un binaire appuyé. Les motifs de basse produisent en simultané une forte addiction funk. Un véritable appel à la danse également boosté, chauffé par les congas du volumineux Roger Raspail. Ça déménage sur les planches ( ça ondule des hanches dans le parterre (Our History) Au micro il s’affiche à la fois entertainer, récitant et passeur de vécu personnel comme d’une histoire particulière à Trinidad, île du plus célèbre carnaval de l’Arc antillais. Joseph preacher-poète parle avec force du passé (Small Land, illustration de l’esclavage dans les plantations) autant que du présent (Drums on, terre de tambours de peaux et métal, ceux issus des bidons d’huile, les steel pans) Cocktail salutaire, fermenté donc explosif, de soul et de calypso.
En conclusion Stéphane Pessina Dassonville, président de l’association Jazz à Junas brosse à chaud un premier bilan du festival gardois: « L’écho rencontré par ce programme très typé nous renforce dans notre idée d’ouverture, de nécessité de la rencontre avec d’autres univers musicaux. Après la célébration des vingt ans de festival Jazz à Junas a voulu sortir du seul horizon de l’Europe pour se tourner vers d’autres continents: Afrique, Asie, Amériques. Les Caraïbes incluant les Antilles françaises mais pas seulement représentent un bon départ pour leur richesse en matière de musiques. La réponse du public malgré une période un peu troublée, porteuse d’incertitudes sinon de peurs, nous encourage. La zone visitée peut s’élargir également vers d’autres pays limitrophes (Vénézuela, Colombie, Mexique, Panama) porteurs de musiques périphériques au jazz. Quant à la dimension acquise par le festival notre travail porte sur la manière d’occuper le terrain. Ainsi avons nous pris le relais Vauvert, devenu désormais une autre étape de festival. L’objectif reste le même: insuffler le spectacle vivant, la musique, le jazz dans la ville. Avec l’ambition d’y apporter de la culture, du divertissement, de la pédagogie »
Robert Latxague