Jazz in Marciac : Wynton joue free
Cela fait un quart de siècle que Wynton Marsalis se rend chaque année en terre gersoise répandre la bonne parole. Cette année, il est programmé deux fois au cours du festival Jazz in Marciac, dont une fois avec de jeunes musiciens par lui repérés.
Festival Jazz in Marciac
Dimanche 7 août 2016, Marciac (32), chapiteau
1e partie : Cyrus Chestnut, Buster Williams, Lenny White
Cyrus Chestnut (p), Buster Williams (cb), Lenny White (dm)
Avant la venue de Wynton Marsalis, la première partie de soirée avait été confiée à un trio pour piano et grands noms. Cyrus Chestnut a en effet une place moindre dans l’histoire du jazz que celles tenues respectivement par Buster Williams et Lenny White. Révélé en France au sein du groupe de Wynton Marsalis dès 1991, ayant fait ses armes auprès de grands anciens (Freddie Hubbard par exemple) et certains Young Lions de la décennie 1990, Cyrus Chestnut appartient à cette catégorie de pianistes qui poursuivent aujourd’hui la tradition des artisans d’excellence, ce qu’on nomme parfois les « musiciens pour musiciens », ou encore les « petits maîtres ». Rien de révolutionnaire dans son jeu donc – il s’inscrit dans un spectre stylistique allant d’Oscar Peterson et Bill Evans à McCoy Tyner ou Kenny Kirkland –, mais des interprétations toujours parfaitement ciselées. Pour apprécier – et faire apprécier – son jeu, la reprise de standards s’imposait presque d’évidence : Nardis, It Could Happen to You (agrémenté d’un interlude harmonique tiré d’un morceau de Joe Henderson dont le titre m’échappe), un blues… Plus étonnant – mais finalement pas tant que cela – fut la permanence de la musique classique dans son jeu, avec une introduction de Nardis d’un schumanisme à la puissance Rachmaninov, et une autre pour Dedication (une composition de Lenny White) où le premier mouvement de la fameuse Sonate en Ut K. 545 de Mozart fut réharmonisé de manière surprenante ; mais aussi la reprise du Vingtième prélude de Chopin (mais en fa), et le n° 1 des Scènes d’enfant de Schumann en bis. De ses deux accompagnateurs, ce fut Buster Williams qui fut le plus impressionnant. Tandis que Lenny White épurait son jeu à l’essentialité du swing jusque dans ses solos, Buster Williams démontra qu’il est encore un maître de son instrument, notamment par des solos très mélodiques, aérés et fluides.
2e partie : Wynton Marsalis & the Young Stars of Jazz
Wynton Marsalis, Anthony Hervey (tp), Sam Chess (tb), Patrick Bartley (as, cl), Julian Lee, Ruben Fox (ts), Gale Schnider (g), Joel Ross (vib), Mathis Picard (p), Russell Hall (cb), Kyle Poole (dm), Michela Marino Lerman (tap dance).
Alors ? Wynton a joué free, comme l’annonce le titre de ce post ? Vraiment ?
Et bien, oui ! Wynton a joué free. Une phrase. Mais quelle phrase ! Je l’ai remarquée. Elle m’a sauté aux oreilles. Pour le reste, ce fut davantage sur des rails, avec pour fil conducteur le répertoire de Duke Ellington, dont les arrangements de plusieurs pièces avaient été confiés aux jeunes musiciens composant l’orchestre, tels Happy Go Lucky Local et Creole Love Call par Julian Lee.
Je dois avouer que je fus d’abord sceptique en début de concert. Certes, il y avait une belle énergie, de la fougue dans les interprétations collectives. Mais je ne goûtais guère les personnalités pourtant fortes de chacun des solistes, sans doute parce que je les trouvais comme bridés par des codes à respecter, la police du swing étant tout à côté d’eux. Pourtant, le concert avançant, j’appréciais de plus en plus : le guitariste Gale Schnider, très ancré dans la tradition mais avec un je-ne-sais-quoi de moderne ; Anthony Hervey pour son habile équilibre entre l’approche marsalienne et celle d’Akinmusire de la trompette ; et surtout Patrick Bartley qui après un ou deux solos de bon aloi se lâcha de plus en plus et montra que son potentiel dépasse largement la simple copie. Quant au pianiste français Mathis Picard, il possède une technique épatante autant qu’un langage riche (curieusement, pourtant, il ne savait pas que l’on prononce « diouk » Ellington, et non « duc »…).
Très certainement pour ne pas faire d’ombre à ses protégés, Wynton Marsalis offrit peu de solos. Si ceux-ci furent bien sûr impeccables, je fus frappé par le son du trompettiste, ample, plein, puissant mais avec une belle rondeur.
Plus la soirée avança, plus la scène et la salle chauffèrent. La remarquable Michela Marino Lerman, qui trouva avec très grand naturel sa place dans l’ensemble instrumental, enflamma le public, et lorsque le batteur Herlin Riley monta sur scène pour donner C-Jam Blues, le titulaire de l’instrument, Kyle Poole, se mit à danser avec la danseuse de claquette, les deux plongeant ensuite dans le public avant de revenir en farandole sur scène accompagnés de plusieurs personnes attrapées au passage. Il est 1h30 du matin, le concert vient de s’achever. Comme les centaines de spectateurs sortant du chapiteau, Jean-Louis Guilhaumon a le sourire aux lèvres.
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Cela fait un quart de siècle que Wynton Marsalis se rend chaque année en terre gersoise répandre la bonne parole. Cette année, il est programmé deux fois au cours du festival Jazz in Marciac, dont une fois avec de jeunes musiciens par lui repérés.
Festival Jazz in Marciac
Dimanche 7 août 2016, Marciac (32), chapiteau
1e partie : Cyrus Chestnut, Buster Williams, Lenny White
Cyrus Chestnut (p), Buster Williams (cb), Lenny White (dm)
Avant la venue de Wynton Marsalis, la première partie de soirée avait été confiée à un trio pour piano et grands noms. Cyrus Chestnut a en effet une place moindre dans l’histoire du jazz que celles tenues respectivement par Buster Williams et Lenny White. Révélé en France au sein du groupe de Wynton Marsalis dès 1991, ayant fait ses armes auprès de grands anciens (Freddie Hubbard par exemple) et certains Young Lions de la décennie 1990, Cyrus Chestnut appartient à cette catégorie de pianistes qui poursuivent aujourd’hui la tradition des artisans d’excellence, ce qu’on nomme parfois les « musiciens pour musiciens », ou encore les « petits maîtres ». Rien de révolutionnaire dans son jeu donc – il s’inscrit dans un spectre stylistique allant d’Oscar Peterson et Bill Evans à McCoy Tyner ou Kenny Kirkland –, mais des interprétations toujours parfaitement ciselées. Pour apprécier – et faire apprécier – son jeu, la reprise de standards s’imposait presque d’évidence : Nardis, It Could Happen to You (agrémenté d’un interlude harmonique tiré d’un morceau de Joe Henderson dont le titre m’échappe), un blues… Plus étonnant – mais finalement pas tant que cela – fut la permanence de la musique classique dans son jeu, avec une introduction de Nardis d’un schumanisme à la puissance Rachmaninov, et une autre pour Dedication (une composition de Lenny White) où le premier mouvement de la fameuse Sonate en Ut K. 545 de Mozart fut réharmonisé de manière surprenante ; mais aussi la reprise du Vingtième prélude de Chopin (mais en fa), et le n° 1 des Scènes d’enfant de Schumann en bis. De ses deux accompagnateurs, ce fut Buster Williams qui fut le plus impressionnant. Tandis que Lenny White épurait son jeu à l’essentialité du swing jusque dans ses solos, Buster Williams démontra qu’il est encore un maître de son instrument, notamment par des solos très mélodiques, aérés et fluides.
2e partie : Wynton Marsalis & the Young Stars of Jazz
Wynton Marsalis, Anthony Hervey (tp), Sam Chess (tb), Patrick Bartley (as, cl), Julian Lee, Ruben Fox (ts), Gale Schnider (g), Joel Ross (vib), Mathis Picard (p), Russell Hall (cb), Kyle Poole (dm), Michela Marino Lerman (tap dance).
Alors ? Wynton a joué free, comme l’annonce le titre de ce post ? Vraiment ?
Et bien, oui ! Wynton a joué free. Une phrase. Mais quelle phrase ! Je l’ai remarquée. Elle m’a sauté aux oreilles. Pour le reste, ce fut davantage sur des rails, avec pour fil conducteur le répertoire de Duke Ellington, dont les arrangements de plusieurs pièces avaient été confiés aux jeunes musiciens composant l’orchestre, tels Happy Go Lucky Local et Creole Love Call par Julian Lee.
Je dois avouer que je fus d’abord sceptique en début de concert. Certes, il y avait une belle énergie, de la fougue dans les interprétations collectives. Mais je ne goûtais guère les personnalités pourtant fortes de chacun des solistes, sans doute parce que je les trouvais comme bridés par des codes à respecter, la police du swing étant tout à côté d’eux. Pourtant, le concert avançant, j’appréciais de plus en plus : le guitariste Gale Schnider, très ancré dans la tradition mais avec un je-ne-sais-quoi de moderne ; Anthony Hervey pour son habile équilibre entre l’approche marsalienne et celle d’Akinmusire de la trompette ; et surtout Patrick Bartley qui après un ou deux solos de bon aloi se lâcha de plus en plus et montra que son potentiel dépasse largement la simple copie. Quant au pianiste français Mathis Picard, il possède une technique épatante autant qu’un langage riche (curieusement, pourtant, il ne savait pas que l’on prononce « diouk » Ellington, et non « duc »…).
Très certainement pour ne pas faire d’ombre à ses protégés, Wynton Marsalis offrit peu de solos. Si ceux-ci furent bien sûr impeccables, je fus frappé par le son du trompettiste, ample, plein, puissant mais avec une belle rondeur.
Plus la soirée avança, plus la scène et la salle chauffèrent. La remarquable Michela Marino Lerman, qui trouva avec très grand naturel sa place dans l’ensemble instrumental, enflamma le public, et lorsque le batteur Herlin Riley monta sur scène pour donner C-Jam Blues, le titulaire de l’instrument, Kyle Poole, se mit à danser avec la danseuse de claquette, les deux plongeant ensuite dans le public avant de revenir en farandole sur scène accompagnés de plusieurs personnes attrapées au passage. Il est 1h30 du matin, le concert vient de s’achever. Comme les centaines de spectateurs sortant du chapiteau, Jean-Louis Guilhaumon a le sourire aux lèvres.
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Cela fait un quart de siècle que Wynton Marsalis se rend chaque année en terre gersoise répandre la bonne parole. Cette année, il est programmé deux fois au cours du festival Jazz in Marciac, dont une fois avec de jeunes musiciens par lui repérés.
Festival Jazz in Marciac
Dimanche 7 août 2016, Marciac (32), chapiteau
1e partie : Cyrus Chestnut, Buster Williams, Lenny White
Cyrus Chestnut (p), Buster Williams (cb), Lenny White (dm)
Avant la venue de Wynton Marsalis, la première partie de soirée avait été confiée à un trio pour piano et grands noms. Cyrus Chestnut a en effet une place moindre dans l’histoire du jazz que celles tenues respectivement par Buster Williams et Lenny White. Révélé en France au sein du groupe de Wynton Marsalis dès 1991, ayant fait ses armes auprès de grands anciens (Freddie Hubbard par exemple) et certains Young Lions de la décennie 1990, Cyrus Chestnut appartient à cette catégorie de pianistes qui poursuivent aujourd’hui la tradition des artisans d’excellence, ce qu’on nomme parfois les « musiciens pour musiciens », ou encore les « petits maîtres ». Rien de révolutionnaire dans son jeu donc – il s’inscrit dans un spectre stylistique allant d’Oscar Peterson et Bill Evans à McCoy Tyner ou Kenny Kirkland –, mais des interprétations toujours parfaitement ciselées. Pour apprécier – et faire apprécier – son jeu, la reprise de standards s’imposait presque d’évidence : Nardis, It Could Happen to You (agrémenté d’un interlude harmonique tiré d’un morceau de Joe Henderson dont le titre m’échappe), un blues… Plus étonnant – mais finalement pas tant que cela – fut la permanence de la musique classique dans son jeu, avec une introduction de Nardis d’un schumanisme à la puissance Rachmaninov, et une autre pour Dedication (une composition de Lenny White) où le premier mouvement de la fameuse Sonate en Ut K. 545 de Mozart fut réharmonisé de manière surprenante ; mais aussi la reprise du Vingtième prélude de Chopin (mais en fa), et le n° 1 des Scènes d’enfant de Schumann en bis. De ses deux accompagnateurs, ce fut Buster Williams qui fut le plus impressionnant. Tandis que Lenny White épurait son jeu à l’essentialité du swing jusque dans ses solos, Buster Williams démontra qu’il est encore un maître de son instrument, notamment par des solos très mélodiques, aérés et fluides.
2e partie : Wynton Marsalis & the Young Stars of Jazz
Wynton Marsalis, Anthony Hervey (tp), Sam Chess (tb), Patrick Bartley (as, cl), Julian Lee, Ruben Fox (ts), Gale Schnider (g), Joel Ross (vib), Mathis Picard (p), Russell Hall (cb), Kyle Poole (dm), Michela Marino Lerman (tap dance).
Alors ? Wynton a joué free, comme l’annonce le titre de ce post ? Vraiment ?
Et bien, oui ! Wynton a joué free. Une phrase. Mais quelle phrase ! Je l’ai remarquée. Elle m’a sauté aux oreilles. Pour le reste, ce fut davantage sur des rails, avec pour fil conducteur le répertoire de Duke Ellington, dont les arrangements de plusieurs pièces avaient été confiés aux jeunes musiciens composant l’orchestre, tels Happy Go Lucky Local et Creole Love Call par Julian Lee.
Je dois avouer que je fus d’abord sceptique en début de concert. Certes, il y avait une belle énergie, de la fougue dans les interprétations collectives. Mais je ne goûtais guère les personnalités pourtant fortes de chacun des solistes, sans doute parce que je les trouvais comme bridés par des codes à respecter, la police du swing étant tout à côté d’eux. Pourtant, le concert avançant, j’appréciais de plus en plus : le guitariste Gale Schnider, très ancré dans la tradition mais avec un je-ne-sais-quoi de moderne ; Anthony Hervey pour son habile équilibre entre l’approche marsalienne et celle d’Akinmusire de la trompette ; et surtout Patrick Bartley qui après un ou deux solos de bon aloi se lâcha de plus en plus et montra que son potentiel dépasse largement la simple copie. Quant au pianiste français Mathis Picard, il possède une technique épatante autant qu’un langage riche (curieusement, pourtant, il ne savait pas que l’on prononce « diouk » Ellington, et non « duc »…).
Très certainement pour ne pas faire d’ombre à ses protégés, Wynton Marsalis offrit peu de solos. Si ceux-ci furent bien sûr impeccables, je fus frappé par le son du trompettiste, ample, plein, puissant mais avec une belle rondeur.
Plus la soirée avança, plus la scène et la salle chauffèrent. La remarquable Michela Marino Lerman, qui trouva avec très grand naturel sa place dans l’ensemble instrumental, enflamma le public, et lorsque le batteur Herlin Riley monta sur scène pour donner C-Jam Blues, le titulaire de l’instrument, Kyle Poole, se mit à danser avec la danseuse de claquette, les deux plongeant ensuite dans le public avant de revenir en farandole sur scène accompagnés de plusieurs personnes attrapées au passage. Il est 1h30 du matin, le concert vient de s’achever. Comme les centaines de spectateurs sortant du chapiteau, Jean-Louis Guilhaumon a le sourire aux lèvres.
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Cela fait un quart de siècle que Wynton Marsalis se rend chaque année en terre gersoise répandre la bonne parole. Cette année, il est programmé deux fois au cours du festival Jazz in Marciac, dont une fois avec de jeunes musiciens par lui repérés.
Festival Jazz in Marciac
Dimanche 7 août 2016, Marciac (32), chapiteau
1e partie : Cyrus Chestnut, Buster Williams, Lenny White
Cyrus Chestnut (p), Buster Williams (cb), Lenny White (dm)
Avant la venue de Wynton Marsalis, la première partie de soirée avait été confiée à un trio pour piano et grands noms. Cyrus Chestnut a en effet une place moindre dans l’histoire du jazz que celles tenues respectivement par Buster Williams et Lenny White. Révélé en France au sein du groupe de Wynton Marsalis dès 1991, ayant fait ses armes auprès de grands anciens (Freddie Hubbard par exemple) et certains Young Lions de la décennie 1990, Cyrus Chestnut appartient à cette catégorie de pianistes qui poursuivent aujourd’hui la tradition des artisans d’excellence, ce qu’on nomme parfois les « musiciens pour musiciens », ou encore les « petits maîtres ». Rien de révolutionnaire dans son jeu donc – il s’inscrit dans un spectre stylistique allant d’Oscar Peterson et Bill Evans à McCoy Tyner ou Kenny Kirkland –, mais des interprétations toujours parfaitement ciselées. Pour apprécier – et faire apprécier – son jeu, la reprise de standards s’imposait presque d’évidence : Nardis, It Could Happen to You (agrémenté d’un interlude harmonique tiré d’un morceau de Joe Henderson dont le titre m’échappe), un blues… Plus étonnant – mais finalement pas tant que cela – fut la permanence de la musique classique dans son jeu, avec une introduction de Nardis d’un schumanisme à la puissance Rachmaninov, et une autre pour Dedication (une composition de Lenny White) où le premier mouvement de la fameuse Sonate en Ut K. 545 de Mozart fut réharmonisé de manière surprenante ; mais aussi la reprise du Vingtième prélude de Chopin (mais en fa), et le n° 1 des Scènes d’enfant de Schumann en bis. De ses deux accompagnateurs, ce fut Buster Williams qui fut le plus impressionnant. Tandis que Lenny White épurait son jeu à l’essentialité du swing jusque dans ses solos, Buster Williams démontra qu’il est encore un maître de son instrument, notamment par des solos très mélodiques, aérés et fluides.
2e partie : Wynton Marsalis & the Young Stars of Jazz
Wynton Marsalis, Anthony Hervey (tp), Sam Chess (tb), Patrick Bartley (as, cl), Julian Lee, Ruben Fox (ts), Gale Schnider (g), Joel Ross (vib), Mathis Picard (p), Russell Hall (cb), Kyle Poole (dm), Michela Marino Lerman (tap dance).
Alors ? Wynton a joué free, comme l’annonce le titre de ce post ? Vraiment ?
Et bien, oui ! Wynton a joué free. Une phrase. Mais quelle phrase ! Je l’ai remarquée. Elle m’a sauté aux oreilles. Pour le reste, ce fut davantage sur des rails, avec pour fil conducteur le répertoire de Duke Ellington, dont les arrangements de plusieurs pièces avaient été confiés aux jeunes musiciens composant l’orchestre, tels Happy Go Lucky Local et Creole Love Call par Julian Lee.
Je dois avouer que je fus d’abord sceptique en début de concert. Certes, il y avait une belle énergie, de la fougue dans les interprétations collectives. Mais je ne goûtais guère les personnalités pourtant fortes de chacun des solistes, sans doute parce que je les trouvais comme bridés par des codes à respecter, la police du swing étant tout à côté d’eux. Pourtant, le concert avançant, j’appréciais de plus en plus : le guitariste Gale Schnider, très ancré dans la tradition mais avec un je-ne-sais-quoi de moderne ; Anthony Hervey pour son habile équilibre entre l’approche marsalienne et celle d’Akinmusire de la trompette ; et surtout Patrick Bartley qui après un ou deux solos de bon aloi se lâcha de plus en plus et montra que son potentiel dépasse largement la simple copie. Quant au pianiste français Mathis Picard, il possède une technique épatante autant qu’un langage riche (curieusement, pourtant, il ne savait pas que l’on prononce « diouk » Ellington, et non « duc »…).
Très certainement pour ne pas faire d’ombre à ses protégés, Wynton Marsalis offrit peu de solos. Si ceux-ci furent bien sûr impeccables, je fus frappé par le son du trompettiste, ample, plein, puissant mais avec une belle rondeur.
Plus la soirée avança, plus la scène et la salle chauffèrent. La remarquable Michela Marino Lerman, qui trouva avec très grand naturel sa place dans l’ensemble instrumental, enflamma le public, et lorsque le batteur Herlin Riley monta sur scène pour donner C-Jam Blues, le titulaire de l’instrument, Kyle Poole, se mit à danser avec la danseuse de claquette, les deux plongeant ensuite dans le public avant de revenir en farandole sur scène accompagnés de plusieurs personnes attrapées au passage. Il est 1h30 du matin, le concert vient de s’achever. Comme les centaines de spectateurs sortant du chapiteau, Jean-Louis Guilhaumon a le sourire aux lèvres.