Jazz à Tourcoing (3): Cory Henry, Janus du Jazz
Sous la toile du Magic Mirror bondé djeuns ce soir il fait ronfler le vieil Hammond B3 d’un groove digne d’une église baptiste. Sa voix chaude, à peine voilée lâche des mots qu’un preacher ne renierait pas, surtout en ces temps US de la trempe de Trump. Cory Henry, funky en diable, chante « to find a new love it takes all time »
Hadar Noibeg (fl), Haggan Cohen Milo (b), Ofri Nehemya (dm)
Christian Mcbride (b), Christian Sands (p), Jerome Jennings (dm)
Cory Henry (org, keyb, voc), Cassandra James Kellam (voc) Nick Semlrad (keyb), Adam Agati (g), Sharay Reed (b), Cleon Edwards (dm)
Planète Jazz Festival, Théâtre Raymond Devos, Magic Mirror, Tourcoing, 20 octobre
Oui, il y a bel et bien des américains cette année à Tourcoing pour marquer une présence, une continuité du territoire de naissance du jazz en terre du nord. Un jazz dans différents états d’ailleurs. D’hier sinon de toujours. Peut-être de demain de par la présence d’une jeune garde.
On commence pourtant par une transplantation. Une jeune femme qui a quitté Israël et le confort de son Orchestre Philarmonique pour gagner les États Unis avec l’ambition d’y rencontrer le jazz. Elle ne manque pas de culot tiens cette musicienne de Tel Aviv désormais installée à New York. Mettre en place une musique sur scène à base de sa seule flûte face à une rythmique compacte, cela peut relever d’un pari sinon d’un challenge. Hadar Noiberg part de l’influence des musiques traditionnelles juives pour rebondir par et pour le jazz. Au travers de ses jeux d’impro. Elle insiste sur l’aspect rythmique. Pour ce faire elle va chercher batterie autant que basse au fond du tempo. Cette agrégation d’instruments donne la bonne pulsation donc les meilleurs moments. Ça demande à mûrir un peu mais cela fonctionne au final. Joli sonorité de flûte, claire, dynamique. Démarche prometteuse.
Question sonorité justement Christian McBride s’y entend sur sa contrebasse. Maîtrisée, précise, jusque dans les glissandos accélérés, ample juste ce qu’il faut quand il faut. Lignée des Ron Carter, Cecil McBee, Eddy Gomez...Ses deux coéquipiers ont été choisis pour -le jeune pianiste Christian Sands notamment, élève de Marian Mc Partland (et « protégé de Hank Jones » s’il faut en croire son leader) affichant une aisance, une virtuosité au clavier) pour rendre un boulot impeccable. Sur un matériau jazz pur jus (I mean you de Monk; Interlude, dev JJ Johnson) le trio sonne carré, compact. Tout bien ficelé, tempo, intro, solo. De la belle ouvrage autrefois Une sorte de jazz de collection étiqueté La Pléiade aujourd’hui. Deux façons d’analyser ce contenu. Celle du public du Théâtre Raymond Devos qui l’a reçu avec enthousiasme, plaisir pris, aussitôt rendu par acclamation. On peut tout aussi bien se demander, juste petit regard prospectif, quel résultat donnerait le talent individuel de jeunes musiciens comme le pianiste originaire de New Heaven Connecticut. -au passage Christian Sands portait entre pantalon un peu trop tiré et soulier chic à boucle de métal, des chaussettes au motif imprimé très voyant, produit tissé fin que n’auraient pas renié les patrons du textile type Prouvost ayant fait fortune dans le Nord au siècle dernier, et résidant pour certains dans un quartier cossu proche dans cette même ville Tourcoing. Mais ceci est une autre histoire..) ou de son complice du jour, Chris Jennings, plongés qu’ils seraient dans une musique à plus grand risque. Dans un bain d’objectif créatif. Ni plus, ni moins.
Cory Henry présente deux visages. Deux facettes du même musicien exposées sur la scène tourquennoise malgré sa jeune expérience. L’une puise à la source de la Gréât Black Music. L’autre fait son lit des accents numériques innervant les musiques improvisées d’aujourd’hui orientées vers des formes nouvelles. L’attrait de la voix, réminiscence de sa formation, de son goût pour la tradition de la soul music, et de son icône absolue Stewie Wonder, timbre les parties chantées d’accent profonds, de groove ( souligné dans une utilisation « classique » des deux claviers de l’orgue), de syncopes et ruptures rythmiques également, histoire de pimenter les moments de relances. Dans un tel contexte (Get Up, James Brown, Jamin Cuty Blues, Marvin Gaye) tout l’orchestre joue le jeu à fond, les deux choristes rentrées pour l’occasion en particulier, en vocal de réponses au chanteur. De quoi donner à une assistance chaudement prise en otage dans le mouvement l’occasion, premier plan comme l’arrière banc, de se déhancher pleinement. L’autre versant de la musique signée live Cory Henry le conduit vers un axe de recherche. L’exploration d’un matériau moins instinctif, plus cérébral dans lequel les instruments harmoniques (claviers, synthés, guitares) se libèrent en autant d’explosions de sonorités et d’énergie conjuguées. Sous les sollicitations du leader, Adam Agati (guitariste transfuge de la maison Marcus Milleri, habituel chevalier à ka triste figure, on l’a même surpris à sourire comblé dans son nouveau combo, mais oui !) comme Nick Semrad, claviériste juvénile à la casquette gyroscopique se lancent tour a tour volontiers dans de longues échappées belles à forte saturation. Travail de groupe, formatage autour de sons synthétisés: en chef d’orchestre décideur, Cory Henry dirige les niveaux de volume, les phases de tensions. Et d’effets. Avant de revenir, plein swing au mode initial music and dance. Donc au groove intégral. Boucle bouclée au bout de plus de deux heures et demie de concert et moult rappels à la clef.
Ce niveau d’éclectisme made in Tourcoing, Yann Subts, le boss (et programmateur du Jazz Club fonctionnant toute l’année à la Maison Folie Hospice d’Havré) comme Patrick Dréan, Directeur Artistique du festival le revendiquent sans ambage « Il s’agit, par et pour la découverte du public, de montrer le jazz dans tous ses états » Au point d’innover, phase expérimentale spécifique cette année, en programmant en journée des petits déjeuners puis des siestes musicales. En matière de jazz, l’important c’est de ne pas perdre le Nord.
Robert Latxague
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Sous la toile du Magic Mirror bondé djeuns ce soir il fait ronfler le vieil Hammond B3 d’un groove digne d’une église baptiste. Sa voix chaude, à peine voilée lâche des mots qu’un preacher ne renierait pas, surtout en ces temps US de la trempe de Trump. Cory Henry, funky en diable, chante « to find a new love it takes all time »
Hadar Noibeg (fl), Haggan Cohen Milo (b), Ofri Nehemya (dm)
Christian Mcbride (b), Christian Sands (p), Jerome Jennings (dm)
Cory Henry (org, keyb, voc), Cassandra James Kellam (voc) Nick Semlrad (keyb), Adam Agati (g), Sharay Reed (b), Cleon Edwards (dm)
Planète Jazz Festival, Théâtre Raymond Devos, Magic Mirror, Tourcoing, 20 octobre
Oui, il y a bel et bien des américains cette année à Tourcoing pour marquer une présence, une continuité du territoire de naissance du jazz en terre du nord. Un jazz dans différents états d’ailleurs. D’hier sinon de toujours. Peut-être de demain de par la présence d’une jeune garde.
On commence pourtant par une transplantation. Une jeune femme qui a quitté Israël et le confort de son Orchestre Philarmonique pour gagner les États Unis avec l’ambition d’y rencontrer le jazz. Elle ne manque pas de culot tiens cette musicienne de Tel Aviv désormais installée à New York. Mettre en place une musique sur scène à base de sa seule flûte face à une rythmique compacte, cela peut relever d’un pari sinon d’un challenge. Hadar Noiberg part de l’influence des musiques traditionnelles juives pour rebondir par et pour le jazz. Au travers de ses jeux d’impro. Elle insiste sur l’aspect rythmique. Pour ce faire elle va chercher batterie autant que basse au fond du tempo. Cette agrégation d’instruments donne la bonne pulsation donc les meilleurs moments. Ça demande à mûrir un peu mais cela fonctionne au final. Joli sonorité de flûte, claire, dynamique. Démarche prometteuse.
Question sonorité justement Christian McBride s’y entend sur sa contrebasse. Maîtrisée, précise, jusque dans les glissandos accélérés, ample juste ce qu’il faut quand il faut. Lignée des Ron Carter, Cecil McBee, Eddy Gomez...Ses deux coéquipiers ont été choisis pour -le jeune pianiste Christian Sands notamment, élève de Marian Mc Partland (et « protégé de Hank Jones » s’il faut en croire son leader) affichant une aisance, une virtuosité au clavier) pour rendre un boulot impeccable. Sur un matériau jazz pur jus (I mean you de Monk; Interlude, dev JJ Johnson) le trio sonne carré, compact. Tout bien ficelé, tempo, intro, solo. De la belle ouvrage autrefois Une sorte de jazz de collection étiqueté La Pléiade aujourd’hui. Deux façons d’analyser ce contenu. Celle du public du Théâtre Raymond Devos qui l’a reçu avec enthousiasme, plaisir pris, aussitôt rendu par acclamation. On peut tout aussi bien se demander, juste petit regard prospectif, quel résultat donnerait le talent individuel de jeunes musiciens comme le pianiste originaire de New Heaven Connecticut. -au passage Christian Sands portait entre pantalon un peu trop tiré et soulier chic à boucle de métal, des chaussettes au motif imprimé très voyant, produit tissé fin que n’auraient pas renié les patrons du textile type Prouvost ayant fait fortune dans le Nord au siècle dernier, et résidant pour certains dans un quartier cossu proche dans cette même ville Tourcoing. Mais ceci est une autre histoire..) ou de son complice du jour, Chris Jennings, plongés qu’ils seraient dans une musique à plus grand risque. Dans un bain d’objectif créatif. Ni plus, ni moins.
Cory Henry présente deux visages. Deux facettes du même musicien exposées sur la scène tourquennoise malgré sa jeune expérience. L’une puise à la source de la Gréât Black Music. L’autre fait son lit des accents numériques innervant les musiques improvisées d’aujourd’hui orientées vers des formes nouvelles. L’attrait de la voix, réminiscence de sa formation, de son goût pour la tradition de la soul music, et de son icône absolue Stewie Wonder, timbre les parties chantées d’accent profonds, de groove ( souligné dans une utilisation « classique » des deux claviers de l’orgue), de syncopes et ruptures rythmiques également, histoire de pimenter les moments de relances. Dans un tel contexte (Get Up, James Brown, Jamin Cuty Blues, Marvin Gaye) tout l’orchestre joue le jeu à fond, les deux choristes rentrées pour l’occasion en particulier, en vocal de réponses au chanteur. De quoi donner à une assistance chaudement prise en otage dans le mouvement l’occasion, premier plan comme l’arrière banc, de se déhancher pleinement. L’autre versant de la musique signée live Cory Henry le conduit vers un axe de recherche. L’exploration d’un matériau moins instinctif, plus cérébral dans lequel les instruments harmoniques (claviers, synthés, guitares) se libèrent en autant d’explosions de sonorités et d’énergie conjuguées. Sous les sollicitations du leader, Adam Agati (guitariste transfuge de la maison Marcus Milleri, habituel chevalier à ka triste figure, on l’a même surpris à sourire comblé dans son nouveau combo, mais oui !) comme Nick Semrad, claviériste juvénile à la casquette gyroscopique se lancent tour a tour volontiers dans de longues échappées belles à forte saturation. Travail de groupe, formatage autour de sons synthétisés: en chef d’orchestre décideur, Cory Henry dirige les niveaux de volume, les phases de tensions. Et d’effets. Avant de revenir, plein swing au mode initial music and dance. Donc au groove intégral. Boucle bouclée au bout de plus de deux heures et demie de concert et moult rappels à la clef.
Ce niveau d’éclectisme made in Tourcoing, Yann Subts, le boss (et programmateur du Jazz Club fonctionnant toute l’année à la Maison Folie Hospice d’Havré) comme Patrick Dréan, Directeur Artistique du festival le revendiquent sans ambage « Il s’agit, par et pour la découverte du public, de montrer le jazz dans tous ses états » Au point d’innover, phase expérimentale spécifique cette année, en programmant en journée des petits déjeuners puis des siestes musicales. En matière de jazz, l’important c’est de ne pas perdre le Nord.
Robert Latxague
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Sous la toile du Magic Mirror bondé djeuns ce soir il fait ronfler le vieil Hammond B3 d’un groove digne d’une église baptiste. Sa voix chaude, à peine voilée lâche des mots qu’un preacher ne renierait pas, surtout en ces temps US de la trempe de Trump. Cory Henry, funky en diable, chante « to find a new love it takes all time »
Hadar Noibeg (fl), Haggan Cohen Milo (b), Ofri Nehemya (dm)
Christian Mcbride (b), Christian Sands (p), Jerome Jennings (dm)
Cory Henry (org, keyb, voc), Cassandra James Kellam (voc) Nick Semlrad (keyb), Adam Agati (g), Sharay Reed (b), Cleon Edwards (dm)
Planète Jazz Festival, Théâtre Raymond Devos, Magic Mirror, Tourcoing, 20 octobre
Oui, il y a bel et bien des américains cette année à Tourcoing pour marquer une présence, une continuité du territoire de naissance du jazz en terre du nord. Un jazz dans différents états d’ailleurs. D’hier sinon de toujours. Peut-être de demain de par la présence d’une jeune garde.
On commence pourtant par une transplantation. Une jeune femme qui a quitté Israël et le confort de son Orchestre Philarmonique pour gagner les États Unis avec l’ambition d’y rencontrer le jazz. Elle ne manque pas de culot tiens cette musicienne de Tel Aviv désormais installée à New York. Mettre en place une musique sur scène à base de sa seule flûte face à une rythmique compacte, cela peut relever d’un pari sinon d’un challenge. Hadar Noiberg part de l’influence des musiques traditionnelles juives pour rebondir par et pour le jazz. Au travers de ses jeux d’impro. Elle insiste sur l’aspect rythmique. Pour ce faire elle va chercher batterie autant que basse au fond du tempo. Cette agrégation d’instruments donne la bonne pulsation donc les meilleurs moments. Ça demande à mûrir un peu mais cela fonctionne au final. Joli sonorité de flûte, claire, dynamique. Démarche prometteuse.
Question sonorité justement Christian McBride s’y entend sur sa contrebasse. Maîtrisée, précise, jusque dans les glissandos accélérés, ample juste ce qu’il faut quand il faut. Lignée des Ron Carter, Cecil McBee, Eddy Gomez...Ses deux coéquipiers ont été choisis pour -le jeune pianiste Christian Sands notamment, élève de Marian Mc Partland (et « protégé de Hank Jones » s’il faut en croire son leader) affichant une aisance, une virtuosité au clavier) pour rendre un boulot impeccable. Sur un matériau jazz pur jus (I mean you de Monk; Interlude, dev JJ Johnson) le trio sonne carré, compact. Tout bien ficelé, tempo, intro, solo. De la belle ouvrage autrefois Une sorte de jazz de collection étiqueté La Pléiade aujourd’hui. Deux façons d’analyser ce contenu. Celle du public du Théâtre Raymond Devos qui l’a reçu avec enthousiasme, plaisir pris, aussitôt rendu par acclamation. On peut tout aussi bien se demander, juste petit regard prospectif, quel résultat donnerait le talent individuel de jeunes musiciens comme le pianiste originaire de New Heaven Connecticut. -au passage Christian Sands portait entre pantalon un peu trop tiré et soulier chic à boucle de métal, des chaussettes au motif imprimé très voyant, produit tissé fin que n’auraient pas renié les patrons du textile type Prouvost ayant fait fortune dans le Nord au siècle dernier, et résidant pour certains dans un quartier cossu proche dans cette même ville Tourcoing. Mais ceci est une autre histoire..) ou de son complice du jour, Chris Jennings, plongés qu’ils seraient dans une musique à plus grand risque. Dans un bain d’objectif créatif. Ni plus, ni moins.
Cory Henry présente deux visages. Deux facettes du même musicien exposées sur la scène tourquennoise malgré sa jeune expérience. L’une puise à la source de la Gréât Black Music. L’autre fait son lit des accents numériques innervant les musiques improvisées d’aujourd’hui orientées vers des formes nouvelles. L’attrait de la voix, réminiscence de sa formation, de son goût pour la tradition de la soul music, et de son icône absolue Stewie Wonder, timbre les parties chantées d’accent profonds, de groove ( souligné dans une utilisation « classique » des deux claviers de l’orgue), de syncopes et ruptures rythmiques également, histoire de pimenter les moments de relances. Dans un tel contexte (Get Up, James Brown, Jamin Cuty Blues, Marvin Gaye) tout l’orchestre joue le jeu à fond, les deux choristes rentrées pour l’occasion en particulier, en vocal de réponses au chanteur. De quoi donner à une assistance chaudement prise en otage dans le mouvement l’occasion, premier plan comme l’arrière banc, de se déhancher pleinement. L’autre versant de la musique signée live Cory Henry le conduit vers un axe de recherche. L’exploration d’un matériau moins instinctif, plus cérébral dans lequel les instruments harmoniques (claviers, synthés, guitares) se libèrent en autant d’explosions de sonorités et d’énergie conjuguées. Sous les sollicitations du leader, Adam Agati (guitariste transfuge de la maison Marcus Milleri, habituel chevalier à ka triste figure, on l’a même surpris à sourire comblé dans son nouveau combo, mais oui !) comme Nick Semrad, claviériste juvénile à la casquette gyroscopique se lancent tour a tour volontiers dans de longues échappées belles à forte saturation. Travail de groupe, formatage autour de sons synthétisés: en chef d’orchestre décideur, Cory Henry dirige les niveaux de volume, les phases de tensions. Et d’effets. Avant de revenir, plein swing au mode initial music and dance. Donc au groove intégral. Boucle bouclée au bout de plus de deux heures et demie de concert et moult rappels à la clef.
Ce niveau d’éclectisme made in Tourcoing, Yann Subts, le boss (et programmateur du Jazz Club fonctionnant toute l’année à la Maison Folie Hospice d’Havré) comme Patrick Dréan, Directeur Artistique du festival le revendiquent sans ambage « Il s’agit, par et pour la découverte du public, de montrer le jazz dans tous ses états » Au point d’innover, phase expérimentale spécifique cette année, en programmant en journée des petits déjeuners puis des siestes musicales. En matière de jazz, l’important c’est de ne pas perdre le Nord.
Robert Latxague
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Sous la toile du Magic Mirror bondé djeuns ce soir il fait ronfler le vieil Hammond B3 d’un groove digne d’une église baptiste. Sa voix chaude, à peine voilée lâche des mots qu’un preacher ne renierait pas, surtout en ces temps US de la trempe de Trump. Cory Henry, funky en diable, chante « to find a new love it takes all time »
Hadar Noibeg (fl), Haggan Cohen Milo (b), Ofri Nehemya (dm)
Christian Mcbride (b), Christian Sands (p), Jerome Jennings (dm)
Cory Henry (org, keyb, voc), Cassandra James Kellam (voc) Nick Semlrad (keyb), Adam Agati (g), Sharay Reed (b), Cleon Edwards (dm)
Planète Jazz Festival, Théâtre Raymond Devos, Magic Mirror, Tourcoing, 20 octobre
Oui, il y a bel et bien des américains cette année à Tourcoing pour marquer une présence, une continuité du territoire de naissance du jazz en terre du nord. Un jazz dans différents états d’ailleurs. D’hier sinon de toujours. Peut-être de demain de par la présence d’une jeune garde.
On commence pourtant par une transplantation. Une jeune femme qui a quitté Israël et le confort de son Orchestre Philarmonique pour gagner les États Unis avec l’ambition d’y rencontrer le jazz. Elle ne manque pas de culot tiens cette musicienne de Tel Aviv désormais installée à New York. Mettre en place une musique sur scène à base de sa seule flûte face à une rythmique compacte, cela peut relever d’un pari sinon d’un challenge. Hadar Noiberg part de l’influence des musiques traditionnelles juives pour rebondir par et pour le jazz. Au travers de ses jeux d’impro. Elle insiste sur l’aspect rythmique. Pour ce faire elle va chercher batterie autant que basse au fond du tempo. Cette agrégation d’instruments donne la bonne pulsation donc les meilleurs moments. Ça demande à mûrir un peu mais cela fonctionne au final. Joli sonorité de flûte, claire, dynamique. Démarche prometteuse.
Question sonorité justement Christian McBride s’y entend sur sa contrebasse. Maîtrisée, précise, jusque dans les glissandos accélérés, ample juste ce qu’il faut quand il faut. Lignée des Ron Carter, Cecil McBee, Eddy Gomez...Ses deux coéquipiers ont été choisis pour -le jeune pianiste Christian Sands notamment, élève de Marian Mc Partland (et « protégé de Hank Jones » s’il faut en croire son leader) affichant une aisance, une virtuosité au clavier) pour rendre un boulot impeccable. Sur un matériau jazz pur jus (I mean you de Monk; Interlude, dev JJ Johnson) le trio sonne carré, compact. Tout bien ficelé, tempo, intro, solo. De la belle ouvrage autrefois Une sorte de jazz de collection étiqueté La Pléiade aujourd’hui. Deux façons d’analyser ce contenu. Celle du public du Théâtre Raymond Devos qui l’a reçu avec enthousiasme, plaisir pris, aussitôt rendu par acclamation. On peut tout aussi bien se demander, juste petit regard prospectif, quel résultat donnerait le talent individuel de jeunes musiciens comme le pianiste originaire de New Heaven Connecticut. -au passage Christian Sands portait entre pantalon un peu trop tiré et soulier chic à boucle de métal, des chaussettes au motif imprimé très voyant, produit tissé fin que n’auraient pas renié les patrons du textile type Prouvost ayant fait fortune dans le Nord au siècle dernier, et résidant pour certains dans un quartier cossu proche dans cette même ville Tourcoing. Mais ceci est une autre histoire..) ou de son complice du jour, Chris Jennings, plongés qu’ils seraient dans une musique à plus grand risque. Dans un bain d’objectif créatif. Ni plus, ni moins.
Cory Henry présente deux visages. Deux facettes du même musicien exposées sur la scène tourquennoise malgré sa jeune expérience. L’une puise à la source de la Gréât Black Music. L’autre fait son lit des accents numériques innervant les musiques improvisées d’aujourd’hui orientées vers des formes nouvelles. L’attrait de la voix, réminiscence de sa formation, de son goût pour la tradition de la soul music, et de son icône absolue Stewie Wonder, timbre les parties chantées d’accent profonds, de groove ( souligné dans une utilisation « classique » des deux claviers de l’orgue), de syncopes et ruptures rythmiques également, histoire de pimenter les moments de relances. Dans un tel contexte (Get Up, James Brown, Jamin Cuty Blues, Marvin Gaye) tout l’orchestre joue le jeu à fond, les deux choristes rentrées pour l’occasion en particulier, en vocal de réponses au chanteur. De quoi donner à une assistance chaudement prise en otage dans le mouvement l’occasion, premier plan comme l’arrière banc, de se déhancher pleinement. L’autre versant de la musique signée live Cory Henry le conduit vers un axe de recherche. L’exploration d’un matériau moins instinctif, plus cérébral dans lequel les instruments harmoniques (claviers, synthés, guitares) se libèrent en autant d’explosions de sonorités et d’énergie conjuguées. Sous les sollicitations du leader, Adam Agati (guitariste transfuge de la maison Marcus Milleri, habituel chevalier à ka triste figure, on l’a même surpris à sourire comblé dans son nouveau combo, mais oui !) comme Nick Semrad, claviériste juvénile à la casquette gyroscopique se lancent tour a tour volontiers dans de longues échappées belles à forte saturation. Travail de groupe, formatage autour de sons synthétisés: en chef d’orchestre décideur, Cory Henry dirige les niveaux de volume, les phases de tensions. Et d’effets. Avant de revenir, plein swing au mode initial music and dance. Donc au groove intégral. Boucle bouclée au bout de plus de deux heures et demie de concert et moult rappels à la clef.
Ce niveau d’éclectisme made in Tourcoing, Yann Subts, le boss (et programmateur du Jazz Club fonctionnant toute l’année à la Maison Folie Hospice d’Havré) comme Patrick Dréan, Directeur Artistique du festival le revendiquent sans ambage « Il s’agit, par et pour la découverte du public, de montrer le jazz dans tous ses états » Au point d’innover, phase expérimentale spécifique cette année, en programmant en journée des petits déjeuners puis des siestes musicales. En matière de jazz, l’important c’est de ne pas perdre le Nord.
Robert Latxague