"Old and New Songs" au Petit faucheux (Tours)
« Old and New Songs » : Yoann Loustalot (tp, flh), François Chesnel (p), Frédéric Chiffoleau (b), Christophe Marguet (d), Tours, Le Petit faucheux, samedi 22 octobre.
Le tout nouveau quartette du trompettiste Yoann Loustalot et de son complice François Chesnel proposait hier soir aux tourangeaux une alternative à la musique ancienne qui déferle ces jours-ci sur la ville, avec des « Concerts d’automne » programmant les meilleurs ensembles spécialisés.
J’ai donc dédaigné les polyphonies de la Renaissance et l’Ensemble Jacques Moderne, alléché tant par l’affiche que par le projet lui-même de ces « Old and New Songs », « puisant son répertoire dans les chansons populaires et folkloriques d’époques et d’origines variées ». Un projet mûri par une double résidence portée par la Drac Région Centre-Val de Loire et l’ADAMI, d’abord au Luisant à Germigny (Cher) en mai dernier, puis au Petit faucheux de Tours la semaine précédant la création, des partenaires et un dispositif précieux grâce auxquels on a pu entendre un niveau de préparation et de cohésion extraordinaire pour un premier concert. Loin d’une rencontre de circonstance, ces quatre là ont eu le temps de se trouver, ou se retrouver pour extraire patiemment tous les sucs d’une matière mélodique d’origine populaire ou folklorique puisée par chacun d’eux dans leurs mémoires, ou rapportées de leurs voyages. Quelques exemples, dans l’ordre où on les a entendus : Une jeune fillette (France, Jean Chardavoine 1576), Mellan Branta Stränder (traditionnel suédois), Stepp Min Stepp (trad. russe), La belle s’en va au jardin d’amour (trad. français), La Romanella (Naples), Oshima Anko Bushi (Japon) ou Dura Memoria (Amalia Rodriguez, Portugal). Des pièces de Villa-Lobos (Aria Cantilena) ou Bartok (4e Danse Roumaine) apparaissent également, le lien se formant le plus naturellement possible autour de la réactivation par le jeu de toute l’oralité contenue dans ces matériaux épars. La cohésion tient aussi, si ce n’est d’abord, dans un son de groupe où se fondent et s’équilibrent le timbre un rien voilé et crépusculaire de la trompette et du bugle et celui plus cristallin et coloré d’harmonies impressionnistes du piano, sous le contrôle (et avec un dosage impressionnant dans les dynamiques) d’une percussion jamais envahissante délivrant une pluralité de sensations dans l’écoulement du temps. Bien que parfois privée de rondeur, la contrebasse de Frédéric Chiffoleau n’en fond pas moins ses lignes avec souplesse dans la trame collective, soutenant l’édifice de sa présence et de son autorité.
Il est passionnant de suivre et de poursuivre les mélodies servant de point de départ dans leur devenir au sein de la polyphonie, au gré des unissons, imitations, déphasages parfois subtils (entre les deux mains du pianiste par exemple) ou réminiscences purement rythmiques sur les peaux ou les cymbales, ou d’apercevoir ces thèmes comme surgissant in fine de la conversation improvisée. Les excursions purement solistes sont rares et jamais démonstratives, mais lumineuses et pertinentes chez chacun, à l’image d’un François Chesnel toujours inspiré. Un pont intelligemment offert entre la géographie et l’histoire de l’oralité musicale, réussissant l’appropriation collective d’une matière à la provenance si diverse, sans pour autant la décolorer ou la neutraliser par une actualisation forcée. Il y a de quoi redire tout le bien qu’on pense des dispositifs d’aide à la création comme celui qui a permis ce travail, souhaiter que ces « Old and New Songs » résonnent sur beaucoup de scènes européennes, et attendre impatiemment le CD, enregistré en avril prochain et prévu pour octobre 2017 sur le label Bruit Chic (L’autre distribution). Vincent Cotro
Crédit photos : Camille Nivollet|« Old and New Songs » : Yoann Loustalot (tp, flh), François Chesnel (p), Frédéric Chiffoleau (b), Christophe Marguet (d), Tours, Le Petit faucheux, samedi 22 octobre.
Le tout nouveau quartette du trompettiste Yoann Loustalot et de son complice François Chesnel proposait hier soir aux tourangeaux une alternative à la musique ancienne qui déferle ces jours-ci sur la ville, avec des « Concerts d’automne » programmant les meilleurs ensembles spécialisés.
J’ai donc dédaigné les polyphonies de la Renaissance et l’Ensemble Jacques Moderne, alléché tant par l’affiche que par le projet lui-même de ces « Old and New Songs », « puisant son répertoire dans les chansons populaires et folkloriques d’époques et d’origines variées ». Un projet mûri par une double résidence portée par la Drac Région Centre-Val de Loire et l’ADAMI, d’abord au Luisant à Germigny (Cher) en mai dernier, puis au Petit faucheux de Tours la semaine précédant la création, des partenaires et un dispositif précieux grâce auxquels on a pu entendre un niveau de préparation et de cohésion extraordinaire pour un premier concert. Loin d’une rencontre de circonstance, ces quatre là ont eu le temps de se trouver, ou se retrouver pour extraire patiemment tous les sucs d’une matière mélodique d’origine populaire ou folklorique puisée par chacun d’eux dans leurs mémoires, ou rapportées de leurs voyages. Quelques exemples, dans l’ordre où on les a entendus : Une jeune fillette (France, Jean Chardavoine 1576), Mellan Branta Stränder (traditionnel suédois), Stepp Min Stepp (trad. russe), La belle s’en va au jardin d’amour (trad. français), La Romanella (Naples), Oshima Anko Bushi (Japon) ou Dura Memoria (Amalia Rodriguez, Portugal). Des pièces de Villa-Lobos (Aria Cantilena) ou Bartok (4e Danse Roumaine) apparaissent également, le lien se formant le plus naturellement possible autour de la réactivation par le jeu de toute l’oralité contenue dans ces matériaux épars. La cohésion tient aussi, si ce n’est d’abord, dans un son de groupe où se fondent et s’équilibrent le timbre un rien voilé et crépusculaire de la trompette et du bugle et celui plus cristallin et coloré d’harmonies impressionnistes du piano, sous le contrôle (et avec un dosage impressionnant dans les dynamiques) d’une percussion jamais envahissante délivrant une pluralité de sensations dans l’écoulement du temps. Bien que parfois privée de rondeur, la contrebasse de Frédéric Chiffoleau n’en fond pas moins ses lignes avec souplesse dans la trame collective, soutenant l’édifice de sa présence et de son autorité.
Il est passionnant de suivre et de poursuivre les mélodies servant de point de départ dans leur devenir au sein de la polyphonie, au gré des unissons, imitations, déphasages parfois subtils (entre les deux mains du pianiste par exemple) ou réminiscences purement rythmiques sur les peaux ou les cymbales, ou d’apercevoir ces thèmes comme surgissant in fine de la conversation improvisée. Les excursions purement solistes sont rares et jamais démonstratives, mais lumineuses et pertinentes chez chacun, à l’image d’un François Chesnel toujours inspiré. Un pont intelligemment offert entre la géographie et l’histoire de l’oralité musicale, réussissant l’appropriation collective d’une matière à la provenance si diverse, sans pour autant la décolorer ou la neutraliser par une actualisation forcée. Il y a de quoi redire tout le bien qu’on pense des dispositifs d’aide à la création comme celui qui a permis ce travail, souhaiter que ces « Old and New Songs » résonnent sur beaucoup de scènes européennes, et attendre impatiemment le CD, enregistré en avril prochain et prévu pour octobre 2017 sur le label Bruit Chic (L’autre distribution). Vincent Cotro
Crédit photos : Camille Nivollet