D’JAZZ NEVERS : La Scala, Acoustic Lousadzak, Anne Alvaro & Trio Raulin/Corneloup/Lopez, et le trompettiste Avishai Cohen
11 novembre 2016 : temps d’Armistice, mais belle journée musicale. Le festival nous fait encore parcourir des territoires peu explorés, entre nouvelle génération turbulente (mais ô combien talentueuse), jazz de chambre avec poésie, anthropologie amérindienne et scène new-yorkaise.
LA SCALA
Roberto Negro (piano), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Adrien Chennebaut (batterie)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15
Ces encore jeunes gens parcourent avec passion les degrés de l’art musical et de l’expression. Du jazz de chambre à l’énergie du rock progressif, du souvenir de Bartók aux boucles entêtantes de la musique répétitive, rien ne leur échappe. Ils se lancent sur chaque piste, pour aussitôt bifurquer, dans des transitions contrastées, pour nous tenir en haleine, sous l’empire de leur créativité de l’instant. Orfèvrerie musicale aussi bien qu’instrumentale, ce parcours virtuose repose davantage sur la pensée que sur les réflexes instrumentaux, car leur maîtrise les préserve de l’ostentation et leur permet de rester, à chaque seconde, à un niveau de conscience et de concentration qui ne brime nullement la spontanéité. Et au bout de ce parcours haletant, ils nous laissent pantelants, émerveillés….
ACOUSTIC LOUSADZAK
Géraldine Keller (voix), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (violon alto), Roland Pinsard (clarinette, clarinette basse), Jean-Marc Foltz (clarinette), Fabrice Martinez (trompette, trompette piccolo, bugle), Stéphan Oliva (piano), Rémi Charmasson (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Edward Perraud (batterie, percussions, objets sonores)
Espace Stéphane Hessel, 18h30
Sur des textes d’Agota Kristof, adaptés par Christine Roillet, Claude Tchamitchian a bâti, avec cette nouvelle mouture de son grand ensemble, une suite à tiroirs où s’épanchent les choses de la vie, de l’angoisse d’être, et de mourir, aux lumières de l’amour et du rêve. Instrumentation très singulière, lyrisme affiché, et assumé, le chemin nous conduit de la musique de chambre aux effets appuyés du rock progressif, de l’ostinato des formes répétitives aux escapades, parfois fulgurantes, de l’improvisation. Des lignes mélodiques sinueuses sur déploient sur une trame harmonique parfois minimale, et cyclique. Belle présence de Géraldine Keller, entre diction et débordements expressionnistes et improvisés, prééminence de certains improvisateurs, parfois au détriment d’autres instruments, moins présents dans le support écrit comme dans l’espace improvisé. Belle retenue du compositeur en tant qu’instrumentiste, qui fournit une assise solide tout au long du concert, mais qui évite de s’octroyer la part du lion comme soliste, reportant en fin de concert sa part improvisée. Après « Traces » et son cortège de mémoire arménienne, une nouvelle étape sur le chemin de Claude Tchamitchian, qui se concrétise par un disque enregistré en juin dernier, déjà fabriqué, et disponible pour ceux qui assistaient au concert, et dont la sortie officielle est prévue en janvier2017 (« Need Eden », émouvance / Absilone)
ANNE ALVARO & le trio RAULIN/CORNELOUP/LOPEZ
« Restez, je m’en vais »
Anne Alvaro (récitante), François Raulin (piano, mbira, composition), François Corneloup (saxophones soprano et baryton), Ramon Lopez (batterie, percussions)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 20h30
François Raulin montre au public la photo de Ishi, ultime survivant de la tribu des Yahis, exterminée en 1911 par les colons de Californie
Un projet né du désir de François Raulin d’évoquer musicalement Ishi (dans son dialecte des Indiens Yanas, l’homme), dernier survivant d’une tribu exterminée en 1911 par les colons de Californie. Et l’idée a germé de mettre la musique en relation avec le récit de cette vie ; un récit issu des entretiens d’anthropologues avec Ishi, enregistrés sur cylindre phonographique. La comédienne Anne Alvaro a participé activement au choix des extraits. Et l’objet final conjugue une musique véhémente (à l’image de ses interprètes-improvisateurs) avec le texte propulsé par Anne Alvaro dans une sorte de danse de la voix et du corps. C’est comme une prosodie syncopée, qui suit les circonvolutions de la musique, ses rythmes et ses accents. La conjonction entre texte et musique est admirable, c’est comme un requiem de colère et d’espoir pour l’ultime survivant du peuple Yahi, peuple qui s’éteindra avec lui, au printemps de 1916. À la fin du concert on entend la voix d’Ishi, captée sur ces enregistrements. Il chante un chant traditionnel, que les artistes sur scène vont reprendre avec lui, accompagnés par les tambours de Ramon Lopez, et par un autre tambour joué par Anne Alvaro. Et sous les vivats du public, pendant le salut final, François Raulin brandit une photographie d’Ishi, ultime trace d’un homme qui porte avec lui le destin tragique d’un peuple.
Le témoignage d’Ishi, recueilli au début du XXème siècle par quatre anthropologues, a été transcrit en volume par la femme de l’un deux, Theodora Kroeber, sous le titre Ishi : Testament du dernier Indien sauvage d’Amérique du Nord (Plon, Terres Humaines, 1968). Et la traduction en avait été faites par le regretté Jacques B. Hess, philosophe de formation, ami de Lucien Malson et d’André Hodeir, chroniqueur à Jazz Hot et à Jazz Magazine, (ses chroniques ont été reprises : Hess-O-Jess, chroniques 1966-1971, Alter Ego éditions, 2103). Contrebassiste, Jacques Bernard Hess avait joué avec Claude Bolling et beaucoup d’autres, dont Duke Ellington dans l’orchestre duquel il a fait un remplacement pour une tournée. C’est lui qui fut le premier enseignant de jazz au département de musicologie de la Sorbonne. Il y a donc une sorte de hasard objectif dans le fait qu’aujourd’hui le jazz rencontre Ishi.
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On porra le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission Jazz Club le samedi 12 novembre à 19h, réécoutable en ligne
AVISHAI COHEN QUARTET
Avishai Cohen (trompette), Yonathan Avishai (piano, Yoni Zelnik (contrebasse), Jonathan Blake (batterie)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 22h30
Deux remplaçants dans un quartette, cela se remarque, en tout cas en début de concert. Les nouveaux venus ont un peu « le nez dans le guidon », ou plutôt dans les partitions. Mais très vite l’aisance va s’installer. Et le concert déroule le programme du disque en quintette paru au printemps dernier (« Into the Silence », ECM). Atmosphère recueillie, tempo lent, phrasé aérien, mais très expressif, sonorité troublante : la musique respire, on se laisse emporter. Ici une longue introduction de pianiste, mesurée, un peu laborieuse. Là un solo de batterie un peu appuyé. Mais tout va bien. On continue d’être embarqué, jusqu’au rappel conclusif, sur un tempo qui tranche avec le reste du concert : Art Deco, de Don Cherry. Le public est heureux, et il le manifeste ; le chroniqueur itou.
Xavier Prévost
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On peut le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission le Jazz Club le samedi 19 novembre à 19h|11 novembre 2016 : temps d’Armistice, mais belle journée musicale. Le festival nous fait encore parcourir des territoires peu explorés, entre nouvelle génération turbulente (mais ô combien talentueuse), jazz de chambre avec poésie, anthropologie amérindienne et scène new-yorkaise.
LA SCALA
Roberto Negro (piano), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Adrien Chennebaut (batterie)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15
Ces encore jeunes gens parcourent avec passion les degrés de l’art musical et de l’expression. Du jazz de chambre à l’énergie du rock progressif, du souvenir de Bartók aux boucles entêtantes de la musique répétitive, rien ne leur échappe. Ils se lancent sur chaque piste, pour aussitôt bifurquer, dans des transitions contrastées, pour nous tenir en haleine, sous l’empire de leur créativité de l’instant. Orfèvrerie musicale aussi bien qu’instrumentale, ce parcours virtuose repose davantage sur la pensée que sur les réflexes instrumentaux, car leur maîtrise les préserve de l’ostentation et leur permet de rester, à chaque seconde, à un niveau de conscience et de concentration qui ne brime nullement la spontanéité. Et au bout de ce parcours haletant, ils nous laissent pantelants, émerveillés….
ACOUSTIC LOUSADZAK
Géraldine Keller (voix), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (violon alto), Roland Pinsard (clarinette, clarinette basse), Jean-Marc Foltz (clarinette), Fabrice Martinez (trompette, trompette piccolo, bugle), Stéphan Oliva (piano), Rémi Charmasson (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Edward Perraud (batterie, percussions, objets sonores)
Espace Stéphane Hessel, 18h30
Sur des textes d’Agota Kristof, adaptés par Christine Roillet, Claude Tchamitchian a bâti, avec cette nouvelle mouture de son grand ensemble, une suite à tiroirs où s’épanchent les choses de la vie, de l’angoisse d’être, et de mourir, aux lumières de l’amour et du rêve. Instrumentation très singulière, lyrisme affiché, et assumé, le chemin nous conduit de la musique de chambre aux effets appuyés du rock progressif, de l’ostinato des formes répétitives aux escapades, parfois fulgurantes, de l’improvisation. Des lignes mélodiques sinueuses sur déploient sur une trame harmonique parfois minimale, et cyclique. Belle présence de Géraldine Keller, entre diction et débordements expressionnistes et improvisés, prééminence de certains improvisateurs, parfois au détriment d’autres instruments, moins présents dans le support écrit comme dans l’espace improvisé. Belle retenue du compositeur en tant qu’instrumentiste, qui fournit une assise solide tout au long du concert, mais qui évite de s’octroyer la part du lion comme soliste, reportant en fin de concert sa part improvisée. Après « Traces » et son cortège de mémoire arménienne, une nouvelle étape sur le chemin de Claude Tchamitchian, qui se concrétise par un disque enregistré en juin dernier, déjà fabriqué, et disponible pour ceux qui assistaient au concert, et dont la sortie officielle est prévue en janvier2017 (« Need Eden », émouvance / Absilone)
ANNE ALVARO & le trio RAULIN/CORNELOUP/LOPEZ
« Restez, je m’en vais »
Anne Alvaro (récitante), François Raulin (piano, mbira, composition), François Corneloup (saxophones soprano et baryton), Ramon Lopez (batterie, percussions)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 20h30
François Raulin montre au public la photo de Ishi, ultime survivant de la tribu des Yahis, exterminée en 1911 par les colons de Californie
Un projet né du désir de François Raulin d’évoquer musicalement Ishi (dans son dialecte des Indiens Yanas, l’homme), dernier survivant d’une tribu exterminée en 1911 par les colons de Californie. Et l’idée a germé de mettre la musique en relation avec le récit de cette vie ; un récit issu des entretiens d’anthropologues avec Ishi, enregistrés sur cylindre phonographique. La comédienne Anne Alvaro a participé activement au choix des extraits. Et l’objet final conjugue une musique véhémente (à l’image de ses interprètes-improvisateurs) avec le texte propulsé par Anne Alvaro dans une sorte de danse de la voix et du corps. C’est comme une prosodie syncopée, qui suit les circonvolutions de la musique, ses rythmes et ses accents. La conjonction entre texte et musique est admirable, c’est comme un requiem de colère et d’espoir pour l’ultime survivant du peuple Yahi, peuple qui s’éteindra avec lui, au printemps de 1916. À la fin du concert on entend la voix d’Ishi, captée sur ces enregistrements. Il chante un chant traditionnel, que les artistes sur scène vont reprendre avec lui, accompagnés par les tambours de Ramon Lopez, et par un autre tambour joué par Anne Alvaro. Et sous les vivats du public, pendant le salut final, François Raulin brandit une photographie d’Ishi, ultime trace d’un homme qui porte avec lui le destin tragique d’un peuple.
Le témoignage d’Ishi, recueilli au début du XXème siècle par quatre anthropologues, a été transcrit en volume par la femme de l’un deux, Theodora Kroeber, sous le titre Ishi : Testament du dernier Indien sauvage d’Amérique du Nord (Plon, Terres Humaines, 1968). Et la traduction en avait été faites par le regretté Jacques B. Hess, philosophe de formation, ami de Lucien Malson et d’André Hodeir, chroniqueur à Jazz Hot et à Jazz Magazine, (ses chroniques ont été reprises : Hess-O-Jess, chroniques 1966-1971, Alter Ego éditions, 2103). Contrebassiste, Jacques Bernard Hess avait joué avec Claude Bolling et beaucoup d’autres, dont Duke Ellington dans l’orchestre duquel il a fait un remplacement pour une tournée. C’est lui qui fut le premier enseignant de jazz au département de musicologie de la Sorbonne. Il y a donc une sorte de hasard objectif dans le fait qu’aujourd’hui le jazz rencontre Ishi.
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On porra le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission Jazz Club le samedi 12 novembre à 19h, réécoutable en ligne
AVISHAI COHEN QUARTET
Avishai Cohen (trompette), Yonathan Avishai (piano, Yoni Zelnik (contrebasse), Jonathan Blake (batterie)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 22h30
Deux remplaçants dans un quartette, cela se remarque, en tout cas en début de concert. Les nouveaux venus ont un peu « le nez dans le guidon », ou plutôt dans les partitions. Mais très vite l’aisance va s’installer. Et le concert déroule le programme du disque en quintette paru au printemps dernier (« Into the Silence », ECM). Atmosphère recueillie, tempo lent, phrasé aérien, mais très expressif, sonorité troublante : la musique respire, on se laisse emporter. Ici une longue introduction de pianiste, mesurée, un peu laborieuse. Là un solo de batterie un peu appuyé. Mais tout va bien. On continue d’être embarqué, jusqu’au rappel conclusif, sur un tempo qui tranche avec le reste du concert : Art Deco, de Don Cherry. Le public est heureux, et il le manifeste ; le chroniqueur itou.
Xavier Prévost
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On peut le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission le Jazz Club le samedi 19 novembre à 19h|11 novembre 2016 : temps d’Armistice, mais belle journée musicale. Le festival nous fait encore parcourir des territoires peu explorés, entre nouvelle génération turbulente (mais ô combien talentueuse), jazz de chambre avec poésie, anthropologie amérindienne et scène new-yorkaise.
LA SCALA
Roberto Negro (piano), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Adrien Chennebaut (batterie)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15
Ces encore jeunes gens parcourent avec passion les degrés de l’art musical et de l’expression. Du jazz de chambre à l’énergie du rock progressif, du souvenir de Bartók aux boucles entêtantes de la musique répétitive, rien ne leur échappe. Ils se lancent sur chaque piste, pour aussitôt bifurquer, dans des transitions contrastées, pour nous tenir en haleine, sous l’empire de leur créativité de l’instant. Orfèvrerie musicale aussi bien qu’instrumentale, ce parcours virtuose repose davantage sur la pensée que sur les réflexes instrumentaux, car leur maîtrise les préserve de l’ostentation et leur permet de rester, à chaque seconde, à un niveau de conscience et de concentration qui ne brime nullement la spontanéité. Et au bout de ce parcours haletant, ils nous laissent pantelants, émerveillés….
ACOUSTIC LOUSADZAK
Géraldine Keller (voix), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (violon alto), Roland Pinsard (clarinette, clarinette basse), Jean-Marc Foltz (clarinette), Fabrice Martinez (trompette, trompette piccolo, bugle), Stéphan Oliva (piano), Rémi Charmasson (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Edward Perraud (batterie, percussions, objets sonores)
Espace Stéphane Hessel, 18h30
Sur des textes d’Agota Kristof, adaptés par Christine Roillet, Claude Tchamitchian a bâti, avec cette nouvelle mouture de son grand ensemble, une suite à tiroirs où s’épanchent les choses de la vie, de l’angoisse d’être, et de mourir, aux lumières de l’amour et du rêve. Instrumentation très singulière, lyrisme affiché, et assumé, le chemin nous conduit de la musique de chambre aux effets appuyés du rock progressif, de l’ostinato des formes répétitives aux escapades, parfois fulgurantes, de l’improvisation. Des lignes mélodiques sinueuses sur déploient sur une trame harmonique parfois minimale, et cyclique. Belle présence de Géraldine Keller, entre diction et débordements expressionnistes et improvisés, prééminence de certains improvisateurs, parfois au détriment d’autres instruments, moins présents dans le support écrit comme dans l’espace improvisé. Belle retenue du compositeur en tant qu’instrumentiste, qui fournit une assise solide tout au long du concert, mais qui évite de s’octroyer la part du lion comme soliste, reportant en fin de concert sa part improvisée. Après « Traces » et son cortège de mémoire arménienne, une nouvelle étape sur le chemin de Claude Tchamitchian, qui se concrétise par un disque enregistré en juin dernier, déjà fabriqué, et disponible pour ceux qui assistaient au concert, et dont la sortie officielle est prévue en janvier2017 (« Need Eden », émouvance / Absilone)
ANNE ALVARO & le trio RAULIN/CORNELOUP/LOPEZ
« Restez, je m’en vais »
Anne Alvaro (récitante), François Raulin (piano, mbira, composition), François Corneloup (saxophones soprano et baryton), Ramon Lopez (batterie, percussions)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 20h30
François Raulin montre au public la photo de Ishi, ultime survivant de la tribu des Yahis, exterminée en 1911 par les colons de Californie
Un projet né du désir de François Raulin d’évoquer musicalement Ishi (dans son dialecte des Indiens Yanas, l’homme), dernier survivant d’une tribu exterminée en 1911 par les colons de Californie. Et l’idée a germé de mettre la musique en relation avec le récit de cette vie ; un récit issu des entretiens d’anthropologues avec Ishi, enregistrés sur cylindre phonographique. La comédienne Anne Alvaro a participé activement au choix des extraits. Et l’objet final conjugue une musique véhémente (à l’image de ses interprètes-improvisateurs) avec le texte propulsé par Anne Alvaro dans une sorte de danse de la voix et du corps. C’est comme une prosodie syncopée, qui suit les circonvolutions de la musique, ses rythmes et ses accents. La conjonction entre texte et musique est admirable, c’est comme un requiem de colère et d’espoir pour l’ultime survivant du peuple Yahi, peuple qui s’éteindra avec lui, au printemps de 1916. À la fin du concert on entend la voix d’Ishi, captée sur ces enregistrements. Il chante un chant traditionnel, que les artistes sur scène vont reprendre avec lui, accompagnés par les tambours de Ramon Lopez, et par un autre tambour joué par Anne Alvaro. Et sous les vivats du public, pendant le salut final, François Raulin brandit une photographie d’Ishi, ultime trace d’un homme qui porte avec lui le destin tragique d’un peuple.
Le témoignage d’Ishi, recueilli au début du XXème siècle par quatre anthropologues, a été transcrit en volume par la femme de l’un deux, Theodora Kroeber, sous le titre Ishi : Testament du dernier Indien sauvage d’Amérique du Nord (Plon, Terres Humaines, 1968). Et la traduction en avait été faites par le regretté Jacques B. Hess, philosophe de formation, ami de Lucien Malson et d’André Hodeir, chroniqueur à Jazz Hot et à Jazz Magazine, (ses chroniques ont été reprises : Hess-O-Jess, chroniques 1966-1971, Alter Ego éditions, 2103). Contrebassiste, Jacques Bernard Hess avait joué avec Claude Bolling et beaucoup d’autres, dont Duke Ellington dans l’orchestre duquel il a fait un remplacement pour une tournée. C’est lui qui fut le premier enseignant de jazz au département de musicologie de la Sorbonne. Il y a donc une sorte de hasard objectif dans le fait qu’aujourd’hui le jazz rencontre Ishi.
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On porra le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission Jazz Club le samedi 12 novembre à 19h, réécoutable en ligne
AVISHAI COHEN QUARTET
Avishai Cohen (trompette), Yonathan Avishai (piano, Yoni Zelnik (contrebasse), Jonathan Blake (batterie)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 22h30
Deux remplaçants dans un quartette, cela se remarque, en tout cas en début de concert. Les nouveaux venus ont un peu « le nez dans le guidon », ou plutôt dans les partitions. Mais très vite l’aisance va s’installer. Et le concert déroule le programme du disque en quintette paru au printemps dernier (« Into the Silence », ECM). Atmosphère recueillie, tempo lent, phrasé aérien, mais très expressif, sonorité troublante : la musique respire, on se laisse emporter. Ici une longue introduction de pianiste, mesurée, un peu laborieuse. Là un solo de batterie un peu appuyé. Mais tout va bien. On continue d’être embarqué, jusqu’au rappel conclusif, sur un tempo qui tranche avec le reste du concert : Art Deco, de Don Cherry. Le public est heureux, et il le manifeste ; le chroniqueur itou.
Xavier Prévost
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On peut le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission le Jazz Club le samedi 19 novembre à 19h|11 novembre 2016 : temps d’Armistice, mais belle journée musicale. Le festival nous fait encore parcourir des territoires peu explorés, entre nouvelle génération turbulente (mais ô combien talentueuse), jazz de chambre avec poésie, anthropologie amérindienne et scène new-yorkaise.
LA SCALA
Roberto Negro (piano), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Adrien Chennebaut (batterie)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 12h15
Ces encore jeunes gens parcourent avec passion les degrés de l’art musical et de l’expression. Du jazz de chambre à l’énergie du rock progressif, du souvenir de Bartók aux boucles entêtantes de la musique répétitive, rien ne leur échappe. Ils se lancent sur chaque piste, pour aussitôt bifurquer, dans des transitions contrastées, pour nous tenir en haleine, sous l’empire de leur créativité de l’instant. Orfèvrerie musicale aussi bien qu’instrumentale, ce parcours virtuose repose davantage sur la pensée que sur les réflexes instrumentaux, car leur maîtrise les préserve de l’ostentation et leur permet de rester, à chaque seconde, à un niveau de conscience et de concentration qui ne brime nullement la spontanéité. Et au bout de ce parcours haletant, ils nous laissent pantelants, émerveillés….
ACOUSTIC LOUSADZAK
Géraldine Keller (voix), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (violon alto), Roland Pinsard (clarinette, clarinette basse), Jean-Marc Foltz (clarinette), Fabrice Martinez (trompette, trompette piccolo, bugle), Stéphan Oliva (piano), Rémi Charmasson (guitare), Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Edward Perraud (batterie, percussions, objets sonores)
Espace Stéphane Hessel, 18h30
Sur des textes d’Agota Kristof, adaptés par Christine Roillet, Claude Tchamitchian a bâti, avec cette nouvelle mouture de son grand ensemble, une suite à tiroirs où s’épanchent les choses de la vie, de l’angoisse d’être, et de mourir, aux lumières de l’amour et du rêve. Instrumentation très singulière, lyrisme affiché, et assumé, le chemin nous conduit de la musique de chambre aux effets appuyés du rock progressif, de l’ostinato des formes répétitives aux escapades, parfois fulgurantes, de l’improvisation. Des lignes mélodiques sinueuses sur déploient sur une trame harmonique parfois minimale, et cyclique. Belle présence de Géraldine Keller, entre diction et débordements expressionnistes et improvisés, prééminence de certains improvisateurs, parfois au détriment d’autres instruments, moins présents dans le support écrit comme dans l’espace improvisé. Belle retenue du compositeur en tant qu’instrumentiste, qui fournit une assise solide tout au long du concert, mais qui évite de s’octroyer la part du lion comme soliste, reportant en fin de concert sa part improvisée. Après « Traces » et son cortège de mémoire arménienne, une nouvelle étape sur le chemin de Claude Tchamitchian, qui se concrétise par un disque enregistré en juin dernier, déjà fabriqué, et disponible pour ceux qui assistaient au concert, et dont la sortie officielle est prévue en janvier2017 (« Need Eden », émouvance / Absilone)
ANNE ALVARO & le trio RAULIN/CORNELOUP/LOPEZ
« Restez, je m’en vais »
Anne Alvaro (récitante), François Raulin (piano, mbira, composition), François Corneloup (saxophones soprano et baryton), Ramon Lopez (batterie, percussions)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 20h30
François Raulin montre au public la photo de Ishi, ultime survivant de la tribu des Yahis, exterminée en 1911 par les colons de Californie
Un projet né du désir de François Raulin d’évoquer musicalement Ishi (dans son dialecte des Indiens Yanas, l’homme), dernier survivant d’une tribu exterminée en 1911 par les colons de Californie. Et l’idée a germé de mettre la musique en relation avec le récit de cette vie ; un récit issu des entretiens d’anthropologues avec Ishi, enregistrés sur cylindre phonographique. La comédienne Anne Alvaro a participé activement au choix des extraits. Et l’objet final conjugue une musique véhémente (à l’image de ses interprètes-improvisateurs) avec le texte propulsé par Anne Alvaro dans une sorte de danse de la voix et du corps. C’est comme une prosodie syncopée, qui suit les circonvolutions de la musique, ses rythmes et ses accents. La conjonction entre texte et musique est admirable, c’est comme un requiem de colère et d’espoir pour l’ultime survivant du peuple Yahi, peuple qui s’éteindra avec lui, au printemps de 1916. À la fin du concert on entend la voix d’Ishi, captée sur ces enregistrements. Il chante un chant traditionnel, que les artistes sur scène vont reprendre avec lui, accompagnés par les tambours de Ramon Lopez, et par un autre tambour joué par Anne Alvaro. Et sous les vivats du public, pendant le salut final, François Raulin brandit une photographie d’Ishi, ultime trace d’un homme qui porte avec lui le destin tragique d’un peuple.
Le témoignage d’Ishi, recueilli au début du XXème siècle par quatre anthropologues, a été transcrit en volume par la femme de l’un deux, Theodora Kroeber, sous le titre Ishi : Testament du dernier Indien sauvage d’Amérique du Nord (Plon, Terres Humaines, 1968). Et la traduction en avait été faites par le regretté Jacques B. Hess, philosophe de formation, ami de Lucien Malson et d’André Hodeir, chroniqueur à Jazz Hot et à Jazz Magazine, (ses chroniques ont été reprises : Hess-O-Jess, chroniques 1966-1971, Alter Ego éditions, 2103). Contrebassiste, Jacques Bernard Hess avait joué avec Claude Bolling et beaucoup d’autres, dont Duke Ellington dans l’orchestre duquel il a fait un remplacement pour une tournée. C’est lui qui fut le premier enseignant de jazz au département de musicologie de la Sorbonne. Il y a donc une sorte de hasard objectif dans le fait qu’aujourd’hui le jazz rencontre Ishi.
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On porra le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission Jazz Club le samedi 12 novembre à 19h, réécoutable en ligne
AVISHAI COHEN QUARTET
Avishai Cohen (trompette), Yonathan Avishai (piano, Yoni Zelnik (contrebasse), Jonathan Blake (batterie)
Maison de la Culture, salle Philippe-Genty, 22h30
Deux remplaçants dans un quartette, cela se remarque, en tout cas en début de concert. Les nouveaux venus ont un peu « le nez dans le guidon », ou plutôt dans les partitions. Mais très vite l’aisance va s’installer. Et le concert déroule le programme du disque en quintette paru au printemps dernier (« Into the Silence », ECM). Atmosphère recueillie, tempo lent, phrasé aérien, mais très expressif, sonorité troublante : la musique respire, on se laisse emporter. Ici une longue introduction de pianiste, mesurée, un peu laborieuse. Là un solo de batterie un peu appuyé. Mais tout va bien. On continue d’être embarqué, jusqu’au rappel conclusif, sur un tempo qui tranche avec le reste du concert : Art Deco, de Don Cherry. Le public est heureux, et il le manifeste ; le chroniqueur itou.
Xavier Prévost
Ce concert était diffusé en direct sur le site Culture Box. On peut le revoir en suivant ce lien
Il sera aussi diffusé sur France musique dans l’émission le Jazz Club le samedi 19 novembre à 19h