Julien Marga: Retour au Sunset
Il y a quelques mois, Julien Marga, jeune guitariste bruxellois, remportait les trophées du Sunside 2016. Depuis le groupe a tourné, vécu, appris. Sa musique a déployé toutes ses virtualités.
Julien marga (guitare), Geoffrey Fiorèse (piano), Lucas Vanderputten (batterie), Jordi cassagne (basse), le Sunset, 18 janvier 2017
Je faisais partie du jury qui avait distingué la formation de Julien Marga en septembre. Il me semble que son groupe (qui n’avait alors en tout et pour tout que cinq concerts dans les jambes) s’est depuis remarquablement bonifié. L’un de ses points forts reste l’entente télépathique entre le guitariste et son pianiste Geoffrey Fiorèse. Ce dernier accompagne moins Julien Marga qu’il ne prolonge ses phrases, les répète, les explore, les détourne. Cela donne de l’épaisseur au son du groupe. La musique enfle comme une houle. l’un des morceaux fétiches du groupe, Layers, semble décrire l’élaboration de la pâte sonore, façonnée à plusieurs pour lui donner plus de textures, de parfums, d’échos. Quant au guitariste, lui aussi sait enrichir les chorus du pianiste, souvent avec une pédale d’effets qui lui permet, en gommant les attaques, de faire des nappes délicates à l’arrière-plan. Le guitariste et le pianiste sont, chacun à leur manière, des mélodistes. Ils sont bousculés par une section rythmique qui ne les lâche pas une seconde, avec notamment le batteur Lucas Vanderputten, mordant à souhait. Cette dualité entre mélodistes et puncheurs (encore que Jordi Cassagne, le contrebassiste sache se montrer fin mélodiste lui-aussi) contribue à l’équilibre du groupe.
Au début la formation de Julien Marga joue ses propres compositions, agrémentées, lors du deuxième set, d’une pincée de standards choisis et arrangés avec soin. Le premier morceau du concert, Serendipity, est une sorte d’hymne, qui met en valeur le style particulier du guitariste. Son lyrisme chaleureux, épuré (Marga, résolument, n’appartient pas à la catégorie des laboureurs de manches) marque une prédilection pour les atmosphères aériennes, planantes, avec une mise en place particulière qui donne l’impression de voler au-dessus de la mêlée. La construction de ses chorus donne d’ailleurs assez souvent la sensation d’une montée vers les hautes altitudes. Son style très mélodique, très chantant, doit sans doute beaucoup aussi à l’écoute des chansons traditionnelles (du reste, le troisième morceau s’intitule Folk Song). Ces mélodies dépouillées que Marga invente à la guitare contrastent joliment avec la complexité rythmique de la plupart des morceaux.
Quant au pianiste, son registre est différent. Il peut aller dans des ambiances plus dissonantes, plus anguleuses, comme dans Layers, où il apporte une intensité remarquable avec ses notes violemment plaquées dans l’aigu. il sait trouver des phrases répétées, lancinantes. Lui n’est pas dans le registre de la sérénité, comme Marga, mais plutôt dans celui de la violence intérieure.
Au début du deuxième set, le quartet de Julien Marga joue quelques standards réarrangés avec soin et avec goût. Cela commence par Maiden Voyage d’Herbie Hancock, dont Marga a gardé la ligne mélodique mais changé la ligne de basse (passée en 5/4) en la truffant d’accords supplémentaires en place des accords sus 4 mis en place par Herbie Hancock dans la version originale. Du coup cette ligne de basse plus nerveuse change la physionomie du morceau. Cela crée un effet de familiarité dépaysante très réussi. Le groupe joue ensuite une sublime composition de Carla Bley, Lawns, simple et chantante, presque enfantine, qui convient idéalement au lyrisme de Marga et sur lequel le bassiste et le batteur font merveille, souples et implacables à la fois.
C’est alors que survient, selon moi, le meilleur moment du concert avec la reprise d’un morceau traditionnel africain, Koth Biro, du chanteur kenyan Ayub Ogada, qui évoque l’arrivée de la pluie. Le piano de Geoffrey Fiorèse devient liquide. On a l’impression que le pianiste évoque la pluie, et le guitariste le sentiment de la pluie. Le batteur, aux mailloches, trouve une pulsation miraculeuse de légèreté. Il invente une pluie aussi légère qu’une bruine. heureux et hydraté, je quitte le Sunset…
Quelques jours plus tard, je m’entretiens par téléphone avec Julien Marga. Il cite parmi ses influences Pierre Perchaud, avec qui il a pris des cours, John Scofield, qui lui a donné l’idée de reprendre le magnifique Lawn de Carla Bley, Jim hall (« vraiment un génie de l’harmonie. En solo, il a développé un univers à part. Et tout ce qu’il joue avec Charlie Haden est formidable! »). Du reste, Julien Marga joue sur une guitare Sadowski N°185, modèle joué par Jim hall à la fin de sa vie. Marga confirme que l’interplay est au coeur de sa musique. Assurément, il ne se prend pas pour un guitar hero : « Je n’ai aucune envie d’être le guitariste mis en avant par rapport aux autres musiciens. Je ne veux pas prendre plus de place que les autres. Dans plusieurs morceaux, je lance une idée qui est reprise, complétée, par les autres. j’aime bien quand la musique se construit de cette manière… ».
Texte : JF Mondot
Photos floues: JF Mondot |
Il y a quelques mois, Julien Marga, jeune guitariste bruxellois, remportait les trophées du Sunside 2016. Depuis le groupe a tourné, vécu, appris. Sa musique a déployé toutes ses virtualités.
Julien marga (guitare), Geoffrey Fiorèse (piano), Lucas Vanderputten (batterie), Jordi cassagne (basse), le Sunset, 18 janvier 2017
Je faisais partie du jury qui avait distingué la formation de Julien Marga en septembre. Il me semble que son groupe (qui n’avait alors en tout et pour tout que cinq concerts dans les jambes) s’est depuis remarquablement bonifié. L’un de ses points forts reste l’entente télépathique entre le guitariste et son pianiste Geoffrey Fiorèse. Ce dernier accompagne moins Julien Marga qu’il ne prolonge ses phrases, les répète, les explore, les détourne. Cela donne de l’épaisseur au son du groupe. La musique enfle comme une houle. l’un des morceaux fétiches du groupe, Layers, semble décrire l’élaboration de la pâte sonore, façonnée à plusieurs pour lui donner plus de textures, de parfums, d’échos. Quant au guitariste, lui aussi sait enrichir les chorus du pianiste, souvent avec une pédale d’effets qui lui permet, en gommant les attaques, de faire des nappes délicates à l’arrière-plan. Le guitariste et le pianiste sont, chacun à leur manière, des mélodistes. Ils sont bousculés par une section rythmique qui ne les lâche pas une seconde, avec notamment le batteur Lucas Vanderputten, mordant à souhait. Cette dualité entre mélodistes et puncheurs (encore que Jordi Cassagne, le contrebassiste sache se montrer fin mélodiste lui-aussi) contribue à l’équilibre du groupe.
Au début la formation de Julien Marga joue ses propres compositions, agrémentées, lors du deuxième set, d’une pincée de standards choisis et arrangés avec soin. Le premier morceau du concert, Serendipity, est une sorte d’hymne, qui met en valeur le style particulier du guitariste. Son lyrisme chaleureux, épuré (Marga, résolument, n’appartient pas à la catégorie des laboureurs de manches) marque une prédilection pour les atmosphères aériennes, planantes, avec une mise en place particulière qui donne l’impression de voler au-dessus de la mêlée. La construction de ses chorus donne d’ailleurs assez souvent la sensation d’une montée vers les hautes altitudes. Son style très mélodique, très chantant, doit sans doute beaucoup aussi à l’écoute des chansons traditionnelles (du reste, le troisième morceau s’intitule Folk Song). Ces mélodies dépouillées que Marga invente à la guitare contrastent joliment avec la complexité rythmique de la plupart des morceaux.
Quant au pianiste, son registre est différent. Il peut aller dans des ambiances plus dissonantes, plus anguleuses, comme dans Layers, où il apporte une intensité remarquable avec ses notes violemment plaquées dans l’aigu. il sait trouver des phrases répétées, lancinantes. Lui n’est pas dans le registre de la sérénité, comme Marga, mais plutôt dans celui de la violence intérieure.
Au début du deuxième set, le quartet de Julien Marga joue quelques standards réarrangés avec soin et avec goût. Cela commence par Maiden Voyage d’Herbie Hancock, dont Marga a gardé la ligne mélodique mais changé la ligne de basse (passée en 5/4) en la truffant d’accords supplémentaires en place des accords sus 4 mis en place par Herbie Hancock dans la version originale. Du coup cette ligne de basse plus nerveuse change la physionomie du morceau. Cela crée un effet de familiarité dépaysante très réussi. Le groupe joue ensuite une sublime composition de Carla Bley, Lawns, simple et chantante, presque enfantine, qui convient idéalement au lyrisme de Marga et sur lequel le bassiste et le batteur font merveille, souples et implacables à la fois.
C’est alors que survient, selon moi, le meilleur moment du concert avec la reprise d’un morceau traditionnel africain, Koth Biro, du chanteur kenyan Ayub Ogada, qui évoque l’arrivée de la pluie. Le piano de Geoffrey Fiorèse devient liquide. On a l’impression que le pianiste évoque la pluie, et le guitariste le sentiment de la pluie. Le batteur, aux mailloches, trouve une pulsation miraculeuse de légèreté. Il invente une pluie aussi légère qu’une bruine. heureux et hydraté, je quitte le Sunset…
Quelques jours plus tard, je m’entretiens par téléphone avec Julien Marga. Il cite parmi ses influences Pierre Perchaud, avec qui il a pris des cours, John Scofield, qui lui a donné l’idée de reprendre le magnifique Lawn de Carla Bley, Jim hall (« vraiment un génie de l’harmonie. En solo, il a développé un univers à part. Et tout ce qu’il joue avec Charlie Haden est formidable! »). Du reste, Julien Marga joue sur une guitare Sadowski N°185, modèle joué par Jim hall à la fin de sa vie. Marga confirme que l’interplay est au coeur de sa musique. Assurément, il ne se prend pas pour un guitar hero : « Je n’ai aucune envie d’être le guitariste mis en avant par rapport aux autres musiciens. Je ne veux pas prendre plus de place que les autres. Dans plusieurs morceaux, je lance une idée qui est reprise, complétée, par les autres. j’aime bien quand la musique se construit de cette manière… ».
Texte : JF Mondot
Photos floues: JF Mondot |
Il y a quelques mois, Julien Marga, jeune guitariste bruxellois, remportait les trophées du Sunside 2016. Depuis le groupe a tourné, vécu, appris. Sa musique a déployé toutes ses virtualités.
Julien marga (guitare), Geoffrey Fiorèse (piano), Lucas Vanderputten (batterie), Jordi cassagne (basse), le Sunset, 18 janvier 2017
Je faisais partie du jury qui avait distingué la formation de Julien Marga en septembre. Il me semble que son groupe (qui n’avait alors en tout et pour tout que cinq concerts dans les jambes) s’est depuis remarquablement bonifié. L’un de ses points forts reste l’entente télépathique entre le guitariste et son pianiste Geoffrey Fiorèse. Ce dernier accompagne moins Julien Marga qu’il ne prolonge ses phrases, les répète, les explore, les détourne. Cela donne de l’épaisseur au son du groupe. La musique enfle comme une houle. l’un des morceaux fétiches du groupe, Layers, semble décrire l’élaboration de la pâte sonore, façonnée à plusieurs pour lui donner plus de textures, de parfums, d’échos. Quant au guitariste, lui aussi sait enrichir les chorus du pianiste, souvent avec une pédale d’effets qui lui permet, en gommant les attaques, de faire des nappes délicates à l’arrière-plan. Le guitariste et le pianiste sont, chacun à leur manière, des mélodistes. Ils sont bousculés par une section rythmique qui ne les lâche pas une seconde, avec notamment le batteur Lucas Vanderputten, mordant à souhait. Cette dualité entre mélodistes et puncheurs (encore que Jordi Cassagne, le contrebassiste sache se montrer fin mélodiste lui-aussi) contribue à l’équilibre du groupe.
Au début la formation de Julien Marga joue ses propres compositions, agrémentées, lors du deuxième set, d’une pincée de standards choisis et arrangés avec soin. Le premier morceau du concert, Serendipity, est une sorte d’hymne, qui met en valeur le style particulier du guitariste. Son lyrisme chaleureux, épuré (Marga, résolument, n’appartient pas à la catégorie des laboureurs de manches) marque une prédilection pour les atmosphères aériennes, planantes, avec une mise en place particulière qui donne l’impression de voler au-dessus de la mêlée. La construction de ses chorus donne d’ailleurs assez souvent la sensation d’une montée vers les hautes altitudes. Son style très mélodique, très chantant, doit sans doute beaucoup aussi à l’écoute des chansons traditionnelles (du reste, le troisième morceau s’intitule Folk Song). Ces mélodies dépouillées que Marga invente à la guitare contrastent joliment avec la complexité rythmique de la plupart des morceaux.
Quant au pianiste, son registre est différent. Il peut aller dans des ambiances plus dissonantes, plus anguleuses, comme dans Layers, où il apporte une intensité remarquable avec ses notes violemment plaquées dans l’aigu. il sait trouver des phrases répétées, lancinantes. Lui n’est pas dans le registre de la sérénité, comme Marga, mais plutôt dans celui de la violence intérieure.
Au début du deuxième set, le quartet de Julien Marga joue quelques standards réarrangés avec soin et avec goût. Cela commence par Maiden Voyage d’Herbie Hancock, dont Marga a gardé la ligne mélodique mais changé la ligne de basse (passée en 5/4) en la truffant d’accords supplémentaires en place des accords sus 4 mis en place par Herbie Hancock dans la version originale. Du coup cette ligne de basse plus nerveuse change la physionomie du morceau. Cela crée un effet de familiarité dépaysante très réussi. Le groupe joue ensuite une sublime composition de Carla Bley, Lawns, simple et chantante, presque enfantine, qui convient idéalement au lyrisme de Marga et sur lequel le bassiste et le batteur font merveille, souples et implacables à la fois.
C’est alors que survient, selon moi, le meilleur moment du concert avec la reprise d’un morceau traditionnel africain, Koth Biro, du chanteur kenyan Ayub Ogada, qui évoque l’arrivée de la pluie. Le piano de Geoffrey Fiorèse devient liquide. On a l’impression que le pianiste évoque la pluie, et le guitariste le sentiment de la pluie. Le batteur, aux mailloches, trouve une pulsation miraculeuse de légèreté. Il invente une pluie aussi légère qu’une bruine. heureux et hydraté, je quitte le Sunset…
Quelques jours plus tard, je m’entretiens par téléphone avec Julien Marga. Il cite parmi ses influences Pierre Perchaud, avec qui il a pris des cours, John Scofield, qui lui a donné l’idée de reprendre le magnifique Lawn de Carla Bley, Jim hall (« vraiment un génie de l’harmonie. En solo, il a développé un univers à part. Et tout ce qu’il joue avec Charlie Haden est formidable! »). Du reste, Julien Marga joue sur une guitare Sadowski N°185, modèle joué par Jim hall à la fin de sa vie. Marga confirme que l’interplay est au coeur de sa musique. Assurément, il ne se prend pas pour un guitar hero : « Je n’ai aucune envie d’être le guitariste mis en avant par rapport aux autres musiciens. Je ne veux pas prendre plus de place que les autres. Dans plusieurs morceaux, je lance une idée qui est reprise, complétée, par les autres. j’aime bien quand la musique se construit de cette manière… ».
Texte : JF Mondot
Photos floues: JF Mondot |
Il y a quelques mois, Julien Marga, jeune guitariste bruxellois, remportait les trophées du Sunside 2016. Depuis le groupe a tourné, vécu, appris. Sa musique a déployé toutes ses virtualités.
Julien marga (guitare), Geoffrey Fiorèse (piano), Lucas Vanderputten (batterie), Jordi cassagne (basse), le Sunset, 18 janvier 2017
Je faisais partie du jury qui avait distingué la formation de Julien Marga en septembre. Il me semble que son groupe (qui n’avait alors en tout et pour tout que cinq concerts dans les jambes) s’est depuis remarquablement bonifié. L’un de ses points forts reste l’entente télépathique entre le guitariste et son pianiste Geoffrey Fiorèse. Ce dernier accompagne moins Julien Marga qu’il ne prolonge ses phrases, les répète, les explore, les détourne. Cela donne de l’épaisseur au son du groupe. La musique enfle comme une houle. l’un des morceaux fétiches du groupe, Layers, semble décrire l’élaboration de la pâte sonore, façonnée à plusieurs pour lui donner plus de textures, de parfums, d’échos. Quant au guitariste, lui aussi sait enrichir les chorus du pianiste, souvent avec une pédale d’effets qui lui permet, en gommant les attaques, de faire des nappes délicates à l’arrière-plan. Le guitariste et le pianiste sont, chacun à leur manière, des mélodistes. Ils sont bousculés par une section rythmique qui ne les lâche pas une seconde, avec notamment le batteur Lucas Vanderputten, mordant à souhait. Cette dualité entre mélodistes et puncheurs (encore que Jordi Cassagne, le contrebassiste sache se montrer fin mélodiste lui-aussi) contribue à l’équilibre du groupe.
Au début la formation de Julien Marga joue ses propres compositions, agrémentées, lors du deuxième set, d’une pincée de standards choisis et arrangés avec soin. Le premier morceau du concert, Serendipity, est une sorte d’hymne, qui met en valeur le style particulier du guitariste. Son lyrisme chaleureux, épuré (Marga, résolument, n’appartient pas à la catégorie des laboureurs de manches) marque une prédilection pour les atmosphères aériennes, planantes, avec une mise en place particulière qui donne l’impression de voler au-dessus de la mêlée. La construction de ses chorus donne d’ailleurs assez souvent la sensation d’une montée vers les hautes altitudes. Son style très mélodique, très chantant, doit sans doute beaucoup aussi à l’écoute des chansons traditionnelles (du reste, le troisième morceau s’intitule Folk Song). Ces mélodies dépouillées que Marga invente à la guitare contrastent joliment avec la complexité rythmique de la plupart des morceaux.
Quant au pianiste, son registre est différent. Il peut aller dans des ambiances plus dissonantes, plus anguleuses, comme dans Layers, où il apporte une intensité remarquable avec ses notes violemment plaquées dans l’aigu. il sait trouver des phrases répétées, lancinantes. Lui n’est pas dans le registre de la sérénité, comme Marga, mais plutôt dans celui de la violence intérieure.
Au début du deuxième set, le quartet de Julien Marga joue quelques standards réarrangés avec soin et avec goût. Cela commence par Maiden Voyage d’Herbie Hancock, dont Marga a gardé la ligne mélodique mais changé la ligne de basse (passée en 5/4) en la truffant d’accords supplémentaires en place des accords sus 4 mis en place par Herbie Hancock dans la version originale. Du coup cette ligne de basse plus nerveuse change la physionomie du morceau. Cela crée un effet de familiarité dépaysante très réussi. Le groupe joue ensuite une sublime composition de Carla Bley, Lawns, simple et chantante, presque enfantine, qui convient idéalement au lyrisme de Marga et sur lequel le bassiste et le batteur font merveille, souples et implacables à la fois.
C’est alors que survient, selon moi, le meilleur moment du concert avec la reprise d’un morceau traditionnel africain, Koth Biro, du chanteur kenyan Ayub Ogada, qui évoque l’arrivée de la pluie. Le piano de Geoffrey Fiorèse devient liquide. On a l’impression que le pianiste évoque la pluie, et le guitariste le sentiment de la pluie. Le batteur, aux mailloches, trouve une pulsation miraculeuse de légèreté. Il invente une pluie aussi légère qu’une bruine. heureux et hydraté, je quitte le Sunset…
Quelques jours plus tard, je m’entretiens par téléphone avec Julien Marga. Il cite parmi ses influences Pierre Perchaud, avec qui il a pris des cours, John Scofield, qui lui a donné l’idée de reprendre le magnifique Lawn de Carla Bley, Jim hall (« vraiment un génie de l’harmonie. En solo, il a développé un univers à part. Et tout ce qu’il joue avec Charlie Haden est formidable! »). Du reste, Julien Marga joue sur une guitare Sadowski N°185, modèle joué par Jim hall à la fin de sa vie. Marga confirme que l’interplay est au coeur de sa musique. Assurément, il ne se prend pas pour un guitar hero : « Je n’ai aucune envie d’être le guitariste mis en avant par rapport aux autres musiciens. Je ne veux pas prendre plus de place que les autres. Dans plusieurs morceaux, je lance une idée qui est reprise, complétée, par les autres. j’aime bien quand la musique se construit de cette manière… ».
Texte : JF Mondot
Photos floues: JF Mondot