Luigi Grasso à Tadd Dameron, de Dameron à Maurice Ravel, de Ravel à Enrico Pieranunzi
C’était tout à l’heure au Sunset, le Greenwich Session de Luigi Grasso à la tête de son nonette (augmenté), c’était un peu plus tard et un peu plus haut, au Sunside, le trio Manège à trois d’Enrico Pieranunzi, Diego Imbert et André Ceccarelli.
Il y a 55 ans, Tadd Dameron enregistrait son dernier album “The Magic Touch” au cours de trois séances Riverside, les 27 février, 9 mars et 16 avril 1962. Le 9 mars, il reprenait pour big band son chef d’œuvre Fontainebleau qu’il avait enregistré dès 1956 pour Prestige en octette, version que je préfère peut-être à la seconde, tant il me semble que Tadd Dameron n’avait pas besoin de tant de fastes orchestraux pour déployer ceux qu’il avait en tête. Même si le big band de 1962 n’était après tout qu’un petit big band, un “douzetêtes”. C’est en tout cas à Tadd Dameron que l’on pensa dès la première composition que fit jouer ce soir Luigi Grasso au Sunset où il est en résidence à la tête de son nonette pour sa Greenwich Session. Un nonette augmenté d’une trompettiste rencontré à Barcelone dont je ne parviens à relire le nom griffonné dans l’obscurité son mon exemplaire du Monde du vendredi, au stylo noir en plein sur un pneu noir dans l’encart publicitaire d’une célèbre marque automobile japonaise. Je remédierai à cette lacune ci-dessous dès que possible.
Luigi Grasso (saxes alto et baryton, compositions, direction), Fabien Mary (trompette), Armand Dubois (cor), Thomas Gomez (sax alto), Balthazar Naturel (cor anglais, sax ténor), Bodgan Sydorenko (clarinette basse), Pasquale Grasso (guitare électrique), Ari Roland (contrebasse), Keith Balla (batterie) + invités: Joan Mar Sauque Villa (trompette).
Tadd Dameron par la profondeur du son orchestrale, la qualité mélodique des conduites de voix et du travail de contrepoint. On pourrait encore invoquer Gigi Gryce, plus particulièrement sur une pièce le tandem Dizzy Gillespie – Gil Fuller, et puis soudain, dans une composition descriptive que l’on pourrait intituler An Italian in Istambul (en souvenir des klaxons d’Un Américain à Paris), les arrangeurs de Stan Kenton (facile ! mais lesquels donc ?). On est en tout cas ici à cette articulation entre le classicisme du bebop et la recherche par une génération de jazzmen d’après-guerre d’une voie plus moderne où, sans renoncer aux formats du blues et du AABA, on cherchait sinon à en faire craquer les coutures, du moins à les masquer.
C’est ce que l’on remarque dans les solos du frère de Luigi, Pascquale, impressionnant virtuose de la guitare, au sujet duquel Pat Metheny ne tarit pas d’éloge, dont le débit trop dense pour respirer (Ari Roland itou dans ses prodigieux solos d’archet) est compensé par cette faculté de chevaucher barres de mesures et groupements par 4, 8 ou 16. Vu l’heure à laquelle j’écris, je ne détaillerai pas ici les qualités des uns et des autres, (hors d’une mention spéciale pour Keith Balla qui, selon une musicalité et une souplesse entre Roy Haynes et Max Roach, apporte, pas seulement dans ses solos, une belle qualité de respiration, de nuances et de dramaturgie), mais je soulignerai l’orchestration qui fait appel au cor d’harmonie, à la clarinette basse, au cor de basset et au cor anglais), ce qui nous renvoie à Tadd Dameron à son goût pour Ravel auquel on a pensé dans les ballades, notamment dans cette piècette de musique de chambre dédiée par Luigi Grasso à son jeune fils.
Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse), André Ceccarelli (batterie).
Où il n’est pas question de Ravel lorsque je quitte le Sunset pour me hisser au Sunset, mais d’une Gymnopédie de Satie. J’arrive en cours, j’en saisis un motif sans d’abord l’identifier, distrait par la façon ton Pieranunzi le promène et le module, et je comprends qu’il s’agit du programme “Ménage à trois” où les trois musiciens effeuille le répertoire classique. Long et désopilant commentaire franco-italien d’Enrico Pieranunzi pour annoncer Le Crépuscule de Darius Milhaud traité en valse bluesy que le trio propulse tout à coup d’un prodigieux coup de turbot. Le set touche déjà sa fin avec le fameux Colliwog’s Cakewalk de Debussy, que le pianiste expose, puis explose entre latin jazz et swing feeling walking-battu par André Imbert et Diego Ceccarelli, le piano faisant voleter les motifs de l’original jusqu’à les recomposer soudain en Night & Day. Dix minutes plus tard, quittant le lieux car une réunion de direction mensuelle m’attends demain matin à une heure qui n’est pas faite pour les noctambules, je me retrouve sur le quai du RER en train de lire les rebondissements de la présidentielle, ce qui est beaucoup moins réjouissant. • Franck Bergerot
PS : le trio Ménage à trois est à nouveau au Sunside demain soir (avec au Sunset le saxophoniste russe Zhenya Strigalev entouré de Linley Marthe et Eric Harland, le funk de Foksafunk au Baiser Salé et l’hommage à Clifford Jordan d’Olivier Témime avec le trio d’Olivier Hutman au Duc des Lombards. Quant à Luigi Grasso, retrouvons le mardi prochain 7 mars à la jam du Pop Up (14 rue Abel dans le 12ème) pour la qualification du concours Buffet Crampon.
|C’était tout à l’heure au Sunset, le Greenwich Session de Luigi Grasso à la tête de son nonette (augmenté), c’était un peu plus tard et un peu plus haut, au Sunside, le trio Manège à trois d’Enrico Pieranunzi, Diego Imbert et André Ceccarelli.
Il y a 55 ans, Tadd Dameron enregistrait son dernier album “The Magic Touch” au cours de trois séances Riverside, les 27 février, 9 mars et 16 avril 1962. Le 9 mars, il reprenait pour big band son chef d’œuvre Fontainebleau qu’il avait enregistré dès 1956 pour Prestige en octette, version que je préfère peut-être à la seconde, tant il me semble que Tadd Dameron n’avait pas besoin de tant de fastes orchestraux pour déployer ceux qu’il avait en tête. Même si le big band de 1962 n’était après tout qu’un petit big band, un “douzetêtes”. C’est en tout cas à Tadd Dameron que l’on pensa dès la première composition que fit jouer ce soir Luigi Grasso au Sunset où il est en résidence à la tête de son nonette pour sa Greenwich Session. Un nonette augmenté d’une trompettiste rencontré à Barcelone dont je ne parviens à relire le nom griffonné dans l’obscurité son mon exemplaire du Monde du vendredi, au stylo noir en plein sur un pneu noir dans l’encart publicitaire d’une célèbre marque automobile japonaise. Je remédierai à cette lacune ci-dessous dès que possible.
Luigi Grasso (saxes alto et baryton, compositions, direction), Fabien Mary (trompette), Armand Dubois (cor), Thomas Gomez (sax alto), Balthazar Naturel (cor anglais, sax ténor), Bodgan Sydorenko (clarinette basse), Pasquale Grasso (guitare électrique), Ari Roland (contrebasse), Keith Balla (batterie) + invités: Joan Mar Sauque Villa (trompette).
Tadd Dameron par la profondeur du son orchestrale, la qualité mélodique des conduites de voix et du travail de contrepoint. On pourrait encore invoquer Gigi Gryce, plus particulièrement sur une pièce le tandem Dizzy Gillespie – Gil Fuller, et puis soudain, dans une composition descriptive que l’on pourrait intituler An Italian in Istambul (en souvenir des klaxons d’Un Américain à Paris), les arrangeurs de Stan Kenton (facile ! mais lesquels donc ?). On est en tout cas ici à cette articulation entre le classicisme du bebop et la recherche par une génération de jazzmen d’après-guerre d’une voie plus moderne où, sans renoncer aux formats du blues et du AABA, on cherchait sinon à en faire craquer les coutures, du moins à les masquer.
C’est ce que l’on remarque dans les solos du frère de Luigi, Pascquale, impressionnant virtuose de la guitare, au sujet duquel Pat Metheny ne tarit pas d’éloge, dont le débit trop dense pour respirer (Ari Roland itou dans ses prodigieux solos d’archet) est compensé par cette faculté de chevaucher barres de mesures et groupements par 4, 8 ou 16. Vu l’heure à laquelle j’écris, je ne détaillerai pas ici les qualités des uns et des autres, (hors d’une mention spéciale pour Keith Balla qui, selon une musicalité et une souplesse entre Roy Haynes et Max Roach, apporte, pas seulement dans ses solos, une belle qualité de respiration, de nuances et de dramaturgie), mais je soulignerai l’orchestration qui fait appel au cor d’harmonie, à la clarinette basse, au cor de basset et au cor anglais), ce qui nous renvoie à Tadd Dameron à son goût pour Ravel auquel on a pensé dans les ballades, notamment dans cette piècette de musique de chambre dédiée par Luigi Grasso à son jeune fils.
Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse), André Ceccarelli (batterie).
Où il n’est pas question de Ravel lorsque je quitte le Sunset pour me hisser au Sunset, mais d’une Gymnopédie de Satie. J’arrive en cours, j’en saisis un motif sans d’abord l’identifier, distrait par la façon ton Pieranunzi le promène et le module, et je comprends qu’il s’agit du programme “Ménage à trois” où les trois musiciens effeuille le répertoire classique. Long et désopilant commentaire franco-italien d’Enrico Pieranunzi pour annoncer Le Crépuscule de Darius Milhaud traité en valse bluesy que le trio propulse tout à coup d’un prodigieux coup de turbot. Le set touche déjà sa fin avec le fameux Colliwog’s Cakewalk de Debussy, que le pianiste expose, puis explose entre latin jazz et swing feeling walking-battu par André Imbert et Diego Ceccarelli, le piano faisant voleter les motifs de l’original jusqu’à les recomposer soudain en Night & Day. Dix minutes plus tard, quittant le lieux car une réunion de direction mensuelle m’attends demain matin à une heure qui n’est pas faite pour les noctambules, je me retrouve sur le quai du RER en train de lire les rebondissements de la présidentielle, ce qui est beaucoup moins réjouissant. • Franck Bergerot
PS : le trio Ménage à trois est à nouveau au Sunside demain soir (avec au Sunset le saxophoniste russe Zhenya Strigalev entouré de Linley Marthe et Eric Harland, le funk de Foksafunk au Baiser Salé et l’hommage à Clifford Jordan d’Olivier Témime avec le trio d’Olivier Hutman au Duc des Lombards. Quant à Luigi Grasso, retrouvons le mardi prochain 7 mars à la jam du Pop Up (14 rue Abel dans le 12ème) pour la qualification du concours Buffet Crampon.
|C’était tout à l’heure au Sunset, le Greenwich Session de Luigi Grasso à la tête de son nonette (augmenté), c’était un peu plus tard et un peu plus haut, au Sunside, le trio Manège à trois d’Enrico Pieranunzi, Diego Imbert et André Ceccarelli.
Il y a 55 ans, Tadd Dameron enregistrait son dernier album “The Magic Touch” au cours de trois séances Riverside, les 27 février, 9 mars et 16 avril 1962. Le 9 mars, il reprenait pour big band son chef d’œuvre Fontainebleau qu’il avait enregistré dès 1956 pour Prestige en octette, version que je préfère peut-être à la seconde, tant il me semble que Tadd Dameron n’avait pas besoin de tant de fastes orchestraux pour déployer ceux qu’il avait en tête. Même si le big band de 1962 n’était après tout qu’un petit big band, un “douzetêtes”. C’est en tout cas à Tadd Dameron que l’on pensa dès la première composition que fit jouer ce soir Luigi Grasso au Sunset où il est en résidence à la tête de son nonette pour sa Greenwich Session. Un nonette augmenté d’une trompettiste rencontré à Barcelone dont je ne parviens à relire le nom griffonné dans l’obscurité son mon exemplaire du Monde du vendredi, au stylo noir en plein sur un pneu noir dans l’encart publicitaire d’une célèbre marque automobile japonaise. Je remédierai à cette lacune ci-dessous dès que possible.
Luigi Grasso (saxes alto et baryton, compositions, direction), Fabien Mary (trompette), Armand Dubois (cor), Thomas Gomez (sax alto), Balthazar Naturel (cor anglais, sax ténor), Bodgan Sydorenko (clarinette basse), Pasquale Grasso (guitare électrique), Ari Roland (contrebasse), Keith Balla (batterie) + invités: Joan Mar Sauque Villa (trompette).
Tadd Dameron par la profondeur du son orchestrale, la qualité mélodique des conduites de voix et du travail de contrepoint. On pourrait encore invoquer Gigi Gryce, plus particulièrement sur une pièce le tandem Dizzy Gillespie – Gil Fuller, et puis soudain, dans une composition descriptive que l’on pourrait intituler An Italian in Istambul (en souvenir des klaxons d’Un Américain à Paris), les arrangeurs de Stan Kenton (facile ! mais lesquels donc ?). On est en tout cas ici à cette articulation entre le classicisme du bebop et la recherche par une génération de jazzmen d’après-guerre d’une voie plus moderne où, sans renoncer aux formats du blues et du AABA, on cherchait sinon à en faire craquer les coutures, du moins à les masquer.
C’est ce que l’on remarque dans les solos du frère de Luigi, Pascquale, impressionnant virtuose de la guitare, au sujet duquel Pat Metheny ne tarit pas d’éloge, dont le débit trop dense pour respirer (Ari Roland itou dans ses prodigieux solos d’archet) est compensé par cette faculté de chevaucher barres de mesures et groupements par 4, 8 ou 16. Vu l’heure à laquelle j’écris, je ne détaillerai pas ici les qualités des uns et des autres, (hors d’une mention spéciale pour Keith Balla qui, selon une musicalité et une souplesse entre Roy Haynes et Max Roach, apporte, pas seulement dans ses solos, une belle qualité de respiration, de nuances et de dramaturgie), mais je soulignerai l’orchestration qui fait appel au cor d’harmonie, à la clarinette basse, au cor de basset et au cor anglais), ce qui nous renvoie à Tadd Dameron à son goût pour Ravel auquel on a pensé dans les ballades, notamment dans cette piècette de musique de chambre dédiée par Luigi Grasso à son jeune fils.
Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse), André Ceccarelli (batterie).
Où il n’est pas question de Ravel lorsque je quitte le Sunset pour me hisser au Sunset, mais d’une Gymnopédie de Satie. J’arrive en cours, j’en saisis un motif sans d’abord l’identifier, distrait par la façon ton Pieranunzi le promène et le module, et je comprends qu’il s’agit du programme “Ménage à trois” où les trois musiciens effeuille le répertoire classique. Long et désopilant commentaire franco-italien d’Enrico Pieranunzi pour annoncer Le Crépuscule de Darius Milhaud traité en valse bluesy que le trio propulse tout à coup d’un prodigieux coup de turbot. Le set touche déjà sa fin avec le fameux Colliwog’s Cakewalk de Debussy, que le pianiste expose, puis explose entre latin jazz et swing feeling walking-battu par André Imbert et Diego Ceccarelli, le piano faisant voleter les motifs de l’original jusqu’à les recomposer soudain en Night & Day. Dix minutes plus tard, quittant le lieux car une réunion de direction mensuelle m’attends demain matin à une heure qui n’est pas faite pour les noctambules, je me retrouve sur le quai du RER en train de lire les rebondissements de la présidentielle, ce qui est beaucoup moins réjouissant. • Franck Bergerot
PS : le trio Ménage à trois est à nouveau au Sunside demain soir (avec au Sunset le saxophoniste russe Zhenya Strigalev entouré de Linley Marthe et Eric Harland, le funk de Foksafunk au Baiser Salé et l’hommage à Clifford Jordan d’Olivier Témime avec le trio d’Olivier Hutman au Duc des Lombards. Quant à Luigi Grasso, retrouvons le mardi prochain 7 mars à la jam du Pop Up (14 rue Abel dans le 12ème) pour la qualification du concours Buffet Crampon.
|C’était tout à l’heure au Sunset, le Greenwich Session de Luigi Grasso à la tête de son nonette (augmenté), c’était un peu plus tard et un peu plus haut, au Sunside, le trio Manège à trois d’Enrico Pieranunzi, Diego Imbert et André Ceccarelli.
Il y a 55 ans, Tadd Dameron enregistrait son dernier album “The Magic Touch” au cours de trois séances Riverside, les 27 février, 9 mars et 16 avril 1962. Le 9 mars, il reprenait pour big band son chef d’œuvre Fontainebleau qu’il avait enregistré dès 1956 pour Prestige en octette, version que je préfère peut-être à la seconde, tant il me semble que Tadd Dameron n’avait pas besoin de tant de fastes orchestraux pour déployer ceux qu’il avait en tête. Même si le big band de 1962 n’était après tout qu’un petit big band, un “douzetêtes”. C’est en tout cas à Tadd Dameron que l’on pensa dès la première composition que fit jouer ce soir Luigi Grasso au Sunset où il est en résidence à la tête de son nonette pour sa Greenwich Session. Un nonette augmenté d’une trompettiste rencontré à Barcelone dont je ne parviens à relire le nom griffonné dans l’obscurité son mon exemplaire du Monde du vendredi, au stylo noir en plein sur un pneu noir dans l’encart publicitaire d’une célèbre marque automobile japonaise. Je remédierai à cette lacune ci-dessous dès que possible.
Luigi Grasso (saxes alto et baryton, compositions, direction), Fabien Mary (trompette), Armand Dubois (cor), Thomas Gomez (sax alto), Balthazar Naturel (cor anglais, sax ténor), Bodgan Sydorenko (clarinette basse), Pasquale Grasso (guitare électrique), Ari Roland (contrebasse), Keith Balla (batterie) + invités: Joan Mar Sauque Villa (trompette).
Tadd Dameron par la profondeur du son orchestrale, la qualité mélodique des conduites de voix et du travail de contrepoint. On pourrait encore invoquer Gigi Gryce, plus particulièrement sur une pièce le tandem Dizzy Gillespie – Gil Fuller, et puis soudain, dans une composition descriptive que l’on pourrait intituler An Italian in Istambul (en souvenir des klaxons d’Un Américain à Paris), les arrangeurs de Stan Kenton (facile ! mais lesquels donc ?). On est en tout cas ici à cette articulation entre le classicisme du bebop et la recherche par une génération de jazzmen d’après-guerre d’une voie plus moderne où, sans renoncer aux formats du blues et du AABA, on cherchait sinon à en faire craquer les coutures, du moins à les masquer.
C’est ce que l’on remarque dans les solos du frère de Luigi, Pascquale, impressionnant virtuose de la guitare, au sujet duquel Pat Metheny ne tarit pas d’éloge, dont le débit trop dense pour respirer (Ari Roland itou dans ses prodigieux solos d’archet) est compensé par cette faculté de chevaucher barres de mesures et groupements par 4, 8 ou 16. Vu l’heure à laquelle j’écris, je ne détaillerai pas ici les qualités des uns et des autres, (hors d’une mention spéciale pour Keith Balla qui, selon une musicalité et une souplesse entre Roy Haynes et Max Roach, apporte, pas seulement dans ses solos, une belle qualité de respiration, de nuances et de dramaturgie), mais je soulignerai l’orchestration qui fait appel au cor d’harmonie, à la clarinette basse, au cor de basset et au cor anglais), ce qui nous renvoie à Tadd Dameron à son goût pour Ravel auquel on a pensé dans les ballades, notamment dans cette piècette de musique de chambre dédiée par Luigi Grasso à son jeune fils.
Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse), André Ceccarelli (batterie).
Où il n’est pas question de Ravel lorsque je quitte le Sunset pour me hisser au Sunset, mais d’une Gymnopédie de Satie. J’arrive en cours, j’en saisis un motif sans d’abord l’identifier, distrait par la façon ton Pieranunzi le promène et le module, et je comprends qu’il s’agit du programme “Ménage à trois” où les trois musiciens effeuille le répertoire classique. Long et désopilant commentaire franco-italien d’Enrico Pieranunzi pour annoncer Le Crépuscule de Darius Milhaud traité en valse bluesy que le trio propulse tout à coup d’un prodigieux coup de turbot. Le set touche déjà sa fin avec le fameux Colliwog’s Cakewalk de Debussy, que le pianiste expose, puis explose entre latin jazz et swing feeling walking-battu par André Imbert et Diego Ceccarelli, le piano faisant voleter les motifs de l’original jusqu’à les recomposer soudain en Night & Day. Dix minutes plus tard, quittant le lieux car une réunion de direction mensuelle m’attends demain matin à une heure qui n’est pas faite pour les noctambules, je me retrouve sur le quai du RER en train de lire les rebondissements de la présidentielle, ce qui est beaucoup moins réjouissant. • Franck Bergerot
PS : le trio Ménage à trois est à nouveau au Sunside demain soir (avec au Sunset le saxophoniste russe Zhenya Strigalev entouré de Linley Marthe et Eric Harland, le funk de Foksafunk au Baiser Salé et l’hommage à Clifford Jordan d’Olivier Témime avec le trio d’Olivier Hutman au Duc des Lombards. Quant à Luigi Grasso, retrouvons le mardi prochain 7 mars à la jam du Pop Up (14 rue Abel dans le 12ème) pour la qualification du concours Buffet Crampon.