AMIENS, TENDANCE JAZZ : DANIEL ZIMMERMANN et JOE LOVANO
Nouvelle édition du festival, lequel est toujours bâti autour du catalogue de Label Bleu, fer de lance de la Maison de la Culture, revenu sur le devant de la scène l’an dernier pour son trentième anniversaire. Au programme de ces trois jours des artistes ‘maison’ : Thomas de Pourquery et Louis Winsberg, publiés récemment ; Das Kapital, sorti l’an dernier ; et ceux qui faisaient l’affiche du 10 mars, Daniel Zimmermann et Joe Lovano
Daniel Zimmermann (trombone, composition), Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (guitare basse), Julien Charlet (batterie).
Maison de la Culture, Petit théâtre, 10 mars 2017, 19h15
Arrivé en catastrophe pour la balance, après des problèmes de transports en région parisienne, le quartette est serein, manifestement heureux de se trouver là où il avait enregistré en février 2016 le disque paru à l’automne dernier («Montagnes Russes», Label Bleu/L’Autre Distribution). C’est d’ailleurs le programme du CD qu’il va jouer, en ordre réagencé. Daniel Zimmermannn présente chaque morceau avec son humour pince-sans-rire, teinté de critique socio-politique : la musique est aussi un sport de combat. La très forte expressivité qui se manifestait sur le disque se trouve amplifiée sur scène, par la communication directe avec le public. Les thèmes portent souvent une teinte de mélancolie, soulignée par le timbre du trombone. La scène offre aussi la faculté de s’étendre dans l’improvisation, de tester de nouvelles interactions entre les partenaires du groupe, totalement engagés, et qui ne manquent ni de talent, ni d’initiative. C’est constamment très vivant, avec des rebonds ludiques et des émois partagés. Qu’il s’agisse d’évoquer la fuite du temps (Au Temps ôtant), ou le génocide du Ruanda (Dans le nu de la vie), les sentiments affleurent dans la sonorité du trombone, dans les sons retenus de la guitare, dans le dialogue constant entre les instruments. Mais comme le dit le leader, on ne peut pas constamment «se mettre la rate au court-bouillon». Alors il y a aussi les effusions rythmiques venues du jazz, de la soul et du rock, musiques auxquelles ont biberonné ces musiciens. Et ce sera Mamelles, un thème que Daniel Zimmermann a joué naguère avec Thomas de Pourquery (avec lequel il partageait alors un quintette). Au fil du concert le tromboniste gère magnifiquement le périlleux conflit qui oppose, pour les souffleurs comme pour les vocalistes (qu’ils soient de jazz ou d’opéra) justesse et expressivité. Le guitariste cisèle ses phrases et ses accords , en constante interaction avec les soliste, tout en s’offrant des escapades inattendues, et souvent décoiffantes. Le bassiste gère avec maîtrise et inventivité une palette très large, étoffée par un grand renfort d’effets électroniques et, même quand la basse gronde de vibrations telluriques, le son est constamment lisible, et pertinent, d’autant que ses lignes, toujours propulsives, contournent les clichés et s’épanouissent dans une complexité dépourvue d’ostentation. Quant au batteur, s’il fournit constamment l’assise indispensable, il distille aussi une foule de micro-événements qui accentue encore, s’il en était besoin, la vitalité de l’ensemble. Bref un vrai beau concert, réussi, comme on les aime.
JOE LOVANO CLASSIC QUARTET
Joe Lovano (saxophone ténor, taragote), Lawrence Fields (piano), Peter Slavov (contrebasse), Carmen Castaldi (batterie).
Maison de la Culture, Grand théâtre, 10 mars 2017, 21h
Avec Joe Lovano, c’est un des partenaires américains privilégiés de Label Bleu qui est accueilli : il était de l’aventure du Transatlantik Quartet du contrebassiste Henri Texier (2 CD sous le Label maison), il avait aussi publié ici «Worlds», avec Judi Silvano, et il était l’invité du disque «Paris Batignolles» de Texier, enregistré en 1986 dans cette même salle (l’une des premières références du label). En ce 10 mars, ce souvenir est pour moi d’une importance exceptionnelle : à la batterie, sur ce disque, officiait l’Ami Jacques Mahieux, disparu exactement un an auparavant, le 10 mars 2016…. Le groupe est au cœur d’une tournée européenne serrée (presque chaque jour un concert), et dans sa partie française plus que dense : la veille au New Morning à Paris, l’avant-veille à Schiltigheim près de Strasbourg, et le lendemain à Tours pour le Petit Faucheux, avant de filer vers la Suisse, l’Espagne, la République Tchèque et la Hongrie.
Arrivé avant la balance, le pianiste Lawrence Fields teste longuement l’instrument, qui paraît lui plaire. C’est un musicien exceptionnel, repéré par Lovano au Berklee college, où il enseigne. On l’a entendu avec Christian Scott, et aussi dans le groupe qui associe Lovano à Dave Douglas. Le bassiste Peter Slavo et le batteur Carmen Castaldi sont déjà pour Lovano des compagnons au long cours. Pendant la balance, après que le son de la rythmique a été peaufiné, Lovano arrive sur scène, et dès les premières notes on est dans le plus vif du sujet. Il en ira de même au concert : ils sont là pour donner, et se donner, sans compter. Il y a un léger décalage entre la plus récente actualité phonographique de Lovano sous cet intitulé («Classic !, Live at Newport», publié en 2016 mais enregistré en 2005 avec Hank Jones) et les concerts de cette tournée. Le répertoire mêle diverses époques de la carrière du saxophoniste : Golden Horn, qui figurait notamment sur « Colonel Skopje » avec Henri Texier ; Mystic Garden, enregistré avec Judi Silvano ; Weather Man, en hommage à Wayne Shorter, enregistré par Lovano avec Dave Douglas ; ce que je crois reconnaître comme un blues d’Ornette Coleman, ou encore Dance, souvenir des multiples collaboration du saxophoniste avec Paul Motian, qui avait composé ce thème dans les années 70. La musique circule vite entre les musiciens, très concentrés. Lovano laisse beaucoup d’espace à son pianiste, que manifestement il admire. J’ai entendu le piano ‘au naturel’, pendant la balance, et au concert le haut médium et l’aigu m’ont semblé souffrir d’un égalisation inaboutie qui en altérait la sonorité. Mais quel pianiste, que improvisateur ! Les thèmes s’enchaînent, dans les applaudissements encore soutenus. Le saxophoniste passe à plusieurs reprises du sax ténor au tárogató (en français taragote), un instrument hongrois à anche simple, sorte de saxophone soprano en bois qui timbre souvent comme une anche double (hautbois, cor anglais) et dont la justesse semble difficile à maîtriser dans la bouche de Lovano, pourtant expert au saxophone. Charles Lloyd et Peter Brötzman jouent parfois de cet instrument, plutôt rare dans le jazz, et presque aussi rare dans la musique symphonique. Lovano est en verve, sollicitant ses partenaires qui réagissent au quart de tour. Ses chorus sont torrides, et sinueux à souhait.. Le bonheur est total, sur scène comme dans la salle. Rappelé, le saxophoniste revient seul, comme il l’a fait semble-t-il lors d’autres dates de la tournée. Je crois reconnaître I’m All For You mais je me méfie de mes impressions : au cours du concert, j’ai cru un instant qu’il improvisait sur Softly As in a Morning Sunrise que manifestement il n’a pas exposé. Hallucination auditive du vieil amateur ? Possible…..
Xavier Prévost
Le concert donné par Joe Lovano au New Morning le 9 mars, avec un programme assez proche et manifestement aussi réussi , sera diffusé prochainement dans le Jazz Club de France Musique à une date qui, à ce jour, n’est pas déterminée.|Nouvelle édition du festival, lequel est toujours bâti autour du catalogue de Label Bleu, fer de lance de la Maison de la Culture, revenu sur le devant de la scène l’an dernier pour son trentième anniversaire. Au programme de ces trois jours des artistes ‘maison’ : Thomas de Pourquery et Louis Winsberg, publiés récemment ; Das Kapital, sorti l’an dernier ; et ceux qui faisaient l’affiche du 10 mars, Daniel Zimmermann et Joe Lovano
Daniel Zimmermann (trombone, composition), Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (guitare basse), Julien Charlet (batterie).
Maison de la Culture, Petit théâtre, 10 mars 2017, 19h15
Arrivé en catastrophe pour la balance, après des problèmes de transports en région parisienne, le quartette est serein, manifestement heureux de se trouver là où il avait enregistré en février 2016 le disque paru à l’automne dernier («Montagnes Russes», Label Bleu/L’Autre Distribution). C’est d’ailleurs le programme du CD qu’il va jouer, en ordre réagencé. Daniel Zimmermannn présente chaque morceau avec son humour pince-sans-rire, teinté de critique socio-politique : la musique est aussi un sport de combat. La très forte expressivité qui se manifestait sur le disque se trouve amplifiée sur scène, par la communication directe avec le public. Les thèmes portent souvent une teinte de mélancolie, soulignée par le timbre du trombone. La scène offre aussi la faculté de s’étendre dans l’improvisation, de tester de nouvelles interactions entre les partenaires du groupe, totalement engagés, et qui ne manquent ni de talent, ni d’initiative. C’est constamment très vivant, avec des rebonds ludiques et des émois partagés. Qu’il s’agisse d’évoquer la fuite du temps (Au Temps ôtant), ou le génocide du Ruanda (Dans le nu de la vie), les sentiments affleurent dans la sonorité du trombone, dans les sons retenus de la guitare, dans le dialogue constant entre les instruments. Mais comme le dit le leader, on ne peut pas constamment «se mettre la rate au court-bouillon». Alors il y a aussi les effusions rythmiques venues du jazz, de la soul et du rock, musiques auxquelles ont biberonné ces musiciens. Et ce sera Mamelles, un thème que Daniel Zimmermann a joué naguère avec Thomas de Pourquery (avec lequel il partageait alors un quintette). Au fil du concert le tromboniste gère magnifiquement le périlleux conflit qui oppose, pour les souffleurs comme pour les vocalistes (qu’ils soient de jazz ou d’opéra) justesse et expressivité. Le guitariste cisèle ses phrases et ses accords , en constante interaction avec les soliste, tout en s’offrant des escapades inattendues, et souvent décoiffantes. Le bassiste gère avec maîtrise et inventivité une palette très large, étoffée par un grand renfort d’effets électroniques et, même quand la basse gronde de vibrations telluriques, le son est constamment lisible, et pertinent, d’autant que ses lignes, toujours propulsives, contournent les clichés et s’épanouissent dans une complexité dépourvue d’ostentation. Quant au batteur, s’il fournit constamment l’assise indispensable, il distille aussi une foule de micro-événements qui accentue encore, s’il en était besoin, la vitalité de l’ensemble. Bref un vrai beau concert, réussi, comme on les aime.
JOE LOVANO CLASSIC QUARTET
Joe Lovano (saxophone ténor, taragote), Lawrence Fields (piano), Peter Slavov (contrebasse), Carmen Castaldi (batterie).
Maison de la Culture, Grand théâtre, 10 mars 2017, 21h
Avec Joe Lovano, c’est un des partenaires américains privilégiés de Label Bleu qui est accueilli : il était de l’aventure du Transatlantik Quartet du contrebassiste Henri Texier (2 CD sous le Label maison), il avait aussi publié ici «Worlds», avec Judi Silvano, et il était l’invité du disque «Paris Batignolles» de Texier, enregistré en 1986 dans cette même salle (l’une des premières références du label). En ce 10 mars, ce souvenir est pour moi d’une importance exceptionnelle : à la batterie, sur ce disque, officiait l’Ami Jacques Mahieux, disparu exactement un an auparavant, le 10 mars 2016…. Le groupe est au cœur d’une tournée européenne serrée (presque chaque jour un concert), et dans sa partie française plus que dense : la veille au New Morning à Paris, l’avant-veille à Schiltigheim près de Strasbourg, et le lendemain à Tours pour le Petit Faucheux, avant de filer vers la Suisse, l’Espagne, la République Tchèque et la Hongrie.
Arrivé avant la balance, le pianiste Lawrence Fields teste longuement l’instrument, qui paraît lui plaire. C’est un musicien exceptionnel, repéré par Lovano au Berklee college, où il enseigne. On l’a entendu avec Christian Scott, et aussi dans le groupe qui associe Lovano à Dave Douglas. Le bassiste Peter Slavo et le batteur Carmen Castaldi sont déjà pour Lovano des compagnons au long cours. Pendant la balance, après que le son de la rythmique a été peaufiné, Lovano arrive sur scène, et dès les premières notes on est dans le plus vif du sujet. Il en ira de même au concert : ils sont là pour donner, et se donner, sans compter. Il y a un léger décalage entre la plus récente actualité phonographique de Lovano sous cet intitulé («Classic !, Live at Newport», publié en 2016 mais enregistré en 2005 avec Hank Jones) et les concerts de cette tournée. Le répertoire mêle diverses époques de la carrière du saxophoniste : Golden Horn, qui figurait notamment sur « Colonel Skopje » avec Henri Texier ; Mystic Garden, enregistré avec Judi Silvano ; Weather Man, en hommage à Wayne Shorter, enregistré par Lovano avec Dave Douglas ; ce que je crois reconnaître comme un blues d’Ornette Coleman, ou encore Dance, souvenir des multiples collaboration du saxophoniste avec Paul Motian, qui avait composé ce thème dans les années 70. La musique circule vite entre les musiciens, très concentrés. Lovano laisse beaucoup d’espace à son pianiste, que manifestement il admire. J’ai entendu le piano ‘au naturel’, pendant la balance, et au concert le haut médium et l’aigu m’ont semblé souffrir d’un égalisation inaboutie qui en altérait la sonorité. Mais quel pianiste, que improvisateur ! Les thèmes s’enchaînent, dans les applaudissements encore soutenus. Le saxophoniste passe à plusieurs reprises du sax ténor au tárogató (en français taragote), un instrument hongrois à anche simple, sorte de saxophone soprano en bois qui timbre souvent comme une anche double (hautbois, cor anglais) et dont la justesse semble difficile à maîtriser dans la bouche de Lovano, pourtant expert au saxophone. Charles Lloyd et Peter Brötzman jouent parfois de cet instrument, plutôt rare dans le jazz, et presque aussi rare dans la musique symphonique. Lovano est en verve, sollicitant ses partenaires qui réagissent au quart de tour. Ses chorus sont torrides, et sinueux à souhait.. Le bonheur est total, sur scène comme dans la salle. Rappelé, le saxophoniste revient seul, comme il l’a fait semble-t-il lors d’autres dates de la tournée. Je crois reconnaître I’m All For You mais je me méfie de mes impressions : au cours du concert, j’ai cru un instant qu’il improvisait sur Softly As in a Morning Sunrise que manifestement il n’a pas exposé. Hallucination auditive du vieil amateur ? Possible…..
Xavier Prévost
Le concert donné par Joe Lovano au New Morning le 9 mars, avec un programme assez proche et manifestement aussi réussi , sera diffusé prochainement dans le Jazz Club de France Musique à une date qui, à ce jour, n’est pas déterminée.|Nouvelle édition du festival, lequel est toujours bâti autour du catalogue de Label Bleu, fer de lance de la Maison de la Culture, revenu sur le devant de la scène l’an dernier pour son trentième anniversaire. Au programme de ces trois jours des artistes ‘maison’ : Thomas de Pourquery et Louis Winsberg, publiés récemment ; Das Kapital, sorti l’an dernier ; et ceux qui faisaient l’affiche du 10 mars, Daniel Zimmermann et Joe Lovano
Daniel Zimmermann (trombone, composition), Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (guitare basse), Julien Charlet (batterie).
Maison de la Culture, Petit théâtre, 10 mars 2017, 19h15
Arrivé en catastrophe pour la balance, après des problèmes de transports en région parisienne, le quartette est serein, manifestement heureux de se trouver là où il avait enregistré en février 2016 le disque paru à l’automne dernier («Montagnes Russes», Label Bleu/L’Autre Distribution). C’est d’ailleurs le programme du CD qu’il va jouer, en ordre réagencé. Daniel Zimmermannn présente chaque morceau avec son humour pince-sans-rire, teinté de critique socio-politique : la musique est aussi un sport de combat. La très forte expressivité qui se manifestait sur le disque se trouve amplifiée sur scène, par la communication directe avec le public. Les thèmes portent souvent une teinte de mélancolie, soulignée par le timbre du trombone. La scène offre aussi la faculté de s’étendre dans l’improvisation, de tester de nouvelles interactions entre les partenaires du groupe, totalement engagés, et qui ne manquent ni de talent, ni d’initiative. C’est constamment très vivant, avec des rebonds ludiques et des émois partagés. Qu’il s’agisse d’évoquer la fuite du temps (Au Temps ôtant), ou le génocide du Ruanda (Dans le nu de la vie), les sentiments affleurent dans la sonorité du trombone, dans les sons retenus de la guitare, dans le dialogue constant entre les instruments. Mais comme le dit le leader, on ne peut pas constamment «se mettre la rate au court-bouillon». Alors il y a aussi les effusions rythmiques venues du jazz, de la soul et du rock, musiques auxquelles ont biberonné ces musiciens. Et ce sera Mamelles, un thème que Daniel Zimmermann a joué naguère avec Thomas de Pourquery (avec lequel il partageait alors un quintette). Au fil du concert le tromboniste gère magnifiquement le périlleux conflit qui oppose, pour les souffleurs comme pour les vocalistes (qu’ils soient de jazz ou d’opéra) justesse et expressivité. Le guitariste cisèle ses phrases et ses accords , en constante interaction avec les soliste, tout en s’offrant des escapades inattendues, et souvent décoiffantes. Le bassiste gère avec maîtrise et inventivité une palette très large, étoffée par un grand renfort d’effets électroniques et, même quand la basse gronde de vibrations telluriques, le son est constamment lisible, et pertinent, d’autant que ses lignes, toujours propulsives, contournent les clichés et s’épanouissent dans une complexité dépourvue d’ostentation. Quant au batteur, s’il fournit constamment l’assise indispensable, il distille aussi une foule de micro-événements qui accentue encore, s’il en était besoin, la vitalité de l’ensemble. Bref un vrai beau concert, réussi, comme on les aime.
JOE LOVANO CLASSIC QUARTET
Joe Lovano (saxophone ténor, taragote), Lawrence Fields (piano), Peter Slavov (contrebasse), Carmen Castaldi (batterie).
Maison de la Culture, Grand théâtre, 10 mars 2017, 21h
Avec Joe Lovano, c’est un des partenaires américains privilégiés de Label Bleu qui est accueilli : il était de l’aventure du Transatlantik Quartet du contrebassiste Henri Texier (2 CD sous le Label maison), il avait aussi publié ici «Worlds», avec Judi Silvano, et il était l’invité du disque «Paris Batignolles» de Texier, enregistré en 1986 dans cette même salle (l’une des premières références du label). En ce 10 mars, ce souvenir est pour moi d’une importance exceptionnelle : à la batterie, sur ce disque, officiait l’Ami Jacques Mahieux, disparu exactement un an auparavant, le 10 mars 2016…. Le groupe est au cœur d’une tournée européenne serrée (presque chaque jour un concert), et dans sa partie française plus que dense : la veille au New Morning à Paris, l’avant-veille à Schiltigheim près de Strasbourg, et le lendemain à Tours pour le Petit Faucheux, avant de filer vers la Suisse, l’Espagne, la République Tchèque et la Hongrie.
Arrivé avant la balance, le pianiste Lawrence Fields teste longuement l’instrument, qui paraît lui plaire. C’est un musicien exceptionnel, repéré par Lovano au Berklee college, où il enseigne. On l’a entendu avec Christian Scott, et aussi dans le groupe qui associe Lovano à Dave Douglas. Le bassiste Peter Slavo et le batteur Carmen Castaldi sont déjà pour Lovano des compagnons au long cours. Pendant la balance, après que le son de la rythmique a été peaufiné, Lovano arrive sur scène, et dès les premières notes on est dans le plus vif du sujet. Il en ira de même au concert : ils sont là pour donner, et se donner, sans compter. Il y a un léger décalage entre la plus récente actualité phonographique de Lovano sous cet intitulé («Classic !, Live at Newport», publié en 2016 mais enregistré en 2005 avec Hank Jones) et les concerts de cette tournée. Le répertoire mêle diverses époques de la carrière du saxophoniste : Golden Horn, qui figurait notamment sur « Colonel Skopje » avec Henri Texier ; Mystic Garden, enregistré avec Judi Silvano ; Weather Man, en hommage à Wayne Shorter, enregistré par Lovano avec Dave Douglas ; ce que je crois reconnaître comme un blues d’Ornette Coleman, ou encore Dance, souvenir des multiples collaboration du saxophoniste avec Paul Motian, qui avait composé ce thème dans les années 70. La musique circule vite entre les musiciens, très concentrés. Lovano laisse beaucoup d’espace à son pianiste, que manifestement il admire. J’ai entendu le piano ‘au naturel’, pendant la balance, et au concert le haut médium et l’aigu m’ont semblé souffrir d’un égalisation inaboutie qui en altérait la sonorité. Mais quel pianiste, que improvisateur ! Les thèmes s’enchaînent, dans les applaudissements encore soutenus. Le saxophoniste passe à plusieurs reprises du sax ténor au tárogató (en français taragote), un instrument hongrois à anche simple, sorte de saxophone soprano en bois qui timbre souvent comme une anche double (hautbois, cor anglais) et dont la justesse semble difficile à maîtriser dans la bouche de Lovano, pourtant expert au saxophone. Charles Lloyd et Peter Brötzman jouent parfois de cet instrument, plutôt rare dans le jazz, et presque aussi rare dans la musique symphonique. Lovano est en verve, sollicitant ses partenaires qui réagissent au quart de tour. Ses chorus sont torrides, et sinueux à souhait.. Le bonheur est total, sur scène comme dans la salle. Rappelé, le saxophoniste revient seul, comme il l’a fait semble-t-il lors d’autres dates de la tournée. Je crois reconnaître I’m All For You mais je me méfie de mes impressions : au cours du concert, j’ai cru un instant qu’il improvisait sur Softly As in a Morning Sunrise que manifestement il n’a pas exposé. Hallucination auditive du vieil amateur ? Possible…..
Xavier Prévost
Le concert donné par Joe Lovano au New Morning le 9 mars, avec un programme assez proche et manifestement aussi réussi , sera diffusé prochainement dans le Jazz Club de France Musique à une date qui, à ce jour, n’est pas déterminée.|Nouvelle édition du festival, lequel est toujours bâti autour du catalogue de Label Bleu, fer de lance de la Maison de la Culture, revenu sur le devant de la scène l’an dernier pour son trentième anniversaire. Au programme de ces trois jours des artistes ‘maison’ : Thomas de Pourquery et Louis Winsberg, publiés récemment ; Das Kapital, sorti l’an dernier ; et ceux qui faisaient l’affiche du 10 mars, Daniel Zimmermann et Joe Lovano
Daniel Zimmermann (trombone, composition), Pierre Durand (guitare), Jérôme Regard (guitare basse), Julien Charlet (batterie).
Maison de la Culture, Petit théâtre, 10 mars 2017, 19h15
Arrivé en catastrophe pour la balance, après des problèmes de transports en région parisienne, le quartette est serein, manifestement heureux de se trouver là où il avait enregistré en février 2016 le disque paru à l’automne dernier («Montagnes Russes», Label Bleu/L’Autre Distribution). C’est d’ailleurs le programme du CD qu’il va jouer, en ordre réagencé. Daniel Zimmermannn présente chaque morceau avec son humour pince-sans-rire, teinté de critique socio-politique : la musique est aussi un sport de combat. La très forte expressivité qui se manifestait sur le disque se trouve amplifiée sur scène, par la communication directe avec le public. Les thèmes portent souvent une teinte de mélancolie, soulignée par le timbre du trombone. La scène offre aussi la faculté de s’étendre dans l’improvisation, de tester de nouvelles interactions entre les partenaires du groupe, totalement engagés, et qui ne manquent ni de talent, ni d’initiative. C’est constamment très vivant, avec des rebonds ludiques et des émois partagés. Qu’il s’agisse d’évoquer la fuite du temps (Au Temps ôtant), ou le génocide du Ruanda (Dans le nu de la vie), les sentiments affleurent dans la sonorité du trombone, dans les sons retenus de la guitare, dans le dialogue constant entre les instruments. Mais comme le dit le leader, on ne peut pas constamment «se mettre la rate au court-bouillon». Alors il y a aussi les effusions rythmiques venues du jazz, de la soul et du rock, musiques auxquelles ont biberonné ces musiciens. Et ce sera Mamelles, un thème que Daniel Zimmermann a joué naguère avec Thomas de Pourquery (avec lequel il partageait alors un quintette). Au fil du concert le tromboniste gère magnifiquement le périlleux conflit qui oppose, pour les souffleurs comme pour les vocalistes (qu’ils soient de jazz ou d’opéra) justesse et expressivité. Le guitariste cisèle ses phrases et ses accords , en constante interaction avec les soliste, tout en s’offrant des escapades inattendues, et souvent décoiffantes. Le bassiste gère avec maîtrise et inventivité une palette très large, étoffée par un grand renfort d’effets électroniques et, même quand la basse gronde de vibrations telluriques, le son est constamment lisible, et pertinent, d’autant que ses lignes, toujours propulsives, contournent les clichés et s’épanouissent dans une complexité dépourvue d’ostentation. Quant au batteur, s’il fournit constamment l’assise indispensable, il distille aussi une foule de micro-événements qui accentue encore, s’il en était besoin, la vitalité de l’ensemble. Bref un vrai beau concert, réussi, comme on les aime.
JOE LOVANO CLASSIC QUARTET
Joe Lovano (saxophone ténor, taragote), Lawrence Fields (piano), Peter Slavov (contrebasse), Carmen Castaldi (batterie).
Maison de la Culture, Grand théâtre, 10 mars 2017, 21h
Avec Joe Lovano, c’est un des partenaires américains privilégiés de Label Bleu qui est accueilli : il était de l’aventure du Transatlantik Quartet du contrebassiste Henri Texier (2 CD sous le Label maison), il avait aussi publié ici «Worlds», avec Judi Silvano, et il était l’invité du disque «Paris Batignolles» de Texier, enregistré en 1986 dans cette même salle (l’une des premières références du label). En ce 10 mars, ce souvenir est pour moi d’une importance exceptionnelle : à la batterie, sur ce disque, officiait l’Ami Jacques Mahieux, disparu exactement un an auparavant, le 10 mars 2016…. Le groupe est au cœur d’une tournée européenne serrée (presque chaque jour un concert), et dans sa partie française plus que dense : la veille au New Morning à Paris, l’avant-veille à Schiltigheim près de Strasbourg, et le lendemain à Tours pour le Petit Faucheux, avant de filer vers la Suisse, l’Espagne, la République Tchèque et la Hongrie.
Arrivé avant la balance, le pianiste Lawrence Fields teste longuement l’instrument, qui paraît lui plaire. C’est un musicien exceptionnel, repéré par Lovano au Berklee college, où il enseigne. On l’a entendu avec Christian Scott, et aussi dans le groupe qui associe Lovano à Dave Douglas. Le bassiste Peter Slavo et le batteur Carmen Castaldi sont déjà pour Lovano des compagnons au long cours. Pendant la balance, après que le son de la rythmique a été peaufiné, Lovano arrive sur scène, et dès les premières notes on est dans le plus vif du sujet. Il en ira de même au concert : ils sont là pour donner, et se donner, sans compter. Il y a un léger décalage entre la plus récente actualité phonographique de Lovano sous cet intitulé («Classic !, Live at Newport», publié en 2016 mais enregistré en 2005 avec Hank Jones) et les concerts de cette tournée. Le répertoire mêle diverses époques de la carrière du saxophoniste : Golden Horn, qui figurait notamment sur « Colonel Skopje » avec Henri Texier ; Mystic Garden, enregistré avec Judi Silvano ; Weather Man, en hommage à Wayne Shorter, enregistré par Lovano avec Dave Douglas ; ce que je crois reconnaître comme un blues d’Ornette Coleman, ou encore Dance, souvenir des multiples collaboration du saxophoniste avec Paul Motian, qui avait composé ce thème dans les années 70. La musique circule vite entre les musiciens, très concentrés. Lovano laisse beaucoup d’espace à son pianiste, que manifestement il admire. J’ai entendu le piano ‘au naturel’, pendant la balance, et au concert le haut médium et l’aigu m’ont semblé souffrir d’un égalisation inaboutie qui en altérait la sonorité. Mais quel pianiste, que improvisateur ! Les thèmes s’enchaînent, dans les applaudissements encore soutenus. Le saxophoniste passe à plusieurs reprises du sax ténor au tárogató (en français taragote), un instrument hongrois à anche simple, sorte de saxophone soprano en bois qui timbre souvent comme une anche double (hautbois, cor anglais) et dont la justesse semble difficile à maîtriser dans la bouche de Lovano, pourtant expert au saxophone. Charles Lloyd et Peter Brötzman jouent parfois de cet instrument, plutôt rare dans le jazz, et presque aussi rare dans la musique symphonique. Lovano est en verve, sollicitant ses partenaires qui réagissent au quart de tour. Ses chorus sont torrides, et sinueux à souhait.. Le bonheur est total, sur scène comme dans la salle. Rappelé, le saxophoniste revient seul, comme il l’a fait semble-t-il lors d’autres dates de la tournée. Je crois reconnaître I’m All For You mais je me méfie de mes impressions : au cours du concert, j’ai cru un instant qu’il improvisait sur Softly As in a Morning Sunrise que manifestement il n’a pas exposé. Hallucination auditive du vieil amateur ? Possible…..
Xavier Prévost
Le concert donné par Joe Lovano au New Morning le 9 mars, avec un programme assez proche et manifestement aussi réussi , sera diffusé prochainement dans le Jazz Club de France Musique à une date qui, à ce jour, n’est pas déterminée.