JAZZ in ARLES : Susanne Abbuehl et ses amis tutoient le sublime
Sixième journée du festival Jazz in Arles : jour de pluies torrentielles, de vents tempétueux et de terrasses malmenées sur l’air de ‘tous aux abris’ ! Et pourtant jour de langueur, d’expression intense (mais sans fracas), et de feeling exacerbé jusqu’aux confins du possible.
Les Ami-e-s Sophie Chambon et Philippe Méziat vous ont déjà délivré leurs échos arlésiens. La Chapelle Saint-Martin du Méjan accueille le festival, suspendant pour quelques jours l’accès à l’exposition qui se tient en ses murs : «Ceux de la poésie vécue», variations graphiques et photographiques d’Ernest Pignon-Ernest autour de Desnos, Neruda, Nerval, Maïakovski, Genet, Artaud, Pasolini…. et Rimbaud, dont le parcours de Charleville à Paris veille sur la salle de concert dans l’une des baies de la chapelle.
Susanne Abbuehl (voix), Stephan Oliva (piano), Øyvind Hegg-Lunde (batterie)
Jazz In Arles, Chapelle du Méjan, 11 mai 2017, 20h30
C’est un groupe ‘en nom collectif’, un trio sans leader où convergent les énergies, les inspirations et les sensibilités. Le ferment, le catalyseur, c’est l’amour des thèmes de Jimmy Giuffre, rejoints dans le disque qu’ils viennent de publier («Princess», Vision fugitive/l’autre distribution) par des compositions de Don Cherry, Keith Jarrett, Bob Thiele et Stephan Oliva. Le concert consistera pour son essentiel dans le répertoire du disque, mais dans des versions très différentes : le déroulement des thèmes et des improvisations est ouvert, occasionnant des échappées improvisées, des concertations du regard, des prises de risques et la jouissance furtive de s’autoriser, si nécessaire, le frôlement de l’abîme.
Le trio dans la loge, quelques minutes avant le début du concert
Le concert commence avec The Listening, thème de Giuffre, enveloppé de savantes volutes vocales et de subtiles allusions percussives ou pianistiques. Suivront River Chant et Tree People, toujours de Giuffre. L’improvisation se libère pour chacun : un instant je jurerait que, de sa seule voix, Susanne produit des sons diffractés que l’on obtient habituellement par des effets électroniques. Puis le trio abandonne l’ordre du CD, pour nous offrir On Your Skin, sur une musique du pianiste : on est dans un univers paradoxal, qui conjuguerait la matérialité des timbres et des corps, et l’évanescence propre à une sorte de mystique. Voici Princess, thème titre de l’album, harmoniquement sinueux, secret et mystérieux, mélodie plus que lente où chacun semble retenir le temps, dans un balancement envoûtant : slow swing, en quelque sorte. De sa gestuelle presque magique, le batteur paraît ralentir encore le temps, qu’il nous délivre bribe par bribe, comme un temps suspendu au fil du désir. En cours de route le piano s’évade, inspiré, sous une douce pluie de percussions subtiles. Après Trance, purement instrumental comme sur le disque, Susanne Abbuehl revient, pour chanter Don Cherry, qu’elle sait si bien magnifier, dans cet incroyable brassage culturel où l’Africanité rejoint les autres musiques du Monde. Winter Day, sur une musique de Stephan Oliva, nous conduit encore vers les sommets de l’émoi, avant que Mosquito Dance (Giuffre toujours) nous propulse dans un dédale d’envoûtements rythmiques : absent de cette plage sur le disque le piano, ici dans les lointains, prend une part discrète à la cérémonie secrète. Vient ensuite l’inoxydable What a Wonderful World, plus lent et déconstruit encore que sur le disque, et par là rendu à une fraîcheur qui par le ressassement de ces dernières décennies lui faisait défaut. La batterie revient pour un trio qui évoluera vers une extase rythmique, avant que le piano ne s’échappe pour un solo, de bout en bout tendu par un rythme tribal joué sur le toms. Après Great Bird, de Keith Jarrett, également présent sur le CD, le trio reviendra pour deux rappels, sur de sublimes standards du jazz contemporain : Lonely Woman, d’Ornette Coleman, que Susanne avait chanté en 1997 sur son tout premier disque ( «I Am Rose», Evoke Records) ; et Ida Lupino, de Carla Bley, qu’elle a plusieurs fois enregistré. Sublime conclusion d’un concert qui ne le fut pas moins, et le sentiment prégnant que « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté».
Xavier Prévost|Sixième journée du festival Jazz in Arles : jour de pluies torrentielles, de vents tempétueux et de terrasses malmenées sur l’air de ‘tous aux abris’ ! Et pourtant jour de langueur, d’expression intense (mais sans fracas), et de feeling exacerbé jusqu’aux confins du possible.
Les Ami-e-s Sophie Chambon et Philippe Méziat vous ont déjà délivré leurs échos arlésiens. La Chapelle Saint-Martin du Méjan accueille le festival, suspendant pour quelques jours l’accès à l’exposition qui se tient en ses murs : «Ceux de la poésie vécue», variations graphiques et photographiques d’Ernest Pignon-Ernest autour de Desnos, Neruda, Nerval, Maïakovski, Genet, Artaud, Pasolini…. et Rimbaud, dont le parcours de Charleville à Paris veille sur la salle de concert dans l’une des baies de la chapelle.
Susanne Abbuehl (voix), Stephan Oliva (piano), Øyvind Hegg-Lunde (batterie)
Jazz In Arles, Chapelle du Méjan, 11 mai 2017, 20h30
C’est un groupe ‘en nom collectif’, un trio sans leader où convergent les énergies, les inspirations et les sensibilités. Le ferment, le catalyseur, c’est l’amour des thèmes de Jimmy Giuffre, rejoints dans le disque qu’ils viennent de publier («Princess», Vision fugitive/l’autre distribution) par des compositions de Don Cherry, Keith Jarrett, Bob Thiele et Stephan Oliva. Le concert consistera pour son essentiel dans le répertoire du disque, mais dans des versions très différentes : le déroulement des thèmes et des improvisations est ouvert, occasionnant des échappées improvisées, des concertations du regard, des prises de risques et la jouissance furtive de s’autoriser, si nécessaire, le frôlement de l’abîme.
Le trio dans la loge, quelques minutes avant le début du concert
Le concert commence avec The Listening, thème de Giuffre, enveloppé de savantes volutes vocales et de subtiles allusions percussives ou pianistiques. Suivront River Chant et Tree People, toujours de Giuffre. L’improvisation se libère pour chacun : un instant je jurerait que, de sa seule voix, Susanne produit des sons diffractés que l’on obtient habituellement par des effets électroniques. Puis le trio abandonne l’ordre du CD, pour nous offrir On Your Skin, sur une musique du pianiste : on est dans un univers paradoxal, qui conjuguerait la matérialité des timbres et des corps, et l’évanescence propre à une sorte de mystique. Voici Princess, thème titre de l’album, harmoniquement sinueux, secret et mystérieux, mélodie plus que lente où chacun semble retenir le temps, dans un balancement envoûtant : slow swing, en quelque sorte. De sa gestuelle presque magique, le batteur paraît ralentir encore le temps, qu’il nous délivre bribe par bribe, comme un temps suspendu au fil du désir. En cours de route le piano s’évade, inspiré, sous une douce pluie de percussions subtiles. Après Trance, purement instrumental comme sur le disque, Susanne Abbuehl revient, pour chanter Don Cherry, qu’elle sait si bien magnifier, dans cet incroyable brassage culturel où l’Africanité rejoint les autres musiques du Monde. Winter Day, sur une musique de Stephan Oliva, nous conduit encore vers les sommets de l’émoi, avant que Mosquito Dance (Giuffre toujours) nous propulse dans un dédale d’envoûtements rythmiques : absent de cette plage sur le disque le piano, ici dans les lointains, prend une part discrète à la cérémonie secrète. Vient ensuite l’inoxydable What a Wonderful World, plus lent et déconstruit encore que sur le disque, et par là rendu à une fraîcheur qui par le ressassement de ces dernières décennies lui faisait défaut. La batterie revient pour un trio qui évoluera vers une extase rythmique, avant que le piano ne s’échappe pour un solo, de bout en bout tendu par un rythme tribal joué sur le toms. Après Great Bird, de Keith Jarrett, également présent sur le CD, le trio reviendra pour deux rappels, sur de sublimes standards du jazz contemporain : Lonely Woman, d’Ornette Coleman, que Susanne avait chanté en 1997 sur son tout premier disque ( «I Am Rose», Evoke Records) ; et Ida Lupino, de Carla Bley, qu’elle a plusieurs fois enregistré. Sublime conclusion d’un concert qui ne le fut pas moins, et le sentiment prégnant que « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté».
Xavier Prévost|Sixième journée du festival Jazz in Arles : jour de pluies torrentielles, de vents tempétueux et de terrasses malmenées sur l’air de ‘tous aux abris’ ! Et pourtant jour de langueur, d’expression intense (mais sans fracas), et de feeling exacerbé jusqu’aux confins du possible.
Les Ami-e-s Sophie Chambon et Philippe Méziat vous ont déjà délivré leurs échos arlésiens. La Chapelle Saint-Martin du Méjan accueille le festival, suspendant pour quelques jours l’accès à l’exposition qui se tient en ses murs : «Ceux de la poésie vécue», variations graphiques et photographiques d’Ernest Pignon-Ernest autour de Desnos, Neruda, Nerval, Maïakovski, Genet, Artaud, Pasolini…. et Rimbaud, dont le parcours de Charleville à Paris veille sur la salle de concert dans l’une des baies de la chapelle.
Susanne Abbuehl (voix), Stephan Oliva (piano), Øyvind Hegg-Lunde (batterie)
Jazz In Arles, Chapelle du Méjan, 11 mai 2017, 20h30
C’est un groupe ‘en nom collectif’, un trio sans leader où convergent les énergies, les inspirations et les sensibilités. Le ferment, le catalyseur, c’est l’amour des thèmes de Jimmy Giuffre, rejoints dans le disque qu’ils viennent de publier («Princess», Vision fugitive/l’autre distribution) par des compositions de Don Cherry, Keith Jarrett, Bob Thiele et Stephan Oliva. Le concert consistera pour son essentiel dans le répertoire du disque, mais dans des versions très différentes : le déroulement des thèmes et des improvisations est ouvert, occasionnant des échappées improvisées, des concertations du regard, des prises de risques et la jouissance furtive de s’autoriser, si nécessaire, le frôlement de l’abîme.
Le trio dans la loge, quelques minutes avant le début du concert
Le concert commence avec The Listening, thème de Giuffre, enveloppé de savantes volutes vocales et de subtiles allusions percussives ou pianistiques. Suivront River Chant et Tree People, toujours de Giuffre. L’improvisation se libère pour chacun : un instant je jurerait que, de sa seule voix, Susanne produit des sons diffractés que l’on obtient habituellement par des effets électroniques. Puis le trio abandonne l’ordre du CD, pour nous offrir On Your Skin, sur une musique du pianiste : on est dans un univers paradoxal, qui conjuguerait la matérialité des timbres et des corps, et l’évanescence propre à une sorte de mystique. Voici Princess, thème titre de l’album, harmoniquement sinueux, secret et mystérieux, mélodie plus que lente où chacun semble retenir le temps, dans un balancement envoûtant : slow swing, en quelque sorte. De sa gestuelle presque magique, le batteur paraît ralentir encore le temps, qu’il nous délivre bribe par bribe, comme un temps suspendu au fil du désir. En cours de route le piano s’évade, inspiré, sous une douce pluie de percussions subtiles. Après Trance, purement instrumental comme sur le disque, Susanne Abbuehl revient, pour chanter Don Cherry, qu’elle sait si bien magnifier, dans cet incroyable brassage culturel où l’Africanité rejoint les autres musiques du Monde. Winter Day, sur une musique de Stephan Oliva, nous conduit encore vers les sommets de l’émoi, avant que Mosquito Dance (Giuffre toujours) nous propulse dans un dédale d’envoûtements rythmiques : absent de cette plage sur le disque le piano, ici dans les lointains, prend une part discrète à la cérémonie secrète. Vient ensuite l’inoxydable What a Wonderful World, plus lent et déconstruit encore que sur le disque, et par là rendu à une fraîcheur qui par le ressassement de ces dernières décennies lui faisait défaut. La batterie revient pour un trio qui évoluera vers une extase rythmique, avant que le piano ne s’échappe pour un solo, de bout en bout tendu par un rythme tribal joué sur le toms. Après Great Bird, de Keith Jarrett, également présent sur le CD, le trio reviendra pour deux rappels, sur de sublimes standards du jazz contemporain : Lonely Woman, d’Ornette Coleman, que Susanne avait chanté en 1997 sur son tout premier disque ( «I Am Rose», Evoke Records) ; et Ida Lupino, de Carla Bley, qu’elle a plusieurs fois enregistré. Sublime conclusion d’un concert qui ne le fut pas moins, et le sentiment prégnant que « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté».
Xavier Prévost|Sixième journée du festival Jazz in Arles : jour de pluies torrentielles, de vents tempétueux et de terrasses malmenées sur l’air de ‘tous aux abris’ ! Et pourtant jour de langueur, d’expression intense (mais sans fracas), et de feeling exacerbé jusqu’aux confins du possible.
Les Ami-e-s Sophie Chambon et Philippe Méziat vous ont déjà délivré leurs échos arlésiens. La Chapelle Saint-Martin du Méjan accueille le festival, suspendant pour quelques jours l’accès à l’exposition qui se tient en ses murs : «Ceux de la poésie vécue», variations graphiques et photographiques d’Ernest Pignon-Ernest autour de Desnos, Neruda, Nerval, Maïakovski, Genet, Artaud, Pasolini…. et Rimbaud, dont le parcours de Charleville à Paris veille sur la salle de concert dans l’une des baies de la chapelle.
Susanne Abbuehl (voix), Stephan Oliva (piano), Øyvind Hegg-Lunde (batterie)
Jazz In Arles, Chapelle du Méjan, 11 mai 2017, 20h30
C’est un groupe ‘en nom collectif’, un trio sans leader où convergent les énergies, les inspirations et les sensibilités. Le ferment, le catalyseur, c’est l’amour des thèmes de Jimmy Giuffre, rejoints dans le disque qu’ils viennent de publier («Princess», Vision fugitive/l’autre distribution) par des compositions de Don Cherry, Keith Jarrett, Bob Thiele et Stephan Oliva. Le concert consistera pour son essentiel dans le répertoire du disque, mais dans des versions très différentes : le déroulement des thèmes et des improvisations est ouvert, occasionnant des échappées improvisées, des concertations du regard, des prises de risques et la jouissance furtive de s’autoriser, si nécessaire, le frôlement de l’abîme.
Le trio dans la loge, quelques minutes avant le début du concert
Le concert commence avec The Listening, thème de Giuffre, enveloppé de savantes volutes vocales et de subtiles allusions percussives ou pianistiques. Suivront River Chant et Tree People, toujours de Giuffre. L’improvisation se libère pour chacun : un instant je jurerait que, de sa seule voix, Susanne produit des sons diffractés que l’on obtient habituellement par des effets électroniques. Puis le trio abandonne l’ordre du CD, pour nous offrir On Your Skin, sur une musique du pianiste : on est dans un univers paradoxal, qui conjuguerait la matérialité des timbres et des corps, et l’évanescence propre à une sorte de mystique. Voici Princess, thème titre de l’album, harmoniquement sinueux, secret et mystérieux, mélodie plus que lente où chacun semble retenir le temps, dans un balancement envoûtant : slow swing, en quelque sorte. De sa gestuelle presque magique, le batteur paraît ralentir encore le temps, qu’il nous délivre bribe par bribe, comme un temps suspendu au fil du désir. En cours de route le piano s’évade, inspiré, sous une douce pluie de percussions subtiles. Après Trance, purement instrumental comme sur le disque, Susanne Abbuehl revient, pour chanter Don Cherry, qu’elle sait si bien magnifier, dans cet incroyable brassage culturel où l’Africanité rejoint les autres musiques du Monde. Winter Day, sur une musique de Stephan Oliva, nous conduit encore vers les sommets de l’émoi, avant que Mosquito Dance (Giuffre toujours) nous propulse dans un dédale d’envoûtements rythmiques : absent de cette plage sur le disque le piano, ici dans les lointains, prend une part discrète à la cérémonie secrète. Vient ensuite l’inoxydable What a Wonderful World, plus lent et déconstruit encore que sur le disque, et par là rendu à une fraîcheur qui par le ressassement de ces dernières décennies lui faisait défaut. La batterie revient pour un trio qui évoluera vers une extase rythmique, avant que le piano ne s’échappe pour un solo, de bout en bout tendu par un rythme tribal joué sur le toms. Après Great Bird, de Keith Jarrett, également présent sur le CD, le trio reviendra pour deux rappels, sur de sublimes standards du jazz contemporain : Lonely Woman, d’Ornette Coleman, que Susanne avait chanté en 1997 sur son tout premier disque ( «I Am Rose», Evoke Records) ; et Ida Lupino, de Carla Bley, qu’elle a plusieurs fois enregistré. Sublime conclusion d’un concert qui ne le fut pas moins, et le sentiment prégnant que « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme, et volupté».
Xavier Prévost