Jazz live
Publié le 5 Juil 2017

Jazz à Vienne et la soirée French Touch

  • Chaque année, le festival jazz à Vienne consacre toute une soirée aux musiciens français avec cette année le trio de Yaron Herman, Sila et le Magnetic Orchestra, le File Under Zawinul et le Musical Tribute to Woody Allen de Laurent Courthaliac.
  • Yaron Herman Trio : Yaron Herman (piano, claviers), Bastien Burker (basse électrique, chant, clavier), Ziv Ravitz (batterie, électronique).
  • En commençant par beaucoup d’embarras pour la musique du Yaron Herman qui me laisse muet, voire incompétent, en tout cas totalement insensible à cet univers. Si le programme de Jazz à Vienne prête à son concepteur l’intention de créer des tubes au lieu de reprendre, comme d’autres, ceux de Britney Spears ou de Radiohead, j’en tire la conclusion soit que je ne l’ai pas trouvé à hauteur de ces derniers, soit que ces derniers m’indiffèrent tant que la volonté de vouloir les égaler me soit parue vaine. La dernière hypothèse est que la façon de sonoriser cette musique dresse entre elle et moi un mur infranchissable. Mur que j’ai cependant aisément franchi pour File Under Zawinul pourtant écouté les mains sur les oreilles, ayant oublié à l’hôtel les filtres récemment prescrits par mon ORL. Je laisse ici le choix de l’interprétation au lecteur, y compris celui d’y voir chez moi  les premiers dégâts de l’âge.
  • Anne Sila (chant) et le Magnetic Orchestra : Benoît Thevenot (piano), François Gallix (contrebasse), Nicolas Serret (batterie). Anne Sila est paradoxale, scatteuse à l’énergie quasi punk, avec un phrasé trop tendu au gré de certains amateurs de scat, mais qu’il faut entendre en contraste avec la délicatesse dont elle est par ailleurs capable, dans les standards comme dans la chanson française où elle chante en héritière de Saint-Germain-des-Près et de l’art des diseuses. Et où il faut voir une vraie continuité entre cette douceur et cette violence extrêmes, tel ce bouleversant poème de Victor Hugo qu’elle a mis en musique, Demain dès l’aube, où elle ménage un poignant suspense par le caractère délicieux de son entrée en matière, jusqu’à ce que se révèle l’objet véritable de la chanson qui la fait basculer brutalement dans une expression violemment douloureuse.
  • Mais si son art du scat ou de la vocalise peut confiner au hurlement et susciter (ainsi que son look au crâne rasé) ce qualificatif simpliste de “punk”, son intonation (elle est par ailleurs violoncelliste, ce dont témoignent d’anciennes versions de Demain dès l’aube sur youTube), son articulation et la précision de ses inventions mélodiques sur Ain’t Misbehavin’ par quoi elle débuta son concert, sont fort éloignées d’une quelconque punkitude. Allez savoir si son répertoire et son art ont aider ce trio qui l’accompagne (tout en ayant une vie indépendante) à se trouver une vraie personnalité sans renoncer à sa nature de vrai trio de jazz, ou si c’est le contraire qui s’est passé, si ce n’est pas Sila, avant d’être révélée par The Voice, qui s’est découverte au contact du Magnetic Orchestra. Je parierai fort qu’ils se sont beaucoup donné mutuellement. Reste que voilà, propulsé par une rythmique, et notamment une contrebasse plus “Wilburwarienne” que “Scottish”, un pianiste qui, par la diversité des idées parcourant ses solos et accompagnements, n’avait pas à rougir de figurer sur cette prestigieuse affiche.

    Emile Parisien & Vincent Peirani “File Under Zawinul” : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (claviers), Manu Codjia (guitare électrique), Linley Marthe (basse électrique), Paco Séry (batterie, chant), Aziz Sahmaoui, Mino Cinelu (percussions, chant).

    Ce titre énigmatique recycle une consigne communément adressée par les maisons de disques aux disquaires et qui signifie ici : « Classer au nom de Zawinul ». Car cet orchestre est la suite du Zawinul Syndicate dont Joe Zawinul avait confié les “clés” à Linley Marthe avant de mourir il y a 10 ans. Après avoir beaucoup tourné, l’affaire avait fini par succomber à différents problèmes. Emile Parisien, qui participa à cette aventure posthume, s’est donné, avec l’aide de son fidèle complice Vincent Peirani, pour mission de remonter l’orchestre, avec sa rythmique historique (Linley Marthe et Paco Séry). Voici chose faite, après une première à Montreux et ce concert d’hier soir, largement consacré au répertoire de Weather Report : Canonball, Gibraltar, Madagascar, Scarlet Woman et, en final, deux compositions mariées l’une à l’autre depuis la tourné “8 :30”, Badia et l’espèce de train fou que constitue Boogie Woogie Waltz. Une formidable réussite d’orchestration, de réalisation, de cohésion, de partage et de convergences individuelles, qui est dores et déjà l’un des moments forts de l’été des grands festivals. Une machine à faire le bonheur tant d’un orchestre que de son public.

    Laurent Courthaliac “All My Life, a Musical Tribute to Woody Allen” : Fabien Mary (trompette), Bastien Ballaz (trombone), Dmitry Baevsky (sax alto), David Sauzay (sax ténor), Luigi Grasso (sax baryton), Geraud Portal (contrebasse), Romain Sarron (batterie).

    Difficile de passer sans transition de l’univers de Joe Zawinul à ce projet consacré aux compositions qui ont marqué la filmographie de Woody Allen. C’est pourtant ce que j’ai fait, en arrivant hélas quelques minutes avant le rappel. Sous ses doigts de pianiste et sa plume d’arrangeur s’est constituée une vision syncrétique où les grands compositeurs de Broadway côtoient élégamment Duke Ellington, Thelonious Monk et les impressionnistes, peut-être Tadd Dameron, en tout cas l’univers du bop, son orchestre étant constitué de quelques-uns des meilleurs représentants du bop français contemporain invités à glisser entre les pages d’écriture des solos suffisamment contrastés pour tenir le public en haleine en cette heure tardive du Club de Minuit.

    Mon séjour à Vienne se termine ici, mais Jazz à Vienne continue et recevra très certainement la visite d’autres collaborateurs. • Franck Bergerot

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  • Chaque année, le festival jazz à Vienne consacre toute une soirée aux musiciens français avec cette année le trio de Yaron Herman, Sila et le Magnetic Orchestra, le File Under Zawinul et le Musical Tribute to Woody Allen de Laurent Courthaliac.
  • Yaron Herman Trio : Yaron Herman (piano, claviers), Bastien Burker (basse électrique, chant, clavier), Ziv Ravitz (batterie, électronique).
  • En commençant par beaucoup d’embarras pour la musique du Yaron Herman qui me laisse muet, voire incompétent, en tout cas totalement insensible à cet univers. Si le programme de Jazz à Vienne prête à son concepteur l’intention de créer des tubes au lieu de reprendre, comme d’autres, ceux de Britney Spears ou de Radiohead, j’en tire la conclusion soit que je ne l’ai pas trouvé à hauteur de ces derniers, soit que ces derniers m’indiffèrent tant que la volonté de vouloir les égaler me soit parue vaine. La dernière hypothèse est que la façon de sonoriser cette musique dresse entre elle et moi un mur infranchissable. Mur que j’ai cependant aisément franchi pour File Under Zawinul pourtant écouté les mains sur les oreilles, ayant oublié à l’hôtel les filtres récemment prescrits par mon ORL. Je laisse ici le choix de l’interprétation au lecteur, y compris celui d’y voir chez moi  les premiers dégâts de l’âge.
  • Anne Sila (chant) et le Magnetic Orchestra : Benoît Thevenot (piano), François Gallix (contrebasse), Nicolas Serret (batterie). Anne Sila est paradoxale, scatteuse à l’énergie quasi punk, avec un phrasé trop tendu au gré de certains amateurs de scat, mais qu’il faut entendre en contraste avec la délicatesse dont elle est par ailleurs capable, dans les standards comme dans la chanson française où elle chante en héritière de Saint-Germain-des-Près et de l’art des diseuses. Et où il faut voir une vraie continuité entre cette douceur et cette violence extrêmes, tel ce bouleversant poème de Victor Hugo qu’elle a mis en musique, Demain dès l’aube, où elle ménage un poignant suspense par le caractère délicieux de son entrée en matière, jusqu’à ce que se révèle l’objet véritable de la chanson qui la fait basculer brutalement dans une expression violemment douloureuse.
  • Mais si son art du scat ou de la vocalise peut confiner au hurlement et susciter (ainsi que son look au crâne rasé) ce qualificatif simpliste de “punk”, son intonation (elle est par ailleurs violoncelliste, ce dont témoignent d’anciennes versions de Demain dès l’aube sur youTube), son articulation et la précision de ses inventions mélodiques sur Ain’t Misbehavin’ par quoi elle débuta son concert, sont fort éloignées d’une quelconque punkitude. Allez savoir si son répertoire et son art ont aider ce trio qui l’accompagne (tout en ayant une vie indépendante) à se trouver une vraie personnalité sans renoncer à sa nature de vrai trio de jazz, ou si c’est le contraire qui s’est passé, si ce n’est pas Sila, avant d’être révélée par The Voice, qui s’est découverte au contact du Magnetic Orchestra. Je parierai fort qu’ils se sont beaucoup donné mutuellement. Reste que voilà, propulsé par une rythmique, et notamment une contrebasse plus “Wilburwarienne” que “Scottish”, un pianiste qui, par la diversité des idées parcourant ses solos et accompagnements, n’avait pas à rougir de figurer sur cette prestigieuse affiche.

    Emile Parisien & Vincent Peirani “File Under Zawinul” : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (claviers), Manu Codjia (guitare électrique), Linley Marthe (basse électrique), Paco Séry (batterie, chant), Aziz Sahmaoui, Mino Cinelu (percussions, chant).

    Ce titre énigmatique recycle une consigne communément adressée par les maisons de disques aux disquaires et qui signifie ici : « Classer au nom de Zawinul ». Car cet orchestre est la suite du Zawinul Syndicate dont Joe Zawinul avait confié les “clés” à Linley Marthe avant de mourir il y a 10 ans. Après avoir beaucoup tourné, l’affaire avait fini par succomber à différents problèmes. Emile Parisien, qui participa à cette aventure posthume, s’est donné, avec l’aide de son fidèle complice Vincent Peirani, pour mission de remonter l’orchestre, avec sa rythmique historique (Linley Marthe et Paco Séry). Voici chose faite, après une première à Montreux et ce concert d’hier soir, largement consacré au répertoire de Weather Report : Canonball, Gibraltar, Madagascar, Scarlet Woman et, en final, deux compositions mariées l’une à l’autre depuis la tourné “8 :30”, Badia et l’espèce de train fou que constitue Boogie Woogie Waltz. Une formidable réussite d’orchestration, de réalisation, de cohésion, de partage et de convergences individuelles, qui est dores et déjà l’un des moments forts de l’été des grands festivals. Une machine à faire le bonheur tant d’un orchestre que de son public.

    Laurent Courthaliac “All My Life, a Musical Tribute to Woody Allen” : Fabien Mary (trompette), Bastien Ballaz (trombone), Dmitry Baevsky (sax alto), David Sauzay (sax ténor), Luigi Grasso (sax baryton), Geraud Portal (contrebasse), Romain Sarron (batterie).

    Difficile de passer sans transition de l’univers de Joe Zawinul à ce projet consacré aux compositions qui ont marqué la filmographie de Woody Allen. C’est pourtant ce que j’ai fait, en arrivant hélas quelques minutes avant le rappel. Sous ses doigts de pianiste et sa plume d’arrangeur s’est constituée une vision syncrétique où les grands compositeurs de Broadway côtoient élégamment Duke Ellington, Thelonious Monk et les impressionnistes, peut-être Tadd Dameron, en tout cas l’univers du bop, son orchestre étant constitué de quelques-uns des meilleurs représentants du bop français contemporain invités à glisser entre les pages d’écriture des solos suffisamment contrastés pour tenir le public en haleine en cette heure tardive du Club de Minuit.

    Mon séjour à Vienne se termine ici, mais Jazz à Vienne continue et recevra très certainement la visite d’autres collaborateurs. • Franck Bergerot

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  • Chaque année, le festival jazz à Vienne consacre toute une soirée aux musiciens français avec cette année le trio de Yaron Herman, Sila et le Magnetic Orchestra, le File Under Zawinul et le Musical Tribute to Woody Allen de Laurent Courthaliac.
  • Yaron Herman Trio : Yaron Herman (piano, claviers), Bastien Burker (basse électrique, chant, clavier), Ziv Ravitz (batterie, électronique).
  • En commençant par beaucoup d’embarras pour la musique du Yaron Herman qui me laisse muet, voire incompétent, en tout cas totalement insensible à cet univers. Si le programme de Jazz à Vienne prête à son concepteur l’intention de créer des tubes au lieu de reprendre, comme d’autres, ceux de Britney Spears ou de Radiohead, j’en tire la conclusion soit que je ne l’ai pas trouvé à hauteur de ces derniers, soit que ces derniers m’indiffèrent tant que la volonté de vouloir les égaler me soit parue vaine. La dernière hypothèse est que la façon de sonoriser cette musique dresse entre elle et moi un mur infranchissable. Mur que j’ai cependant aisément franchi pour File Under Zawinul pourtant écouté les mains sur les oreilles, ayant oublié à l’hôtel les filtres récemment prescrits par mon ORL. Je laisse ici le choix de l’interprétation au lecteur, y compris celui d’y voir chez moi  les premiers dégâts de l’âge.
  • Anne Sila (chant) et le Magnetic Orchestra : Benoît Thevenot (piano), François Gallix (contrebasse), Nicolas Serret (batterie). Anne Sila est paradoxale, scatteuse à l’énergie quasi punk, avec un phrasé trop tendu au gré de certains amateurs de scat, mais qu’il faut entendre en contraste avec la délicatesse dont elle est par ailleurs capable, dans les standards comme dans la chanson française où elle chante en héritière de Saint-Germain-des-Près et de l’art des diseuses. Et où il faut voir une vraie continuité entre cette douceur et cette violence extrêmes, tel ce bouleversant poème de Victor Hugo qu’elle a mis en musique, Demain dès l’aube, où elle ménage un poignant suspense par le caractère délicieux de son entrée en matière, jusqu’à ce que se révèle l’objet véritable de la chanson qui la fait basculer brutalement dans une expression violemment douloureuse.
  • Mais si son art du scat ou de la vocalise peut confiner au hurlement et susciter (ainsi que son look au crâne rasé) ce qualificatif simpliste de “punk”, son intonation (elle est par ailleurs violoncelliste, ce dont témoignent d’anciennes versions de Demain dès l’aube sur youTube), son articulation et la précision de ses inventions mélodiques sur Ain’t Misbehavin’ par quoi elle débuta son concert, sont fort éloignées d’une quelconque punkitude. Allez savoir si son répertoire et son art ont aider ce trio qui l’accompagne (tout en ayant une vie indépendante) à se trouver une vraie personnalité sans renoncer à sa nature de vrai trio de jazz, ou si c’est le contraire qui s’est passé, si ce n’est pas Sila, avant d’être révélée par The Voice, qui s’est découverte au contact du Magnetic Orchestra. Je parierai fort qu’ils se sont beaucoup donné mutuellement. Reste que voilà, propulsé par une rythmique, et notamment une contrebasse plus “Wilburwarienne” que “Scottish”, un pianiste qui, par la diversité des idées parcourant ses solos et accompagnements, n’avait pas à rougir de figurer sur cette prestigieuse affiche.

    Emile Parisien & Vincent Peirani “File Under Zawinul” : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (claviers), Manu Codjia (guitare électrique), Linley Marthe (basse électrique), Paco Séry (batterie, chant), Aziz Sahmaoui, Mino Cinelu (percussions, chant).

    Ce titre énigmatique recycle une consigne communément adressée par les maisons de disques aux disquaires et qui signifie ici : « Classer au nom de Zawinul ». Car cet orchestre est la suite du Zawinul Syndicate dont Joe Zawinul avait confié les “clés” à Linley Marthe avant de mourir il y a 10 ans. Après avoir beaucoup tourné, l’affaire avait fini par succomber à différents problèmes. Emile Parisien, qui participa à cette aventure posthume, s’est donné, avec l’aide de son fidèle complice Vincent Peirani, pour mission de remonter l’orchestre, avec sa rythmique historique (Linley Marthe et Paco Séry). Voici chose faite, après une première à Montreux et ce concert d’hier soir, largement consacré au répertoire de Weather Report : Canonball, Gibraltar, Madagascar, Scarlet Woman et, en final, deux compositions mariées l’une à l’autre depuis la tourné “8 :30”, Badia et l’espèce de train fou que constitue Boogie Woogie Waltz. Une formidable réussite d’orchestration, de réalisation, de cohésion, de partage et de convergences individuelles, qui est dores et déjà l’un des moments forts de l’été des grands festivals. Une machine à faire le bonheur tant d’un orchestre que de son public.

    Laurent Courthaliac “All My Life, a Musical Tribute to Woody Allen” : Fabien Mary (trompette), Bastien Ballaz (trombone), Dmitry Baevsky (sax alto), David Sauzay (sax ténor), Luigi Grasso (sax baryton), Geraud Portal (contrebasse), Romain Sarron (batterie).

    Difficile de passer sans transition de l’univers de Joe Zawinul à ce projet consacré aux compositions qui ont marqué la filmographie de Woody Allen. C’est pourtant ce que j’ai fait, en arrivant hélas quelques minutes avant le rappel. Sous ses doigts de pianiste et sa plume d’arrangeur s’est constituée une vision syncrétique où les grands compositeurs de Broadway côtoient élégamment Duke Ellington, Thelonious Monk et les impressionnistes, peut-être Tadd Dameron, en tout cas l’univers du bop, son orchestre étant constitué de quelques-uns des meilleurs représentants du bop français contemporain invités à glisser entre les pages d’écriture des solos suffisamment contrastés pour tenir le public en haleine en cette heure tardive du Club de Minuit.

    Mon séjour à Vienne se termine ici, mais Jazz à Vienne continue et recevra très certainement la visite d’autres collaborateurs. • Franck Bergerot

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  • Chaque année, le festival jazz à Vienne consacre toute une soirée aux musiciens français avec cette année le trio de Yaron Herman, Sila et le Magnetic Orchestra, le File Under Zawinul et le Musical Tribute to Woody Allen de Laurent Courthaliac.
  • Yaron Herman Trio : Yaron Herman (piano, claviers), Bastien Burker (basse électrique, chant, clavier), Ziv Ravitz (batterie, électronique).
  • En commençant par beaucoup d’embarras pour la musique du Yaron Herman qui me laisse muet, voire incompétent, en tout cas totalement insensible à cet univers. Si le programme de Jazz à Vienne prête à son concepteur l’intention de créer des tubes au lieu de reprendre, comme d’autres, ceux de Britney Spears ou de Radiohead, j’en tire la conclusion soit que je ne l’ai pas trouvé à hauteur de ces derniers, soit que ces derniers m’indiffèrent tant que la volonté de vouloir les égaler me soit parue vaine. La dernière hypothèse est que la façon de sonoriser cette musique dresse entre elle et moi un mur infranchissable. Mur que j’ai cependant aisément franchi pour File Under Zawinul pourtant écouté les mains sur les oreilles, ayant oublié à l’hôtel les filtres récemment prescrits par mon ORL. Je laisse ici le choix de l’interprétation au lecteur, y compris celui d’y voir chez moi  les premiers dégâts de l’âge.
  • Anne Sila (chant) et le Magnetic Orchestra : Benoît Thevenot (piano), François Gallix (contrebasse), Nicolas Serret (batterie). Anne Sila est paradoxale, scatteuse à l’énergie quasi punk, avec un phrasé trop tendu au gré de certains amateurs de scat, mais qu’il faut entendre en contraste avec la délicatesse dont elle est par ailleurs capable, dans les standards comme dans la chanson française où elle chante en héritière de Saint-Germain-des-Près et de l’art des diseuses. Et où il faut voir une vraie continuité entre cette douceur et cette violence extrêmes, tel ce bouleversant poème de Victor Hugo qu’elle a mis en musique, Demain dès l’aube, où elle ménage un poignant suspense par le caractère délicieux de son entrée en matière, jusqu’à ce que se révèle l’objet véritable de la chanson qui la fait basculer brutalement dans une expression violemment douloureuse.
  • Mais si son art du scat ou de la vocalise peut confiner au hurlement et susciter (ainsi que son look au crâne rasé) ce qualificatif simpliste de “punk”, son intonation (elle est par ailleurs violoncelliste, ce dont témoignent d’anciennes versions de Demain dès l’aube sur youTube), son articulation et la précision de ses inventions mélodiques sur Ain’t Misbehavin’ par quoi elle débuta son concert, sont fort éloignées d’une quelconque punkitude. Allez savoir si son répertoire et son art ont aider ce trio qui l’accompagne (tout en ayant une vie indépendante) à se trouver une vraie personnalité sans renoncer à sa nature de vrai trio de jazz, ou si c’est le contraire qui s’est passé, si ce n’est pas Sila, avant d’être révélée par The Voice, qui s’est découverte au contact du Magnetic Orchestra. Je parierai fort qu’ils se sont beaucoup donné mutuellement. Reste que voilà, propulsé par une rythmique, et notamment une contrebasse plus “Wilburwarienne” que “Scottish”, un pianiste qui, par la diversité des idées parcourant ses solos et accompagnements, n’avait pas à rougir de figurer sur cette prestigieuse affiche.

    Emile Parisien & Vincent Peirani “File Under Zawinul” : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (claviers), Manu Codjia (guitare électrique), Linley Marthe (basse électrique), Paco Séry (batterie, chant), Aziz Sahmaoui, Mino Cinelu (percussions, chant).

    Ce titre énigmatique recycle une consigne communément adressée par les maisons de disques aux disquaires et qui signifie ici : « Classer au nom de Zawinul ». Car cet orchestre est la suite du Zawinul Syndicate dont Joe Zawinul avait confié les “clés” à Linley Marthe avant de mourir il y a 10 ans. Après avoir beaucoup tourné, l’affaire avait fini par succomber à différents problèmes. Emile Parisien, qui participa à cette aventure posthume, s’est donné, avec l’aide de son fidèle complice Vincent Peirani, pour mission de remonter l’orchestre, avec sa rythmique historique (Linley Marthe et Paco Séry). Voici chose faite, après une première à Montreux et ce concert d’hier soir, largement consacré au répertoire de Weather Report : Canonball, Gibraltar, Madagascar, Scarlet Woman et, en final, deux compositions mariées l’une à l’autre depuis la tourné “8 :30”, Badia et l’espèce de train fou que constitue Boogie Woogie Waltz. Une formidable réussite d’orchestration, de réalisation, de cohésion, de partage et de convergences individuelles, qui est dores et déjà l’un des moments forts de l’été des grands festivals. Une machine à faire le bonheur tant d’un orchestre que de son public.

    Laurent Courthaliac “All My Life, a Musical Tribute to Woody Allen” : Fabien Mary (trompette), Bastien Ballaz (trombone), Dmitry Baevsky (sax alto), David Sauzay (sax ténor), Luigi Grasso (sax baryton), Geraud Portal (contrebasse), Romain Sarron (batterie).

    Difficile de passer sans transition de l’univers de Joe Zawinul à ce projet consacré aux compositions qui ont marqué la filmographie de Woody Allen. C’est pourtant ce que j’ai fait, en arrivant hélas quelques minutes avant le rappel. Sous ses doigts de pianiste et sa plume d’arrangeur s’est constituée une vision syncrétique où les grands compositeurs de Broadway côtoient élégamment Duke Ellington, Thelonious Monk et les impressionnistes, peut-être Tadd Dameron, en tout cas l’univers du bop, son orchestre étant constitué de quelques-uns des meilleurs représentants du bop français contemporain invités à glisser entre les pages d’écriture des solos suffisamment contrastés pour tenir le public en haleine en cette heure tardive du Club de Minuit.

    Mon séjour à Vienne se termine ici, mais Jazz à Vienne continue et recevra très certainement la visite d’autres collaborateurs. • Franck Bergerot