JAZZ IN ARLES (3) : Tarkovsky Quartet
L’unanimité régnait hier soir après le concert du « Takovsky Quartet », composé de François Couturier (p, comp), Anja Lechner (cello), Jean-Marc Larché (ss) et Jean-Louis Matinier (acc) : on venait d’assister (très nombreuse assistance, un fait à relever) à un concert de toute beauté, mais néanmoins – et qu’on n’essaye pas de faire passer des vessies pour des lanternes – on ne venait pas d’écouter un concert de jazz. Certains acceptaient l’idée que sans le jazz cette musique n’aurait pas pu advenir, mais tous avaient bien compris (et admis) qu’on avait à faire là avec une certaine écriture, qui pouvait inclure de (rares) moments de pure improvisation, mais qui renvoyait pour l’essentiel à ce qu’on appelle « musique classique ».
D’accord avec tout ça, on dira le plus souvent qu’on s’en moque et que l’essentiel est la jouissance musicale qu’on en retire – ou pas. Bien sûr. Encore qu’il ne faille pas trop tirer sur la corde, souffler dans le saxo, titiller les boutons de nacre ou glisser sa main dans le piano : après tout, les mélomanes ont aussi besoin de savoir où ils mettent les oreilles, et qu’on ne leur fasse pas trop souvent le coup de « c’est pas du jazz, mais si vous avez aimé ça tant mieux ». L’instrumentation est typiquement post-moderne : Schubert ou Satie n’ont pas écrit, que je sache, pour un quatuor composé d’un piano, d’un violoncelle, d’un accordéon et d’un saxophone soprano. Et Kodaly n’a pas laissé, que je sache non plus, de parties totalement « ad libitum » dans ses sonates pour violoncelle solo. François Couturier explore donc de nouvelles voies, de nouvelles couleurs, de nouveau agencements, même si la musique en tant que telle réfère explicitement dans son écriture à un mouvement syncrétique général bien d’aujourd’hui. Reste à situer le rapport avec le cinéaste dont le « quartet » porte le nom (on pourrait aussi bien dire « quatuor » en bon français), et pour cela il n’eut peut-être pas été inutile de remettre à l’entrée du concert de petites feuilles où aurait figuré le « programme », avec les titres de ce qui semble être une suite tout à fait cohérente. Détail certes. Les jazzmen ne donnent que rarement leur programme, les « classiques » oui.
Cette musique est donc incontestablement de très belle facture, elle est grave, jamais mélancolique, elle sollicite la mélodie sans (presque) jamais céder à la facilité, elle combine toutes les situations possibles à quatre instrumentistes sans jamais que cela ne se sente, elle plaît, elle impose sa qualité, elle convient aux oreilles éduquées d’aujourd’hui. Et, ce qui ne gâte rien, elle est interprétée par des instrumentistes merveilleux de sérieux et d’engagement. Nous avons tous plus ou moins, que nous le voulions ou pas, Debussy Ravel, Stravinsky et quelques autres dans le cornet, et donc nous y sommes. Tout le monde aura compris que je suis dans ce lot, avec quand même au bout du compte quelques questions, dont celle-ci : pourquoi n’ai-je jamais eu le sentiment d’être débordé ? Pris par surprise ? Mais, cela dit, pourquoi faudrait-il l’être ?
Philippe Méziat
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L’unanimité régnait hier soir après le concert du « Takovsky Quartet », composé de François Couturier (p, comp), Anja Lechner (cello), Jean-Marc Larché (ss) et Jean-Louis Matinier (acc) : on venait d’assister (très nombreuse assistance, un fait à relever) à un concert de toute beauté, mais néanmoins – et qu’on n’essaye pas de faire passer des vessies pour des lanternes – on ne venait pas d’écouter un concert de jazz. Certains acceptaient l’idée que sans le jazz cette musique n’aurait pas pu advenir, mais tous avaient bien compris (et admis) qu’on avait à faire là avec une certaine écriture, qui pouvait inclure de (rares) moments de pure improvisation, mais qui renvoyait pour l’essentiel à ce qu’on appelle « musique classique ».
D’accord avec tout ça, on dira le plus souvent qu’on s’en moque et que l’essentiel est la jouissance musicale qu’on en retire – ou pas. Bien sûr. Encore qu’il ne faille pas trop tirer sur la corde, souffler dans le saxo, titiller les boutons de nacre ou glisser sa main dans le piano : après tout, les mélomanes ont aussi besoin de savoir où ils mettent les oreilles, et qu’on ne leur fasse pas trop souvent le coup de « c’est pas du jazz, mais si vous avez aimé ça tant mieux ». L’instrumentation est typiquement post-moderne : Schubert ou Satie n’ont pas écrit, que je sache, pour un quatuor composé d’un piano, d’un violoncelle, d’un accordéon et d’un saxophone soprano. Et Kodaly n’a pas laissé, que je sache non plus, de parties totalement « ad libitum » dans ses sonates pour violoncelle solo. François Couturier explore donc de nouvelles voies, de nouvelles couleurs, de nouveau agencements, même si la musique en tant que telle réfère explicitement dans son écriture à un mouvement syncrétique général bien d’aujourd’hui. Reste à situer le rapport avec le cinéaste dont le « quartet » porte le nom (on pourrait aussi bien dire « quatuor » en bon français), et pour cela il n’eut peut-être pas été inutile de remettre à l’entrée du concert de petites feuilles où aurait figuré le « programme », avec les titres de ce qui semble être une suite tout à fait cohérente. Détail certes. Les jazzmen ne donnent que rarement leur programme, les « classiques » oui.
Cette musique est donc incontestablement de très belle facture, elle est grave, jamais mélancolique, elle sollicite la mélodie sans (presque) jamais céder à la facilité, elle combine toutes les situations possibles à quatre instrumentistes sans jamais que cela ne se sente, elle plaît, elle impose sa qualité, elle convient aux oreilles éduquées d’aujourd’hui. Et, ce qui ne gâte rien, elle est interprétée par des instrumentistes merveilleux de sérieux et d’engagement. Nous avons tous plus ou moins, que nous le voulions ou pas, Debussy Ravel, Stravinsky et quelques autres dans le cornet, et donc nous y sommes. Tout le monde aura compris que je suis dans ce lot, avec quand même au bout du compte quelques questions, dont celle-ci : pourquoi n’ai-je jamais eu le sentiment d’être débordé ? Pris par surprise ? Mais, cela dit, pourquoi faudrait-il l’être ?
Philippe Méziat
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L’unanimité régnait hier soir après le concert du « Takovsky Quartet », composé de François Couturier (p, comp), Anja Lechner (cello), Jean-Marc Larché (ss) et Jean-Louis Matinier (acc) : on venait d’assister (très nombreuse assistance, un fait à relever) à un concert de toute beauté, mais néanmoins – et qu’on n’essaye pas de faire passer des vessies pour des lanternes – on ne venait pas d’écouter un concert de jazz. Certains acceptaient l’idée que sans le jazz cette musique n’aurait pas pu advenir, mais tous avaient bien compris (et admis) qu’on avait à faire là avec une certaine écriture, qui pouvait inclure de (rares) moments de pure improvisation, mais qui renvoyait pour l’essentiel à ce qu’on appelle « musique classique ».
D’accord avec tout ça, on dira le plus souvent qu’on s’en moque et que l’essentiel est la jouissance musicale qu’on en retire – ou pas. Bien sûr. Encore qu’il ne faille pas trop tirer sur la corde, souffler dans le saxo, titiller les boutons de nacre ou glisser sa main dans le piano : après tout, les mélomanes ont aussi besoin de savoir où ils mettent les oreilles, et qu’on ne leur fasse pas trop souvent le coup de « c’est pas du jazz, mais si vous avez aimé ça tant mieux ». L’instrumentation est typiquement post-moderne : Schubert ou Satie n’ont pas écrit, que je sache, pour un quatuor composé d’un piano, d’un violoncelle, d’un accordéon et d’un saxophone soprano. Et Kodaly n’a pas laissé, que je sache non plus, de parties totalement « ad libitum » dans ses sonates pour violoncelle solo. François Couturier explore donc de nouvelles voies, de nouvelles couleurs, de nouveau agencements, même si la musique en tant que telle réfère explicitement dans son écriture à un mouvement syncrétique général bien d’aujourd’hui. Reste à situer le rapport avec le cinéaste dont le « quartet » porte le nom (on pourrait aussi bien dire « quatuor » en bon français), et pour cela il n’eut peut-être pas été inutile de remettre à l’entrée du concert de petites feuilles où aurait figuré le « programme », avec les titres de ce qui semble être une suite tout à fait cohérente. Détail certes. Les jazzmen ne donnent que rarement leur programme, les « classiques » oui.
Cette musique est donc incontestablement de très belle facture, elle est grave, jamais mélancolique, elle sollicite la mélodie sans (presque) jamais céder à la facilité, elle combine toutes les situations possibles à quatre instrumentistes sans jamais que cela ne se sente, elle plaît, elle impose sa qualité, elle convient aux oreilles éduquées d’aujourd’hui. Et, ce qui ne gâte rien, elle est interprétée par des instrumentistes merveilleux de sérieux et d’engagement. Nous avons tous plus ou moins, que nous le voulions ou pas, Debussy Ravel, Stravinsky et quelques autres dans le cornet, et donc nous y sommes. Tout le monde aura compris que je suis dans ce lot, avec quand même au bout du compte quelques questions, dont celle-ci : pourquoi n’ai-je jamais eu le sentiment d’être débordé ? Pris par surprise ? Mais, cela dit, pourquoi faudrait-il l’être ?
Philippe Méziat
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L’unanimité régnait hier soir après le concert du « Takovsky Quartet », composé de François Couturier (p, comp), Anja Lechner (cello), Jean-Marc Larché (ss) et Jean-Louis Matinier (acc) : on venait d’assister (très nombreuse assistance, un fait à relever) à un concert de toute beauté, mais néanmoins – et qu’on n’essaye pas de faire passer des vessies pour des lanternes – on ne venait pas d’écouter un concert de jazz. Certains acceptaient l’idée que sans le jazz cette musique n’aurait pas pu advenir, mais tous avaient bien compris (et admis) qu’on avait à faire là avec une certaine écriture, qui pouvait inclure de (rares) moments de pure improvisation, mais qui renvoyait pour l’essentiel à ce qu’on appelle « musique classique ».
D’accord avec tout ça, on dira le plus souvent qu’on s’en moque et que l’essentiel est la jouissance musicale qu’on en retire – ou pas. Bien sûr. Encore qu’il ne faille pas trop tirer sur la corde, souffler dans le saxo, titiller les boutons de nacre ou glisser sa main dans le piano : après tout, les mélomanes ont aussi besoin de savoir où ils mettent les oreilles, et qu’on ne leur fasse pas trop souvent le coup de « c’est pas du jazz, mais si vous avez aimé ça tant mieux ». L’instrumentation est typiquement post-moderne : Schubert ou Satie n’ont pas écrit, que je sache, pour un quatuor composé d’un piano, d’un violoncelle, d’un accordéon et d’un saxophone soprano. Et Kodaly n’a pas laissé, que je sache non plus, de parties totalement « ad libitum » dans ses sonates pour violoncelle solo. François Couturier explore donc de nouvelles voies, de nouvelles couleurs, de nouveau agencements, même si la musique en tant que telle réfère explicitement dans son écriture à un mouvement syncrétique général bien d’aujourd’hui. Reste à situer le rapport avec le cinéaste dont le « quartet » porte le nom (on pourrait aussi bien dire « quatuor » en bon français), et pour cela il n’eut peut-être pas été inutile de remettre à l’entrée du concert de petites feuilles où aurait figuré le « programme », avec les titres de ce qui semble être une suite tout à fait cohérente. Détail certes. Les jazzmen ne donnent que rarement leur programme, les « classiques » oui.
Cette musique est donc incontestablement de très belle facture, elle est grave, jamais mélancolique, elle sollicite la mélodie sans (presque) jamais céder à la facilité, elle combine toutes les situations possibles à quatre instrumentistes sans jamais que cela ne se sente, elle plaît, elle impose sa qualité, elle convient aux oreilles éduquées d’aujourd’hui. Et, ce qui ne gâte rien, elle est interprétée par des instrumentistes merveilleux de sérieux et d’engagement. Nous avons tous plus ou moins, que nous le voulions ou pas, Debussy Ravel, Stravinsky et quelques autres dans le cornet, et donc nous y sommes. Tout le monde aura compris que je suis dans ce lot, avec quand même au bout du compte quelques questions, dont celle-ci : pourquoi n’ai-je jamais eu le sentiment d’être débordé ? Pris par surprise ? Mais, cela dit, pourquoi faudrait-il l’être ?
Philippe Méziat