Avignon : Labtrio et Pierrick Pedron “Cheerleaders”
Son Tremplin terminé et ses résultats proclamés, le Tremplin Jazz d’Avignon reprenait hier son visage de festival, fidèle cependant à l’intimité et à la qualité acoustique du Cloître des Carmes, fidèle aussi aux anciens lauréats, puisqu’il accueillait le Labtrio, vainqueur de l’édition 2011, en première partie des Cheerleaders de Pierrick Pedron. Demain 4 août, à 21h au même endroit, le chanteur et joueur de oud tunisien Dhafer Youssef.
Cloître des Carmes, Avignon (84), le 3 août 2012.
Labtrio : Bram de Looze (piano), Anneleen Boehme (contrebasse), Lander Gyselinck (batterie).
Pierrick Pedron Cheerleaders : Pierrick Pedron (as), Laurent de Wilde (piano), Chris de Pauw (guitare électrique), Benoît Lugué (guitare basse électrique), Fabrice Moreau (batterie),“fanfare” de l’école de musique de Sorgue dirigée par Francis Grand.
Retrouvailles avec le Labtrio et bonheur de voir que l’on ne s’est pas trompé. Ce qui est assez culotté de ma part, car je ne suis même pas certain d’avoir voté pour ce trio belge l’an passé. Mais, faute de mémoire, je retrouve dans les archives de ce blog mon compte rendu d’alors qui est plutôt élogieux et qui me permet de constater que le groupe a peaufiné ses choix. J’évoquais Bill Evans, Keith Jarrett, EST et le trio [em] de Michael Wollny. Aujourd’hui, ne reste plus que cette référence et celle à Jozef Dumoulin, figure influente de la scène belge. Jazz à dominante binaire, mais d’où le ternaire n’est pas exclu, ce qui, sous les doigts experts d’Anneleen Boehme qui sait faire danser de très libres walking bass, ouvre l’horizon habituellement plus fermé de ce genre de trio. La contrebassiste est capable de passer de phrasés d’une grande délicatesse à des grooves puissants, habileté sur l’instrument qui nous fait nous demander si elle n’aurait pas intérêt à affiner son dispositif d’amplification, car, pour m’être déplacé en plusieurs endroits, on voit bien qu’elle n’a pas sur scène le son qu’elle mérite. Bram de Looze passe du piano au Fender soumis à divers effets dont une espèce de phasing très troublant. Le son de Lander Gyselinck est également admirable et c’est ce son que l’on a envie de saluer tout autant que la fluidité de sa polyrythmie, une polyrythmie très dans l’air du temps par ses décompositions, mais sortant de l’ordinaire par un très jeu très riche, justement, sur les timbres. Pas de jeu pour soi cependant, mais une interaction permanente, où la voix soliste garde de sa place, mais où le discours se développe dans un réseau d’échange très serré entre ces trois musiciens liés par un son commun, un sens du groove partagé et un goût collectif pour les discours musicaux bien charpentés. À l’heure où j’écris ces lignes, ils sont en train de s’installer au Studio La Buissonne à quelques kilomètres d’Avignon, répondant à l’invitation que l’ingénieur du son Gérard de Haro fait chaque année au vainqueur du Tremplin. Ils semblent prêts à y répondre dignement. On leur souhaite de trouver sans tarder un bon label.
Deuxième partie : Pierrick Pedron et son projet Cheerleaders porté à l’échelle orchestrale du disque – fanfare évoquant ici et là le Stravinsky de Circus Polka – sous la plume de Vincent Artaud grâce, pour cette occasion avignonnnaise, à la contribution d’un orchestre à vents et percussions constitué à l’École de musique de Sorgues sous la baguette de son directeur, Francis Grand. Émotion et effusion autour de cette réalisation… et une perplexité de ma part qui reste la même qu’à la sortie du disque, en dépit de l’adhésion d’une large partie de la rédaction de Jazz Magazine, Choc dans notre numéro 630 en octobre dernier, sous la plume de Frédéric Goaty… Quand même ! Si j’ai été sensible aux grooves d’une rythmique pop très élégante, à certaines transitions entre les éléments de cette suite onirique à laquelle la fanfare fournissait hier virgules et parenthèses, à quelques contributions solistes de Laurent de Wilde (remplaçant impromptu de Laurent Coq qui participa à l’élaboration du projet), à ces moments de magie qui accompagnent la fragilité de toute création de ce genre (et notamment ce rendez-vous non concerté du remplaçant de Wilde et Pedron sur un Trinkle Tinkle de Thelonious Monk totalement inattendu), je suis resté imperméable à la cohérence et à la logique du projet, ne comprenant pas bien la place du piano par rapport avec cette rythmique avec guitare (mais la présence d’une remplaçant pourrait expliquer cela), trouvant surtout l’alto et le vocabulaire de Pierrick Pedron, non pas hors de propos, mais comme vidé de sa substance dans ce contexte qu’il a voulu faire sien. On le retrouvera en Bretagne, au festival Malguenac, le jeudi 23 août, et je m’en ferai peut-être une autre idée, avec cette fois Laurent Coq retrouvant son pupitre, ainsi que Vincent Artaud à la basse (Benoît Lugué étant également remplaçant pour le concert avignonnais, d’ailleurs sans aucun problème fonctionnel apparent : ce n’était pas pour lui une première et la place de la basse ne relève pas ici de la même problématique que celle du piano). S’y joindra une fanfare constituée d’élèves du Conservatoire de Saint-Brieuc dont la classe de jazz fait beaucoup parler d’elle.
Mais je dois dire qu’un autre projet me met l’eau à la bouche pour en avoir déjà entendu des épreuves CD, c’est le disque en trio autour de Monk que Pierrick Pedron s’apprête à sortir chez Act, “Kubic’s Monk” avec Thomas Bramerie et Frank Agulhon, plus Ambrose Akinmusire invité sur trois titres. Ow ! Je dois dire que le Pedron que j’aime, c’est bien celui-là.
Franck Bergerot
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Son Tremplin terminé et ses résultats proclamés, le Tremplin Jazz d’Avignon reprenait hier son visage de festival, fidèle cependant à l’intimité et à la qualité acoustique du Cloître des Carmes, fidèle aussi aux anciens lauréats, puisqu’il accueillait le Labtrio, vainqueur de l’édition 2011, en première partie des Cheerleaders de Pierrick Pedron. Demain 4 août, à 21h au même endroit, le chanteur et joueur de oud tunisien Dhafer Youssef.
Cloître des Carmes, Avignon (84), le 3 août 2012.
Labtrio : Bram de Looze (piano), Anneleen Boehme (contrebasse), Lander Gyselinck (batterie).
Pierrick Pedron Cheerleaders : Pierrick Pedron (as), Laurent de Wilde (piano), Chris de Pauw (guitare électrique), Benoît Lugué (guitare basse électrique), Fabrice Moreau (batterie),“fanfare” de l’école de musique de Sorgue dirigée par Francis Grand.
Retrouvailles avec le Labtrio et bonheur de voir que l’on ne s’est pas trompé. Ce qui est assez culotté de ma part, car je ne suis même pas certain d’avoir voté pour ce trio belge l’an passé. Mais, faute de mémoire, je retrouve dans les archives de ce blog mon compte rendu d’alors qui est plutôt élogieux et qui me permet de constater que le groupe a peaufiné ses choix. J’évoquais Bill Evans, Keith Jarrett, EST et le trio [em] de Michael Wollny. Aujourd’hui, ne reste plus que cette référence et celle à Jozef Dumoulin, figure influente de la scène belge. Jazz à dominante binaire, mais d’où le ternaire n’est pas exclu, ce qui, sous les doigts experts d’Anneleen Boehme qui sait faire danser de très libres walking bass, ouvre l’horizon habituellement plus fermé de ce genre de trio. La contrebassiste est capable de passer de phrasés d’une grande délicatesse à des grooves puissants, habileté sur l’instrument qui nous fait nous demander si elle n’aurait pas intérêt à affiner son dispositif d’amplification, car, pour m’être déplacé en plusieurs endroits, on voit bien qu’elle n’a pas sur scène le son qu’elle mérite. Bram de Looze passe du piano au Fender soumis à divers effets dont une espèce de phasing très troublant. Le son de Lander Gyselinck est également admirable et c’est ce son que l’on a envie de saluer tout autant que la fluidité de sa polyrythmie, une polyrythmie très dans l’air du temps par ses décompositions, mais sortant de l’ordinaire par un très jeu très riche, justement, sur les timbres. Pas de jeu pour soi cependant, mais une interaction permanente, où la voix soliste garde de sa place, mais où le discours se développe dans un réseau d’échange très serré entre ces trois musiciens liés par un son commun, un sens du groove partagé et un goût collectif pour les discours musicaux bien charpentés. À l’heure où j’écris ces lignes, ils sont en train de s’installer au Studio La Buissonne à quelques kilomètres d’Avignon, répondant à l’invitation que l’ingénieur du son Gérard de Haro fait chaque année au vainqueur du Tremplin. Ils semblent prêts à y répondre dignement. On leur souhaite de trouver sans tarder un bon label.
Deuxième partie : Pierrick Pedron et son projet Cheerleaders porté à l’échelle orchestrale du disque – fanfare évoquant ici et là le Stravinsky de Circus Polka – sous la plume de Vincent Artaud grâce, pour cette occasion avignonnnaise, à la contribution d’un orchestre à vents et percussions constitué à l’École de musique de Sorgues sous la baguette de son directeur, Francis Grand. Émotion et effusion autour de cette réalisation… et une perplexité de ma part qui reste la même qu’à la sortie du disque, en dépit de l’adhésion d’une large partie de la rédaction de Jazz Magazine, Choc dans notre numéro 630 en octobre dernier, sous la plume de Frédéric Goaty… Quand même ! Si j’ai été sensible aux grooves d’une rythmique pop très élégante, à certaines transitions entre les éléments de cette suite onirique à laquelle la fanfare fournissait hier virgules et parenthèses, à quelques contributions solistes de Laurent de Wilde (remplaçant impromptu de Laurent Coq qui participa à l’élaboration du projet), à ces moments de magie qui accompagnent la fragilité de toute création de ce genre (et notamment ce rendez-vous non concerté du remplaçant de Wilde et Pedron sur un Trinkle Tinkle de Thelonious Monk totalement inattendu), je suis resté imperméable à la cohérence et à la logique du projet, ne comprenant pas bien la place du piano par rapport avec cette rythmique avec guitare (mais la présence d’une remplaçant pourrait expliquer cela), trouvant surtout l’alto et le vocabulaire de Pierrick Pedron, non pas hors de propos, mais comme vidé de sa substance dans ce contexte qu’il a voulu faire sien. On le retrouvera en Bretagne, au festival Malguenac, le jeudi 23 août, et je m’en ferai peut-être une autre idée, avec cette fois Laurent Coq retrouvant son pupitre, ainsi que Vincent Artaud à la basse (Benoît Lugué étant également remplaçant pour le concert avignonnais, d’ailleurs sans aucun problème fonctionnel apparent : ce n’était pas pour lui une première et la place de la basse ne relève pas ici de la même problématique que celle du piano). S’y joindra une fanfare constituée d’élèves du Conservatoire de Saint-Brieuc dont la classe de jazz fait beaucoup parler d’elle.
Mais je dois dire qu’un autre projet me met l’eau à la bouche pour en avoir déjà entendu des épreuves CD, c’est le disque en trio autour de Monk que Pierrick Pedron s’apprête à sortir chez Act, “Kubic’s Monk” avec Thomas Bramerie et Frank Agulhon, plus Ambrose Akinmusire invité sur trois titres. Ow ! Je dois dire que le Pedron que j’aime, c’est bien celui-là.
Franck Bergerot
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Son Tremplin terminé et ses résultats proclamés, le Tremplin Jazz d’Avignon reprenait hier son visage de festival, fidèle cependant à l’intimité et à la qualité acoustique du Cloître des Carmes, fidèle aussi aux anciens lauréats, puisqu’il accueillait le Labtrio, vainqueur de l’édition 2011, en première partie des Cheerleaders de Pierrick Pedron. Demain 4 août, à 21h au même endroit, le chanteur et joueur de oud tunisien Dhafer Youssef.
Cloître des Carmes, Avignon (84), le 3 août 2012.
Labtrio : Bram de Looze (piano), Anneleen Boehme (contrebasse), Lander Gyselinck (batterie).
Pierrick Pedron Cheerleaders : Pierrick Pedron (as), Laurent de Wilde (piano), Chris de Pauw (guitare électrique), Benoît Lugué (guitare basse électrique), Fabrice Moreau (batterie),“fanfare” de l’école de musique de Sorgue dirigée par Francis Grand.
Retrouvailles avec le Labtrio et bonheur de voir que l’on ne s’est pas trompé. Ce qui est assez culotté de ma part, car je ne suis même pas certain d’avoir voté pour ce trio belge l’an passé. Mais, faute de mémoire, je retrouve dans les archives de ce blog mon compte rendu d’alors qui est plutôt élogieux et qui me permet de constater que le groupe a peaufiné ses choix. J’évoquais Bill Evans, Keith Jarrett, EST et le trio [em] de Michael Wollny. Aujourd’hui, ne reste plus que cette référence et celle à Jozef Dumoulin, figure influente de la scène belge. Jazz à dominante binaire, mais d’où le ternaire n’est pas exclu, ce qui, sous les doigts experts d’Anneleen Boehme qui sait faire danser de très libres walking bass, ouvre l’horizon habituellement plus fermé de ce genre de trio. La contrebassiste est capable de passer de phrasés d’une grande délicatesse à des grooves puissants, habileté sur l’instrument qui nous fait nous demander si elle n’aurait pas intérêt à affiner son dispositif d’amplification, car, pour m’être déplacé en plusieurs endroits, on voit bien qu’elle n’a pas sur scène le son qu’elle mérite. Bram de Looze passe du piano au Fender soumis à divers effets dont une espèce de phasing très troublant. Le son de Lander Gyselinck est également admirable et c’est ce son que l’on a envie de saluer tout autant que la fluidité de sa polyrythmie, une polyrythmie très dans l’air du temps par ses décompositions, mais sortant de l’ordinaire par un très jeu très riche, justement, sur les timbres. Pas de jeu pour soi cependant, mais une interaction permanente, où la voix soliste garde de sa place, mais où le discours se développe dans un réseau d’échange très serré entre ces trois musiciens liés par un son commun, un sens du groove partagé et un goût collectif pour les discours musicaux bien charpentés. À l’heure où j’écris ces lignes, ils sont en train de s’installer au Studio La Buissonne à quelques kilomètres d’Avignon, répondant à l’invitation que l’ingénieur du son Gérard de Haro fait chaque année au vainqueur du Tremplin. Ils semblent prêts à y répondre dignement. On leur souhaite de trouver sans tarder un bon label.
Deuxième partie : Pierrick Pedron et son projet Cheerleaders porté à l’échelle orchestrale du disque – fanfare évoquant ici et là le Stravinsky de Circus Polka – sous la plume de Vincent Artaud grâce, pour cette occasion avignonnnaise, à la contribution d’un orchestre à vents et percussions constitué à l’École de musique de Sorgues sous la baguette de son directeur, Francis Grand. Émotion et effusion autour de cette réalisation… et une perplexité de ma part qui reste la même qu’à la sortie du disque, en dépit de l’adhésion d’une large partie de la rédaction de Jazz Magazine, Choc dans notre numéro 630 en octobre dernier, sous la plume de Frédéric Goaty… Quand même ! Si j’ai été sensible aux grooves d’une rythmique pop très élégante, à certaines transitions entre les éléments de cette suite onirique à laquelle la fanfare fournissait hier virgules et parenthèses, à quelques contributions solistes de Laurent de Wilde (remplaçant impromptu de Laurent Coq qui participa à l’élaboration du projet), à ces moments de magie qui accompagnent la fragilité de toute création de ce genre (et notamment ce rendez-vous non concerté du remplaçant de Wilde et Pedron sur un Trinkle Tinkle de Thelonious Monk totalement inattendu), je suis resté imperméable à la cohérence et à la logique du projet, ne comprenant pas bien la place du piano par rapport avec cette rythmique avec guitare (mais la présence d’une remplaçant pourrait expliquer cela), trouvant surtout l’alto et le vocabulaire de Pierrick Pedron, non pas hors de propos, mais comme vidé de sa substance dans ce contexte qu’il a voulu faire sien. On le retrouvera en Bretagne, au festival Malguenac, le jeudi 23 août, et je m’en ferai peut-être une autre idée, avec cette fois Laurent Coq retrouvant son pupitre, ainsi que Vincent Artaud à la basse (Benoît Lugué étant également remplaçant pour le concert avignonnais, d’ailleurs sans aucun problème fonctionnel apparent : ce n’était pas pour lui une première et la place de la basse ne relève pas ici de la même problématique que celle du piano). S’y joindra une fanfare constituée d’élèves du Conservatoire de Saint-Brieuc dont la classe de jazz fait beaucoup parler d’elle.
Mais je dois dire qu’un autre projet me met l’eau à la bouche pour en avoir déjà entendu des épreuves CD, c’est le disque en trio autour de Monk que Pierrick Pedron s’apprête à sortir chez Act, “Kubic’s Monk” avec Thomas Bramerie et Frank Agulhon, plus Ambrose Akinmusire invité sur trois titres. Ow ! Je dois dire que le Pedron que j’aime, c’est bien celui-là.
Franck Bergerot
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Son Tremplin terminé et ses résultats proclamés, le Tremplin Jazz d’Avignon reprenait hier son visage de festival, fidèle cependant à l’intimité et à la qualité acoustique du Cloître des Carmes, fidèle aussi aux anciens lauréats, puisqu’il accueillait le Labtrio, vainqueur de l’édition 2011, en première partie des Cheerleaders de Pierrick Pedron. Demain 4 août, à 21h au même endroit, le chanteur et joueur de oud tunisien Dhafer Youssef.
Cloître des Carmes, Avignon (84), le 3 août 2012.
Labtrio : Bram de Looze (piano), Anneleen Boehme (contrebasse), Lander Gyselinck (batterie).
Pierrick Pedron Cheerleaders : Pierrick Pedron (as), Laurent de Wilde (piano), Chris de Pauw (guitare électrique), Benoît Lugué (guitare basse électrique), Fabrice Moreau (batterie),“fanfare” de l’école de musique de Sorgue dirigée par Francis Grand.
Retrouvailles avec le Labtrio et bonheur de voir que l’on ne s’est pas trompé. Ce qui est assez culotté de ma part, car je ne suis même pas certain d’avoir voté pour ce trio belge l’an passé. Mais, faute de mémoire, je retrouve dans les archives de ce blog mon compte rendu d’alors qui est plutôt élogieux et qui me permet de constater que le groupe a peaufiné ses choix. J’évoquais Bill Evans, Keith Jarrett, EST et le trio [em] de Michael Wollny. Aujourd’hui, ne reste plus que cette référence et celle à Jozef Dumoulin, figure influente de la scène belge. Jazz à dominante binaire, mais d’où le ternaire n’est pas exclu, ce qui, sous les doigts experts d’Anneleen Boehme qui sait faire danser de très libres walking bass, ouvre l’horizon habituellement plus fermé de ce genre de trio. La contrebassiste est capable de passer de phrasés d’une grande délicatesse à des grooves puissants, habileté sur l’instrument qui nous fait nous demander si elle n’aurait pas intérêt à affiner son dispositif d’amplification, car, pour m’être déplacé en plusieurs endroits, on voit bien qu’elle n’a pas sur scène le son qu’elle mérite. Bram de Looze passe du piano au Fender soumis à divers effets dont une espèce de phasing très troublant. Le son de Lander Gyselinck est également admirable et c’est ce son que l’on a envie de saluer tout autant que la fluidité de sa polyrythmie, une polyrythmie très dans l’air du temps par ses décompositions, mais sortant de l’ordinaire par un très jeu très riche, justement, sur les timbres. Pas de jeu pour soi cependant, mais une interaction permanente, où la voix soliste garde de sa place, mais où le discours se développe dans un réseau d’échange très serré entre ces trois musiciens liés par un son commun, un sens du groove partagé et un goût collectif pour les discours musicaux bien charpentés. À l’heure où j’écris ces lignes, ils sont en train de s’installer au Studio La Buissonne à quelques kilomètres d’Avignon, répondant à l’invitation que l’ingénieur du son Gérard de Haro fait chaque année au vainqueur du Tremplin. Ils semblent prêts à y répondre dignement. On leur souhaite de trouver sans tarder un bon label.
Deuxième partie : Pierrick Pedron et son projet Cheerleaders porté à l’échelle orchestrale du disque – fanfare évoquant ici et là le Stravinsky de Circus Polka – sous la plume de Vincent Artaud grâce, pour cette occasion avignonnnaise, à la contribution d’un orchestre à vents et percussions constitué à l’École de musique de Sorgues sous la baguette de son directeur, Francis Grand. Émotion et effusion autour de cette réalisation… et une perplexité de ma part qui reste la même qu’à la sortie du disque, en dépit de l’adhésion d’une large partie de la rédaction de Jazz Magazine, Choc dans notre numéro 630 en octobre dernier, sous la plume de Frédéric Goaty… Quand même ! Si j’ai été sensible aux grooves d’une rythmique pop très élégante, à certaines transitions entre les éléments de cette suite onirique à laquelle la fanfare fournissait hier virgules et parenthèses, à quelques contributions solistes de Laurent de Wilde (remplaçant impromptu de Laurent Coq qui participa à l’élaboration du projet), à ces moments de magie qui accompagnent la fragilité de toute création de ce genre (et notamment ce rendez-vous non concerté du remplaçant de Wilde et Pedron sur un Trinkle Tinkle de Thelonious Monk totalement inattendu), je suis resté imperméable à la cohérence et à la logique du projet, ne comprenant pas bien la place du piano par rapport avec cette rythmique avec guitare (mais la présence d’une remplaçant pourrait expliquer cela), trouvant surtout l’alto et le vocabulaire de Pierrick Pedron, non pas hors de propos, mais comme vidé de sa substance dans ce contexte qu’il a voulu faire sien. On le retrouvera en Bretagne, au festival Malguenac, le jeudi 23 août, et je m’en ferai peut-être une autre idée, avec cette fois Laurent Coq retrouvant son pupitre, ainsi que Vincent Artaud à la basse (Benoît Lugué étant également remplaçant pour le concert avignonnais, d’ailleurs sans aucun problème fonctionnel apparent : ce n’était pas pour lui une première et la place de la basse ne relève pas ici de la même problématique que celle du piano). S’y joindra une fanfare constituée d’élèves du Conservatoire de Saint-Brieuc dont la classe de jazz fait beaucoup parler d’elle.
Mais je dois dire qu’un autre projet me met l’eau à la bouche pour en avoir déjà entendu des épreuves CD, c’est le disque en trio autour de Monk que Pierrick Pedron s’apprête à sortir chez Act, “Kubic’s Monk” avec Thomas Bramerie et Frank Agulhon, plus Ambrose Akinmusire invité sur trois titres. Ow ! Je dois dire que le Pedron que j’aime, c’est bien celui-là.
Franck Bergerot