Jazz live
Publié le 26 Mai 2013

Jazz pourpre à Bergerac : Fabrice Eulry, Pierre-Yves Plat, China Moses et Raphaël Lemonnier

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Pourpre, comme la robe du vin de Bergerac, ou la teinte des feuilles de vigne à l’automne. C’est la couleur de cette région du Périgord. Elle permet de la différencier du Périgord blanc et de son calcaire, du noir avec ses sombres forêts de chênes verts, et du vert avec ses bois et ses étendues agricoles. C’est une terre fertile où le jazz, lui aussi, s’enracine, grâce à une poignée de passionnés. Le festival, désormais nommé Jazz Pourpre Périgord Festival, ce qui laisse deviner la volonté de ses promoteurs de donner à la manifestation une envergure plus considérable, souffle cette année ses dix bougies.

 

Fabrice Eulry, Pierre-Yves Plat (p)

China Moses-Raphaël Lemonnier Quintet. China Moses (voc) Raphaël Lemonnier (p), Luigi Grasso (sax), Fabien Marcot (b), Jean-Pierre Derouard (dm). Bergerac, Centre culturel Michel Manet, 25 mai


 On le doit à l’association Jazz pourpre. Créée en 2002, elle organise en outre des concerts mensuels dans des propriétés viticoles du vignoble bergeracois. Ainsi, Jazz en Chais, complément et prolongement du rendez-vous annuel de mai, conjugue-t-il les plaisirs de l’oreille avec ceux du palais. Pour le président et fondateur du festival, Jacques Gommy, « ce dixième anniversaire sera déterminant pour l’avenir. » Il marque même « un nouveau départ » et témoigne d’une volonté d' »offrir à la ville de Bergerac un événement sur lequel elle pourra s’appuyer pour développer son attractivité culturelle, touristique et donc, économique. » Enthousiasme intact, volontarisme partagé par le directeur artistique Bernard Croce et les membres d’une équipe dont la générosité et la persévérance ne se démentent pas.

 

Rien n’a été négligé pour concrétiser une telle ambition : quatre jours de musique, trois lieux spécifiques, le Village, la Boîte de Jazz, la Grande Scène du centre culturel, sans compter les animations dans la ville. Quand on sait que les éditions précédentes ont vu se succéder, entre autres, Jacky Terrasson et Baptiste Trotignon, Richard Galliano et Patricia Barber, Sylvain Luc, Biréli Lagrène et Didier Lockwood, on se dit que Bergerac peut, sans outrecuidance, prétendre à une reconnaissance plus large.

 

Je n’ai pu assister, le 24, au concert du contrebassiste Renaud Garcia-Fons dont le projet « Linea del Sur », titre de son album paru en 2009, s’inscrit de manière explicite dans l’exploration d’un univers où se rencontrent jazz et musiques de la Méditerranée.

Le lendemain, fusion aussi, mais d’une autre nature, chez les pianistes Fabrice Eulry et Pierre-Yves Plat, dont le spectacle porte l’assemblée à ébullition. Spectacle, car le visuel est, en l’occurrence, inséparable de la musique avec laquelle il fait corps, tant les gags dont ils émaillent leurs interprétations viennent souligner une indéniable virtuosité instrumentale.

 

Le premier se définit comme un « pianiste fou« . Il a enregistré quelque vingt-trois albums et trois DVD, et établi en novembre 2005 un record mondial en jouant vingt-quatre heures d’affilée. C’est dire qu’il n’est pas illégitime de le juger autant à l’aune de la performance insolite que sur sa musicalité. Le second, qui se veut « pianiste fantaisiste« , s’est fait une spécialité de l’interprétation « jazzifiée » des grands classiques, réalisant par-delà les siècles, et non sans un humour qui fait souvent défaut aux adeptes du crossover, des alliances improbables.

 

Au menu de Plat – si j’ose écrire -, l’inévitable Entertainer, la Fantaisie impromptu Op. 66 et l’Etude révolutionnaire de Chopin, l’une et l’autre dûment  accommodées en boogie et en stride. Eulry sollicite lui aussi Scott Joplin (Ragtime Dance) et clôt son Boogie Woogie expiatoire sur un ébouriffant solo de percussion, avant que son compère ne le rejoigne pour un récital à deux pianos. Quelques réminiscence de blues et de jazz (Night Train, Moanin‘, sans doute l’acmé du concert), Bill Bailey en rappel, des incursions dans la chanson française (La Vie en rose, Ah! Si j’avais un franc cinquante, de Boris Vian). Un tourbillon endiablé. La perpétuation d’un courant dont les précurseurs se nomment Fats Waller, Slim Gaillard et autres Spike Jones. Le genre a ses fans. Aucune raison de faire la fine bouche.

 

Marraine du festival, China Moses instaure d’entrée un tout autre climat. Le blues et le rhythm’n’blues lui donnent sa coloration, et aussi le rock et la soul. Autant de composantes de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music. Si elle n’a pas renié sa passion initiale pour Dinah Washington, dont la vie et l’oeuvre lui servent de fil conducteur, elle célèbre aussi d’autres grandes voix qui ont jalonné le siècle dernier, de Mamie Smith et son Crazy Blues, titre de son dernier album, jusqu’à Janis Joplin (Move Over) et Donna Summer (Hot Stuff), en passant par You’re Cryin’, que Quincy Jones écrivit pour Dinah
Washington, Cherry Wine, enregistré peu de temps avant sa mort par Amy Winehouse, ou encore Just Say I Love Him et le Love Me Or Leave me dont Billie Holiday, puis Nina Simone donnèrent des versions mémorables.

 China Moses-Bergerac

Présence scénique, art de replacer dans son contexte avec piquant, humour ou émotion, chacun des morceaux, anecdotes et confidences distillées, China conquiert l’assemblée avec l’aisance d’un entertainer patenté. Tour à tour enjouée et touchante, voire dramatique dans un Work Song où s’illustre Jean-Pierre Derouard, elle swingue avec un parfait naturel, joue avec les inflexions et les nuances. Sa voix a gagné en profondeur, en maturité.

 

Il faut ajouter qu’elle est entourés de partenaires qui lui offrent un tremplin à sa mesure, Luigi Grasso, soliste subtil, expert dans l’art du contre-chant, Fabien Marcot, bassiste au tempo imperturbable, Raphaël Lemonnier enfin, accompagnateur attentif, auteur d’interventions brillantes, qui a dans ses doigts toute l’histoire du jazz. Il prend dans la réussite du projet une part prépondérante.

 

Clôture aujourd’hui dimanche avec des valeurs sûres, le Paul Chéron Septet et Nadia Cambours. Je serai sous d’autres cieux. Dommage. Mais j’ai noté sur mes tablettes la prochaine étape de Jazz en chais : le 14 juin, au Château Court les Mûts, sis à Razac de Saussignac, pour une joute de batteurs réunissant Guillaume Nouaux, Mourad Benhamou et Francis Arnaud autour de Thierry Ollé et Serge Oustiakine.

 

Jacques Aboucaya

Photos Marc Delbos

 

 

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Pourpre, comme la robe du vin de Bergerac, ou la teinte des feuilles de vigne à l’automne. C’est la couleur de cette région du Périgord. Elle permet de la différencier du Périgord blanc et de son calcaire, du noir avec ses sombres forêts de chênes verts, et du vert avec ses bois et ses étendues agricoles. C’est une terre fertile où le jazz, lui aussi, s’enracine, grâce à une poignée de passionnés. Le festival, désormais nommé Jazz Pourpre Périgord Festival, ce qui laisse deviner la volonté de ses promoteurs de donner à la manifestation une envergure plus considérable, souffle cette année ses dix bougies.

 

Fabrice Eulry, Pierre-Yves Plat (p)

China Moses-Raphaël Lemonnier Quintet. China Moses (voc) Raphaël Lemonnier (p), Luigi Grasso (sax), Fabien Marcot (b), Jean-Pierre Derouard (dm). Bergerac, Centre culturel Michel Manet, 25 mai


 On le doit à l’association Jazz pourpre. Créée en 2002, elle organise en outre des concerts mensuels dans des propriétés viticoles du vignoble bergeracois. Ainsi, Jazz en Chais, complément et prolongement du rendez-vous annuel de mai, conjugue-t-il les plaisirs de l’oreille avec ceux du palais. Pour le président et fondateur du festival, Jacques Gommy, « ce dixième anniversaire sera déterminant pour l’avenir. » Il marque même « un nouveau départ » et témoigne d’une volonté d' »offrir à la ville de Bergerac un événement sur lequel elle pourra s’appuyer pour développer son attractivité culturelle, touristique et donc, économique. » Enthousiasme intact, volontarisme partagé par le directeur artistique Bernard Croce et les membres d’une équipe dont la générosité et la persévérance ne se démentent pas.

 

Rien n’a été négligé pour concrétiser une telle ambition : quatre jours de musique, trois lieux spécifiques, le Village, la Boîte de Jazz, la Grande Scène du centre culturel, sans compter les animations dans la ville. Quand on sait que les éditions précédentes ont vu se succéder, entre autres, Jacky Terrasson et Baptiste Trotignon, Richard Galliano et Patricia Barber, Sylvain Luc, Biréli Lagrène et Didier Lockwood, on se dit que Bergerac peut, sans outrecuidance, prétendre à une reconnaissance plus large.

 

Je n’ai pu assister, le 24, au concert du contrebassiste Renaud Garcia-Fons dont le projet « Linea del Sur », titre de son album paru en 2009, s’inscrit de manière explicite dans l’exploration d’un univers où se rencontrent jazz et musiques de la Méditerranée.

Le lendemain, fusion aussi, mais d’une autre nature, chez les pianistes Fabrice Eulry et Pierre-Yves Plat, dont le spectacle porte l’assemblée à ébullition. Spectacle, car le visuel est, en l’occurrence, inséparable de la musique avec laquelle il fait corps, tant les gags dont ils émaillent leurs interprétations viennent souligner une indéniable virtuosité instrumentale.

 

Le premier se définit comme un « pianiste fou« . Il a enregistré quelque vingt-trois albums et trois DVD, et établi en novembre 2005 un record mondial en jouant vingt-quatre heures d’affilée. C’est dire qu’il n’est pas illégitime de le juger autant à l’aune de la performance insolite que sur sa musicalité. Le second, qui se veut « pianiste fantaisiste« , s’est fait une spécialité de l’interprétation « jazzifiée » des grands classiques, réalisant par-delà les siècles, et non sans un humour qui fait souvent défaut aux adeptes du crossover, des alliances improbables.

 

Au menu de Plat – si j’ose écrire -, l’inévitable Entertainer, la Fantaisie impromptu Op. 66 et l’Etude révolutionnaire de Chopin, l’une et l’autre dûment  accommodées en boogie et en stride. Eulry sollicite lui aussi Scott Joplin (Ragtime Dance) et clôt son Boogie Woogie expiatoire sur un ébouriffant solo de percussion, avant que son compère ne le rejoigne pour un récital à deux pianos. Quelques réminiscence de blues et de jazz (Night Train, Moanin‘, sans doute l’acmé du concert), Bill Bailey en rappel, des incursions dans la chanson française (La Vie en rose, Ah! Si j’avais un franc cinquante, de Boris Vian). Un tourbillon endiablé. La perpétuation d’un courant dont les précurseurs se nomment Fats Waller, Slim Gaillard et autres Spike Jones. Le genre a ses fans. Aucune raison de faire la fine bouche.

 

Marraine du festival, China Moses instaure d’entrée un tout autre climat. Le blues et le rhythm’n’blues lui donnent sa coloration, et aussi le rock et la soul. Autant de composantes de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music. Si elle n’a pas renié sa passion initiale pour Dinah Washington, dont la vie et l’oeuvre lui servent de fil conducteur, elle célèbre aussi d’autres grandes voix qui ont jalonné le siècle dernier, de Mamie Smith et son Crazy Blues, titre de son dernier album, jusqu’à Janis Joplin (Move Over) et Donna Summer (Hot Stuff), en passant par You’re Cryin’, que Quincy Jones écrivit pour Dinah
Washington, Cherry Wine, enregistré peu de temps avant sa mort par Amy Winehouse, ou encore Just Say I Love Him et le Love Me Or Leave me dont Billie Holiday, puis Nina Simone donnèrent des versions mémorables.

 China Moses-Bergerac

Présence scénique, art de replacer dans son contexte avec piquant, humour ou émotion, chacun des morceaux, anecdotes et confidences distillées, China conquiert l’assemblée avec l’aisance d’un entertainer patenté. Tour à tour enjouée et touchante, voire dramatique dans un Work Song où s’illustre Jean-Pierre Derouard, elle swingue avec un parfait naturel, joue avec les inflexions et les nuances. Sa voix a gagné en profondeur, en maturité.

 

Il faut ajouter qu’elle est entourés de partenaires qui lui offrent un tremplin à sa mesure, Luigi Grasso, soliste subtil, expert dans l’art du contre-chant, Fabien Marcot, bassiste au tempo imperturbable, Raphaël Lemonnier enfin, accompagnateur attentif, auteur d’interventions brillantes, qui a dans ses doigts toute l’histoire du jazz. Il prend dans la réussite du projet une part prépondérante.

 

Clôture aujourd’hui dimanche avec des valeurs sûres, le Paul Chéron Septet et Nadia Cambours. Je serai sous d’autres cieux. Dommage. Mais j’ai noté sur mes tablettes la prochaine étape de Jazz en chais : le 14 juin, au Château Court les Mûts, sis à Razac de Saussignac, pour une joute de batteurs réunissant Guillaume Nouaux, Mourad Benhamou et Francis Arnaud autour de Thierry Ollé et Serge Oustiakine.

 

Jacques Aboucaya

Photos Marc Delbos

 

 

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Pourpre, comme la robe du vin de Bergerac, ou la teinte des feuilles de vigne à l’automne. C’est la couleur de cette région du Périgord. Elle permet de la différencier du Périgord blanc et de son calcaire, du noir avec ses sombres forêts de chênes verts, et du vert avec ses bois et ses étendues agricoles. C’est une terre fertile où le jazz, lui aussi, s’enracine, grâce à une poignée de passionnés. Le festival, désormais nommé Jazz Pourpre Périgord Festival, ce qui laisse deviner la volonté de ses promoteurs de donner à la manifestation une envergure plus considérable, souffle cette année ses dix bougies.

 

Fabrice Eulry, Pierre-Yves Plat (p)

China Moses-Raphaël Lemonnier Quintet. China Moses (voc) Raphaël Lemonnier (p), Luigi Grasso (sax), Fabien Marcot (b), Jean-Pierre Derouard (dm). Bergerac, Centre culturel Michel Manet, 25 mai


 On le doit à l’association Jazz pourpre. Créée en 2002, elle organise en outre des concerts mensuels dans des propriétés viticoles du vignoble bergeracois. Ainsi, Jazz en Chais, complément et prolongement du rendez-vous annuel de mai, conjugue-t-il les plaisirs de l’oreille avec ceux du palais. Pour le président et fondateur du festival, Jacques Gommy, « ce dixième anniversaire sera déterminant pour l’avenir. » Il marque même « un nouveau départ » et témoigne d’une volonté d' »offrir à la ville de Bergerac un événement sur lequel elle pourra s’appuyer pour développer son attractivité culturelle, touristique et donc, économique. » Enthousiasme intact, volontarisme partagé par le directeur artistique Bernard Croce et les membres d’une équipe dont la générosité et la persévérance ne se démentent pas.

 

Rien n’a été négligé pour concrétiser une telle ambition : quatre jours de musique, trois lieux spécifiques, le Village, la Boîte de Jazz, la Grande Scène du centre culturel, sans compter les animations dans la ville. Quand on sait que les éditions précédentes ont vu se succéder, entre autres, Jacky Terrasson et Baptiste Trotignon, Richard Galliano et Patricia Barber, Sylvain Luc, Biréli Lagrène et Didier Lockwood, on se dit que Bergerac peut, sans outrecuidance, prétendre à une reconnaissance plus large.

 

Je n’ai pu assister, le 24, au concert du contrebassiste Renaud Garcia-Fons dont le projet « Linea del Sur », titre de son album paru en 2009, s’inscrit de manière explicite dans l’exploration d’un univers où se rencontrent jazz et musiques de la Méditerranée.

Le lendemain, fusion aussi, mais d’une autre nature, chez les pianistes Fabrice Eulry et Pierre-Yves Plat, dont le spectacle porte l’assemblée à ébullition. Spectacle, car le visuel est, en l’occurrence, inséparable de la musique avec laquelle il fait corps, tant les gags dont ils émaillent leurs interprétations viennent souligner une indéniable virtuosité instrumentale.

 

Le premier se définit comme un « pianiste fou« . Il a enregistré quelque vingt-trois albums et trois DVD, et établi en novembre 2005 un record mondial en jouant vingt-quatre heures d’affilée. C’est dire qu’il n’est pas illégitime de le juger autant à l’aune de la performance insolite que sur sa musicalité. Le second, qui se veut « pianiste fantaisiste« , s’est fait une spécialité de l’interprétation « jazzifiée » des grands classiques, réalisant par-delà les siècles, et non sans un humour qui fait souvent défaut aux adeptes du crossover, des alliances improbables.

 

Au menu de Plat – si j’ose écrire -, l’inévitable Entertainer, la Fantaisie impromptu Op. 66 et l’Etude révolutionnaire de Chopin, l’une et l’autre dûment  accommodées en boogie et en stride. Eulry sollicite lui aussi Scott Joplin (Ragtime Dance) et clôt son Boogie Woogie expiatoire sur un ébouriffant solo de percussion, avant que son compère ne le rejoigne pour un récital à deux pianos. Quelques réminiscence de blues et de jazz (Night Train, Moanin‘, sans doute l’acmé du concert), Bill Bailey en rappel, des incursions dans la chanson française (La Vie en rose, Ah! Si j’avais un franc cinquante, de Boris Vian). Un tourbillon endiablé. La perpétuation d’un courant dont les précurseurs se nomment Fats Waller, Slim Gaillard et autres Spike Jones. Le genre a ses fans. Aucune raison de faire la fine bouche.

 

Marraine du festival, China Moses instaure d’entrée un tout autre climat. Le blues et le rhythm’n’blues lui donnent sa coloration, et aussi le rock et la soul. Autant de composantes de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music. Si elle n’a pas renié sa passion initiale pour Dinah Washington, dont la vie et l’oeuvre lui servent de fil conducteur, elle célèbre aussi d’autres grandes voix qui ont jalonné le siècle dernier, de Mamie Smith et son Crazy Blues, titre de son dernier album, jusqu’à Janis Joplin (Move Over) et Donna Summer (Hot Stuff), en passant par You’re Cryin’, que Quincy Jones écrivit pour Dinah
Washington, Cherry Wine, enregistré peu de temps avant sa mort par Amy Winehouse, ou encore Just Say I Love Him et le Love Me Or Leave me dont Billie Holiday, puis Nina Simone donnèrent des versions mémorables.

 China Moses-Bergerac

Présence scénique, art de replacer dans son contexte avec piquant, humour ou émotion, chacun des morceaux, anecdotes et confidences distillées, China conquiert l’assemblée avec l’aisance d’un entertainer patenté. Tour à tour enjouée et touchante, voire dramatique dans un Work Song où s’illustre Jean-Pierre Derouard, elle swingue avec un parfait naturel, joue avec les inflexions et les nuances. Sa voix a gagné en profondeur, en maturité.

 

Il faut ajouter qu’elle est entourés de partenaires qui lui offrent un tremplin à sa mesure, Luigi Grasso, soliste subtil, expert dans l’art du contre-chant, Fabien Marcot, bassiste au tempo imperturbable, Raphaël Lemonnier enfin, accompagnateur attentif, auteur d’interventions brillantes, qui a dans ses doigts toute l’histoire du jazz. Il prend dans la réussite du projet une part prépondérante.

 

Clôture aujourd’hui dimanche avec des valeurs sûres, le Paul Chéron Septet et Nadia Cambours. Je serai sous d’autres cieux. Dommage. Mais j’ai noté sur mes tablettes la prochaine étape de Jazz en chais : le 14 juin, au Château Court les Mûts, sis à Razac de Saussignac, pour une joute de batteurs réunissant Guillaume Nouaux, Mourad Benhamou et Francis Arnaud autour de Thierry Ollé et Serge Oustiakine.

 

Jacques Aboucaya

Photos Marc Delbos

 

 

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Pourpre, comme la robe du vin de Bergerac, ou la teinte des feuilles de vigne à l’automne. C’est la couleur de cette région du Périgord. Elle permet de la différencier du Périgord blanc et de son calcaire, du noir avec ses sombres forêts de chênes verts, et du vert avec ses bois et ses étendues agricoles. C’est une terre fertile où le jazz, lui aussi, s’enracine, grâce à une poignée de passionnés. Le festival, désormais nommé Jazz Pourpre Périgord Festival, ce qui laisse deviner la volonté de ses promoteurs de donner à la manifestation une envergure plus considérable, souffle cette année ses dix bougies.

 

Fabrice Eulry, Pierre-Yves Plat (p)

China Moses-Raphaël Lemonnier Quintet. China Moses (voc) Raphaël Lemonnier (p), Luigi Grasso (sax), Fabien Marcot (b), Jean-Pierre Derouard (dm). Bergerac, Centre culturel Michel Manet, 25 mai


 On le doit à l’association Jazz pourpre. Créée en 2002, elle organise en outre des concerts mensuels dans des propriétés viticoles du vignoble bergeracois. Ainsi, Jazz en Chais, complément et prolongement du rendez-vous annuel de mai, conjugue-t-il les plaisirs de l’oreille avec ceux du palais. Pour le président et fondateur du festival, Jacques Gommy, « ce dixième anniversaire sera déterminant pour l’avenir. » Il marque même « un nouveau départ » et témoigne d’une volonté d' »offrir à la ville de Bergerac un événement sur lequel elle pourra s’appuyer pour développer son attractivité culturelle, touristique et donc, économique. » Enthousiasme intact, volontarisme partagé par le directeur artistique Bernard Croce et les membres d’une équipe dont la générosité et la persévérance ne se démentent pas.

 

Rien n’a été négligé pour concrétiser une telle ambition : quatre jours de musique, trois lieux spécifiques, le Village, la Boîte de Jazz, la Grande Scène du centre culturel, sans compter les animations dans la ville. Quand on sait que les éditions précédentes ont vu se succéder, entre autres, Jacky Terrasson et Baptiste Trotignon, Richard Galliano et Patricia Barber, Sylvain Luc, Biréli Lagrène et Didier Lockwood, on se dit que Bergerac peut, sans outrecuidance, prétendre à une reconnaissance plus large.

 

Je n’ai pu assister, le 24, au concert du contrebassiste Renaud Garcia-Fons dont le projet « Linea del Sur », titre de son album paru en 2009, s’inscrit de manière explicite dans l’exploration d’un univers où se rencontrent jazz et musiques de la Méditerranée.

Le lendemain, fusion aussi, mais d’une autre nature, chez les pianistes Fabrice Eulry et Pierre-Yves Plat, dont le spectacle porte l’assemblée à ébullition. Spectacle, car le visuel est, en l’occurrence, inséparable de la musique avec laquelle il fait corps, tant les gags dont ils émaillent leurs interprétations viennent souligner une indéniable virtuosité instrumentale.

 

Le premier se définit comme un « pianiste fou« . Il a enregistré quelque vingt-trois albums et trois DVD, et établi en novembre 2005 un record mondial en jouant vingt-quatre heures d’affilée. C’est dire qu’il n’est pas illégitime de le juger autant à l’aune de la performance insolite que sur sa musicalité. Le second, qui se veut « pianiste fantaisiste« , s’est fait une spécialité de l’interprétation « jazzifiée » des grands classiques, réalisant par-delà les siècles, et non sans un humour qui fait souvent défaut aux adeptes du crossover, des alliances improbables.

 

Au menu de Plat – si j’ose écrire -, l’inévitable Entertainer, la Fantaisie impromptu Op. 66 et l’Etude révolutionnaire de Chopin, l’une et l’autre dûment  accommodées en boogie et en stride. Eulry sollicite lui aussi Scott Joplin (Ragtime Dance) et clôt son Boogie Woogie expiatoire sur un ébouriffant solo de percussion, avant que son compère ne le rejoigne pour un récital à deux pianos. Quelques réminiscence de blues et de jazz (Night Train, Moanin‘, sans doute l’acmé du concert), Bill Bailey en rappel, des incursions dans la chanson française (La Vie en rose, Ah! Si j’avais un franc cinquante, de Boris Vian). Un tourbillon endiablé. La perpétuation d’un courant dont les précurseurs se nomment Fats Waller, Slim Gaillard et autres Spike Jones. Le genre a ses fans. Aucune raison de faire la fine bouche.

 

Marraine du festival, China Moses instaure d’entrée un tout autre climat. Le blues et le rhythm’n’blues lui donnent sa coloration, et aussi le rock et la soul. Autant de composantes de ce qu’il est convenu d’appeler Great Black Music. Si elle n’a pas renié sa passion initiale pour Dinah Washington, dont la vie et l’oeuvre lui servent de fil conducteur, elle célèbre aussi d’autres grandes voix qui ont jalonné le siècle dernier, de Mamie Smith et son Crazy Blues, titre de son dernier album, jusqu’à Janis Joplin (Move Over) et Donna Summer (Hot Stuff), en passant par You’re Cryin’, que Quincy Jones écrivit pour Dinah
Washington, Cherry Wine, enregistré peu de temps avant sa mort par Amy Winehouse, ou encore Just Say I Love Him et le Love Me Or Leave me dont Billie Holiday, puis Nina Simone donnèrent des versions mémorables.

 China Moses-Bergerac

Présence scénique, art de replacer dans son contexte avec piquant, humour ou émotion, chacun des morceaux, anecdotes et confidences distillées, China conquiert l’assemblée avec l’aisance d’un entertainer patenté. Tour à tour enjouée et touchante, voire dramatique dans un Work Song où s’illustre Jean-Pierre Derouard, elle swingue avec un parfait naturel, joue avec les inflexions et les nuances. Sa voix a gagné en profondeur, en maturité.

 

Il faut ajouter qu’elle est entourés de partenaires qui lui offrent un tremplin à sa mesure, Luigi Grasso, soliste subtil, expert dans l’art du contre-chant, Fabien Marcot, bassiste au tempo imperturbable, Raphaël Lemonnier enfin, accompagnateur attentif, auteur d’interventions brillantes, qui a dans ses doigts toute l’histoire du jazz. Il prend dans la réussite du projet une part prépondérante.

 

Clôture aujourd’hui dimanche avec des valeurs sûres, le Paul Chéron Septet et Nadia Cambours. Je serai sous d’autres cieux. Dommage. Mais j’ai noté sur mes tablettes la prochaine étape de Jazz en chais : le 14 juin, au Château Court les Mûts, sis à Razac de Saussignac, pour une joute de batteurs réunissant Guillaume Nouaux, Mourad Benhamou et Francis Arnaud autour de Thierry Ollé et Serge Oustiakine.

 

Jacques Aboucaya

Photos Marc Delbos