Michael Brecker à la Sorbonne !
Le Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, constitué uniquement d’étudiants, a présenté un programme étonnant, mais parfaitement cohérent, au sein du vénérable et imposant Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. En effet, pas une seule œuvre de Mozart, point de Bach ni de Beethoven, mais une création de Carine Bonnefoy, une reprise du Cityscape de Claus Ogerman, et du Leonard Bernstein, dont les Chichester Psalms, rarement donnés en concert. Bilan : salle comble et un beau succès.
Grand Amphithéâtre, Sorbonne, Paris (75), 31 mai 2013, 20h.
Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, Hervé Sellin (p), Stéphane Guillaume Sextet (Stéphane Guillaume [ts, ss], Paul-Christian Staïcu [p], Frédéric Favarel [g], Marc Buronfosse [cb], Antoine Banville [dm], Sebastian Quezada [perc]), Carine Bonnefoy, Vincent Barthe (dir).
Dans l’après-midi, 350 enfants du XVIIIe arrondissement de Paris étaient venus écouter la répétition générale de l’ensemble. Le succès obtenu présageait d’une belle soirée.
Le concert débuta par la création d’une commande passée à la pianiste, compositrice et arrangeuse Carine Bonnefoy, une pièce pour chœur et piano intitulée L’attente – Waiting for an Answer, qu’elle dirigea elle-même, Hervé Sellin étant au piano. L’attente s’avéra un excellent prélude à la partition de Claus Ogerman qui devait suivre. La composition de Carine Bonnefoy est en effet très évocatrice, assez suave, parfois un rien sucrée. Les harmonies aux douces dissonances, les belles modulations, une pâte sonore aérienne dominent l’ensemble de la pièce qui ne se veut en aucun cas complexe (et encore moins compliquée), Carine Bonnefoy ayant au contraire opté pour une immédiateté plaisante et un peu noble. Cependant, à la différence d’Ogerman, l’inquiétude urbaine, la noirceur d’expression n’ont pas leur place dans la pièce de Carine Bonnefoy. Porté par un chœur en vocalises presque séraphiques, l’auditeur se voit ainsi bercé par ce nuage de musique, ne sachant pas bien où on l’emmène au milieu de ces formes atmosphériques changeantes. Parfois, le pianiste parle seul, nuance la teinte générale qui domine la pièce, par des improvisations sur pédale (dans les deux sens du terme, harmonique et organologique), osant une ou deux sorties « solaliennes », usant d’acides touches polytonales bien venues, comme autant de libres cadences émaillant ça et là un adagio à la lancinance vagabonde. Dans ce rôle, Hervé Sellin a rappelé qu’il était un maître en la matière, tant pour ses qualités d’interprète « classique » que pour celles associées au jazz.
A la fin de l’exécution, manifestement très émue, Carine Bonnefoy s’empressa d’applaudir ses interprètes, il est vrai admirables de sincérité et de qualités interprétatives (signalons que le chœur avait parfaitement été préparé par leur chef, Ariel Alonso).
Cityscape est une sorte de concerto pour grand orchestre symphonique et saxophone. Pensée par Claus Ogerman pour le saxophoniste Michael Brecker, la composition se présente sous la forme d’une suite en sept mouvements, qui flirte entre écriture « savante » et jazz. Elle est toute d’ambiances, une part de son identité se trouvant autant du côté d’Hollywood que du Grand Canyon, avec un raffinement caché sous le brillant de l’ensemble. Stéphane Guillaume se trouve à l’origine de cette exécution. Dans le texte de programme qu’il a rédigé, il précise : « […] Ogerman rejoint [avec Cityscape] la liste, certes courte, mais néanmoins prestigieuse, des quelques compositeurs de l’histoire s’étant intéressés [au saxophone]. L’idée simple du projet […] est de pouvoir avoir la possibilité de faire vivre ce chef-d’œuvre, comme un soliste classique interprète une œuvre du patrimoine… ». Grâce à son pianiste, Paul-Christian Staïcu, qui a relevé l’intégralité d’une partition qui n’aurait pu être exécutée autrement – une performance en soi ! –, et par le travail notamment de Laurent Cugny, chargé de mission pour le Chœur & Orcheste Sorbonne Universités, le projet est devenu réalité.
Comme toujours, entendre une pièce en concert, c’est la redécouvrir. Habitué au son de l’enregistrement, l’auditeur se trouve face à une œuvre nouvelle, moins maquillée et plus « concrète ». Pourtant, cette sorte de crudité attendue s’est vue atténuée par le son de l’amphithéâtre de 1885, plein d’échos et distancié, et pour tout dire, mal adapté aux concerts. De ce fait – hélas –, les moments dédiés au seul sextette s’avérèrent confus, la faute pour une part à l’amplification des instruments électriques dont le lieu ne s’accommode guère. Il n’empêche, votre rapporteur fut étonné de (re)découvrir certaines parties de cors, de ne pas trouver certains détails mis en avant dans la production discographique de référence, de goûter plus sûrement les harmonies raffinées (parfois proches du total chromatique, mais comme dilué au sein de dispositions harmoniques et instrumentales « admissibles »).
Dans son interprétation, Stéphane Guillaume n’est pas tombé dans le piège d’une veine imitation de Michael Brecker. Il s’est plus intelligemment attaché à repenser une œuvre conçue pour un artiste précis, dans le but de la faire sienne et lui imprimer un accent inédit, ce en quoi il a parfaitement réussi. De même, les étudiants de l’orchestre se sont acquittés avec les honneurs de pages très exigeantes sur le plan de l’intonation, emmenés par le tempo ferme de leur chef d’orchestre d’un moment, Carine Bonnefoy.
La seconde partie du concert donna à entendre les Chichester Psalms ainsi que les Danses symphoniques tirées du West Side Story de Leonard Bernstein, deux partitions virtuoses conduites de main de maître – quelle gestique efficace ! – par le chef d’orchestre titulaire de la formation, Vincent Barthe.
Au final, une soirée dont le programme se présentait comme une porte entrouverte du côté du jazz à destination d’un public sans doute plus habitué aux œuvres du grand répertoire. Tentative réussie comme le démontrèrent les acclamations.
Une nouvelle exécution est prévue lundi prochain (3 juin 2013), même lieu (Grand Amphithéâtre de la Sorbonne), même heure (20h).
Ludovic Florin
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Le Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, constitué uniquement d’étudiants, a présenté un programme étonnant, mais parfaitement cohérent, au sein du vénérable et imposant Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. En effet, pas une seule œuvre de Mozart, point de Bach ni de Beethoven, mais une création de Carine Bonnefoy, une reprise du Cityscape de Claus Ogerman, et du Leonard Bernstein, dont les Chichester Psalms, rarement donnés en concert. Bilan : salle comble et un beau succès.
Grand Amphithéâtre, Sorbonne, Paris (75), 31 mai 2013, 20h.
Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, Hervé Sellin (p), Stéphane Guillaume Sextet (Stéphane Guillaume [ts, ss], Paul-Christian Staïcu [p], Frédéric Favarel [g], Marc Buronfosse [cb], Antoine Banville [dm], Sebastian Quezada [perc]), Carine Bonnefoy, Vincent Barthe (dir).
Dans l’après-midi, 350 enfants du XVIIIe arrondissement de Paris étaient venus écouter la répétition générale de l’ensemble. Le succès obtenu présageait d’une belle soirée.
Le concert débuta par la création d’une commande passée à la pianiste, compositrice et arrangeuse Carine Bonnefoy, une pièce pour chœur et piano intitulée L’attente – Waiting for an Answer, qu’elle dirigea elle-même, Hervé Sellin étant au piano. L’attente s’avéra un excellent prélude à la partition de Claus Ogerman qui devait suivre. La composition de Carine Bonnefoy est en effet très évocatrice, assez suave, parfois un rien sucrée. Les harmonies aux douces dissonances, les belles modulations, une pâte sonore aérienne dominent l’ensemble de la pièce qui ne se veut en aucun cas complexe (et encore moins compliquée), Carine Bonnefoy ayant au contraire opté pour une immédiateté plaisante et un peu noble. Cependant, à la différence d’Ogerman, l’inquiétude urbaine, la noirceur d’expression n’ont pas leur place dans la pièce de Carine Bonnefoy. Porté par un chœur en vocalises presque séraphiques, l’auditeur se voit ainsi bercé par ce nuage de musique, ne sachant pas bien où on l’emmène au milieu de ces formes atmosphériques changeantes. Parfois, le pianiste parle seul, nuance la teinte générale qui domine la pièce, par des improvisations sur pédale (dans les deux sens du terme, harmonique et organologique), osant une ou deux sorties « solaliennes », usant d’acides touches polytonales bien venues, comme autant de libres cadences émaillant ça et là un adagio à la lancinance vagabonde. Dans ce rôle, Hervé Sellin a rappelé qu’il était un maître en la matière, tant pour ses qualités d’interprète « classique » que pour celles associées au jazz.
A la fin de l’exécution, manifestement très émue, Carine Bonnefoy s’empressa d’applaudir ses interprètes, il est vrai admirables de sincérité et de qualités interprétatives (signalons que le chœur avait parfaitement été préparé par leur chef, Ariel Alonso).
Cityscape est une sorte de concerto pour grand orchestre symphonique et saxophone. Pensée par Claus Ogerman pour le saxophoniste Michael Brecker, la composition se présente sous la forme d’une suite en sept mouvements, qui flirte entre écriture « savante » et jazz. Elle est toute d’ambiances, une part de son identité se trouvant autant du côté d’Hollywood que du Grand Canyon, avec un raffinement caché sous le brillant de l’ensemble. Stéphane Guillaume se trouve à l’origine de cette exécution. Dans le texte de programme qu’il a rédigé, il précise : « […] Ogerman rejoint [avec Cityscape] la liste, certes courte, mais néanmoins prestigieuse, des quelques compositeurs de l’histoire s’étant intéressés [au saxophone]. L’idée simple du projet […] est de pouvoir avoir la possibilité de faire vivre ce chef-d’œuvre, comme un soliste classique interprète une œuvre du patrimoine… ». Grâce à son pianiste, Paul-Christian Staïcu, qui a relevé l’intégralité d’une partition qui n’aurait pu être exécutée autrement – une performance en soi ! –, et par le travail notamment de Laurent Cugny, chargé de mission pour le Chœur & Orcheste Sorbonne Universités, le projet est devenu réalité.
Comme toujours, entendre une pièce en concert, c’est la redécouvrir. Habitué au son de l’enregistrement, l’auditeur se trouve face à une œuvre nouvelle, moins maquillée et plus « concrète ». Pourtant, cette sorte de crudité attendue s’est vue atténuée par le son de l’amphithéâtre de 1885, plein d’échos et distancié, et pour tout dire, mal adapté aux concerts. De ce fait – hélas –, les moments dédiés au seul sextette s’avérèrent confus, la faute pour une part à l’amplification des instruments électriques dont le lieu ne s’accommode guère. Il n’empêche, votre rapporteur fut étonné de (re)découvrir certaines parties de cors, de ne pas trouver certains détails mis en avant dans la production discographique de référence, de goûter plus sûrement les harmonies raffinées (parfois proches du total chromatique, mais comme dilué au sein de dispositions harmoniques et instrumentales « admissibles »).
Dans son interprétation, Stéphane Guillaume n’est pas tombé dans le piège d’une veine imitation de Michael Brecker. Il s’est plus intelligemment attaché à repenser une œuvre conçue pour un artiste précis, dans le but de la faire sienne et lui imprimer un accent inédit, ce en quoi il a parfaitement réussi. De même, les étudiants de l’orchestre se sont acquittés avec les honneurs de pages très exigeantes sur le plan de l’intonation, emmenés par le tempo ferme de leur chef d’orchestre d’un moment, Carine Bonnefoy.
La seconde partie du concert donna à entendre les Chichester Psalms ainsi que les Danses symphoniques tirées du West Side Story de Leonard Bernstein, deux partitions virtuoses conduites de main de maître – quelle gestique efficace ! – par le chef d’orchestre titulaire de la formation, Vincent Barthe.
Au final, une soirée dont le programme se présentait comme une porte entrouverte du côté du jazz à destination d’un public sans doute plus habitué aux œuvres du grand répertoire. Tentative réussie comme le démontrèrent les acclamations.
Une nouvelle exécution est prévue lundi prochain (3 juin 2013), même lieu (Grand Amphithéâtre de la Sorbonne), même heure (20h).
Ludovic Florin
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Le Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, constitué uniquement d’étudiants, a présenté un programme étonnant, mais parfaitement cohérent, au sein du vénérable et imposant Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. En effet, pas une seule œuvre de Mozart, point de Bach ni de Beethoven, mais une création de Carine Bonnefoy, une reprise du Cityscape de Claus Ogerman, et du Leonard Bernstein, dont les Chichester Psalms, rarement donnés en concert. Bilan : salle comble et un beau succès.
Grand Amphithéâtre, Sorbonne, Paris (75), 31 mai 2013, 20h.
Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, Hervé Sellin (p), Stéphane Guillaume Sextet (Stéphane Guillaume [ts, ss], Paul-Christian Staïcu [p], Frédéric Favarel [g], Marc Buronfosse [cb], Antoine Banville [dm], Sebastian Quezada [perc]), Carine Bonnefoy, Vincent Barthe (dir).
Dans l’après-midi, 350 enfants du XVIIIe arrondissement de Paris étaient venus écouter la répétition générale de l’ensemble. Le succès obtenu présageait d’une belle soirée.
Le concert débuta par la création d’une commande passée à la pianiste, compositrice et arrangeuse Carine Bonnefoy, une pièce pour chœur et piano intitulée L’attente – Waiting for an Answer, qu’elle dirigea elle-même, Hervé Sellin étant au piano. L’attente s’avéra un excellent prélude à la partition de Claus Ogerman qui devait suivre. La composition de Carine Bonnefoy est en effet très évocatrice, assez suave, parfois un rien sucrée. Les harmonies aux douces dissonances, les belles modulations, une pâte sonore aérienne dominent l’ensemble de la pièce qui ne se veut en aucun cas complexe (et encore moins compliquée), Carine Bonnefoy ayant au contraire opté pour une immédiateté plaisante et un peu noble. Cependant, à la différence d’Ogerman, l’inquiétude urbaine, la noirceur d’expression n’ont pas leur place dans la pièce de Carine Bonnefoy. Porté par un chœur en vocalises presque séraphiques, l’auditeur se voit ainsi bercé par ce nuage de musique, ne sachant pas bien où on l’emmène au milieu de ces formes atmosphériques changeantes. Parfois, le pianiste parle seul, nuance la teinte générale qui domine la pièce, par des improvisations sur pédale (dans les deux sens du terme, harmonique et organologique), osant une ou deux sorties « solaliennes », usant d’acides touches polytonales bien venues, comme autant de libres cadences émaillant ça et là un adagio à la lancinance vagabonde. Dans ce rôle, Hervé Sellin a rappelé qu’il était un maître en la matière, tant pour ses qualités d’interprète « classique » que pour celles associées au jazz.
A la fin de l’exécution, manifestement très émue, Carine Bonnefoy s’empressa d’applaudir ses interprètes, il est vrai admirables de sincérité et de qualités interprétatives (signalons que le chœur avait parfaitement été préparé par leur chef, Ariel Alonso).
Cityscape est une sorte de concerto pour grand orchestre symphonique et saxophone. Pensée par Claus Ogerman pour le saxophoniste Michael Brecker, la composition se présente sous la forme d’une suite en sept mouvements, qui flirte entre écriture « savante » et jazz. Elle est toute d’ambiances, une part de son identité se trouvant autant du côté d’Hollywood que du Grand Canyon, avec un raffinement caché sous le brillant de l’ensemble. Stéphane Guillaume se trouve à l’origine de cette exécution. Dans le texte de programme qu’il a rédigé, il précise : « […] Ogerman rejoint [avec Cityscape] la liste, certes courte, mais néanmoins prestigieuse, des quelques compositeurs de l’histoire s’étant intéressés [au saxophone]. L’idée simple du projet […] est de pouvoir avoir la possibilité de faire vivre ce chef-d’œuvre, comme un soliste classique interprète une œuvre du patrimoine… ». Grâce à son pianiste, Paul-Christian Staïcu, qui a relevé l’intégralité d’une partition qui n’aurait pu être exécutée autrement – une performance en soi ! –, et par le travail notamment de Laurent Cugny, chargé de mission pour le Chœur & Orcheste Sorbonne Universités, le projet est devenu réalité.
Comme toujours, entendre une pièce en concert, c’est la redécouvrir. Habitué au son de l’enregistrement, l’auditeur se trouve face à une œuvre nouvelle, moins maquillée et plus « concrète ». Pourtant, cette sorte de crudité attendue s’est vue atténuée par le son de l’amphithéâtre de 1885, plein d’échos et distancié, et pour tout dire, mal adapté aux concerts. De ce fait – hélas –, les moments dédiés au seul sextette s’avérèrent confus, la faute pour une part à l’amplification des instruments électriques dont le lieu ne s’accommode guère. Il n’empêche, votre rapporteur fut étonné de (re)découvrir certaines parties de cors, de ne pas trouver certains détails mis en avant dans la production discographique de référence, de goûter plus sûrement les harmonies raffinées (parfois proches du total chromatique, mais comme dilué au sein de dispositions harmoniques et instrumentales « admissibles »).
Dans son interprétation, Stéphane Guillaume n’est pas tombé dans le piège d’une veine imitation de Michael Brecker. Il s’est plus intelligemment attaché à repenser une œuvre conçue pour un artiste précis, dans le but de la faire sienne et lui imprimer un accent inédit, ce en quoi il a parfaitement réussi. De même, les étudiants de l’orchestre se sont acquittés avec les honneurs de pages très exigeantes sur le plan de l’intonation, emmenés par le tempo ferme de leur chef d’orchestre d’un moment, Carine Bonnefoy.
La seconde partie du concert donna à entendre les Chichester Psalms ainsi que les Danses symphoniques tirées du West Side Story de Leonard Bernstein, deux partitions virtuoses conduites de main de maître – quelle gestique efficace ! – par le chef d’orchestre titulaire de la formation, Vincent Barthe.
Au final, une soirée dont le programme se présentait comme une porte entrouverte du côté du jazz à destination d’un public sans doute plus habitué aux œuvres du grand répertoire. Tentative réussie comme le démontrèrent les acclamations.
Une nouvelle exécution est prévue lundi prochain (3 juin 2013), même lieu (Grand Amphithéâtre de la Sorbonne), même heure (20h).
Ludovic Florin
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Le Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, constitué uniquement d’étudiants, a présenté un programme étonnant, mais parfaitement cohérent, au sein du vénérable et imposant Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. En effet, pas une seule œuvre de Mozart, point de Bach ni de Beethoven, mais une création de Carine Bonnefoy, une reprise du Cityscape de Claus Ogerman, et du Leonard Bernstein, dont les Chichester Psalms, rarement donnés en concert. Bilan : salle comble et un beau succès.
Grand Amphithéâtre, Sorbonne, Paris (75), 31 mai 2013, 20h.
Chœur & Orchestre Sorbonne Universités, Hervé Sellin (p), Stéphane Guillaume Sextet (Stéphane Guillaume [ts, ss], Paul-Christian Staïcu [p], Frédéric Favarel [g], Marc Buronfosse [cb], Antoine Banville [dm], Sebastian Quezada [perc]), Carine Bonnefoy, Vincent Barthe (dir).
Dans l’après-midi, 350 enfants du XVIIIe arrondissement de Paris étaient venus écouter la répétition générale de l’ensemble. Le succès obtenu présageait d’une belle soirée.
Le concert débuta par la création d’une commande passée à la pianiste, compositrice et arrangeuse Carine Bonnefoy, une pièce pour chœur et piano intitulée L’attente – Waiting for an Answer, qu’elle dirigea elle-même, Hervé Sellin étant au piano. L’attente s’avéra un excellent prélude à la partition de Claus Ogerman qui devait suivre. La composition de Carine Bonnefoy est en effet très évocatrice, assez suave, parfois un rien sucrée. Les harmonies aux douces dissonances, les belles modulations, une pâte sonore aérienne dominent l’ensemble de la pièce qui ne se veut en aucun cas complexe (et encore moins compliquée), Carine Bonnefoy ayant au contraire opté pour une immédiateté plaisante et un peu noble. Cependant, à la différence d’Ogerman, l’inquiétude urbaine, la noirceur d’expression n’ont pas leur place dans la pièce de Carine Bonnefoy. Porté par un chœur en vocalises presque séraphiques, l’auditeur se voit ainsi bercé par ce nuage de musique, ne sachant pas bien où on l’emmène au milieu de ces formes atmosphériques changeantes. Parfois, le pianiste parle seul, nuance la teinte générale qui domine la pièce, par des improvisations sur pédale (dans les deux sens du terme, harmonique et organologique), osant une ou deux sorties « solaliennes », usant d’acides touches polytonales bien venues, comme autant de libres cadences émaillant ça et là un adagio à la lancinance vagabonde. Dans ce rôle, Hervé Sellin a rappelé qu’il était un maître en la matière, tant pour ses qualités d’interprète « classique » que pour celles associées au jazz.
A la fin de l’exécution, manifestement très émue, Carine Bonnefoy s’empressa d’applaudir ses interprètes, il est vrai admirables de sincérité et de qualités interprétatives (signalons que le chœur avait parfaitement été préparé par leur chef, Ariel Alonso).
Cityscape est une sorte de concerto pour grand orchestre symphonique et saxophone. Pensée par Claus Ogerman pour le saxophoniste Michael Brecker, la composition se présente sous la forme d’une suite en sept mouvements, qui flirte entre écriture « savante » et jazz. Elle est toute d’ambiances, une part de son identité se trouvant autant du côté d’Hollywood que du Grand Canyon, avec un raffinement caché sous le brillant de l’ensemble. Stéphane Guillaume se trouve à l’origine de cette exécution. Dans le texte de programme qu’il a rédigé, il précise : « […] Ogerman rejoint [avec Cityscape] la liste, certes courte, mais néanmoins prestigieuse, des quelques compositeurs de l’histoire s’étant intéressés [au saxophone]. L’idée simple du projet […] est de pouvoir avoir la possibilité de faire vivre ce chef-d’œuvre, comme un soliste classique interprète une œuvre du patrimoine… ». Grâce à son pianiste, Paul-Christian Staïcu, qui a relevé l’intégralité d’une partition qui n’aurait pu être exécutée autrement – une performance en soi ! –, et par le travail notamment de Laurent Cugny, chargé de mission pour le Chœur & Orcheste Sorbonne Universités, le projet est devenu réalité.
Comme toujours, entendre une pièce en concert, c’est la redécouvrir. Habitué au son de l’enregistrement, l’auditeur se trouve face à une œuvre nouvelle, moins maquillée et plus « concrète ». Pourtant, cette sorte de crudité attendue s’est vue atténuée par le son de l’amphithéâtre de 1885, plein d’échos et distancié, et pour tout dire, mal adapté aux concerts. De ce fait – hélas –, les moments dédiés au seul sextette s’avérèrent confus, la faute pour une part à l’amplification des instruments électriques dont le lieu ne s’accommode guère. Il n’empêche, votre rapporteur fut étonné de (re)découvrir certaines parties de cors, de ne pas trouver certains détails mis en avant dans la production discographique de référence, de goûter plus sûrement les harmonies raffinées (parfois proches du total chromatique, mais comme dilué au sein de dispositions harmoniques et instrumentales « admissibles »).
Dans son interprétation, Stéphane Guillaume n’est pas tombé dans le piège d’une veine imitation de Michael Brecker. Il s’est plus intelligemment attaché à repenser une œuvre conçue pour un artiste précis, dans le but de la faire sienne et lui imprimer un accent inédit, ce en quoi il a parfaitement réussi. De même, les étudiants de l’orchestre se sont acquittés avec les honneurs de pages très exigeantes sur le plan de l’intonation, emmenés par le tempo ferme de leur chef d’orchestre d’un moment, Carine Bonnefoy.
La seconde partie du concert donna à entendre les Chichester Psalms ainsi que les Danses symphoniques tirées du West Side Story de Leonard Bernstein, deux partitions virtuoses conduites de main de maître – quelle gestique efficace ! – par le chef d’orchestre titulaire de la formation, Vincent Barthe.
Au final, une soirée dont le programme se présentait comme une porte entrouverte du côté du jazz à destination d’un public sans doute plus habitué aux œuvres du grand répertoire. Tentative réussie comme le démontrèrent les acclamations.
Une nouvelle exécution est prévue lundi prochain (3 juin 2013), même lieu (Grand Amphithéâtre de la Sorbonne), même heure (20h).
Ludovic Florin