Jazz live
Publié le 23 Juin 2013

Ascona, 1. La relève du soir

La magie d’Ascona procède de plusieurs éléments. D’abord le cadre, incomparable. A la demi-douzaine de podiums disséminés le long de sa rive, le Lac Majeur offre la plus somptueuse des toiles de fond. Ensuite, l’ambiance particulière d’un festival qui a su croître et embellir sans rien abdiquer de son caractère propre. En conservant un visage humain, à l’inverse des « grandes » manifestations qui ont sacrifié la convivialité sur l’autel du showbiz et du vedettariat. Ici, pas d’escorte, pas de gardes du corps, pas de décorum ni de caprices de stars. Les musiciens côtoient le public et se mêlent à lui, en toute simplicité. Ainsi, naguère – ou jadis ?… – la Grande Parade de Nice, lorsque l’accueillaient les jardins de Cimiez.


The New Orleans Beat Night

Shannon Powell’s New Orleans All Stars. Shannon Powell (dm, voc), Roderick Paulin (ts), Kyle Roussel (p), Roland Guerin (b, elb).

Gerald French & The Original Tuxedo Jazz Band. Gerald French (dm, voc), Andrew Baham (tp), David Harris (tb), Tom Fischer (cl, ts), Larry Siberth (p), Richard Moten (b), Yolanda Windsay (voc).

Ascona, Stage Debarcadero, 22 juin.

 

La Cité du Croissant se taille ici la part du lion. Non dans un esprit de célébration nostalgique et figée, mais en proposant des exemples vivants des musiques telles qu’elle se jouent aujourd’hui. Ainsi de deux batteurs, et non des moindres, qui y tiennent le haut du pavé. L’un et l’autre ont en commun de chanter et de connaître parfaitement les racines de leur musique. Leur répertoire respectif plonge dans la tradition (le blues, bien sûr, et le spiritual, Bourbon Street Parade, Mardi Gras in N. O., Here We Go de Ray Charles pour Shannon Powell, Saint-James Infirmary, Basin Street Blues, Muskrat Ramble, Dinah pour Gerald French). Il s’ouvre toutefois à des thèmes et à des formes nettement plus modernes.

 

Powell est, des deux, le plus aventureux. Chick Corea (Armando’s Rhumba) Horace Silver (Song For My Father), Herbie Hancock (Cantaloupe Island) servent de tremplin à un all stars où s’illustrent deux jeunes musiciens, le pianiste Kyle Roussel, qui a fait son miel des avancées harmoniques actuelles, et le ténor Roderick Paulin qui s’autorise, au détour d’un solo, quelques réminiscences coltraniennes. Roland Guerin évoque pour sa part Marcus Miller par son slap dévastateur à la basse électrique. Le leader, en passe de devenir une légende vivante dans sa ville natale où on le surnomme déjà « the King of Treme », est du genre foisonnant. Technique superlative, effervescence, jeu sur les cymbales qui doit plus à Elvin Jones qu’aux grands ancêtres. Au demeurant, catalyseur efficace d’un groupe aux individualités attachantes.

 

Avec Gerald French, successeur, à la tête de l’Original Tuxedo Jazz Band, de son oncle Bob French, disparu il y a quelques mois, c’est une forme de classicisme qui reprend ses droits. D’abord parce que son style, plus sobre mais tout aussi efficace, génère un swing constant et qu’il chante agréablement dans le style de Fats Domino (Blueberry Hill). Ensuite, parce que son sextette, véritable affaire de famille depuis que le banjoïste Albert « Papa » French, fondateur de la dynastie, en prit la direction en 1958, fait preuve d’une homogénéité qui faisait quelque peu défaut au groupe précédent.

 

En son sein, des musiciens prometteurs, notamment le trompettiste Andrew Baham, soliste brillant qui sait aussi ce que mener une collective veut dire, et le tromboniste David Harris. Tom Fisher se révèle clarinettiste honorable, moins inspiré au ténor (son solo sur FeverYolanda Windsay se laisse, en revanche, écouter sans déplaisir). L’inoxydable Take the A Train permet du reste à la chanteuse de manifester de réelles qualités. De quoi conclure que la relève semble bien assurée et que le jazz, dans son acception traditionnelle et classique, n’est pas près de rendre le dernier soupir.

 

Jacques Aboucaya

 

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La magie d’Ascona procède de plusieurs éléments. D’abord le cadre, incomparable. A la demi-douzaine de podiums disséminés le long de sa rive, le Lac Majeur offre la plus somptueuse des toiles de fond. Ensuite, l’ambiance particulière d’un festival qui a su croître et embellir sans rien abdiquer de son caractère propre. En conservant un visage humain, à l’inverse des « grandes » manifestations qui ont sacrifié la convivialité sur l’autel du showbiz et du vedettariat. Ici, pas d’escorte, pas de gardes du corps, pas de décorum ni de caprices de stars. Les musiciens côtoient le public et se mêlent à lui, en toute simplicité. Ainsi, naguère – ou jadis ?… – la Grande Parade de Nice, lorsque l’accueillaient les jardins de Cimiez.


The New Orleans Beat Night

Shannon Powell’s New Orleans All Stars. Shannon Powell (dm, voc), Roderick Paulin (ts), Kyle Roussel (p), Roland Guerin (b, elb).

Gerald French & The Original Tuxedo Jazz Band. Gerald French (dm, voc), Andrew Baham (tp), David Harris (tb), Tom Fischer (cl, ts), Larry Siberth (p), Richard Moten (b), Yolanda Windsay (voc).

Ascona, Stage Debarcadero, 22 juin.

 

La Cité du Croissant se taille ici la part du lion. Non dans un esprit de célébration nostalgique et figée, mais en proposant des exemples vivants des musiques telles qu’elle se jouent aujourd’hui. Ainsi de deux batteurs, et non des moindres, qui y tiennent le haut du pavé. L’un et l’autre ont en commun de chanter et de connaître parfaitement les racines de leur musique. Leur répertoire respectif plonge dans la tradition (le blues, bien sûr, et le spiritual, Bourbon Street Parade, Mardi Gras in N. O., Here We Go de Ray Charles pour Shannon Powell, Saint-James Infirmary, Basin Street Blues, Muskrat Ramble, Dinah pour Gerald French). Il s’ouvre toutefois à des thèmes et à des formes nettement plus modernes.

 

Powell est, des deux, le plus aventureux. Chick Corea (Armando’s Rhumba) Horace Silver (Song For My Father), Herbie Hancock (Cantaloupe Island) servent de tremplin à un all stars où s’illustrent deux jeunes musiciens, le pianiste Kyle Roussel, qui a fait son miel des avancées harmoniques actuelles, et le ténor Roderick Paulin qui s’autorise, au détour d’un solo, quelques réminiscences coltraniennes. Roland Guerin évoque pour sa part Marcus Miller par son slap dévastateur à la basse électrique. Le leader, en passe de devenir une légende vivante dans sa ville natale où on le surnomme déjà « the King of Treme », est du genre foisonnant. Technique superlative, effervescence, jeu sur les cymbales qui doit plus à Elvin Jones qu’aux grands ancêtres. Au demeurant, catalyseur efficace d’un groupe aux individualités attachantes.

 

Avec Gerald French, successeur, à la tête de l’Original Tuxedo Jazz Band, de son oncle Bob French, disparu il y a quelques mois, c’est une forme de classicisme qui reprend ses droits. D’abord parce que son style, plus sobre mais tout aussi efficace, génère un swing constant et qu’il chante agréablement dans le style de Fats Domino (Blueberry Hill). Ensuite, parce que son sextette, véritable affaire de famille depuis que le banjoïste Albert « Papa » French, fondateur de la dynastie, en prit la direction en 1958, fait preuve d’une homogénéité qui faisait quelque peu défaut au groupe précédent.

 

En son sein, des musiciens prometteurs, notamment le trompettiste Andrew Baham, soliste brillant qui sait aussi ce que mener une collective veut dire, et le tromboniste David Harris. Tom Fisher se révèle clarinettiste honorable, moins inspiré au ténor (son solo sur FeverYolanda Windsay se laisse, en revanche, écouter sans déplaisir). L’inoxydable Take the A Train permet du reste à la chanteuse de manifester de réelles qualités. De quoi conclure que la relève semble bien assurée et que le jazz, dans son acception traditionnelle et classique, n’est pas près de rendre le dernier soupir.

 

Jacques Aboucaya

 

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La magie d’Ascona procède de plusieurs éléments. D’abord le cadre, incomparable. A la demi-douzaine de podiums disséminés le long de sa rive, le Lac Majeur offre la plus somptueuse des toiles de fond. Ensuite, l’ambiance particulière d’un festival qui a su croître et embellir sans rien abdiquer de son caractère propre. En conservant un visage humain, à l’inverse des « grandes » manifestations qui ont sacrifié la convivialité sur l’autel du showbiz et du vedettariat. Ici, pas d’escorte, pas de gardes du corps, pas de décorum ni de caprices de stars. Les musiciens côtoient le public et se mêlent à lui, en toute simplicité. Ainsi, naguère – ou jadis ?… – la Grande Parade de Nice, lorsque l’accueillaient les jardins de Cimiez.


The New Orleans Beat Night

Shannon Powell’s New Orleans All Stars. Shannon Powell (dm, voc), Roderick Paulin (ts), Kyle Roussel (p), Roland Guerin (b, elb).

Gerald French & The Original Tuxedo Jazz Band. Gerald French (dm, voc), Andrew Baham (tp), David Harris (tb), Tom Fischer (cl, ts), Larry Siberth (p), Richard Moten (b), Yolanda Windsay (voc).

Ascona, Stage Debarcadero, 22 juin.

 

La Cité du Croissant se taille ici la part du lion. Non dans un esprit de célébration nostalgique et figée, mais en proposant des exemples vivants des musiques telles qu’elle se jouent aujourd’hui. Ainsi de deux batteurs, et non des moindres, qui y tiennent le haut du pavé. L’un et l’autre ont en commun de chanter et de connaître parfaitement les racines de leur musique. Leur répertoire respectif plonge dans la tradition (le blues, bien sûr, et le spiritual, Bourbon Street Parade, Mardi Gras in N. O., Here We Go de Ray Charles pour Shannon Powell, Saint-James Infirmary, Basin Street Blues, Muskrat Ramble, Dinah pour Gerald French). Il s’ouvre toutefois à des thèmes et à des formes nettement plus modernes.

 

Powell est, des deux, le plus aventureux. Chick Corea (Armando’s Rhumba) Horace Silver (Song For My Father), Herbie Hancock (Cantaloupe Island) servent de tremplin à un all stars où s’illustrent deux jeunes musiciens, le pianiste Kyle Roussel, qui a fait son miel des avancées harmoniques actuelles, et le ténor Roderick Paulin qui s’autorise, au détour d’un solo, quelques réminiscences coltraniennes. Roland Guerin évoque pour sa part Marcus Miller par son slap dévastateur à la basse électrique. Le leader, en passe de devenir une légende vivante dans sa ville natale où on le surnomme déjà « the King of Treme », est du genre foisonnant. Technique superlative, effervescence, jeu sur les cymbales qui doit plus à Elvin Jones qu’aux grands ancêtres. Au demeurant, catalyseur efficace d’un groupe aux individualités attachantes.

 

Avec Gerald French, successeur, à la tête de l’Original Tuxedo Jazz Band, de son oncle Bob French, disparu il y a quelques mois, c’est une forme de classicisme qui reprend ses droits. D’abord parce que son style, plus sobre mais tout aussi efficace, génère un swing constant et qu’il chante agréablement dans le style de Fats Domino (Blueberry Hill). Ensuite, parce que son sextette, véritable affaire de famille depuis que le banjoïste Albert « Papa » French, fondateur de la dynastie, en prit la direction en 1958, fait preuve d’une homogénéité qui faisait quelque peu défaut au groupe précédent.

 

En son sein, des musiciens prometteurs, notamment le trompettiste Andrew Baham, soliste brillant qui sait aussi ce que mener une collective veut dire, et le tromboniste David Harris. Tom Fisher se révèle clarinettiste honorable, moins inspiré au ténor (son solo sur FeverYolanda Windsay se laisse, en revanche, écouter sans déplaisir). L’inoxydable Take the A Train permet du reste à la chanteuse de manifester de réelles qualités. De quoi conclure que la relève semble bien assurée et que le jazz, dans son acception traditionnelle et classique, n’est pas près de rendre le dernier soupir.

 

Jacques Aboucaya

 

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La magie d’Ascona procède de plusieurs éléments. D’abord le cadre, incomparable. A la demi-douzaine de podiums disséminés le long de sa rive, le Lac Majeur offre la plus somptueuse des toiles de fond. Ensuite, l’ambiance particulière d’un festival qui a su croître et embellir sans rien abdiquer de son caractère propre. En conservant un visage humain, à l’inverse des « grandes » manifestations qui ont sacrifié la convivialité sur l’autel du showbiz et du vedettariat. Ici, pas d’escorte, pas de gardes du corps, pas de décorum ni de caprices de stars. Les musiciens côtoient le public et se mêlent à lui, en toute simplicité. Ainsi, naguère – ou jadis ?… – la Grande Parade de Nice, lorsque l’accueillaient les jardins de Cimiez.


The New Orleans Beat Night

Shannon Powell’s New Orleans All Stars. Shannon Powell (dm, voc), Roderick Paulin (ts), Kyle Roussel (p), Roland Guerin (b, elb).

Gerald French & The Original Tuxedo Jazz Band. Gerald French (dm, voc), Andrew Baham (tp), David Harris (tb), Tom Fischer (cl, ts), Larry Siberth (p), Richard Moten (b), Yolanda Windsay (voc).

Ascona, Stage Debarcadero, 22 juin.

 

La Cité du Croissant se taille ici la part du lion. Non dans un esprit de célébration nostalgique et figée, mais en proposant des exemples vivants des musiques telles qu’elle se jouent aujourd’hui. Ainsi de deux batteurs, et non des moindres, qui y tiennent le haut du pavé. L’un et l’autre ont en commun de chanter et de connaître parfaitement les racines de leur musique. Leur répertoire respectif plonge dans la tradition (le blues, bien sûr, et le spiritual, Bourbon Street Parade, Mardi Gras in N. O., Here We Go de Ray Charles pour Shannon Powell, Saint-James Infirmary, Basin Street Blues, Muskrat Ramble, Dinah pour Gerald French). Il s’ouvre toutefois à des thèmes et à des formes nettement plus modernes.

 

Powell est, des deux, le plus aventureux. Chick Corea (Armando’s Rhumba) Horace Silver (Song For My Father), Herbie Hancock (Cantaloupe Island) servent de tremplin à un all stars où s’illustrent deux jeunes musiciens, le pianiste Kyle Roussel, qui a fait son miel des avancées harmoniques actuelles, et le ténor Roderick Paulin qui s’autorise, au détour d’un solo, quelques réminiscences coltraniennes. Roland Guerin évoque pour sa part Marcus Miller par son slap dévastateur à la basse électrique. Le leader, en passe de devenir une légende vivante dans sa ville natale où on le surnomme déjà « the King of Treme », est du genre foisonnant. Technique superlative, effervescence, jeu sur les cymbales qui doit plus à Elvin Jones qu’aux grands ancêtres. Au demeurant, catalyseur efficace d’un groupe aux individualités attachantes.

 

Avec Gerald French, successeur, à la tête de l’Original Tuxedo Jazz Band, de son oncle Bob French, disparu il y a quelques mois, c’est une forme de classicisme qui reprend ses droits. D’abord parce que son style, plus sobre mais tout aussi efficace, génère un swing constant et qu’il chante agréablement dans le style de Fats Domino (Blueberry Hill). Ensuite, parce que son sextette, véritable affaire de famille depuis que le banjoïste Albert « Papa » French, fondateur de la dynastie, en prit la direction en 1958, fait preuve d’une homogénéité qui faisait quelque peu défaut au groupe précédent.

 

En son sein, des musiciens prometteurs, notamment le trompettiste Andrew Baham, soliste brillant qui sait aussi ce que mener une collective veut dire, et le tromboniste David Harris. Tom Fisher se révèle clarinettiste honorable, moins inspiré au ténor (son solo sur FeverYolanda Windsay se laisse, en revanche, écouter sans déplaisir). L’inoxydable Take the A Train permet du reste à la chanteuse de manifester de réelles qualités. De quoi conclure que la relève semble bien assurée et que le jazz, dans son acception traditionnelle et classique, n’est pas près de rendre le dernier soupir.

 

Jacques Aboucaya