MARTIAL SOLAL : deux après-midi amicaux en petit comité
Unité de lieu, disjonction de temps : à une semaine d’intervalle, deux après-midi au Conservatoire à rayonnement régional de Paris, à l’initiative de Jean-Charles Richard, pour célébrer la musique de Martial Solal, et le pianiste lui-même, à l’occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire.
Martial a fêté, le 23 août dernier, 90 printemps et autant d’étés. Belle occasion de célébrer sa musique, et sa personne. Le samedi 21 octobre 2017, pour conclure une Master classe dédiée à la musique de Martial Solal, et à celle d’André Hodeir, Martial a répondu à l’invitation de Jean-Charles Richard, coordinateur du département de jazz du CRR de Paris. Les étudiants et étudiantes qui avaient travaillé ensemble, depuis la veille, les œuvres de ces deux grands musiciens, donnaient un concert de restitution en présence du pianiste, grand ami d’André Hodeir auquel il était lié par une admiration mutuelle.
Ce furent d’abord deux des 11 études pour piano, jouées successivement par deux jeunes musiciennes en présence du compositeur, et aussi du concertiste Éric Ferrand-N’Kaoua (qui les a enregistrées pour le label Grand Piano/Naxos). Puis Une pièce pour quatre, quatuor de saxophones créé voici plus de 30 ans par le Quatuor A Piacere. Et ensuite deux des musiques du disque «Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir» (1956) auquel participait Martial Solal, trois compositions de Martial pour son disque «Triangle», enregistré en 1995 avec Marc Johnson et Peter Erskine, et enfin la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz, enregistrée en 1959 en studio, puis en concert par la RTF. Pour ces versions d’origine de 12 et 13 minutes, Martial était accompagné par Roger Guérin, Paul Rovère et Daniel Humair. Il en existe aussi un enregistrement de plus de 20 minutes, qui a été conservé par le pianiste, et dont le relevé a permis l’interprétation donnée par les étudiants du Conservatoire. Moment privilégié pour Martial qui retrouvait, en auditeur attentif et ravi une œuvre marquante, d’une forme qui n’avait pas cours à l’époque, et qui demeure, comme toutes les grandes œuvres, hors du temps. Moment émouvant pour votre serviteur, qui après avoir écouté maintes et maintes fois les deux versions existantes (et pour la première d’entre elles depuis près de 50 ans….), découvrait in vivo ce très beau moment de musique. Beaucoup de plaisir et d’émotion, pour Martial Solal, comme pour Jean-Charles Richard, et pour les jeunes musiciens qui jouaient ces musiques.
Charles Heisser (piano), Hector Lena Schroll (trompette), Nicolas Zentz (contrebasse) & Julien Roger (batterie) jouent, devant Martial Solal et Jean-Charles Richard, la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz.
Un goûter d’anniversaire
Une semaine plus tard, le samedi 28 octobre, à la même heure (16h) et au même endroit, Jean-Charles Richard réunissait quelques amis proches de Martial, parmi lesquels de nombreux musiciens, pour célébrer avec quelques semaines de retard un anniversaire marquant (9 décennies ne sont pas rien !). Martial vient de publier, aux États-Unis chez Sunnyside, un disque en duo avec Dave Liebman, enregistré au festival Jazz & Wine (Martial Solal & Dave Liebman, «Masters in Bordeaux»). Après un message vidéo très chaleureux de Dave Liebman, qui se terminait par ‘We love You madly’, les musiciens ont joué pour Martial, et pour toute la joyeuse assemblée.
Le benjamin, Paul Lay, ouvre les festivités avec un standard en solo, traité avec une liberté qui manifestement réjouit Martial, et il est rejoint en cours de route par François Moutin qui, à l’autre bout de la pièce, prend contact avec la contrebasse et entre dans la danse. Ils poursuivront en trio avec Louis Moutin ; les deux frères sont trop heureux de s’associer à nouveau avec ce pianiste qu’ils connaissent, notamment pour l’avoir accompagné à la finale du Concours… Martial Solal, en 2006.
Jean-Marie Machado, Jean-Charles Richard, François Moutin, Louis Moutin
Jean-Marie Machado, après un duo avec Jean-Charles Richard, va retouver les frères Moutin pour ce trio qui marqua la scène hexagonale dans les années 80 et 90 : leur connivence est intacte ! Puis Jean-Charles Richard les rejoint en quartette, pour une improvisation sans thème ni filet d’où va jaillir une belle œuvre collective. C’est alors le tour de Benjamin Moussay, d’abord en duo avec François Moutin, puis en trio avec les deux frères, avant de convier Claudia Solal, partenaire de longue date, et avec laquelle il vient de publier un très beau duo intitulé «Butter in my brain». Comme il l’ont souvent fait, ils vont improviser autour d’un texte original, en Anglais, de Claudia. C’est d’une intensité et d’une beauté palpables.
Benjamin Moussay, Claudia Solal
Martial va ensuite convier son ami Éric Ferrand-N’Kaoua, avec lequel il a enregistré en duo de pianos, à lui faire le plaisir de jouer ‘à la Tatum’. Ce qu’il fera de bonne grâce, et brillamment, après s’être mis en doigts sur Debussy, et avant de donner quelques fragments de Voyage en Anatolie, de Martial, qu’il a également enregistré. Cette dernière pièce avait été à l’origine commencée par Martial pour Manuel Rocheman, et c’est lui qui va maintenant donner sur Take the ‘A’ Train un solo plus que décoiffant, avant de retrouver les frères Moutin pour un trio : ce sera All the Things You Are (avec indispensable incrustation de Bird of Paradise), mais joué ‘à la Konitz’ (grand ami, et complice musical, de Martial), c’est à dire que l’on entre directement dans l’improvisation sur les harmonies, et l’on concède un exposé du thème pour conclure….
La petite Amalia, entre sa maman Claudia, et son grand-père Martial, écoute attentivement Éric Ferrand-N’Kaoua
Martial Solal enfin, et sans se faire prier, a joué pour nous tous : en solo d’abord, avec un Lover Man très libre, dans lequel il a réprimé une pulsionnelle, et presque imperceptible, citation de Chopin. Je me suis rappelé avec une petite once de nostalgie que, lorsque j’avais fait mon premier compte rendu de concert de jazz, dans la presse régionale de Lille, en 1969, sur un concert de… Martial Solal, il y avait déjà mention d’une citation (alors plus explicite) de Chopin, sur le même Lover Man : bref, même si elle se réfrène, l’espièglerie demeure assurément chez le pianiste. Et pour finir dans la joie effervescente, Martial a convié les frères Moutin pour jouer l’une de ces pièces funambulesques qu’ils on jouées ensemble dans les années 2000 (Zag Zig, peut-être, mais je n’en suis pas très sûr….). Très belle conclusion pour un grand moment de musique et d’amitié, auquel il convient d’associer d’autres musiciens présents : comme François Raulin, qui a dû nous fausser compagnie avant d’avoir pu jouer, car il prenait le train pour regagner sa région Rhône-Alpes ; ou Patrice Caratini et Jean-Louis Chautemps, auditeurs attentifs.
Xavier Prévost|Unité de lieu, disjonction de temps : à une semaine d’intervalle, deux après-midi au Conservatoire à rayonnement régional de Paris, à l’initiative de Jean-Charles Richard, pour célébrer la musique de Martial Solal, et le pianiste lui-même, à l’occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire.
Martial a fêté, le 23 août dernier, 90 printemps et autant d’étés. Belle occasion de célébrer sa musique, et sa personne. Le samedi 21 octobre 2017, pour conclure une Master classe dédiée à la musique de Martial Solal, et à celle d’André Hodeir, Martial a répondu à l’invitation de Jean-Charles Richard, coordinateur du département de jazz du CRR de Paris. Les étudiants et étudiantes qui avaient travaillé ensemble, depuis la veille, les œuvres de ces deux grands musiciens, donnaient un concert de restitution en présence du pianiste, grand ami d’André Hodeir auquel il était lié par une admiration mutuelle.
Ce furent d’abord deux des 11 études pour piano, jouées successivement par deux jeunes musiciennes en présence du compositeur, et aussi du concertiste Éric Ferrand-N’Kaoua (qui les a enregistrées pour le label Grand Piano/Naxos). Puis Une pièce pour quatre, quatuor de saxophones créé voici plus de 30 ans par le Quatuor A Piacere. Et ensuite deux des musiques du disque «Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir» (1956) auquel participait Martial Solal, trois compositions de Martial pour son disque «Triangle», enregistré en 1995 avec Marc Johnson et Peter Erskine, et enfin la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz, enregistrée en 1959 en studio, puis en concert par la RTF. Pour ces versions d’origine de 12 et 13 minutes, Martial était accompagné par Roger Guérin, Paul Rovère et Daniel Humair. Il en existe aussi un enregistrement de plus de 20 minutes, qui a été conservé par le pianiste, et dont le relevé a permis l’interprétation donnée par les étudiants du Conservatoire. Moment privilégié pour Martial qui retrouvait, en auditeur attentif et ravi une œuvre marquante, d’une forme qui n’avait pas cours à l’époque, et qui demeure, comme toutes les grandes œuvres, hors du temps. Moment émouvant pour votre serviteur, qui après avoir écouté maintes et maintes fois les deux versions existantes (et pour la première d’entre elles depuis près de 50 ans….), découvrait in vivo ce très beau moment de musique. Beaucoup de plaisir et d’émotion, pour Martial Solal, comme pour Jean-Charles Richard, et pour les jeunes musiciens qui jouaient ces musiques.
Charles Heisser (piano), Hector Lena Schroll (trompette), Nicolas Zentz (contrebasse) & Julien Roger (batterie) jouent, devant Martial Solal et Jean-Charles Richard, la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz.
Un goûter d’anniversaire
Une semaine plus tard, le samedi 28 octobre, à la même heure (16h) et au même endroit, Jean-Charles Richard réunissait quelques amis proches de Martial, parmi lesquels de nombreux musiciens, pour célébrer avec quelques semaines de retard un anniversaire marquant (9 décennies ne sont pas rien !). Martial vient de publier, aux États-Unis chez Sunnyside, un disque en duo avec Dave Liebman, enregistré au festival Jazz & Wine (Martial Solal & Dave Liebman, «Masters in Bordeaux»). Après un message vidéo très chaleureux de Dave Liebman, qui se terminait par ‘We love You madly’, les musiciens ont joué pour Martial, et pour toute la joyeuse assemblée.
Le benjamin, Paul Lay, ouvre les festivités avec un standard en solo, traité avec une liberté qui manifestement réjouit Martial, et il est rejoint en cours de route par François Moutin qui, à l’autre bout de la pièce, prend contact avec la contrebasse et entre dans la danse. Ils poursuivront en trio avec Louis Moutin ; les deux frères sont trop heureux de s’associer à nouveau avec ce pianiste qu’ils connaissent, notamment pour l’avoir accompagné à la finale du Concours… Martial Solal, en 2006.
Jean-Marie Machado, Jean-Charles Richard, François Moutin, Louis Moutin
Jean-Marie Machado, après un duo avec Jean-Charles Richard, va retouver les frères Moutin pour ce trio qui marqua la scène hexagonale dans les années 80 et 90 : leur connivence est intacte ! Puis Jean-Charles Richard les rejoint en quartette, pour une improvisation sans thème ni filet d’où va jaillir une belle œuvre collective. C’est alors le tour de Benjamin Moussay, d’abord en duo avec François Moutin, puis en trio avec les deux frères, avant de convier Claudia Solal, partenaire de longue date, et avec laquelle il vient de publier un très beau duo intitulé «Butter in my brain». Comme il l’ont souvent fait, ils vont improviser autour d’un texte original, en Anglais, de Claudia. C’est d’une intensité et d’une beauté palpables.
Benjamin Moussay, Claudia Solal
Martial va ensuite convier son ami Éric Ferrand-N’Kaoua, avec lequel il a enregistré en duo de pianos, à lui faire le plaisir de jouer ‘à la Tatum’. Ce qu’il fera de bonne grâce, et brillamment, après s’être mis en doigts sur Debussy, et avant de donner quelques fragments de Voyage en Anatolie, de Martial, qu’il a également enregistré. Cette dernière pièce avait été à l’origine commencée par Martial pour Manuel Rocheman, et c’est lui qui va maintenant donner sur Take the ‘A’ Train un solo plus que décoiffant, avant de retrouver les frères Moutin pour un trio : ce sera All the Things You Are (avec indispensable incrustation de Bird of Paradise), mais joué ‘à la Konitz’ (grand ami, et complice musical, de Martial), c’est à dire que l’on entre directement dans l’improvisation sur les harmonies, et l’on concède un exposé du thème pour conclure….
La petite Amalia, entre sa maman Claudia, et son grand-père Martial, écoute attentivement Éric Ferrand-N’Kaoua
Martial Solal enfin, et sans se faire prier, a joué pour nous tous : en solo d’abord, avec un Lover Man très libre, dans lequel il a réprimé une pulsionnelle, et presque imperceptible, citation de Chopin. Je me suis rappelé avec une petite once de nostalgie que, lorsque j’avais fait mon premier compte rendu de concert de jazz, dans la presse régionale de Lille, en 1969, sur un concert de… Martial Solal, il y avait déjà mention d’une citation (alors plus explicite) de Chopin, sur le même Lover Man : bref, même si elle se réfrène, l’espièglerie demeure assurément chez le pianiste. Et pour finir dans la joie effervescente, Martial a convié les frères Moutin pour jouer l’une de ces pièces funambulesques qu’ils on jouées ensemble dans les années 2000 (Zag Zig, peut-être, mais je n’en suis pas très sûr….). Très belle conclusion pour un grand moment de musique et d’amitié, auquel il convient d’associer d’autres musiciens présents : comme François Raulin, qui a dû nous fausser compagnie avant d’avoir pu jouer, car il prenait le train pour regagner sa région Rhône-Alpes ; ou Patrice Caratini et Jean-Louis Chautemps, auditeurs attentifs.
Xavier Prévost|Unité de lieu, disjonction de temps : à une semaine d’intervalle, deux après-midi au Conservatoire à rayonnement régional de Paris, à l’initiative de Jean-Charles Richard, pour célébrer la musique de Martial Solal, et le pianiste lui-même, à l’occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire.
Martial a fêté, le 23 août dernier, 90 printemps et autant d’étés. Belle occasion de célébrer sa musique, et sa personne. Le samedi 21 octobre 2017, pour conclure une Master classe dédiée à la musique de Martial Solal, et à celle d’André Hodeir, Martial a répondu à l’invitation de Jean-Charles Richard, coordinateur du département de jazz du CRR de Paris. Les étudiants et étudiantes qui avaient travaillé ensemble, depuis la veille, les œuvres de ces deux grands musiciens, donnaient un concert de restitution en présence du pianiste, grand ami d’André Hodeir auquel il était lié par une admiration mutuelle.
Ce furent d’abord deux des 11 études pour piano, jouées successivement par deux jeunes musiciennes en présence du compositeur, et aussi du concertiste Éric Ferrand-N’Kaoua (qui les a enregistrées pour le label Grand Piano/Naxos). Puis Une pièce pour quatre, quatuor de saxophones créé voici plus de 30 ans par le Quatuor A Piacere. Et ensuite deux des musiques du disque «Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir» (1956) auquel participait Martial Solal, trois compositions de Martial pour son disque «Triangle», enregistré en 1995 avec Marc Johnson et Peter Erskine, et enfin la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz, enregistrée en 1959 en studio, puis en concert par la RTF. Pour ces versions d’origine de 12 et 13 minutes, Martial était accompagné par Roger Guérin, Paul Rovère et Daniel Humair. Il en existe aussi un enregistrement de plus de 20 minutes, qui a été conservé par le pianiste, et dont le relevé a permis l’interprétation donnée par les étudiants du Conservatoire. Moment privilégié pour Martial qui retrouvait, en auditeur attentif et ravi une œuvre marquante, d’une forme qui n’avait pas cours à l’époque, et qui demeure, comme toutes les grandes œuvres, hors du temps. Moment émouvant pour votre serviteur, qui après avoir écouté maintes et maintes fois les deux versions existantes (et pour la première d’entre elles depuis près de 50 ans….), découvrait in vivo ce très beau moment de musique. Beaucoup de plaisir et d’émotion, pour Martial Solal, comme pour Jean-Charles Richard, et pour les jeunes musiciens qui jouaient ces musiques.
Charles Heisser (piano), Hector Lena Schroll (trompette), Nicolas Zentz (contrebasse) & Julien Roger (batterie) jouent, devant Martial Solal et Jean-Charles Richard, la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz.
Un goûter d’anniversaire
Une semaine plus tard, le samedi 28 octobre, à la même heure (16h) et au même endroit, Jean-Charles Richard réunissait quelques amis proches de Martial, parmi lesquels de nombreux musiciens, pour célébrer avec quelques semaines de retard un anniversaire marquant (9 décennies ne sont pas rien !). Martial vient de publier, aux États-Unis chez Sunnyside, un disque en duo avec Dave Liebman, enregistré au festival Jazz & Wine (Martial Solal & Dave Liebman, «Masters in Bordeaux»). Après un message vidéo très chaleureux de Dave Liebman, qui se terminait par ‘We love You madly’, les musiciens ont joué pour Martial, et pour toute la joyeuse assemblée.
Le benjamin, Paul Lay, ouvre les festivités avec un standard en solo, traité avec une liberté qui manifestement réjouit Martial, et il est rejoint en cours de route par François Moutin qui, à l’autre bout de la pièce, prend contact avec la contrebasse et entre dans la danse. Ils poursuivront en trio avec Louis Moutin ; les deux frères sont trop heureux de s’associer à nouveau avec ce pianiste qu’ils connaissent, notamment pour l’avoir accompagné à la finale du Concours… Martial Solal, en 2006.
Jean-Marie Machado, Jean-Charles Richard, François Moutin, Louis Moutin
Jean-Marie Machado, après un duo avec Jean-Charles Richard, va retouver les frères Moutin pour ce trio qui marqua la scène hexagonale dans les années 80 et 90 : leur connivence est intacte ! Puis Jean-Charles Richard les rejoint en quartette, pour une improvisation sans thème ni filet d’où va jaillir une belle œuvre collective. C’est alors le tour de Benjamin Moussay, d’abord en duo avec François Moutin, puis en trio avec les deux frères, avant de convier Claudia Solal, partenaire de longue date, et avec laquelle il vient de publier un très beau duo intitulé «Butter in my brain». Comme il l’ont souvent fait, ils vont improviser autour d’un texte original, en Anglais, de Claudia. C’est d’une intensité et d’une beauté palpables.
Benjamin Moussay, Claudia Solal
Martial va ensuite convier son ami Éric Ferrand-N’Kaoua, avec lequel il a enregistré en duo de pianos, à lui faire le plaisir de jouer ‘à la Tatum’. Ce qu’il fera de bonne grâce, et brillamment, après s’être mis en doigts sur Debussy, et avant de donner quelques fragments de Voyage en Anatolie, de Martial, qu’il a également enregistré. Cette dernière pièce avait été à l’origine commencée par Martial pour Manuel Rocheman, et c’est lui qui va maintenant donner sur Take the ‘A’ Train un solo plus que décoiffant, avant de retrouver les frères Moutin pour un trio : ce sera All the Things You Are (avec indispensable incrustation de Bird of Paradise), mais joué ‘à la Konitz’ (grand ami, et complice musical, de Martial), c’est à dire que l’on entre directement dans l’improvisation sur les harmonies, et l’on concède un exposé du thème pour conclure….
La petite Amalia, entre sa maman Claudia, et son grand-père Martial, écoute attentivement Éric Ferrand-N’Kaoua
Martial Solal enfin, et sans se faire prier, a joué pour nous tous : en solo d’abord, avec un Lover Man très libre, dans lequel il a réprimé une pulsionnelle, et presque imperceptible, citation de Chopin. Je me suis rappelé avec une petite once de nostalgie que, lorsque j’avais fait mon premier compte rendu de concert de jazz, dans la presse régionale de Lille, en 1969, sur un concert de… Martial Solal, il y avait déjà mention d’une citation (alors plus explicite) de Chopin, sur le même Lover Man : bref, même si elle se réfrène, l’espièglerie demeure assurément chez le pianiste. Et pour finir dans la joie effervescente, Martial a convié les frères Moutin pour jouer l’une de ces pièces funambulesques qu’ils on jouées ensemble dans les années 2000 (Zag Zig, peut-être, mais je n’en suis pas très sûr….). Très belle conclusion pour un grand moment de musique et d’amitié, auquel il convient d’associer d’autres musiciens présents : comme François Raulin, qui a dû nous fausser compagnie avant d’avoir pu jouer, car il prenait le train pour regagner sa région Rhône-Alpes ; ou Patrice Caratini et Jean-Louis Chautemps, auditeurs attentifs.
Xavier Prévost|Unité de lieu, disjonction de temps : à une semaine d’intervalle, deux après-midi au Conservatoire à rayonnement régional de Paris, à l’initiative de Jean-Charles Richard, pour célébrer la musique de Martial Solal, et le pianiste lui-même, à l’occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire.
Martial a fêté, le 23 août dernier, 90 printemps et autant d’étés. Belle occasion de célébrer sa musique, et sa personne. Le samedi 21 octobre 2017, pour conclure une Master classe dédiée à la musique de Martial Solal, et à celle d’André Hodeir, Martial a répondu à l’invitation de Jean-Charles Richard, coordinateur du département de jazz du CRR de Paris. Les étudiants et étudiantes qui avaient travaillé ensemble, depuis la veille, les œuvres de ces deux grands musiciens, donnaient un concert de restitution en présence du pianiste, grand ami d’André Hodeir auquel il était lié par une admiration mutuelle.
Ce furent d’abord deux des 11 études pour piano, jouées successivement par deux jeunes musiciennes en présence du compositeur, et aussi du concertiste Éric Ferrand-N’Kaoua (qui les a enregistrées pour le label Grand Piano/Naxos). Puis Une pièce pour quatre, quatuor de saxophones créé voici plus de 30 ans par le Quatuor A Piacere. Et ensuite deux des musiques du disque «Kenny Clarke’s Sextet plays André Hodeir» (1956) auquel participait Martial Solal, trois compositions de Martial pour son disque «Triangle», enregistré en 1995 avec Marc Johnson et Peter Erskine, et enfin la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz, enregistrée en 1959 en studio, puis en concert par la RTF. Pour ces versions d’origine de 12 et 13 minutes, Martial était accompagné par Roger Guérin, Paul Rovère et Daniel Humair. Il en existe aussi un enregistrement de plus de 20 minutes, qui a été conservé par le pianiste, et dont le relevé a permis l’interprétation donnée par les étudiants du Conservatoire. Moment privilégié pour Martial qui retrouvait, en auditeur attentif et ravi une œuvre marquante, d’une forme qui n’avait pas cours à l’époque, et qui demeure, comme toutes les grandes œuvres, hors du temps. Moment émouvant pour votre serviteur, qui après avoir écouté maintes et maintes fois les deux versions existantes (et pour la première d’entre elles depuis près de 50 ans….), découvrait in vivo ce très beau moment de musique. Beaucoup de plaisir et d’émotion, pour Martial Solal, comme pour Jean-Charles Richard, et pour les jeunes musiciens qui jouaient ces musiques.
Charles Heisser (piano), Hector Lena Schroll (trompette), Nicolas Zentz (contrebasse) & Julien Roger (batterie) jouent, devant Martial Solal et Jean-Charles Richard, la Suite en Ré bémol pour quartette de jazz.
Un goûter d’anniversaire
Une semaine plus tard, le samedi 28 octobre, à la même heure (16h) et au même endroit, Jean-Charles Richard réunissait quelques amis proches de Martial, parmi lesquels de nombreux musiciens, pour célébrer avec quelques semaines de retard un anniversaire marquant (9 décennies ne sont pas rien !). Martial vient de publier, aux États-Unis chez Sunnyside, un disque en duo avec Dave Liebman, enregistré au festival Jazz & Wine (Martial Solal & Dave Liebman, «Masters in Bordeaux»). Après un message vidéo très chaleureux de Dave Liebman, qui se terminait par ‘We love You madly’, les musiciens ont joué pour Martial, et pour toute la joyeuse assemblée.
Le benjamin, Paul Lay, ouvre les festivités avec un standard en solo, traité avec une liberté qui manifestement réjouit Martial, et il est rejoint en cours de route par François Moutin qui, à l’autre bout de la pièce, prend contact avec la contrebasse et entre dans la danse. Ils poursuivront en trio avec Louis Moutin ; les deux frères sont trop heureux de s’associer à nouveau avec ce pianiste qu’ils connaissent, notamment pour l’avoir accompagné à la finale du Concours… Martial Solal, en 2006.
Jean-Marie Machado, Jean-Charles Richard, François Moutin, Louis Moutin
Jean-Marie Machado, après un duo avec Jean-Charles Richard, va retouver les frères Moutin pour ce trio qui marqua la scène hexagonale dans les années 80 et 90 : leur connivence est intacte ! Puis Jean-Charles Richard les rejoint en quartette, pour une improvisation sans thème ni filet d’où va jaillir une belle œuvre collective. C’est alors le tour de Benjamin Moussay, d’abord en duo avec François Moutin, puis en trio avec les deux frères, avant de convier Claudia Solal, partenaire de longue date, et avec laquelle il vient de publier un très beau duo intitulé «Butter in my brain». Comme il l’ont souvent fait, ils vont improviser autour d’un texte original, en Anglais, de Claudia. C’est d’une intensité et d’une beauté palpables.
Benjamin Moussay, Claudia Solal
Martial va ensuite convier son ami Éric Ferrand-N’Kaoua, avec lequel il a enregistré en duo de pianos, à lui faire le plaisir de jouer ‘à la Tatum’. Ce qu’il fera de bonne grâce, et brillamment, après s’être mis en doigts sur Debussy, et avant de donner quelques fragments de Voyage en Anatolie, de Martial, qu’il a également enregistré. Cette dernière pièce avait été à l’origine commencée par Martial pour Manuel Rocheman, et c’est lui qui va maintenant donner sur Take the ‘A’ Train un solo plus que décoiffant, avant de retrouver les frères Moutin pour un trio : ce sera All the Things You Are (avec indispensable incrustation de Bird of Paradise), mais joué ‘à la Konitz’ (grand ami, et complice musical, de Martial), c’est à dire que l’on entre directement dans l’improvisation sur les harmonies, et l’on concède un exposé du thème pour conclure….
La petite Amalia, entre sa maman Claudia, et son grand-père Martial, écoute attentivement Éric Ferrand-N’Kaoua
Martial Solal enfin, et sans se faire prier, a joué pour nous tous : en solo d’abord, avec un Lover Man très libre, dans lequel il a réprimé une pulsionnelle, et presque imperceptible, citation de Chopin. Je me suis rappelé avec une petite once de nostalgie que, lorsque j’avais fait mon premier compte rendu de concert de jazz, dans la presse régionale de Lille, en 1969, sur un concert de… Martial Solal, il y avait déjà mention d’une citation (alors plus explicite) de Chopin, sur le même Lover Man : bref, même si elle se réfrène, l’espièglerie demeure assurément chez le pianiste. Et pour finir dans la joie effervescente, Martial a convié les frères Moutin pour jouer l’une de ces pièces funambulesques qu’ils on jouées ensemble dans les années 2000 (Zag Zig, peut-être, mais je n’en suis pas très sûr….). Très belle conclusion pour un grand moment de musique et d’amitié, auquel il convient d’associer d’autres musiciens présents : comme François Raulin, qui a dû nous fausser compagnie avant d’avoir pu jouer, car il prenait le train pour regagner sa région Rhône-Alpes ; ou Patrice Caratini et Jean-Louis Chautemps, auditeurs attentifs.
Xavier Prévost