Les Nancy Jazz Pulsations: des quadragénaires en grande forme…
Treize journées (du 7 au 21 octobre), plus de 50 000 festivaliers, 205 concerts, 31112 entrées payantes.
A l’approche de leur 45ème anniversaire (en 2018) les Nancy Jazz Pulsations (NJP) sont toujours, à de multiples points de vue, aussi étonnantes et stimulantes.
Lors de cette édition, en programmant le Palm Unit, elles ont rendu un bel et mérité hommage à Jef Gilson, un grand oublié de la scène française.
Un peu d’histoire à l’usage des jeunes générations
La naissance des NJP en 1973 « bouscula » le petit monde des festivals de jazz. Un tout petit monde à l’époque : Juan les Pins, Nice, Nîmes, Châteauvallon… Tous dans le Sud Est, tous programmés en été et tous globalement « pur » jazz.
Face à ce constat les fondateurs se fixèrent un objectif clair : « Créer un événement culturel de rentrée et non un festival culturo touristique estival de plus! ».
La première édition eut donc lieu en automne et en Lorraine ! Deux surprenantes innovations dans le contexte du paysage festivalier des années 70 évoqué ci dessus. L’affiche de ces NJP 1973 était flamboyante. Tous les jazz(s) comme « colonne vertébrale » mais avec, déjà, « une ouverture nette sur d’autres genres musicaux ». Le programme* était incroyablement varié: des grands noms du jazz « pour tous » (Ray Charles, Oscar Peterson…), du free dans toutes ses composantes, mais aussi du New-Orleans, du Gospel, du Blues, de la musique contemporaine, et de très nombreux jazzmen français de toutes « obédiences »…
Sun Ra déambulant en 1973 avec son Arkestra Place Stanislas : inoubliable aux dires de tous ceux qui ont vécu « live » cet incroyable happening musical.
La légende des NJP était née.
La superbe Place Stanislas… sans Sun Ra !
Très vite ensuite les NJP pratiquèrent encore plus massivement l’ouverture vers les musiques « cousines et voisines » et bien au delà (rock, électro, rap, flamenco, world music, variétés de qualité)…
Polémiques et anathèmes fusèrent dans le petit monde (tout petit…) des intégristes (jazzcritics comme jazzfans).
L’équipe des fondateurs des NJP n’en eurent cure ! Ils persistèrent avec vigueur dans leur ligne éditoriale.
Mais, ces quatre décennies ne furent pas, pour autant, un long fleuve tranquille. Les « crises » (il y en eut bien sûr) ne furent jamais liées à des questions de programmation.
Et si l’existence des NJP fut quelquefois menacée ce fut essentiellement pour des questions financières : subventions et soutiens « fluctuants » (pour le dire vite) des institutions et collectivités territoriales et aussi gestion mal maîtrisée lors de la montée en puissance du festival.
Des membres de l’association furent même amenés dans les années 90 à contracter, à titre personnel, des emprunts pour sauver leur festival. Pari réussi.
Dès le début Jazz Magazine a soutenu avec enthousiasme les NJP. Ses plus belles plumes (Philippe Carles, alors rédacteur en chef, en tête) et ses photographes prestigieux gratifièrent les lecteurs de copieux compte-rendus illustrés par de nombreuses photos.
A l’époque la plupart des pigistes de Jazz Magazine étaient enseignants. Donc… pas « libres » en octobre.
C’était mon cas. Les affiches des NJP me faisaient rêver mais Nancy était fort loin de Pau où j’enseignais. Je n’étais donc jamais venu à Nancy.
A la retraite depuis quelques années j’ai enfin pu venir découvrir les NJP. Grâce à l’invitation de « Tito » l’incroyable Président de la manifestation, souvent rencontré au festival de Luz Saint Sauveur (en juillet!) dans le Sud Ouest, où Tito a des attaches familiales.
Puisqu’on évoque le Sud Ouest, une petite incise, révélatrice des belles intuitions des NJP: Wynton Marsalis, l’idole et le parrain (statufié, de son vivant, sur une place de la commune) de Jazz in Marciac a été programmé à Nancy dès 1983. Il n’a joué pour la première fois à Marciac qu’en 1991!
Une petite équipe très efficace est actuellement aux commandes de l’association, avec présent depuis, pratiquement*, le début de l’aventure, un duo emblématique en tête de pont : Claude-Jean Antoine dit « Tito », président de l’association organisatrice et Patrick Kader dit « Patou », directeur artistique.
Tito et Patou deux surnoms juvéniles pour les deux seniors plus, omniprésents « patrons » du festival.
NB : les démographes et les sociologues situent la catégorie senior à partir de 55 ans. Discutable…
Tito faisait partie de la toute première équipe fondatrice et Patou se présente en souriant : « J’ai débuté comme Tito il y a fort longtemps… mais au début je tenais le bar » ! Il est, me dit-il, un «fidèle lecteur de Jazz Magazine».
Actuellement Patou reçoit pour sa programmation plus de 1500 propositions par an, il écoute et visionne moult CD et vidéos, et visite régulièrement festivals et concerts… Pourtant tout en veillant au grain il ne cesse de plaisanter.
Etre promené et guidé par Tito pendant 3 soirées sur les différents lieux du festival (il y en a au moins 8 principaux, si je n’ai pas fait d’erreur dans mon dénombrement, avec comme QG central, le grand chapiteau planté dans le superbe Parc de la Pépinière) est une source permanente d’étonnements. Dans une soirée de déambulation nancéenne il serre la main d’environ 194 hommes de tous âges. Il connait le nom d’au moins 167 d’entre eux… Il fait la bise à 422 femmes, de tous âges aussi. Il connait les noms et prénoms de 418 d’entre elles…
Il s’enquiert de la forme (et des éventuels soucis) de chacun (salariés, bénévoles, musiciens, membres de l’association, spectateurs…). Il collecte les ressentis de chacun, avant, pendant et après les concerts.
A chaque étape de son marathon quotidien sur les sites des NJP il boit, au moins, une petite bière. Et pourtant à 78 ans il a toujours le ventre plat « comme une limande » (ici on sent poindre nettement un peu de jalousie du chroniqueur en surpoids chronique…).
J’exagère ?
Oui… mais pas assez !
Trêve de plaisanterie : Tito est apparemment infatigable et tout simplement incroyable. Vraiment. Une carrière plus qu’étonnante.
Il a longtemps mené une sorte de double vie. Il travaillait dans l’industrie tout en étant impliqué dans moult associations.
Quelques étapes (enfin, celles que j’ai pu mémoriser…): aux côtés, en 1964, de Jack Lang le nancéen pour le Festival Mondial du Théâtre Universitaire de Nancy, organisation de concerts, créations de clubs de jazz en Lorraine, chargé de la diffusion commerciale du Velcro (ce produit miracle aussi surnommé aujourd’hui scratch) dans les années 60, membre de la commission ministérielle d’attribution du label Zénith dans les années 80, responsable d’une école de musique (où, entre autres, Diego Imbert fut étudiant), patron du Zénith de Nancy pendant 15 ans (ce qui l’obligea à quitter la présidence de l’association NJP), puis retour à présidence officielle des NJP depuis 2007 (mais il fut toujours très présent et influent dans le CA de l’association même quand il dirigeait le Zénith)…
Yannick Vernini une des plus belles plumes du grand quotidien l’Est Républicain (qui « couvre » généreusement le Festival : une ou deux pages minimum chaque jour sur les NJP) m’a confié en salle de presse un projet qu’il espère concrétiser : « J’aimerais vraiment faire un livre sur l’incroyable parcours de Tito. Il a une mémoire d’éléphant – note du rédacteur : je l’ai amplement constaté !-. Il serait constitué de nombreux courts chapitres très vivants. A son image. Pour l’instant Tito ne m’a toujours pas dit oui… Mais avant la 45ème édition en 2018 je ne ne désespère pas de le convaincre ».
Ce serait bien que Tito accepte pour que, entre autres, ses quatre petits enfants apprennent qui était leur étonnant grand père…
« Tito » et « Patou »… (avec l’aimable autorisation de Denis Desassis / Citizen Jazz)
L’édition 2017, comme l’a titré un grand quotidien parisien du soir, fut, comme toujours « Un tour de piste éblouissant de toutes les tendances, stars et talents émergents ».
Franck Bergerot est venu ici le 11 octobre et nous a dit le plus grand bien de sa soirée à Nancy (voir son jazzlive publié le 12/10).
Je ne fus présent que 3 jours. Mais ce fut fort dense.
Les principaux lieux où se déroulent les concerts sont assez éloignés les uns des autres et comme on ne peut être partout, Tito eut la gentillesse (comme déjà évoqué plus haut) de me « promener » dans un slalom automobile millimétré pour que je puisse découvrir la spécificité de chaque lieu. En profitant pour bavarder quelques instants à chaque entrée de parking avec les policiers municipaux et les vigiles…
Qu’il connait aussi d’ailleurs pratiquement tous !
Les concerts
Lundi 16 octobre
A peine descendu du train, direction le théâtre de la Manufacture (belle salle de 350 places). On loupe (les concerts débutent à 20 h ici) le duo (accordéon/piano) Fabrice Bez/Pierre Boesplug. C’est l’entracte. Dans le hall, les spectateurs qui ont assisté à cette première partie nous disent le plus grand bien de la prestation des deux musiciens lorrains. Les NJP programment, systématiquement, depuis 1973 des musiciens d’« ici ». Fabrice Baez vient bavarder avec nous et m’offre le dernier CD du duo « Les derniers vertiges évanouis ».
Leur projet : « Des compositions originales ouvertes, sans format préétabli, rigueur de l’écriture cohabitant avec une grande liberté dans les improvisations, musique narrative qui flirte avec les contours d’un jazz expressionniste. ».
Le CD du duo Fabrice Bez/Pierre Boesplug
En deuxième partie Donny Mc Caslin, en quartet démontre avec vitalité qu’il n’est pas que « le sax qui a enregistré avec Bowie dans l’album Blackstar» ! Son CV en témoigne d’ailleurs : une douzaine d’albums et de nombreuses participations à différents projets. Instrumentiste virtuose, au son très « new-yorkais ». Son batteur (Nate Wood) joue bien mais ne nous fait pas oublier que Donny a joué avec Mark Guiliana !
Aux claviers Jason Lindler « en met partout » et à fort volume… Il est brillant mais dans cette petite salle ses nappes (avis personnel) saturent un peu. Gros succès.
Le concert de La Manufacture à peine terminé départ pour le chapiteau plein à craquer : Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra est à l’affiche. C’est paradoxal, mais, blaguounette à deux balles, Emir et son No Smoking « enfument » le chapiteau avec leur musique tape à l’oeil ! Public ondulant et plus que ravi (quasi en extase du côté des groupies collées aux barrières tout près de la scène). Les NJP veulent être un « festival populaire mais pas populiste »… Avec Kusturica, l’objectif est largement atteint du côté populaire… Côté populiste : la question est posée !
Musique de balloche balkan avec des musiciens très « modestes » (en étant gentil) mais, il est vrai, très dynamiques et ultra-spectaculaires. Et çà marche. Vraiment. On ne peut objectivement que le constater.
Constat déjà établi plusieurs fois pour ma part entre autres à Vienne et à Marciac.
En tous cas, idéal pour les organisateurs de festival : il y a beaucoup de monde et les spectateurs se régalent.
Mardi 17 octobre
A La Manufacture (20 h) : Paul Lay Trio et son projet « The Party ». Paul Lay, prix Django Reinhardt en 2016, est d’Orthez. Du Sud Ouest donc, tout près de Pau où je vis. Un pays comme on dit.
Depuis 10 ans je suis avec grand plaisir et attention son ascension et ses multiples projets. En trio « classique » (p, b, dr) drivé de main de maître par Dré Pallemaerts (qui fut son professeur au Conservatoire Supérieur de Paris) ça roule tout seul…Improvisateur créatif et audacieux, ses compositions sont riches et complexes. Jeu profond, sensible. Compositeur, raconteur d’histoires et rythmicien hors pair. Quelle main gauche !
Ses chorus toujours surprenants révèlent son amour de nombreuses musiques et tout particulièrement du classique.
Côté jazz, Paul a des gouts très éclectiques qui montrent son incroyable ouverture d’esprit. Ses pianistes préférés embrassent toute l’histoire du jazz: Ellington, Cecil Taylor, Paul Bley, Ran Blake, Jelly Roll Morton, Earl Hines et Monk. Monk justement qu’il honora avec une superbe version de son « Thelonious ».
Clemens Van Der Feen, Paul Lay, Dré Pallemaerts
A 22 h Craig Taborn en quartet succéda à Paul Lay. Graig ne joue pas que du piano acoustique comme Lay avec son trio mais il maîtrise avec subtilité les claviers numériques. Belle entente entre les membres de son groupe.
Au Chapiteau : soirée Hommage à Django.
Deux grands guitaristes pour rendre hommage à Django : Bireli Lagrène et son Gipsy Project en première partie et Django Memories de Stochelo Rosenberg après l’entracte. Deux mille personnes sont présentes sous le chapiteau, en version public assis (pas comme pour Emir où le chapiteau était en configuration public debout). On arrive juste pour le rappel.
Ce n’était pas prévu (paraît-il, pour des questions de management) mais Bireli se joint avec visiblement grande envie et grand plaisir (ainsi que son saxophoniste Franck Wolf ) au groupe de Stochelo Rosenberg pour un boeuf final dans la grande tradition. Echanges complices et virtuoses sur Minor Swing. Le public aux anges.
Hono Winterstein (g) « maître es pompe manouche » et compagnon fidèle de Bireli a joué toute la soirée : il était au générique des 2 groupes programmés ! Dans le film Django sorti au printemps 2017 (dont une partie de la bande son a été jouée et composée par Stochelo Rosenberg) Hono s’est révélé excellent comédien.
Solide petit-dej pour Stochelo après une longue nuit à « boeuffer » dans le hall de l’Hôtel Mercure
Bireli et Franck Wolf vivent dans la région. Wolf organise régulièrement des concerts à Uhrwiller, petite commune (714 habitants) de la région Grand Est. Il y invite de nombreux amis musiciens de tous styles. Il enregistre ces concerts très conviviaux et vient d’éditer une sélection d’extraits de ces concerts : Franck Wolf & Friends. Strasax, dont il est un des piliers, prépare une série d’événements à l’occasion du vingtième anniversaire du groupe.
Bireli et Franck, une amitié indéfectible
Le CD « souvenirs/souvenirs » de Franck
Mercredi 18 octobre
Beaucoup de choses encore. Comme chaque jour ici.
A l’Autre Canal, un immense lieu aménagé dans un ancien abattoir, consacré aux Musiques Actuelles, deux « grands » ensembles déjantés, étonnants et inclassables : « Le grand orchestre psychédélique de la Nouvelle Austrasie » (17 musiciens pour une « musique obsessive et enveloppante ») et « L’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp XXL » (14 musiciens : « énergie, joie, exaltation, danse… »).
Mais où vont-ils chercher tout çà ?
Beaucoup de monde…
L’Austrasie est le nom d’un boulevard de Nancy !
Au Chapiteau, une fois de plus plein comme un oeuf : « Gramatik ». Un DJ slovène à forte notoriété du côté des musiques électroniques.
Pas du tout touché d’ordinaire par ces musiques je décide pourtant d’aller « jeter une oreille ».
De loin (de très loin… bonjour les décibels !) en arrivant au Parc de la Pépinière j’entends une guitare solo bien accompagnée par des riffs et des lignes de basse groovy…
Finalement (in petto) : on dirait qu’il y a un groupe ?
Et bien non… Gramatik est aux platines et seul un guitariste est à ses côtés.
Bluffant : ça pulse (normal pour les NJP!), c’est agréable, aéré.
Rentré à l’hôtel, je google-ise Grammatik et je comprends pourquoi il m’a étonné : « Ce DJ reprend des classiques de style funk, jazz ou soul en y ajoutant une basse profonde et un beat entraînant ».
OK.
J’apprends aussi qu’il « pratique également le dubstep ». Pour le Dubstep… je donne ma langue au chat.
L’hommage à Jef Gilson
En ce mercredi soir, veille de mon départ, les NJP proposaient une grande première : un hommage à Jef Gilson… qui avait joué ici lors de la première édition, en 1973 !
Une belle idée de Patou : honorer la mémoire de Jef Gilson, en invitant le Palm Unit, groupe qui vient de naître et dont fait partie le musicien malgache Del Rabenja.
Del était présent aux NJP en 1973!
Del avec son étui de valiha (petite harpe malgache)
Jef Gilson (1926/2012) personnage clé de l’histoire du jazz en France, est fort méconnu aujourd’hui, hors d’un petit cercle d’érudits. Dont fait partie, Jérome Simonneau, qui présente ainsi Jef dans une étude qu’il lui a consacrée : « J. Gilson à démarré sa carrière à 20 ans en 1946 à la clarinette aux côtés de Boris Vian et a donné son dernier concert au piano en 2002 avec son vieil ami Jacques Di Donato. Entre temps, il a occupé tous les postes que le jazz lui offrait : compositeur, chef d’orchestre, arrangeur, graveur de vinyle, pianiste, chanteur, critique, ingénieur du son, producteur, enseignant, théoricien, patron de labels… Il a également conjugué son jazz à toutes les modes (quand il ne les précédait pas) : be bop, modal, oriental, free, afro, spiritual, blues…Il est également reconnu comme un grand découvreur de talents : dans les années 60, Gilson révèle ainsi les Henri Texier (qui entre dans son orchestre à 16 ans!), Jean-Luc Ponty, Jean-Louis Chautemps, Bernard Lubat, Michel Portal, François Jeanneau, Jacques Di Donato, Bernard Vitet, Jean-Charles Capon, François Tusques, Eddy Louiss, Christian Vander, Pierre-Alain Dahan et beaucoup d’autres. Les Américains ne sont pas en reste : Lloyd Miller, Nathan Davis, Woody Shaw, Philly Joe Jones, Bill Coleman, Sahib Shihab, Hal Singer, Byard Lancaster, Joe McPhee, David Murray ou Khan Jamal, qui ont fait un bout de chemin avec Gilson pendant leur séjour à Paris. »
Jef avait aussi créé une revue « L’indépendant du jazz »… Un titre qui en dit long sur sa personnalité inclassable !
Tout jeune jazzfan j’avais assisté, émerveillé, au concert de Jef à Antibes en 1965 (avec Lubat au vibraphone), je l’avais aussi entendu chanter dans les Double Six (quand Mimi Perrin était malade, il y avait aussi Lubat… au chant)…
Il avait créé le label Palm. Il suffisait de sonner à sa porte et il vous faisait visiter son petit appartement/studio, rue du Faubourg St Denis, où le piano à queue occupait pratiquement la moitié de la surface de son logement!
A la fin des années 60 il part à Madagascar et découvre toute une nouvelle génération de musiciens malgaches talentueux qui vont faire de belles carrières en France comme, entre autres, les frères Rabeson, Serge Rahoerson, Sylvin Marc et… Del Rabenja…
L’album Jef Gilson & Malagasy, chez Palm Records, est emblématique du travail de Gilson avec les jazzmen de Madagascar.
Etonnant: certains vinyls du label Palm, dont le Malagasy, se vendent sur les sites spécialisés pour collectionneurs compulsifs autour de 500 euros (en bon état, comme il se doit en la matière… bien sûr!).
Parmi eux : Gilles Peterson (Worldwide), Thurston Moore (Sonic
Youth) ou Dan Snaith (Caribou). Plusieurs albums de Jef ont fait l’objet de quelques compilations sur le label de réédition anglais Jazzman Records ?
Antoine Rajon, producteur et label manager, a souvent rencontré Jef Gilson, dans les 15 dernières années de sa vie. Jef vivait dans l’Ardèche, affaibli par les suites d’un AVC. Jef a permis à A. Rajon d’écouter ses innombrables masters. Rajon a même été le premier à rééditer, en 2004, une partie de son oeuvre sur le défunt label Isma’a.
L’an dernier Rajon a décidé de construire un projet et d’enregistrer un album avec des musiciens qu’il apprécie. Le nom du groupe, bon sang mais c’est bien sûr ! : « Palm Unit ». Double clin d’oeil : au label Palm que Jef avait fondé, et au Gilson Unit, nom sous lequel son orchestre avait sorti un disque sur Futura.
Superbe photo pour la communication du Palm Unit (copyright Christophe Charpenel)
Comme Jérôme Simonneau, A. Rajon se désole que le nom de J. Gilson soit tombé dans l’oubli mais dans le texte de présentation du CD Chant Inca qui va sortir le 27 novembre chez Super Sonic Jazz il reconnaît que « Pour être tout à fait honnête, même les musiciens français -choisis par Rajon pour le Palm Unit- le saxophoniste Lionel Martin (uKanDanZ), le claviériste Fred Escoffier (Le Sacre du Tympan) et le batteur Philippe « Pipon » Garcia (Erik Truffaz Quartet) n’en avaient jamais entendu parler... ».
Le CD « Chant Inca » qui sort le 27 novembre
Dans le cd comme sur scène on constate que cette « virginité » du trio, est « ce qui pouvait arriver de mieux à cet hommage car le groupe joue sans a priori, et de manière totalement décomplexée, le répertoire de Gilson, en le réinventant tout en gardant la substance originelle. Les claviers sonnent presque psychédéliques (pas si loin parfois du jeu d’Eddy Louiss sur les disques des années 60 de Jef), le saxophone griffe, miaule et minaude, tandis que la batterie fait groover l’ensemble. » (J.S déjà cité).
« On stage » aux NJP cette analyse est totalement confirmée. D’entrée sur Chant Inca un des thèmes fétiches de Jef, au saxophone, Lionel Martin a « renversé la table ».
Le Palm Unit au rappel aux NJP
Del Rabenja, qui joue de la valiha (petite harpe malgache) invité d’honneur de ce PALM UNIT, a fait partie de plusieurs groupes de Jef Gilson dans les années 70 et a enregistré quelques disques sur le label Palm. Il a été agréablement surpris de redécouvrir ces morceaux qui sonnent toujours de manière très actuelle, des décennies après leur création.
Pour Del, qui retrouvait, ému, Nancy, 44 ans après le lancement des NJP, c’était le premier concert public du Palm Unit depuis l’enregistrement de l’album. Alors qu’il est aussi guitariste, pianiste et saxophoniste il n’a joué ici que de la vahila. Une tournée va débuter et il envisage de jouer de ses autres instruments.
Lionel Martin, au ténor, est un phénomène : gros son quasi texan, il arpente la scène en tous sens en gesticulant. Qui plus est, il est très grand. Impressionnant.
Il adore jouer dans la rue. Tout jeune il a gagné sa vie ainsi… A neuf heures du matin le lendemain de son concert, mais sans faire la manche désormais, il jouait « sauvagement » devant la gare de Nancy devant nombre de voyageurs pour le moins étonnés.
Je termine ici ce compte-rendu « fleuve »… Et encore… je n’ai pas évoqué, les concerts dans les bars et au Magic Mirrors ! Ni les multiples papotages qui font les délices des festivaliers!
La prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations qui marquera les 45 ans du festival se tiendra du 10 au 20 octobre 2018. Tito et Patou disent que ce pourrait être la dernière…
On a du mal à les croire.
Wait and see donc.
Pierre-Henri Ardonceau
*On peut retrouver toutes les programmations (jusqu’en 2013) dans le livre: « Quarante ans de NJP » (Editions Le Mot et le Reste).
** En « google-lisant » les Nancy Jazz Pulsations on peut apprendre encore bien des choses sur cette incroyable aventure.|Treize journées (du 7 au 21 octobre), plus de 50 000 festivaliers, 205 concerts, 31112 entrées payantes.
A l’approche de leur 45ème anniversaire (en 2018) les Nancy Jazz Pulsations (NJP) sont toujours, à de multiples points de vue, aussi étonnantes et stimulantes.
Lors de cette édition, en programmant le Palm Unit, elles ont rendu un bel et mérité hommage à Jef Gilson, un grand oublié de la scène française.
Un peu d’histoire à l’usage des jeunes générations
La naissance des NJP en 1973 « bouscula » le petit monde des festivals de jazz. Un tout petit monde à l’époque : Juan les Pins, Nice, Nîmes, Châteauvallon… Tous dans le Sud Est, tous programmés en été et tous globalement « pur » jazz.
Face à ce constat les fondateurs se fixèrent un objectif clair : « Créer un événement culturel de rentrée et non un festival culturo touristique estival de plus! ».
La première édition eut donc lieu en automne et en Lorraine ! Deux surprenantes innovations dans le contexte du paysage festivalier des années 70 évoqué ci dessus. L’affiche de ces NJP 1973 était flamboyante. Tous les jazz(s) comme « colonne vertébrale » mais avec, déjà, « une ouverture nette sur d’autres genres musicaux ». Le programme* était incroyablement varié: des grands noms du jazz « pour tous » (Ray Charles, Oscar Peterson…), du free dans toutes ses composantes, mais aussi du New-Orleans, du Gospel, du Blues, de la musique contemporaine, et de très nombreux jazzmen français de toutes « obédiences »…
Sun Ra déambulant en 1973 avec son Arkestra Place Stanislas : inoubliable aux dires de tous ceux qui ont vécu « live » cet incroyable happening musical.
La légende des NJP était née.
La superbe Place Stanislas… sans Sun Ra !
Très vite ensuite les NJP pratiquèrent encore plus massivement l’ouverture vers les musiques « cousines et voisines » et bien au delà (rock, électro, rap, flamenco, world music, variétés de qualité)…
Polémiques et anathèmes fusèrent dans le petit monde (tout petit…) des intégristes (jazzcritics comme jazzfans).
L’équipe des fondateurs des NJP n’en eurent cure ! Ils persistèrent avec vigueur dans leur ligne éditoriale.
Mais, ces quatre décennies ne furent pas, pour autant, un long fleuve tranquille. Les « crises » (il y en eut bien sûr) ne furent jamais liées à des questions de programmation.
Et si l’existence des NJP fut quelquefois menacée ce fut essentiellement pour des questions financières : subventions et soutiens « fluctuants » (pour le dire vite) des institutions et collectivités territoriales et aussi gestion mal maîtrisée lors de la montée en puissance du festival.
Des membres de l’association furent même amenés dans les années 90 à contracter, à titre personnel, des emprunts pour sauver leur festival. Pari réussi.
Dès le début Jazz Magazine a soutenu avec enthousiasme les NJP. Ses plus belles plumes (Philippe Carles, alors rédacteur en chef, en tête) et ses photographes prestigieux gratifièrent les lecteurs de copieux compte-rendus illustrés par de nombreuses photos.
A l’époque la plupart des pigistes de Jazz Magazine étaient enseignants. Donc… pas « libres » en octobre.
C’était mon cas. Les affiches des NJP me faisaient rêver mais Nancy était fort loin de Pau où j’enseignais. Je n’étais donc jamais venu à Nancy.
A la retraite depuis quelques années j’ai enfin pu venir découvrir les NJP. Grâce à l’invitation de « Tito » l’incroyable Président de la manifestation, souvent rencontré au festival de Luz Saint Sauveur (en juillet!) dans le Sud Ouest, où Tito a des attaches familiales.
Puisqu’on évoque le Sud Ouest, une petite incise, révélatrice des belles intuitions des NJP: Wynton Marsalis, l’idole et le parrain (statufié, de son vivant, sur une place de la commune) de Jazz in Marciac a été programmé à Nancy dès 1983. Il n’a joué pour la première fois à Marciac qu’en 1991!
Une petite équipe très efficace est actuellement aux commandes de l’association, avec présent depuis, pratiquement*, le début de l’aventure, un duo emblématique en tête de pont : Claude-Jean Antoine dit « Tito », président de l’association organisatrice et Patrick Kader dit « Patou », directeur artistique.
Tito et Patou deux surnoms juvéniles pour les deux seniors plus, omniprésents « patrons » du festival.
NB : les démographes et les sociologues situent la catégorie senior à partir de 55 ans. Discutable…
Tito faisait partie de la toute première équipe fondatrice et Patou se présente en souriant : « J’ai débuté comme Tito il y a fort longtemps… mais au début je tenais le bar » ! Il est, me dit-il, un «fidèle lecteur de Jazz Magazine».
Actuellement Patou reçoit pour sa programmation plus de 1500 propositions par an, il écoute et visionne moult CD et vidéos, et visite régulièrement festivals et concerts… Pourtant tout en veillant au grain il ne cesse de plaisanter.
Etre promené et guidé par Tito pendant 3 soirées sur les différents lieux du festival (il y en a au moins 8 principaux, si je n’ai pas fait d’erreur dans mon dénombrement, avec comme QG central, le grand chapiteau planté dans le superbe Parc de la Pépinière) est une source permanente d’étonnements. Dans une soirée de déambulation nancéenne il serre la main d’environ 194 hommes de tous âges. Il connait le nom d’au moins 167 d’entre eux… Il fait la bise à 422 femmes, de tous âges aussi. Il connait les noms et prénoms de 418 d’entre elles…
Il s’enquiert de la forme (et des éventuels soucis) de chacun (salariés, bénévoles, musiciens, membres de l’association, spectateurs…). Il collecte les ressentis de chacun, avant, pendant et après les concerts.
A chaque étape de son marathon quotidien sur les sites des NJP il boit, au moins, une petite bière. Et pourtant à 78 ans il a toujours le ventre plat « comme une limande » (ici on sent poindre nettement un peu de jalousie du chroniqueur en surpoids chronique…).
J’exagère ?
Oui… mais pas assez !
Trêve de plaisanterie : Tito est apparemment infatigable et tout simplement incroyable. Vraiment. Une carrière plus qu’étonnante.
Il a longtemps mené une sorte de double vie. Il travaillait dans l’industrie tout en étant impliqué dans moult associations.
Quelques étapes (enfin, celles que j’ai pu mémoriser…): aux côtés, en 1964, de Jack Lang le nancéen pour le Festival Mondial du Théâtre Universitaire de Nancy, organisation de concerts, créations de clubs de jazz en Lorraine, chargé de la diffusion commerciale du Velcro (ce produit miracle aussi surnommé aujourd’hui scratch) dans les années 60, membre de la commission ministérielle d’attribution du label Zénith dans les années 80, responsable d’une école de musique (où, entre autres, Diego Imbert fut étudiant), patron du Zénith de Nancy pendant 15 ans (ce qui l’obligea à quitter la présidence de l’association NJP), puis retour à présidence officielle des NJP depuis 2007 (mais il fut toujours très présent et influent dans le CA de l’association même quand il dirigeait le Zénith)…
Yannick Vernini une des plus belles plumes du grand quotidien l’Est Républicain (qui « couvre » généreusement le Festival : une ou deux pages minimum chaque jour sur les NJP) m’a confié en salle de presse un projet qu’il espère concrétiser : « J’aimerais vraiment faire un livre sur l’incroyable parcours de Tito. Il a une mémoire d’éléphant – note du rédacteur : je l’ai amplement constaté !-. Il serait constitué de nombreux courts chapitres très vivants. A son image. Pour l’instant Tito ne m’a toujours pas dit oui… Mais avant la 45ème édition en 2018 je ne ne désespère pas de le convaincre ».
Ce serait bien que Tito accepte pour que, entre autres, ses quatre petits enfants apprennent qui était leur étonnant grand père…
« Tito » et « Patou »… (avec l’aimable autorisation de Denis Desassis / Citizen Jazz)
L’édition 2017, comme l’a titré un grand quotidien parisien du soir, fut, comme toujours « Un tour de piste éblouissant de toutes les tendances, stars et talents émergents ».
Franck Bergerot est venu ici le 11 octobre et nous a dit le plus grand bien de sa soirée à Nancy (voir son jazzlive publié le 12/10).
Je ne fus présent que 3 jours. Mais ce fut fort dense.
Les principaux lieux où se déroulent les concerts sont assez éloignés les uns des autres et comme on ne peut être partout, Tito eut la gentillesse (comme déjà évoqué plus haut) de me « promener » dans un slalom automobile millimétré pour que je puisse découvrir la spécificité de chaque lieu. En profitant pour bavarder quelques instants à chaque entrée de parking avec les policiers municipaux et les vigiles…
Qu’il connait aussi d’ailleurs pratiquement tous !
Les concerts
Lundi 16 octobre
A peine descendu du train, direction le théâtre de la Manufacture (belle salle de 350 places). On loupe (les concerts débutent à 20 h ici) le duo (accordéon/piano) Fabrice Bez/Pierre Boesplug. C’est l’entracte. Dans le hall, les spectateurs qui ont assisté à cette première partie nous disent le plus grand bien de la prestation des deux musiciens lorrains. Les NJP programment, systématiquement, depuis 1973 des musiciens d’« ici ». Fabrice Baez vient bavarder avec nous et m’offre le dernier CD du duo « Les derniers vertiges évanouis ».
Leur projet : « Des compositions originales ouvertes, sans format préétabli, rigueur de l’écriture cohabitant avec une grande liberté dans les improvisations, musique narrative qui flirte avec les contours d’un jazz expressionniste. ».
Le CD du duo Fabrice Bez/Pierre Boesplug
En deuxième partie Donny Mc Caslin, en quartet démontre avec vitalité qu’il n’est pas que « le sax qui a enregistré avec Bowie dans l’album Blackstar» ! Son CV en témoigne d’ailleurs : une douzaine d’albums et de nombreuses participations à différents projets. Instrumentiste virtuose, au son très « new-yorkais ». Son batteur (Nate Wood) joue bien mais ne nous fait pas oublier que Donny a joué avec Mark Guiliana !
Aux claviers Jason Lindler « en met partout » et à fort volume… Il est brillant mais dans cette petite salle ses nappes (avis personnel) saturent un peu. Gros succès.
Le concert de La Manufacture à peine terminé départ pour le chapiteau plein à craquer : Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra est à l’affiche. C’est paradoxal, mais, blaguounette à deux balles, Emir et son No Smoking « enfument » le chapiteau avec leur musique tape à l’oeil ! Public ondulant et plus que ravi (quasi en extase du côté des groupies collées aux barrières tout près de la scène). Les NJP veulent être un « festival populaire mais pas populiste »… Avec Kusturica, l’objectif est largement atteint du côté populaire… Côté populiste : la question est posée !
Musique de balloche balkan avec des musiciens très « modestes » (en étant gentil) mais, il est vrai, très dynamiques et ultra-spectaculaires. Et çà marche. Vraiment. On ne peut objectivement que le constater.
Constat déjà établi plusieurs fois pour ma part entre autres à Vienne et à Marciac.
En tous cas, idéal pour les organisateurs de festival : il y a beaucoup de monde et les spectateurs se régalent.
Mardi 17 octobre
A La Manufacture (20 h) : Paul Lay Trio et son projet « The Party ». Paul Lay, prix Django Reinhardt en 2016, est d’Orthez. Du Sud Ouest donc, tout près de Pau où je vis. Un pays comme on dit.
Depuis 10 ans je suis avec grand plaisir et attention son ascension et ses multiples projets. En trio « classique » (p, b, dr) drivé de main de maître par Dré Pallemaerts (qui fut son professeur au Conservatoire Supérieur de Paris) ça roule tout seul…Improvisateur créatif et audacieux, ses compositions sont riches et complexes. Jeu profond, sensible. Compositeur, raconteur d’histoires et rythmicien hors pair. Quelle main gauche !
Ses chorus toujours surprenants révèlent son amour de nombreuses musiques et tout particulièrement du classique.
Côté jazz, Paul a des gouts très éclectiques qui montrent son incroyable ouverture d’esprit. Ses pianistes préférés embrassent toute l’histoire du jazz: Ellington, Cecil Taylor, Paul Bley, Ran Blake, Jelly Roll Morton, Earl Hines et Monk. Monk justement qu’il honora avec une superbe version de son « Thelonious ».
Clemens Van Der Feen, Paul Lay, Dré Pallemaerts
A 22 h Craig Taborn en quartet succéda à Paul Lay. Graig ne joue pas que du piano acoustique comme Lay avec son trio mais il maîtrise avec subtilité les claviers numériques. Belle entente entre les membres de son groupe.
Au Chapiteau : soirée Hommage à Django.
Deux grands guitaristes pour rendre hommage à Django : Bireli Lagrène et son Gipsy Project en première partie et Django Memories de Stochelo Rosenberg après l’entracte. Deux mille personnes sont présentes sous le chapiteau, en version public assis (pas comme pour Emir où le chapiteau était en configuration public debout). On arrive juste pour le rappel.
Ce n’était pas prévu (paraît-il, pour des questions de management) mais Bireli se joint avec visiblement grande envie et grand plaisir (ainsi que son saxophoniste Franck Wolf ) au groupe de Stochelo Rosenberg pour un boeuf final dans la grande tradition. Echanges complices et virtuoses sur Minor Swing. Le public aux anges.
Hono Winterstein (g) « maître es pompe manouche » et compagnon fidèle de Bireli a joué toute la soirée : il était au générique des 2 groupes programmés ! Dans le film Django sorti au printemps 2017 (dont une partie de la bande son a été jouée et composée par Stochelo Rosenberg) Hono s’est révélé excellent comédien.
Solide petit-dej pour Stochelo après une longue nuit à « boeuffer » dans le hall de l’Hôtel Mercure
Bireli et Franck Wolf vivent dans la région. Wolf organise régulièrement des concerts à Uhrwiller, petite commune (714 habitants) de la région Grand Est. Il y invite de nombreux amis musiciens de tous styles. Il enregistre ces concerts très conviviaux et vient d’éditer une sélection d’extraits de ces concerts : Franck Wolf & Friends. Strasax, dont il est un des piliers, prépare une série d’événements à l’occasion du vingtième anniversaire du groupe.
Bireli et Franck, une amitié indéfectible
Le CD « souvenirs/souvenirs » de Franck
Mercredi 18 octobre
Beaucoup de choses encore. Comme chaque jour ici.
A l’Autre Canal, un immense lieu aménagé dans un ancien abattoir, consacré aux Musiques Actuelles, deux « grands » ensembles déjantés, étonnants et inclassables : « Le grand orchestre psychédélique de la Nouvelle Austrasie » (17 musiciens pour une « musique obsessive et enveloppante ») et « L’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp XXL » (14 musiciens : « énergie, joie, exaltation, danse… »).
Mais où vont-ils chercher tout çà ?
Beaucoup de monde…
L’Austrasie est le nom d’un boulevard de Nancy !
Au Chapiteau, une fois de plus plein comme un oeuf : « Gramatik ». Un DJ slovène à forte notoriété du côté des musiques électroniques.
Pas du tout touché d’ordinaire par ces musiques je décide pourtant d’aller « jeter une oreille ».
De loin (de très loin… bonjour les décibels !) en arrivant au Parc de la Pépinière j’entends une guitare solo bien accompagnée par des riffs et des lignes de basse groovy…
Finalement (in petto) : on dirait qu’il y a un groupe ?
Et bien non… Gramatik est aux platines et seul un guitariste est à ses côtés.
Bluffant : ça pulse (normal pour les NJP!), c’est agréable, aéré.
Rentré à l’hôtel, je google-ise Grammatik et je comprends pourquoi il m’a étonné : « Ce DJ reprend des classiques de style funk, jazz ou soul en y ajoutant une basse profonde et un beat entraînant ».
OK.
J’apprends aussi qu’il « pratique également le dubstep ». Pour le Dubstep… je donne ma langue au chat.
L’hommage à Jef Gilson
En ce mercredi soir, veille de mon départ, les NJP proposaient une grande première : un hommage à Jef Gilson… qui avait joué ici lors de la première édition, en 1973 !
Une belle idée de Patou : honorer la mémoire de Jef Gilson, en invitant le Palm Unit, groupe qui vient de naître et dont fait partie le musicien malgache Del Rabenja.
Del était présent aux NJP en 1973!
Del avec son étui de valiha (petite harpe malgache)
Jef Gilson (1926/2012) personnage clé de l’histoire du jazz en France, est fort méconnu aujourd’hui, hors d’un petit cercle d’érudits. Dont fait partie, Jérome Simonneau, qui présente ainsi Jef dans une étude qu’il lui a consacrée : « J. Gilson à démarré sa carrière à 20 ans en 1946 à la clarinette aux côtés de Boris Vian et a donné son dernier concert au piano en 2002 avec son vieil ami Jacques Di Donato. Entre temps, il a occupé tous les postes que le jazz lui offrait : compositeur, chef d’orchestre, arrangeur, graveur de vinyle, pianiste, chanteur, critique, ingénieur du son, producteur, enseignant, théoricien, patron de labels… Il a également conjugué son jazz à toutes les modes (quand il ne les précédait pas) : be bop, modal, oriental, free, afro, spiritual, blues…Il est également reconnu comme un grand découvreur de talents : dans les années 60, Gilson révèle ainsi les Henri Texier (qui entre dans son orchestre à 16 ans!), Jean-Luc Ponty, Jean-Louis Chautemps, Bernard Lubat, Michel Portal, François Jeanneau, Jacques Di Donato, Bernard Vitet, Jean-Charles Capon, François Tusques, Eddy Louiss, Christian Vander, Pierre-Alain Dahan et beaucoup d’autres. Les Américains ne sont pas en reste : Lloyd Miller, Nathan Davis, Woody Shaw, Philly Joe Jones, Bill Coleman, Sahib Shihab, Hal Singer, Byard Lancaster, Joe McPhee, David Murray ou Khan Jamal, qui ont fait un bout de chemin avec Gilson pendant leur séjour à Paris. »
Jef avait aussi créé une revue « L’indépendant du jazz »… Un titre qui en dit long sur sa personnalité inclassable !
Tout jeune jazzfan j’avais assisté, émerveillé, au concert de Jef à Antibes en 1965 (avec Lubat au vibraphone), je l’avais aussi entendu chanter dans les Double Six (quand Mimi Perrin était malade, il y avait aussi Lubat… au chant)…
Il avait créé le label Palm. Il suffisait de sonner à sa porte et il vous faisait visiter son petit appartement/studio, rue du Faubourg St Denis, où le piano à queue occupait pratiquement la moitié de la surface de son logement!
A la fin des années 60 il part à Madagascar et découvre toute une nouvelle génération de musiciens malgaches talentueux qui vont faire de belles carrières en France comme, entre autres, les frères Rabeson, Serge Rahoerson, Sylvin Marc et… Del Rabenja…
L’album Jef Gilson & Malagasy, chez Palm Records, est emblématique du travail de Gilson avec les jazzmen de Madagascar.
Etonnant: certains vinyls du label Palm, dont le Malagasy, se vendent sur les sites spécialisés pour collectionneurs compulsifs autour de 500 euros (en bon état, comme il se doit en la matière… bien sûr!).
Parmi eux : Gilles Peterson (Worldwide), Thurston Moore (Sonic
Youth) ou Dan Snaith (Caribou). Plusieurs albums de Jef ont fait l’objet de quelques compilations sur le label de réédition anglais Jazzman Records ?
Antoine Rajon, producteur et label manager, a souvent rencontré Jef Gilson, dans les 15 dernières années de sa vie. Jef vivait dans l’Ardèche, affaibli par les suites d’un AVC. Jef a permis à A. Rajon d’écouter ses innombrables masters. Rajon a même été le premier à rééditer, en 2004, une partie de son oeuvre sur le défunt label Isma’a.
L’an dernier Rajon a décidé de construire un projet et d’enregistrer un album avec des musiciens qu’il apprécie. Le nom du groupe, bon sang mais c’est bien sûr ! : « Palm Unit ». Double clin d’oeil : au label Palm que Jef avait fondé, et au Gilson Unit, nom sous lequel son orchestre avait sorti un disque sur Futura.
Superbe photo pour la communication du Palm Unit (copyright Christophe Charpenel)
Comme Jérôme Simonneau, A. Rajon se désole que le nom de J. Gilson soit tombé dans l’oubli mais dans le texte de présentation du CD Chant Inca qui va sortir le 27 novembre chez Super Sonic Jazz il reconnaît que « Pour être tout à fait honnête, même les musiciens français -choisis par Rajon pour le Palm Unit- le saxophoniste Lionel Martin (uKanDanZ), le claviériste Fred Escoffier (Le Sacre du Tympan) et le batteur Philippe « Pipon » Garcia (Erik Truffaz Quartet) n’en avaient jamais entendu parler... ».
Le CD « Chant Inca » qui sort le 27 novembre
Dans le cd comme sur scène on constate que cette « virginité » du trio, est « ce qui pouvait arriver de mieux à cet hommage car le groupe joue sans a priori, et de manière totalement décomplexée, le répertoire de Gilson, en le réinventant tout en gardant la substance originelle. Les claviers sonnent presque psychédéliques (pas si loin parfois du jeu d’Eddy Louiss sur les disques des années 60 de Jef), le saxophone griffe, miaule et minaude, tandis que la batterie fait groover l’ensemble. » (J.S déjà cité).
« On stage » aux NJP cette analyse est totalement confirmée. D’entrée sur Chant Inca un des thèmes fétiches de Jef, au saxophone, Lionel Martin a « renversé la table ».
Le Palm Unit au rappel aux NJP
Del Rabenja, qui joue de la valiha (petite harpe malgache) invité d’honneur de ce PALM UNIT, a fait partie de plusieurs groupes de Jef Gilson dans les années 70 et a enregistré quelques disques sur le label Palm. Il a été agréablement surpris de redécouvrir ces morceaux qui sonnent toujours de manière très actuelle, des décennies après leur création.
Pour Del, qui retrouvait, ému, Nancy, 44 ans après le lancement des NJP, c’était le premier concert public du Palm Unit depuis l’enregistrement de l’album. Alors qu’il est aussi guitariste, pianiste et saxophoniste il n’a joué ici que de la vahila. Une tournée va débuter et il envisage de jouer de ses autres instruments.
Lionel Martin, au ténor, est un phénomène : gros son quasi texan, il arpente la scène en tous sens en gesticulant. Qui plus est, il est très grand. Impressionnant.
Il adore jouer dans la rue. Tout jeune il a gagné sa vie ainsi… A neuf heures du matin le lendemain de son concert, mais sans faire la manche désormais, il jouait « sauvagement » devant la gare de Nancy devant nombre de voyageurs pour le moins étonnés.
Je termine ici ce compte-rendu « fleuve »… Et encore… je n’ai pas évoqué, les concerts dans les bars et au Magic Mirrors ! Ni les multiples papotages qui font les délices des festivaliers!
La prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations qui marquera les 45 ans du festival se tiendra du 10 au 20 octobre 2018. Tito et Patou disent que ce pourrait être la dernière…
On a du mal à les croire.
Wait and see donc.
Pierre-Henri Ardonceau
*On peut retrouver toutes les programmations (jusqu’en 2013) dans le livre: « Quarante ans de NJP » (Editions Le Mot et le Reste).
** En « google-lisant » les Nancy Jazz Pulsations on peut apprendre encore bien des choses sur cette incroyable aventure.|Treize journées (du 7 au 21 octobre), plus de 50 000 festivaliers, 205 concerts, 31112 entrées payantes.
A l’approche de leur 45ème anniversaire (en 2018) les Nancy Jazz Pulsations (NJP) sont toujours, à de multiples points de vue, aussi étonnantes et stimulantes.
Lors de cette édition, en programmant le Palm Unit, elles ont rendu un bel et mérité hommage à Jef Gilson, un grand oublié de la scène française.
Un peu d’histoire à l’usage des jeunes générations
La naissance des NJP en 1973 « bouscula » le petit monde des festivals de jazz. Un tout petit monde à l’époque : Juan les Pins, Nice, Nîmes, Châteauvallon… Tous dans le Sud Est, tous programmés en été et tous globalement « pur » jazz.
Face à ce constat les fondateurs se fixèrent un objectif clair : « Créer un événement culturel de rentrée et non un festival culturo touristique estival de plus! ».
La première édition eut donc lieu en automne et en Lorraine ! Deux surprenantes innovations dans le contexte du paysage festivalier des années 70 évoqué ci dessus. L’affiche de ces NJP 1973 était flamboyante. Tous les jazz(s) comme « colonne vertébrale » mais avec, déjà, « une ouverture nette sur d’autres genres musicaux ». Le programme* était incroyablement varié: des grands noms du jazz « pour tous » (Ray Charles, Oscar Peterson…), du free dans toutes ses composantes, mais aussi du New-Orleans, du Gospel, du Blues, de la musique contemporaine, et de très nombreux jazzmen français de toutes « obédiences »…
Sun Ra déambulant en 1973 avec son Arkestra Place Stanislas : inoubliable aux dires de tous ceux qui ont vécu « live » cet incroyable happening musical.
La légende des NJP était née.
La superbe Place Stanislas… sans Sun Ra !
Très vite ensuite les NJP pratiquèrent encore plus massivement l’ouverture vers les musiques « cousines et voisines » et bien au delà (rock, électro, rap, flamenco, world music, variétés de qualité)…
Polémiques et anathèmes fusèrent dans le petit monde (tout petit…) des intégristes (jazzcritics comme jazzfans).
L’équipe des fondateurs des NJP n’en eurent cure ! Ils persistèrent avec vigueur dans leur ligne éditoriale.
Mais, ces quatre décennies ne furent pas, pour autant, un long fleuve tranquille. Les « crises » (il y en eut bien sûr) ne furent jamais liées à des questions de programmation.
Et si l’existence des NJP fut quelquefois menacée ce fut essentiellement pour des questions financières : subventions et soutiens « fluctuants » (pour le dire vite) des institutions et collectivités territoriales et aussi gestion mal maîtrisée lors de la montée en puissance du festival.
Des membres de l’association furent même amenés dans les années 90 à contracter, à titre personnel, des emprunts pour sauver leur festival. Pari réussi.
Dès le début Jazz Magazine a soutenu avec enthousiasme les NJP. Ses plus belles plumes (Philippe Carles, alors rédacteur en chef, en tête) et ses photographes prestigieux gratifièrent les lecteurs de copieux compte-rendus illustrés par de nombreuses photos.
A l’époque la plupart des pigistes de Jazz Magazine étaient enseignants. Donc… pas « libres » en octobre.
C’était mon cas. Les affiches des NJP me faisaient rêver mais Nancy était fort loin de Pau où j’enseignais. Je n’étais donc jamais venu à Nancy.
A la retraite depuis quelques années j’ai enfin pu venir découvrir les NJP. Grâce à l’invitation de « Tito » l’incroyable Président de la manifestation, souvent rencontré au festival de Luz Saint Sauveur (en juillet!) dans le Sud Ouest, où Tito a des attaches familiales.
Puisqu’on évoque le Sud Ouest, une petite incise, révélatrice des belles intuitions des NJP: Wynton Marsalis, l’idole et le parrain (statufié, de son vivant, sur une place de la commune) de Jazz in Marciac a été programmé à Nancy dès 1983. Il n’a joué pour la première fois à Marciac qu’en 1991!
Une petite équipe très efficace est actuellement aux commandes de l’association, avec présent depuis, pratiquement*, le début de l’aventure, un duo emblématique en tête de pont : Claude-Jean Antoine dit « Tito », président de l’association organisatrice et Patrick Kader dit « Patou », directeur artistique.
Tito et Patou deux surnoms juvéniles pour les deux seniors plus, omniprésents « patrons » du festival.
NB : les démographes et les sociologues situent la catégorie senior à partir de 55 ans. Discutable…
Tito faisait partie de la toute première équipe fondatrice et Patou se présente en souriant : « J’ai débuté comme Tito il y a fort longtemps… mais au début je tenais le bar » ! Il est, me dit-il, un «fidèle lecteur de Jazz Magazine».
Actuellement Patou reçoit pour sa programmation plus de 1500 propositions par an, il écoute et visionne moult CD et vidéos, et visite régulièrement festivals et concerts… Pourtant tout en veillant au grain il ne cesse de plaisanter.
Etre promené et guidé par Tito pendant 3 soirées sur les différents lieux du festival (il y en a au moins 8 principaux, si je n’ai pas fait d’erreur dans mon dénombrement, avec comme QG central, le grand chapiteau planté dans le superbe Parc de la Pépinière) est une source permanente d’étonnements. Dans une soirée de déambulation nancéenne il serre la main d’environ 194 hommes de tous âges. Il connait le nom d’au moins 167 d’entre eux… Il fait la bise à 422 femmes, de tous âges aussi. Il connait les noms et prénoms de 418 d’entre elles…
Il s’enquiert de la forme (et des éventuels soucis) de chacun (salariés, bénévoles, musiciens, membres de l’association, spectateurs…). Il collecte les ressentis de chacun, avant, pendant et après les concerts.
A chaque étape de son marathon quotidien sur les sites des NJP il boit, au moins, une petite bière. Et pourtant à 78 ans il a toujours le ventre plat « comme une limande » (ici on sent poindre nettement un peu de jalousie du chroniqueur en surpoids chronique…).
J’exagère ?
Oui… mais pas assez !
Trêve de plaisanterie : Tito est apparemment infatigable et tout simplement incroyable. Vraiment. Une carrière plus qu’étonnante.
Il a longtemps mené une sorte de double vie. Il travaillait dans l’industrie tout en étant impliqué dans moult associations.
Quelques étapes (enfin, celles que j’ai pu mémoriser…): aux côtés, en 1964, de Jack Lang le nancéen pour le Festival Mondial du Théâtre Universitaire de Nancy, organisation de concerts, créations de clubs de jazz en Lorraine, chargé de la diffusion commerciale du Velcro (ce produit miracle aussi surnommé aujourd’hui scratch) dans les années 60, membre de la commission ministérielle d’attribution du label Zénith dans les années 80, responsable d’une école de musique (où, entre autres, Diego Imbert fut étudiant), patron du Zénith de Nancy pendant 15 ans (ce qui l’obligea à quitter la présidence de l’association NJP), puis retour à présidence officielle des NJP depuis 2007 (mais il fut toujours très présent et influent dans le CA de l’association même quand il dirigeait le Zénith)…
Yannick Vernini une des plus belles plumes du grand quotidien l’Est Républicain (qui « couvre » généreusement le Festival : une ou deux pages minimum chaque jour sur les NJP) m’a confié en salle de presse un projet qu’il espère concrétiser : « J’aimerais vraiment faire un livre sur l’incroyable parcours de Tito. Il a une mémoire d’éléphant – note du rédacteur : je l’ai amplement constaté !-. Il serait constitué de nombreux courts chapitres très vivants. A son image. Pour l’instant Tito ne m’a toujours pas dit oui… Mais avant la 45ème édition en 2018 je ne ne désespère pas de le convaincre ».
Ce serait bien que Tito accepte pour que, entre autres, ses quatre petits enfants apprennent qui était leur étonnant grand père…
« Tito » et « Patou »… (avec l’aimable autorisation de Denis Desassis / Citizen Jazz)
L’édition 2017, comme l’a titré un grand quotidien parisien du soir, fut, comme toujours « Un tour de piste éblouissant de toutes les tendances, stars et talents émergents ».
Franck Bergerot est venu ici le 11 octobre et nous a dit le plus grand bien de sa soirée à Nancy (voir son jazzlive publié le 12/10).
Je ne fus présent que 3 jours. Mais ce fut fort dense.
Les principaux lieux où se déroulent les concerts sont assez éloignés les uns des autres et comme on ne peut être partout, Tito eut la gentillesse (comme déjà évoqué plus haut) de me « promener » dans un slalom automobile millimétré pour que je puisse découvrir la spécificité de chaque lieu. En profitant pour bavarder quelques instants à chaque entrée de parking avec les policiers municipaux et les vigiles…
Qu’il connait aussi d’ailleurs pratiquement tous !
Les concerts
Lundi 16 octobre
A peine descendu du train, direction le théâtre de la Manufacture (belle salle de 350 places). On loupe (les concerts débutent à 20 h ici) le duo (accordéon/piano) Fabrice Bez/Pierre Boesplug. C’est l’entracte. Dans le hall, les spectateurs qui ont assisté à cette première partie nous disent le plus grand bien de la prestation des deux musiciens lorrains. Les NJP programment, systématiquement, depuis 1973 des musiciens d’« ici ». Fabrice Baez vient bavarder avec nous et m’offre le dernier CD du duo « Les derniers vertiges évanouis ».
Leur projet : « Des compositions originales ouvertes, sans format préétabli, rigueur de l’écriture cohabitant avec une grande liberté dans les improvisations, musique narrative qui flirte avec les contours d’un jazz expressionniste. ».
Le CD du duo Fabrice Bez/Pierre Boesplug
En deuxième partie Donny Mc Caslin, en quartet démontre avec vitalité qu’il n’est pas que « le sax qui a enregistré avec Bowie dans l’album Blackstar» ! Son CV en témoigne d’ailleurs : une douzaine d’albums et de nombreuses participations à différents projets. Instrumentiste virtuose, au son très « new-yorkais ». Son batteur (Nate Wood) joue bien mais ne nous fait pas oublier que Donny a joué avec Mark Guiliana !
Aux claviers Jason Lindler « en met partout » et à fort volume… Il est brillant mais dans cette petite salle ses nappes (avis personnel) saturent un peu. Gros succès.
Le concert de La Manufacture à peine terminé départ pour le chapiteau plein à craquer : Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra est à l’affiche. C’est paradoxal, mais, blaguounette à deux balles, Emir et son No Smoking « enfument » le chapiteau avec leur musique tape à l’oeil ! Public ondulant et plus que ravi (quasi en extase du côté des groupies collées aux barrières tout près de la scène). Les NJP veulent être un « festival populaire mais pas populiste »… Avec Kusturica, l’objectif est largement atteint du côté populaire… Côté populiste : la question est posée !
Musique de balloche balkan avec des musiciens très « modestes » (en étant gentil) mais, il est vrai, très dynamiques et ultra-spectaculaires. Et çà marche. Vraiment. On ne peut objectivement que le constater.
Constat déjà établi plusieurs fois pour ma part entre autres à Vienne et à Marciac.
En tous cas, idéal pour les organisateurs de festival : il y a beaucoup de monde et les spectateurs se régalent.
Mardi 17 octobre
A La Manufacture (20 h) : Paul Lay Trio et son projet « The Party ». Paul Lay, prix Django Reinhardt en 2016, est d’Orthez. Du Sud Ouest donc, tout près de Pau où je vis. Un pays comme on dit.
Depuis 10 ans je suis avec grand plaisir et attention son ascension et ses multiples projets. En trio « classique » (p, b, dr) drivé de main de maître par Dré Pallemaerts (qui fut son professeur au Conservatoire Supérieur de Paris) ça roule tout seul…Improvisateur créatif et audacieux, ses compositions sont riches et complexes. Jeu profond, sensible. Compositeur, raconteur d’histoires et rythmicien hors pair. Quelle main gauche !
Ses chorus toujours surprenants révèlent son amour de nombreuses musiques et tout particulièrement du classique.
Côté jazz, Paul a des gouts très éclectiques qui montrent son incroyable ouverture d’esprit. Ses pianistes préférés embrassent toute l’histoire du jazz: Ellington, Cecil Taylor, Paul Bley, Ran Blake, Jelly Roll Morton, Earl Hines et Monk. Monk justement qu’il honora avec une superbe version de son « Thelonious ».
Clemens Van Der Feen, Paul Lay, Dré Pallemaerts
A 22 h Craig Taborn en quartet succéda à Paul Lay. Graig ne joue pas que du piano acoustique comme Lay avec son trio mais il maîtrise avec subtilité les claviers numériques. Belle entente entre les membres de son groupe.
Au Chapiteau : soirée Hommage à Django.
Deux grands guitaristes pour rendre hommage à Django : Bireli Lagrène et son Gipsy Project en première partie et Django Memories de Stochelo Rosenberg après l’entracte. Deux mille personnes sont présentes sous le chapiteau, en version public assis (pas comme pour Emir où le chapiteau était en configuration public debout). On arrive juste pour le rappel.
Ce n’était pas prévu (paraît-il, pour des questions de management) mais Bireli se joint avec visiblement grande envie et grand plaisir (ainsi que son saxophoniste Franck Wolf ) au groupe de Stochelo Rosenberg pour un boeuf final dans la grande tradition. Echanges complices et virtuoses sur Minor Swing. Le public aux anges.
Hono Winterstein (g) « maître es pompe manouche » et compagnon fidèle de Bireli a joué toute la soirée : il était au générique des 2 groupes programmés ! Dans le film Django sorti au printemps 2017 (dont une partie de la bande son a été jouée et composée par Stochelo Rosenberg) Hono s’est révélé excellent comédien.
Solide petit-dej pour Stochelo après une longue nuit à « boeuffer » dans le hall de l’Hôtel Mercure
Bireli et Franck Wolf vivent dans la région. Wolf organise régulièrement des concerts à Uhrwiller, petite commune (714 habitants) de la région Grand Est. Il y invite de nombreux amis musiciens de tous styles. Il enregistre ces concerts très conviviaux et vient d’éditer une sélection d’extraits de ces concerts : Franck Wolf & Friends. Strasax, dont il est un des piliers, prépare une série d’événements à l’occasion du vingtième anniversaire du groupe.
Bireli et Franck, une amitié indéfectible
Le CD « souvenirs/souvenirs » de Franck
Mercredi 18 octobre
Beaucoup de choses encore. Comme chaque jour ici.
A l’Autre Canal, un immense lieu aménagé dans un ancien abattoir, consacré aux Musiques Actuelles, deux « grands » ensembles déjantés, étonnants et inclassables : « Le grand orchestre psychédélique de la Nouvelle Austrasie » (17 musiciens pour une « musique obsessive et enveloppante ») et « L’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp XXL » (14 musiciens : « énergie, joie, exaltation, danse… »).
Mais où vont-ils chercher tout çà ?
Beaucoup de monde…
L’Austrasie est le nom d’un boulevard de Nancy !
Au Chapiteau, une fois de plus plein comme un oeuf : « Gramatik ». Un DJ slovène à forte notoriété du côté des musiques électroniques.
Pas du tout touché d’ordinaire par ces musiques je décide pourtant d’aller « jeter une oreille ».
De loin (de très loin… bonjour les décibels !) en arrivant au Parc de la Pépinière j’entends une guitare solo bien accompagnée par des riffs et des lignes de basse groovy…
Finalement (in petto) : on dirait qu’il y a un groupe ?
Et bien non… Gramatik est aux platines et seul un guitariste est à ses côtés.
Bluffant : ça pulse (normal pour les NJP!), c’est agréable, aéré.
Rentré à l’hôtel, je google-ise Grammatik et je comprends pourquoi il m’a étonné : « Ce DJ reprend des classiques de style funk, jazz ou soul en y ajoutant une basse profonde et un beat entraînant ».
OK.
J’apprends aussi qu’il « pratique également le dubstep ». Pour le Dubstep… je donne ma langue au chat.
L’hommage à Jef Gilson
En ce mercredi soir, veille de mon départ, les NJP proposaient une grande première : un hommage à Jef Gilson… qui avait joué ici lors de la première édition, en 1973 !
Une belle idée de Patou : honorer la mémoire de Jef Gilson, en invitant le Palm Unit, groupe qui vient de naître et dont fait partie le musicien malgache Del Rabenja.
Del était présent aux NJP en 1973!
Del avec son étui de valiha (petite harpe malgache)
Jef Gilson (1926/2012) personnage clé de l’histoire du jazz en France, est fort méconnu aujourd’hui, hors d’un petit cercle d’érudits. Dont fait partie, Jérome Simonneau, qui présente ainsi Jef dans une étude qu’il lui a consacrée : « J. Gilson à démarré sa carrière à 20 ans en 1946 à la clarinette aux côtés de Boris Vian et a donné son dernier concert au piano en 2002 avec son vieil ami Jacques Di Donato. Entre temps, il a occupé tous les postes que le jazz lui offrait : compositeur, chef d’orchestre, arrangeur, graveur de vinyle, pianiste, chanteur, critique, ingénieur du son, producteur, enseignant, théoricien, patron de labels… Il a également conjugué son jazz à toutes les modes (quand il ne les précédait pas) : be bop, modal, oriental, free, afro, spiritual, blues…Il est également reconnu comme un grand découvreur de talents : dans les années 60, Gilson révèle ainsi les Henri Texier (qui entre dans son orchestre à 16 ans!), Jean-Luc Ponty, Jean-Louis Chautemps, Bernard Lubat, Michel Portal, François Jeanneau, Jacques Di Donato, Bernard Vitet, Jean-Charles Capon, François Tusques, Eddy Louiss, Christian Vander, Pierre-Alain Dahan et beaucoup d’autres. Les Américains ne sont pas en reste : Lloyd Miller, Nathan Davis, Woody Shaw, Philly Joe Jones, Bill Coleman, Sahib Shihab, Hal Singer, Byard Lancaster, Joe McPhee, David Murray ou Khan Jamal, qui ont fait un bout de chemin avec Gilson pendant leur séjour à Paris. »
Jef avait aussi créé une revue « L’indépendant du jazz »… Un titre qui en dit long sur sa personnalité inclassable !
Tout jeune jazzfan j’avais assisté, émerveillé, au concert de Jef à Antibes en 1965 (avec Lubat au vibraphone), je l’avais aussi entendu chanter dans les Double Six (quand Mimi Perrin était malade, il y avait aussi Lubat… au chant)…
Il avait créé le label Palm. Il suffisait de sonner à sa porte et il vous faisait visiter son petit appartement/studio, rue du Faubourg St Denis, où le piano à queue occupait pratiquement la moitié de la surface de son logement!
A la fin des années 60 il part à Madagascar et découvre toute une nouvelle génération de musiciens malgaches talentueux qui vont faire de belles carrières en France comme, entre autres, les frères Rabeson, Serge Rahoerson, Sylvin Marc et… Del Rabenja…
L’album Jef Gilson & Malagasy, chez Palm Records, est emblématique du travail de Gilson avec les jazzmen de Madagascar.
Etonnant: certains vinyls du label Palm, dont le Malagasy, se vendent sur les sites spécialisés pour collectionneurs compulsifs autour de 500 euros (en bon état, comme il se doit en la matière… bien sûr!).
Parmi eux : Gilles Peterson (Worldwide), Thurston Moore (Sonic
Youth) ou Dan Snaith (Caribou). Plusieurs albums de Jef ont fait l’objet de quelques compilations sur le label de réédition anglais Jazzman Records ?
Antoine Rajon, producteur et label manager, a souvent rencontré Jef Gilson, dans les 15 dernières années de sa vie. Jef vivait dans l’Ardèche, affaibli par les suites d’un AVC. Jef a permis à A. Rajon d’écouter ses innombrables masters. Rajon a même été le premier à rééditer, en 2004, une partie de son oeuvre sur le défunt label Isma’a.
L’an dernier Rajon a décidé de construire un projet et d’enregistrer un album avec des musiciens qu’il apprécie. Le nom du groupe, bon sang mais c’est bien sûr ! : « Palm Unit ». Double clin d’oeil : au label Palm que Jef avait fondé, et au Gilson Unit, nom sous lequel son orchestre avait sorti un disque sur Futura.
Superbe photo pour la communication du Palm Unit (copyright Christophe Charpenel)
Comme Jérôme Simonneau, A. Rajon se désole que le nom de J. Gilson soit tombé dans l’oubli mais dans le texte de présentation du CD Chant Inca qui va sortir le 27 novembre chez Super Sonic Jazz il reconnaît que « Pour être tout à fait honnête, même les musiciens français -choisis par Rajon pour le Palm Unit- le saxophoniste Lionel Martin (uKanDanZ), le claviériste Fred Escoffier (Le Sacre du Tympan) et le batteur Philippe « Pipon » Garcia (Erik Truffaz Quartet) n’en avaient jamais entendu parler... ».
Le CD « Chant Inca » qui sort le 27 novembre
Dans le cd comme sur scène on constate que cette « virginité » du trio, est « ce qui pouvait arriver de mieux à cet hommage car le groupe joue sans a priori, et de manière totalement décomplexée, le répertoire de Gilson, en le réinventant tout en gardant la substance originelle. Les claviers sonnent presque psychédéliques (pas si loin parfois du jeu d’Eddy Louiss sur les disques des années 60 de Jef), le saxophone griffe, miaule et minaude, tandis que la batterie fait groover l’ensemble. » (J.S déjà cité).
« On stage » aux NJP cette analyse est totalement confirmée. D’entrée sur Chant Inca un des thèmes fétiches de Jef, au saxophone, Lionel Martin a « renversé la table ».
Le Palm Unit au rappel aux NJP
Del Rabenja, qui joue de la valiha (petite harpe malgache) invité d’honneur de ce PALM UNIT, a fait partie de plusieurs groupes de Jef Gilson dans les années 70 et a enregistré quelques disques sur le label Palm. Il a été agréablement surpris de redécouvrir ces morceaux qui sonnent toujours de manière très actuelle, des décennies après leur création.
Pour Del, qui retrouvait, ému, Nancy, 44 ans après le lancement des NJP, c’était le premier concert public du Palm Unit depuis l’enregistrement de l’album. Alors qu’il est aussi guitariste, pianiste et saxophoniste il n’a joué ici que de la vahila. Une tournée va débuter et il envisage de jouer de ses autres instruments.
Lionel Martin, au ténor, est un phénomène : gros son quasi texan, il arpente la scène en tous sens en gesticulant. Qui plus est, il est très grand. Impressionnant.
Il adore jouer dans la rue. Tout jeune il a gagné sa vie ainsi… A neuf heures du matin le lendemain de son concert, mais sans faire la manche désormais, il jouait « sauvagement » devant la gare de Nancy devant nombre de voyageurs pour le moins étonnés.
Je termine ici ce compte-rendu « fleuve »… Et encore… je n’ai pas évoqué, les concerts dans les bars et au Magic Mirrors ! Ni les multiples papotages qui font les délices des festivaliers!
La prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations qui marquera les 45 ans du festival se tiendra du 10 au 20 octobre 2018. Tito et Patou disent que ce pourrait être la dernière…
On a du mal à les croire.
Wait and see donc.
Pierre-Henri Ardonceau
*On peut retrouver toutes les programmations (jusqu’en 2013) dans le livre: « Quarante ans de NJP » (Editions Le Mot et le Reste).
** En « google-lisant » les Nancy Jazz Pulsations on peut apprendre encore bien des choses sur cette incroyable aventure.|Treize journées (du 7 au 21 octobre), plus de 50 000 festivaliers, 205 concerts, 31112 entrées payantes.
A l’approche de leur 45ème anniversaire (en 2018) les Nancy Jazz Pulsations (NJP) sont toujours, à de multiples points de vue, aussi étonnantes et stimulantes.
Lors de cette édition, en programmant le Palm Unit, elles ont rendu un bel et mérité hommage à Jef Gilson, un grand oublié de la scène française.
Un peu d’histoire à l’usage des jeunes générations
La naissance des NJP en 1973 « bouscula » le petit monde des festivals de jazz. Un tout petit monde à l’époque : Juan les Pins, Nice, Nîmes, Châteauvallon… Tous dans le Sud Est, tous programmés en été et tous globalement « pur » jazz.
Face à ce constat les fondateurs se fixèrent un objectif clair : « Créer un événement culturel de rentrée et non un festival culturo touristique estival de plus! ».
La première édition eut donc lieu en automne et en Lorraine ! Deux surprenantes innovations dans le contexte du paysage festivalier des années 70 évoqué ci dessus. L’affiche de ces NJP 1973 était flamboyante. Tous les jazz(s) comme « colonne vertébrale » mais avec, déjà, « une ouverture nette sur d’autres genres musicaux ». Le programme* était incroyablement varié: des grands noms du jazz « pour tous » (Ray Charles, Oscar Peterson…), du free dans toutes ses composantes, mais aussi du New-Orleans, du Gospel, du Blues, de la musique contemporaine, et de très nombreux jazzmen français de toutes « obédiences »…
Sun Ra déambulant en 1973 avec son Arkestra Place Stanislas : inoubliable aux dires de tous ceux qui ont vécu « live » cet incroyable happening musical.
La légende des NJP était née.
La superbe Place Stanislas… sans Sun Ra !
Très vite ensuite les NJP pratiquèrent encore plus massivement l’ouverture vers les musiques « cousines et voisines » et bien au delà (rock, électro, rap, flamenco, world music, variétés de qualité)…
Polémiques et anathèmes fusèrent dans le petit monde (tout petit…) des intégristes (jazzcritics comme jazzfans).
L’équipe des fondateurs des NJP n’en eurent cure ! Ils persistèrent avec vigueur dans leur ligne éditoriale.
Mais, ces quatre décennies ne furent pas, pour autant, un long fleuve tranquille. Les « crises » (il y en eut bien sûr) ne furent jamais liées à des questions de programmation.
Et si l’existence des NJP fut quelquefois menacée ce fut essentiellement pour des questions financières : subventions et soutiens « fluctuants » (pour le dire vite) des institutions et collectivités territoriales et aussi gestion mal maîtrisée lors de la montée en puissance du festival.
Des membres de l’association furent même amenés dans les années 90 à contracter, à titre personnel, des emprunts pour sauver leur festival. Pari réussi.
Dès le début Jazz Magazine a soutenu avec enthousiasme les NJP. Ses plus belles plumes (Philippe Carles, alors rédacteur en chef, en tête) et ses photographes prestigieux gratifièrent les lecteurs de copieux compte-rendus illustrés par de nombreuses photos.
A l’époque la plupart des pigistes de Jazz Magazine étaient enseignants. Donc… pas « libres » en octobre.
C’était mon cas. Les affiches des NJP me faisaient rêver mais Nancy était fort loin de Pau où j’enseignais. Je n’étais donc jamais venu à Nancy.
A la retraite depuis quelques années j’ai enfin pu venir découvrir les NJP. Grâce à l’invitation de « Tito » l’incroyable Président de la manifestation, souvent rencontré au festival de Luz Saint Sauveur (en juillet!) dans le Sud Ouest, où Tito a des attaches familiales.
Puisqu’on évoque le Sud Ouest, une petite incise, révélatrice des belles intuitions des NJP: Wynton Marsalis, l’idole et le parrain (statufié, de son vivant, sur une place de la commune) de Jazz in Marciac a été programmé à Nancy dès 1983. Il n’a joué pour la première fois à Marciac qu’en 1991!
Une petite équipe très efficace est actuellement aux commandes de l’association, avec présent depuis, pratiquement*, le début de l’aventure, un duo emblématique en tête de pont : Claude-Jean Antoine dit « Tito », président de l’association organisatrice et Patrick Kader dit « Patou », directeur artistique.
Tito et Patou deux surnoms juvéniles pour les deux seniors plus, omniprésents « patrons » du festival.
NB : les démographes et les sociologues situent la catégorie senior à partir de 55 ans. Discutable…
Tito faisait partie de la toute première équipe fondatrice et Patou se présente en souriant : « J’ai débuté comme Tito il y a fort longtemps… mais au début je tenais le bar » ! Il est, me dit-il, un «fidèle lecteur de Jazz Magazine».
Actuellement Patou reçoit pour sa programmation plus de 1500 propositions par an, il écoute et visionne moult CD et vidéos, et visite régulièrement festivals et concerts… Pourtant tout en veillant au grain il ne cesse de plaisanter.
Etre promené et guidé par Tito pendant 3 soirées sur les différents lieux du festival (il y en a au moins 8 principaux, si je n’ai pas fait d’erreur dans mon dénombrement, avec comme QG central, le grand chapiteau planté dans le superbe Parc de la Pépinière) est une source permanente d’étonnements. Dans une soirée de déambulation nancéenne il serre la main d’environ 194 hommes de tous âges. Il connait le nom d’au moins 167 d’entre eux… Il fait la bise à 422 femmes, de tous âges aussi. Il connait les noms et prénoms de 418 d’entre elles…
Il s’enquiert de la forme (et des éventuels soucis) de chacun (salariés, bénévoles, musiciens, membres de l’association, spectateurs…). Il collecte les ressentis de chacun, avant, pendant et après les concerts.
A chaque étape de son marathon quotidien sur les sites des NJP il boit, au moins, une petite bière. Et pourtant à 78 ans il a toujours le ventre plat « comme une limande » (ici on sent poindre nettement un peu de jalousie du chroniqueur en surpoids chronique…).
J’exagère ?
Oui… mais pas assez !
Trêve de plaisanterie : Tito est apparemment infatigable et tout simplement incroyable. Vraiment. Une carrière plus qu’étonnante.
Il a longtemps mené une sorte de double vie. Il travaillait dans l’industrie tout en étant impliqué dans moult associations.
Quelques étapes (enfin, celles que j’ai pu mémoriser…): aux côtés, en 1964, de Jack Lang le nancéen pour le Festival Mondial du Théâtre Universitaire de Nancy, organisation de concerts, créations de clubs de jazz en Lorraine, chargé de la diffusion commerciale du Velcro (ce produit miracle aussi surnommé aujourd’hui scratch) dans les années 60, membre de la commission ministérielle d’attribution du label Zénith dans les années 80, responsable d’une école de musique (où, entre autres, Diego Imbert fut étudiant), patron du Zénith de Nancy pendant 15 ans (ce qui l’obligea à quitter la présidence de l’association NJP), puis retour à présidence officielle des NJP depuis 2007 (mais il fut toujours très présent et influent dans le CA de l’association même quand il dirigeait le Zénith)…
Yannick Vernini une des plus belles plumes du grand quotidien l’Est Républicain (qui « couvre » généreusement le Festival : une ou deux pages minimum chaque jour sur les NJP) m’a confié en salle de presse un projet qu’il espère concrétiser : « J’aimerais vraiment faire un livre sur l’incroyable parcours de Tito. Il a une mémoire d’éléphant – note du rédacteur : je l’ai amplement constaté !-. Il serait constitué de nombreux courts chapitres très vivants. A son image. Pour l’instant Tito ne m’a toujours pas dit oui… Mais avant la 45ème édition en 2018 je ne ne désespère pas de le convaincre ».
Ce serait bien que Tito accepte pour que, entre autres, ses quatre petits enfants apprennent qui était leur étonnant grand père…
« Tito » et « Patou »… (avec l’aimable autorisation de Denis Desassis / Citizen Jazz)
L’édition 2017, comme l’a titré un grand quotidien parisien du soir, fut, comme toujours « Un tour de piste éblouissant de toutes les tendances, stars et talents émergents ».
Franck Bergerot est venu ici le 11 octobre et nous a dit le plus grand bien de sa soirée à Nancy (voir son jazzlive publié le 12/10).
Je ne fus présent que 3 jours. Mais ce fut fort dense.
Les principaux lieux où se déroulent les concerts sont assez éloignés les uns des autres et comme on ne peut être partout, Tito eut la gentillesse (comme déjà évoqué plus haut) de me « promener » dans un slalom automobile millimétré pour que je puisse découvrir la spécificité de chaque lieu. En profitant pour bavarder quelques instants à chaque entrée de parking avec les policiers municipaux et les vigiles…
Qu’il connait aussi d’ailleurs pratiquement tous !
Les concerts
Lundi 16 octobre
A peine descendu du train, direction le théâtre de la Manufacture (belle salle de 350 places). On loupe (les concerts débutent à 20 h ici) le duo (accordéon/piano) Fabrice Bez/Pierre Boesplug. C’est l’entracte. Dans le hall, les spectateurs qui ont assisté à cette première partie nous disent le plus grand bien de la prestation des deux musiciens lorrains. Les NJP programment, systématiquement, depuis 1973 des musiciens d’« ici ». Fabrice Baez vient bavarder avec nous et m’offre le dernier CD du duo « Les derniers vertiges évanouis ».
Leur projet : « Des compositions originales ouvertes, sans format préétabli, rigueur de l’écriture cohabitant avec une grande liberté dans les improvisations, musique narrative qui flirte avec les contours d’un jazz expressionniste. ».
Le CD du duo Fabrice Bez/Pierre Boesplug
En deuxième partie Donny Mc Caslin, en quartet démontre avec vitalité qu’il n’est pas que « le sax qui a enregistré avec Bowie dans l’album Blackstar» ! Son CV en témoigne d’ailleurs : une douzaine d’albums et de nombreuses participations à différents projets. Instrumentiste virtuose, au son très « new-yorkais ». Son batteur (Nate Wood) joue bien mais ne nous fait pas oublier que Donny a joué avec Mark Guiliana !
Aux claviers Jason Lindler « en met partout » et à fort volume… Il est brillant mais dans cette petite salle ses nappes (avis personnel) saturent un peu. Gros succès.
Le concert de La Manufacture à peine terminé départ pour le chapiteau plein à craquer : Emir Kusturica & The No Smoking Orchestra est à l’affiche. C’est paradoxal, mais, blaguounette à deux balles, Emir et son No Smoking « enfument » le chapiteau avec leur musique tape à l’oeil ! Public ondulant et plus que ravi (quasi en extase du côté des groupies collées aux barrières tout près de la scène). Les NJP veulent être un « festival populaire mais pas populiste »… Avec Kusturica, l’objectif est largement atteint du côté populaire… Côté populiste : la question est posée !
Musique de balloche balkan avec des musiciens très « modestes » (en étant gentil) mais, il est vrai, très dynamiques et ultra-spectaculaires. Et çà marche. Vraiment. On ne peut objectivement que le constater.
Constat déjà établi plusieurs fois pour ma part entre autres à Vienne et à Marciac.
En tous cas, idéal pour les organisateurs de festival : il y a beaucoup de monde et les spectateurs se régalent.
Mardi 17 octobre
A La Manufacture (20 h) : Paul Lay Trio et son projet « The Party ». Paul Lay, prix Django Reinhardt en 2016, est d’Orthez. Du Sud Ouest donc, tout près de Pau où je vis. Un pays comme on dit.
Depuis 10 ans je suis avec grand plaisir et attention son ascension et ses multiples projets. En trio « classique » (p, b, dr) drivé de main de maître par Dré Pallemaerts (qui fut son professeur au Conservatoire Supérieur de Paris) ça roule tout seul…Improvisateur créatif et audacieux, ses compositions sont riches et complexes. Jeu profond, sensible. Compositeur, raconteur d’histoires et rythmicien hors pair. Quelle main gauche !
Ses chorus toujours surprenants révèlent son amour de nombreuses musiques et tout particulièrement du classique.
Côté jazz, Paul a des gouts très éclectiques qui montrent son incroyable ouverture d’esprit. Ses pianistes préférés embrassent toute l’histoire du jazz: Ellington, Cecil Taylor, Paul Bley, Ran Blake, Jelly Roll Morton, Earl Hines et Monk. Monk justement qu’il honora avec une superbe version de son « Thelonious ».
Clemens Van Der Feen, Paul Lay, Dré Pallemaerts
A 22 h Craig Taborn en quartet succéda à Paul Lay. Graig ne joue pas que du piano acoustique comme Lay avec son trio mais il maîtrise avec subtilité les claviers numériques. Belle entente entre les membres de son groupe.
Au Chapiteau : soirée Hommage à Django.
Deux grands guitaristes pour rendre hommage à Django : Bireli Lagrène et son Gipsy Project en première partie et Django Memories de Stochelo Rosenberg après l’entracte. Deux mille personnes sont présentes sous le chapiteau, en version public assis (pas comme pour Emir où le chapiteau était en configuration public debout). On arrive juste pour le rappel.
Ce n’était pas prévu (paraît-il, pour des questions de management) mais Bireli se joint avec visiblement grande envie et grand plaisir (ainsi que son saxophoniste Franck Wolf ) au groupe de Stochelo Rosenberg pour un boeuf final dans la grande tradition. Echanges complices et virtuoses sur Minor Swing. Le public aux anges.
Hono Winterstein (g) « maître es pompe manouche » et compagnon fidèle de Bireli a joué toute la soirée : il était au générique des 2 groupes programmés ! Dans le film Django sorti au printemps 2017 (dont une partie de la bande son a été jouée et composée par Stochelo Rosenberg) Hono s’est révélé excellent comédien.
Solide petit-dej pour Stochelo après une longue nuit à « boeuffer » dans le hall de l’Hôtel Mercure
Bireli et Franck Wolf vivent dans la région. Wolf organise régulièrement des concerts à Uhrwiller, petite commune (714 habitants) de la région Grand Est. Il y invite de nombreux amis musiciens de tous styles. Il enregistre ces concerts très conviviaux et vient d’éditer une sélection d’extraits de ces concerts : Franck Wolf & Friends. Strasax, dont il est un des piliers, prépare une série d’événements à l’occasion du vingtième anniversaire du groupe.
Bireli et Franck, une amitié indéfectible
Le CD « souvenirs/souvenirs » de Franck
Mercredi 18 octobre
Beaucoup de choses encore. Comme chaque jour ici.
A l’Autre Canal, un immense lieu aménagé dans un ancien abattoir, consacré aux Musiques Actuelles, deux « grands » ensembles déjantés, étonnants et inclassables : « Le grand orchestre psychédélique de la Nouvelle Austrasie » (17 musiciens pour une « musique obsessive et enveloppante ») et « L’Orchestre tout puissant Marcel Duchamp XXL » (14 musiciens : « énergie, joie, exaltation, danse… »).
Mais où vont-ils chercher tout çà ?
Beaucoup de monde…
L’Austrasie est le nom d’un boulevard de Nancy !
Au Chapiteau, une fois de plus plein comme un oeuf : « Gramatik ». Un DJ slovène à forte notoriété du côté des musiques électroniques.
Pas du tout touché d’ordinaire par ces musiques je décide pourtant d’aller « jeter une oreille ».
De loin (de très loin… bonjour les décibels !) en arrivant au Parc de la Pépinière j’entends une guitare solo bien accompagnée par des riffs et des lignes de basse groovy…
Finalement (in petto) : on dirait qu’il y a un groupe ?
Et bien non… Gramatik est aux platines et seul un guitariste est à ses côtés.
Bluffant : ça pulse (normal pour les NJP!), c’est agréable, aéré.
Rentré à l’hôtel, je google-ise Grammatik et je comprends pourquoi il m’a étonné : « Ce DJ reprend des classiques de style funk, jazz ou soul en y ajoutant une basse profonde et un beat entraînant ».
OK.
J’apprends aussi qu’il « pratique également le dubstep ». Pour le Dubstep… je donne ma langue au chat.
L’hommage à Jef Gilson
En ce mercredi soir, veille de mon départ, les NJP proposaient une grande première : un hommage à Jef Gilson… qui avait joué ici lors de la première édition, en 1973 !
Une belle idée de Patou : honorer la mémoire de Jef Gilson, en invitant le Palm Unit, groupe qui vient de naître et dont fait partie le musicien malgache Del Rabenja.
Del était présent aux NJP en 1973!
Del avec son étui de valiha (petite harpe malgache)
Jef Gilson (1926/2012) personnage clé de l’histoire du jazz en France, est fort méconnu aujourd’hui, hors d’un petit cercle d’érudits. Dont fait partie, Jérome Simonneau, qui présente ainsi Jef dans une étude qu’il lui a consacrée : « J. Gilson à démarré sa carrière à 20 ans en 1946 à la clarinette aux côtés de Boris Vian et a donné son dernier concert au piano en 2002 avec son vieil ami Jacques Di Donato. Entre temps, il a occupé tous les postes que le jazz lui offrait : compositeur, chef d’orchestre, arrangeur, graveur de vinyle, pianiste, chanteur, critique, ingénieur du son, producteur, enseignant, théoricien, patron de labels… Il a également conjugué son jazz à toutes les modes (quand il ne les précédait pas) : be bop, modal, oriental, free, afro, spiritual, blues…Il est également reconnu comme un grand découvreur de talents : dans les années 60, Gilson révèle ainsi les Henri Texier (qui entre dans son orchestre à 16 ans!), Jean-Luc Ponty, Jean-Louis Chautemps, Bernard Lubat, Michel Portal, François Jeanneau, Jacques Di Donato, Bernard Vitet, Jean-Charles Capon, François Tusques, Eddy Louiss, Christian Vander, Pierre-Alain Dahan et beaucoup d’autres. Les Américains ne sont pas en reste : Lloyd Miller, Nathan Davis, Woody Shaw, Philly Joe Jones, Bill Coleman, Sahib Shihab, Hal Singer, Byard Lancaster, Joe McPhee, David Murray ou Khan Jamal, qui ont fait un bout de chemin avec Gilson pendant leur séjour à Paris. »
Jef avait aussi créé une revue « L’indépendant du jazz »… Un titre qui en dit long sur sa personnalité inclassable !
Tout jeune jazzfan j’avais assisté, émerveillé, au concert de Jef à Antibes en 1965 (avec Lubat au vibraphone), je l’avais aussi entendu chanter dans les Double Six (quand Mimi Perrin était malade, il y avait aussi Lubat… au chant)…
Il avait créé le label Palm. Il suffisait de sonner à sa porte et il vous faisait visiter son petit appartement/studio, rue du Faubourg St Denis, où le piano à queue occupait pratiquement la moitié de la surface de son logement!
A la fin des années 60 il part à Madagascar et découvre toute une nouvelle génération de musiciens malgaches talentueux qui vont faire de belles carrières en France comme, entre autres, les frères Rabeson, Serge Rahoerson, Sylvin Marc et… Del Rabenja…
L’album Jef Gilson & Malagasy, chez Palm Records, est emblématique du travail de Gilson avec les jazzmen de Madagascar.
Etonnant: certains vinyls du label Palm, dont le Malagasy, se vendent sur les sites spécialisés pour collectionneurs compulsifs autour de 500 euros (en bon état, comme il se doit en la matière… bien sûr!).
Parmi eux : Gilles Peterson (Worldwide), Thurston Moore (Sonic
Youth) ou Dan Snaith (Caribou). Plusieurs albums de Jef ont fait l’objet de quelques compilations sur le label de réédition anglais Jazzman Records ?
Antoine Rajon, producteur et label manager, a souvent rencontré Jef Gilson, dans les 15 dernières années de sa vie. Jef vivait dans l’Ardèche, affaibli par les suites d’un AVC. Jef a permis à A. Rajon d’écouter ses innombrables masters. Rajon a même été le premier à rééditer, en 2004, une partie de son oeuvre sur le défunt label Isma’a.
L’an dernier Rajon a décidé de construire un projet et d’enregistrer un album avec des musiciens qu’il apprécie. Le nom du groupe, bon sang mais c’est bien sûr ! : « Palm Unit ». Double clin d’oeil : au label Palm que Jef avait fondé, et au Gilson Unit, nom sous lequel son orchestre avait sorti un disque sur Futura.
Superbe photo pour la communication du Palm Unit (copyright Christophe Charpenel)
Comme Jérôme Simonneau, A. Rajon se désole que le nom de J. Gilson soit tombé dans l’oubli mais dans le texte de présentation du CD Chant Inca qui va sortir le 27 novembre chez Super Sonic Jazz il reconnaît que « Pour être tout à fait honnête, même les musiciens français -choisis par Rajon pour le Palm Unit- le saxophoniste Lionel Martin (uKanDanZ), le claviériste Fred Escoffier (Le Sacre du Tympan) et le batteur Philippe « Pipon » Garcia (Erik Truffaz Quartet) n’en avaient jamais entendu parler... ».
Le CD « Chant Inca » qui sort le 27 novembre
Dans le cd comme sur scène on constate que cette « virginité » du trio, est « ce qui pouvait arriver de mieux à cet hommage car le groupe joue sans a priori, et de manière totalement décomplexée, le répertoire de Gilson, en le réinventant tout en gardant la substance originelle. Les claviers sonnent presque psychédéliques (pas si loin parfois du jeu d’Eddy Louiss sur les disques des années 60 de Jef), le saxophone griffe, miaule et minaude, tandis que la batterie fait groover l’ensemble. » (J.S déjà cité).
« On stage » aux NJP cette analyse est totalement confirmée. D’entrée sur Chant Inca un des thèmes fétiches de Jef, au saxophone, Lionel Martin a « renversé la table ».
Le Palm Unit au rappel aux NJP
Del Rabenja, qui joue de la valiha (petite harpe malgache) invité d’honneur de ce PALM UNIT, a fait partie de plusieurs groupes de Jef Gilson dans les années 70 et a enregistré quelques disques sur le label Palm. Il a été agréablement surpris de redécouvrir ces morceaux qui sonnent toujours de manière très actuelle, des décennies après leur création.
Pour Del, qui retrouvait, ému, Nancy, 44 ans après le lancement des NJP, c’était le premier concert public du Palm Unit depuis l’enregistrement de l’album. Alors qu’il est aussi guitariste, pianiste et saxophoniste il n’a joué ici que de la vahila. Une tournée va débuter et il envisage de jouer de ses autres instruments.
Lionel Martin, au ténor, est un phénomène : gros son quasi texan, il arpente la scène en tous sens en gesticulant. Qui plus est, il est très grand. Impressionnant.
Il adore jouer dans la rue. Tout jeune il a gagné sa vie ainsi… A neuf heures du matin le lendemain de son concert, mais sans faire la manche désormais, il jouait « sauvagement » devant la gare de Nancy devant nombre de voyageurs pour le moins étonnés.
Je termine ici ce compte-rendu « fleuve »… Et encore… je n’ai pas évoqué, les concerts dans les bars et au Magic Mirrors ! Ni les multiples papotages qui font les délices des festivaliers!
La prochaine édition des Nancy Jazz Pulsations qui marquera les 45 ans du festival se tiendra du 10 au 20 octobre 2018. Tito et Patou disent que ce pourrait être la dernière…
On a du mal à les croire.
Wait and see donc.
Pierre-Henri Ardonceau
*On peut retrouver toutes les programmations (jusqu’en 2013) dans le livre: « Quarante ans de NJP » (Editions Le Mot et le Reste).
** En « google-lisant » les Nancy Jazz Pulsations on peut apprendre encore bien des choses sur cette incroyable aventure.