Gilad Hekselman au Sunset: la leçon de guitare
Je croyais savoir à peu près ce qu’était un excellent guitariste. Mais en une soirée, Gilad Hekselman m’a obligé à revoir mes références…
Gilad Hekselman (guitare), Mark Turner (Sax ténor), Rick Rosalo (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie), Le Sunset, 10 novembre 2017
A la fin du concert, alors que j’étais en train de m’extasier, avec mon ami Yann Lorang, sur l’extraordinaire concert auquel nous venions d’assister, Paul Jarret (lui-même formidable guitariste, allez donc écouter PJ5 mais aussi le Sweet Dog trio) s’est un peu foutu de notre gueule: « Bien sûr qu’il est monstrueux….Mais enfin les gars, vous débarquez ou quoi? Vous n’avez pas entendu ses disques avec Ari Hoenig? Faut vous réveiller! ». On a baissé la tête, cherchant une excuse qu’on n’a pas trouvée, et l’on on s’est sentis un peu penauds.
Alors, qu’a t’il de particulier ce super guitar hero qui avait attiré au Sunset tous les gratteux de Paris et de sa banlieue? Joue t’il plus vite que tout le monde? Parcourt-il son manche à la vitesse de la lumière? Oui mais non. Dès l’introduction, on comprend que cela ne se joue pas sur le galop mais sur le toucher. Quelle merveilleuse entrée en matière, tout en caresses et en effleurements, presque un murmure (je crois qu’il s’agit d’un des thèmes de Homes, son dernier disque, d’ailleurs sur ce disque toutes les compositions sont de Gilad Hekselman sauf Last Train Home de Pat Metheny, Samba em preludio de Baden Powell, Parisian thoroughfare de Bud Powell, ce qui est déjà l’esquisse d’une esthétique).
Merveilleux toucher, donc, mais aussi une manière fine et profonde de mettre en place des polyphonies savantes et sensuelles, en entrelaçant les voix, en les faisant dialoguer entre elles. Et par ailleurs, en dehors du toucher et des polyphonies, de cette manière très compositionnelle d’improviser, je note les dynamiques que déploie Gilad Hekselman. dans ses solos, ça part tout doux, ça monte, et tout-à-coup une note fulgurante vient vous vriller la poitrine. Hekselman est un architecte, il construit son propos, mais en gardant dans ses architectures complexes une part de surprise et d’imprévisibilité.
Et s’il était besoin de faire ressortir d’autres qualités, on mentionnerait la qualité de son interplay. Bien entendu, après avoir fréquenté un musicien comme Ari Hoenig, il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans la tête d’un batteur subtil. Il se livre à à un échange d’idées rythmiques avec son batteur actuel Jonathan Pinson, qui ressemble à un ping pong joyeux.
Et puis, autre chose, on repère aussi chez Gilad Hekselman une manière tout-à-fait originale et musicale d’utiliser les effets à sa disposition (boucles, bruitages éléctro). Hekselman les met en place souvent à la fin d’un morceau, sur quelques mesures ou quelques grilles, avec beaucoup de fluidité, comme un cuisinier qui ajouterait une pincée de sel en fin de cuisson.
L’entente avec Mark Turner est remarquable et concourt à rendre ce concert inoubliable. Je me souvenais d’un concert à Reims, où ses montées et descentes d’arpèges avaient quelque chose d’un peu systématique (il affrontait le trompettiste Avishai Cohen, ceci explique cela). Mais ici c’est tout le contraire, ces mêmes moyens saxophonistiques énormes sont mis au service de l’émotion. Quand il étire les notes dans le registre aigu, on a l’impression que par paliers successifs il nous ouvre les portes d’un pays inconnu. Le mélange entre cette extrême virtuosité saxophonistique, et cette sonorité fragile, un peu tremblante, incertaine est porteur d’une émotion troublante.
Parmi les moments inoubliables du concert, j’en citerais un seul, ce Moonlight in Vermont d’anthologie , plein d’intériorité, décanté de tout ce qui n’était pas chant pur. Les premières phrases de l’improvisation d’Hekselman étaient sublimes, à tel point que je m’en veux de ne pas les avoir retenues. En l’écoutant, je me disais: oui, vraiment, quelqu’un capable de jouer de telles phrases est un grand maître de la guitare.
texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (Autres dessins, gravures, peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com Pour acquérir un des dessins figurant sur ce blog, s’adresser à l’artiste à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com Prix modestes sauf pour les DRH et les taxidermistes)
|Je croyais savoir à peu près ce qu’était un excellent guitariste. Mais en une soirée, Gilad Hekselman m’a obligé à revoir mes références…
Gilad Hekselman (guitare), Mark Turner (Sax ténor), Rick Rosalo (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie), Le Sunset, 10 novembre 2017
A la fin du concert, alors que j’étais en train de m’extasier, avec mon ami Yann Lorang, sur l’extraordinaire concert auquel nous venions d’assister, Paul Jarret (lui-même formidable guitariste, allez donc écouter PJ5 mais aussi le Sweet Dog trio) s’est un peu foutu de notre gueule: « Bien sûr qu’il est monstrueux….Mais enfin les gars, vous débarquez ou quoi? Vous n’avez pas entendu ses disques avec Ari Hoenig? Faut vous réveiller! ». On a baissé la tête, cherchant une excuse qu’on n’a pas trouvée, et l’on on s’est sentis un peu penauds.
Alors, qu’a t’il de particulier ce super guitar hero qui avait attiré au Sunset tous les gratteux de Paris et de sa banlieue? Joue t’il plus vite que tout le monde? Parcourt-il son manche à la vitesse de la lumière? Oui mais non. Dès l’introduction, on comprend que cela ne se joue pas sur le galop mais sur le toucher. Quelle merveilleuse entrée en matière, tout en caresses et en effleurements, presque un murmure (je crois qu’il s’agit d’un des thèmes de Homes, son dernier disque, d’ailleurs sur ce disque toutes les compositions sont de Gilad Hekselman sauf Last Train Home de Pat Metheny, Samba em preludio de Baden Powell, Parisian thoroughfare de Bud Powell, ce qui est déjà l’esquisse d’une esthétique).
Merveilleux toucher, donc, mais aussi une manière fine et profonde de mettre en place des polyphonies savantes et sensuelles, en entrelaçant les voix, en les faisant dialoguer entre elles. Et par ailleurs, en dehors du toucher et des polyphonies, de cette manière très compositionnelle d’improviser, je note les dynamiques que déploie Gilad Hekselman. dans ses solos, ça part tout doux, ça monte, et tout-à-coup une note fulgurante vient vous vriller la poitrine. Hekselman est un architecte, il construit son propos, mais en gardant dans ses architectures complexes une part de surprise et d’imprévisibilité.
Et s’il était besoin de faire ressortir d’autres qualités, on mentionnerait la qualité de son interplay. Bien entendu, après avoir fréquenté un musicien comme Ari Hoenig, il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans la tête d’un batteur subtil. Il se livre à à un échange d’idées rythmiques avec son batteur actuel Jonathan Pinson, qui ressemble à un ping pong joyeux.
Et puis, autre chose, on repère aussi chez Gilad Hekselman une manière tout-à-fait originale et musicale d’utiliser les effets à sa disposition (boucles, bruitages éléctro). Hekselman les met en place souvent à la fin d’un morceau, sur quelques mesures ou quelques grilles, avec beaucoup de fluidité, comme un cuisinier qui ajouterait une pincée de sel en fin de cuisson.
L’entente avec Mark Turner est remarquable et concourt à rendre ce concert inoubliable. Je me souvenais d’un concert à Reims, où ses montées et descentes d’arpèges avaient quelque chose d’un peu systématique (il affrontait le trompettiste Avishai Cohen, ceci explique cela). Mais ici c’est tout le contraire, ces mêmes moyens saxophonistiques énormes sont mis au service de l’émotion. Quand il étire les notes dans le registre aigu, on a l’impression que par paliers successifs il nous ouvre les portes d’un pays inconnu. Le mélange entre cette extrême virtuosité saxophonistique, et cette sonorité fragile, un peu tremblante, incertaine est porteur d’une émotion troublante.
Parmi les moments inoubliables du concert, j’en citerais un seul, ce Moonlight in Vermont d’anthologie , plein d’intériorité, décanté de tout ce qui n’était pas chant pur. Les premières phrases de l’improvisation d’Hekselman étaient sublimes, à tel point que je m’en veux de ne pas les avoir retenues. En l’écoutant, je me disais: oui, vraiment, quelqu’un capable de jouer de telles phrases est un grand maître de la guitare.
texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (Autres dessins, gravures, peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com Pour acquérir un des dessins figurant sur ce blog, s’adresser à l’artiste à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com Prix modestes sauf pour les DRH et les taxidermistes)
|Je croyais savoir à peu près ce qu’était un excellent guitariste. Mais en une soirée, Gilad Hekselman m’a obligé à revoir mes références…
Gilad Hekselman (guitare), Mark Turner (Sax ténor), Rick Rosalo (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie), Le Sunset, 10 novembre 2017
A la fin du concert, alors que j’étais en train de m’extasier, avec mon ami Yann Lorang, sur l’extraordinaire concert auquel nous venions d’assister, Paul Jarret (lui-même formidable guitariste, allez donc écouter PJ5 mais aussi le Sweet Dog trio) s’est un peu foutu de notre gueule: « Bien sûr qu’il est monstrueux….Mais enfin les gars, vous débarquez ou quoi? Vous n’avez pas entendu ses disques avec Ari Hoenig? Faut vous réveiller! ». On a baissé la tête, cherchant une excuse qu’on n’a pas trouvée, et l’on on s’est sentis un peu penauds.
Alors, qu’a t’il de particulier ce super guitar hero qui avait attiré au Sunset tous les gratteux de Paris et de sa banlieue? Joue t’il plus vite que tout le monde? Parcourt-il son manche à la vitesse de la lumière? Oui mais non. Dès l’introduction, on comprend que cela ne se joue pas sur le galop mais sur le toucher. Quelle merveilleuse entrée en matière, tout en caresses et en effleurements, presque un murmure (je crois qu’il s’agit d’un des thèmes de Homes, son dernier disque, d’ailleurs sur ce disque toutes les compositions sont de Gilad Hekselman sauf Last Train Home de Pat Metheny, Samba em preludio de Baden Powell, Parisian thoroughfare de Bud Powell, ce qui est déjà l’esquisse d’une esthétique).
Merveilleux toucher, donc, mais aussi une manière fine et profonde de mettre en place des polyphonies savantes et sensuelles, en entrelaçant les voix, en les faisant dialoguer entre elles. Et par ailleurs, en dehors du toucher et des polyphonies, de cette manière très compositionnelle d’improviser, je note les dynamiques que déploie Gilad Hekselman. dans ses solos, ça part tout doux, ça monte, et tout-à-coup une note fulgurante vient vous vriller la poitrine. Hekselman est un architecte, il construit son propos, mais en gardant dans ses architectures complexes une part de surprise et d’imprévisibilité.
Et s’il était besoin de faire ressortir d’autres qualités, on mentionnerait la qualité de son interplay. Bien entendu, après avoir fréquenté un musicien comme Ari Hoenig, il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans la tête d’un batteur subtil. Il se livre à à un échange d’idées rythmiques avec son batteur actuel Jonathan Pinson, qui ressemble à un ping pong joyeux.
Et puis, autre chose, on repère aussi chez Gilad Hekselman une manière tout-à-fait originale et musicale d’utiliser les effets à sa disposition (boucles, bruitages éléctro). Hekselman les met en place souvent à la fin d’un morceau, sur quelques mesures ou quelques grilles, avec beaucoup de fluidité, comme un cuisinier qui ajouterait une pincée de sel en fin de cuisson.
L’entente avec Mark Turner est remarquable et concourt à rendre ce concert inoubliable. Je me souvenais d’un concert à Reims, où ses montées et descentes d’arpèges avaient quelque chose d’un peu systématique (il affrontait le trompettiste Avishai Cohen, ceci explique cela). Mais ici c’est tout le contraire, ces mêmes moyens saxophonistiques énormes sont mis au service de l’émotion. Quand il étire les notes dans le registre aigu, on a l’impression que par paliers successifs il nous ouvre les portes d’un pays inconnu. Le mélange entre cette extrême virtuosité saxophonistique, et cette sonorité fragile, un peu tremblante, incertaine est porteur d’une émotion troublante.
Parmi les moments inoubliables du concert, j’en citerais un seul, ce Moonlight in Vermont d’anthologie , plein d’intériorité, décanté de tout ce qui n’était pas chant pur. Les premières phrases de l’improvisation d’Hekselman étaient sublimes, à tel point que je m’en veux de ne pas les avoir retenues. En l’écoutant, je me disais: oui, vraiment, quelqu’un capable de jouer de telles phrases est un grand maître de la guitare.
texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (Autres dessins, gravures, peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com Pour acquérir un des dessins figurant sur ce blog, s’adresser à l’artiste à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com Prix modestes sauf pour les DRH et les taxidermistes)
|Je croyais savoir à peu près ce qu’était un excellent guitariste. Mais en une soirée, Gilad Hekselman m’a obligé à revoir mes références…
Gilad Hekselman (guitare), Mark Turner (Sax ténor), Rick Rosalo (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie), Le Sunset, 10 novembre 2017
A la fin du concert, alors que j’étais en train de m’extasier, avec mon ami Yann Lorang, sur l’extraordinaire concert auquel nous venions d’assister, Paul Jarret (lui-même formidable guitariste, allez donc écouter PJ5 mais aussi le Sweet Dog trio) s’est un peu foutu de notre gueule: « Bien sûr qu’il est monstrueux….Mais enfin les gars, vous débarquez ou quoi? Vous n’avez pas entendu ses disques avec Ari Hoenig? Faut vous réveiller! ». On a baissé la tête, cherchant une excuse qu’on n’a pas trouvée, et l’on on s’est sentis un peu penauds.
Alors, qu’a t’il de particulier ce super guitar hero qui avait attiré au Sunset tous les gratteux de Paris et de sa banlieue? Joue t’il plus vite que tout le monde? Parcourt-il son manche à la vitesse de la lumière? Oui mais non. Dès l’introduction, on comprend que cela ne se joue pas sur le galop mais sur le toucher. Quelle merveilleuse entrée en matière, tout en caresses et en effleurements, presque un murmure (je crois qu’il s’agit d’un des thèmes de Homes, son dernier disque, d’ailleurs sur ce disque toutes les compositions sont de Gilad Hekselman sauf Last Train Home de Pat Metheny, Samba em preludio de Baden Powell, Parisian thoroughfare de Bud Powell, ce qui est déjà l’esquisse d’une esthétique).
Merveilleux toucher, donc, mais aussi une manière fine et profonde de mettre en place des polyphonies savantes et sensuelles, en entrelaçant les voix, en les faisant dialoguer entre elles. Et par ailleurs, en dehors du toucher et des polyphonies, de cette manière très compositionnelle d’improviser, je note les dynamiques que déploie Gilad Hekselman. dans ses solos, ça part tout doux, ça monte, et tout-à-coup une note fulgurante vient vous vriller la poitrine. Hekselman est un architecte, il construit son propos, mais en gardant dans ses architectures complexes une part de surprise et d’imprévisibilité.
Et s’il était besoin de faire ressortir d’autres qualités, on mentionnerait la qualité de son interplay. Bien entendu, après avoir fréquenté un musicien comme Ari Hoenig, il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans la tête d’un batteur subtil. Il se livre à à un échange d’idées rythmiques avec son batteur actuel Jonathan Pinson, qui ressemble à un ping pong joyeux.
Et puis, autre chose, on repère aussi chez Gilad Hekselman une manière tout-à-fait originale et musicale d’utiliser les effets à sa disposition (boucles, bruitages éléctro). Hekselman les met en place souvent à la fin d’un morceau, sur quelques mesures ou quelques grilles, avec beaucoup de fluidité, comme un cuisinier qui ajouterait une pincée de sel en fin de cuisson.
L’entente avec Mark Turner est remarquable et concourt à rendre ce concert inoubliable. Je me souvenais d’un concert à Reims, où ses montées et descentes d’arpèges avaient quelque chose d’un peu systématique (il affrontait le trompettiste Avishai Cohen, ceci explique cela). Mais ici c’est tout le contraire, ces mêmes moyens saxophonistiques énormes sont mis au service de l’émotion. Quand il étire les notes dans le registre aigu, on a l’impression que par paliers successifs il nous ouvre les portes d’un pays inconnu. Le mélange entre cette extrême virtuosité saxophonistique, et cette sonorité fragile, un peu tremblante, incertaine est porteur d’une émotion troublante.
Parmi les moments inoubliables du concert, j’en citerais un seul, ce Moonlight in Vermont d’anthologie , plein d’intériorité, décanté de tout ce qui n’était pas chant pur. Les premières phrases de l’improvisation d’Hekselman étaient sublimes, à tel point que je m’en veux de ne pas les avoir retenues. En l’écoutant, je me disais: oui, vraiment, quelqu’un capable de jouer de telles phrases est un grand maître de la guitare.
texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (Autres dessins, gravures, peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com Pour acquérir un des dessins figurant sur ce blog, s’adresser à l’artiste à l’adresse suivante: annie_claire@hotmail.com Prix modestes sauf pour les DRH et les taxidermistes)