Jazz live
Publié le 18 Déc 2017
Spirit Dance au Moulin, à Vitrolles
C’est au sein d’un nouveau groupe que le trompettiste Fabrice Martinez revient au Moulin, à Vitrolles, deux ans, pratiquement jour pour jour, après un concert mémorable de son Chut! Il n’est plus leader dans ce Spirit Dance, un quintet musclé, emmené par une paire rythmique solide et affirmée, résolument complice formée par Yves Rousseau et Christophe Marguet.
Créé en novembre 2015, l’album est sorti au printemps de cette année. Le groupe tourne depuis, pas suffisamment sans doute et pas assez dans les festivals qui assurent toujours une belle caisse de résonance.
Les deux leaders se connaissent depuis longtemps, dix sept ans en fait, depuis la formation d’un quartet soudé avec Jean Marc Larché et Régis Huby. « Faire la basse derrière » n’a jamais été du goût du contrebassiste Yves Rousseau qui, très vite, a voulu écrire sa musique. Ce en quoi il rejoignait le batteur Christophe Marguet, lui aussi attiré par la gestion de l’espace sonore et la transdisciplinarité. Tous deux ont conçu des projets dans lesquels la musique vient du texte, du poème comme ceux de Ferré « Poète à vos papiers », de François Cheng ou de l‘intranquille Pessoa…
Tentés par l’aventure du renouvellement, les deux amis ont souhaité s’adjoindre d’autres partenaires pour explorer leurs thèmes originaux. D’où ce trio de solistes à la forte identité (David Chevallier, Bruno Ruder, Fabrice Martinez ) qui savent se nourrir de nombreuses musiques et n’ont aucunement l’intention de limiter leur palette stylistique. Ce que certains annoncent comme un retour au jazz est en effet totalement irrigué de rock.
La musique n’accroche cependant pas immédiatement : « Funambolo » ne fait pas se jeter dans le vide et « Le vent se lève », en dépit de la beauté de ce titre -aux résonances cinématographiques (Ken Loach) et littéraires ( Le cimetière marin de Valéry), ne fait pas frissonner. Mais avec le sautillant et imagé « The Cat », on se prend à sourire en suivant les facéties et grognements de la trompette féline de Fabrice Martinez, ces déplacements zébrés des stridences de la guitare électrique de David Chevallier (musicien des plus aventureux qui dans son parcours a déjà fait le grand écart entre baroque gesualdien, sweet pop et rock enflammé).
La mécanique fonctionne dès lors, le groupe fait corps, chacun avec sa technique excellente et un son propre. Ce sera ainsi jusqu’à la fin du concert, le plaisir ira crescendo, la coupure du premier set marquée par le fougueux « Fragrance », inmanquablement groovy, qui rompt avec la coloration plus élégiaque, délicatement lyrique de « Pénombre » et « Bleu nuit ».
De la deuxième partie du dernier concert de l’année de Charlie, après une tombola qui permet à un public enthousiaste de gagner Cds et places pour des concerts à venir, on retiendra quelques titres, un « Fruit frais » où Christophe Marguet ne déroge pas à la tradition d’un solo de batterie, et ces « Day off » et « Marcheur » qui emballent l’assistance avec les effets ingénieux de pédale et les embardées d’une guitare en fusion.
On se laisse porter par la fluidité des lignes mélodiques alors même que l’organisation des morceaux change, que les structures éclatent par des ruptures de tempo, dans une remarquable parité des solistes : ils s’équilibrent en effet sans hiérarchie aucune, faisant naître les improvisations. Cette danse de l’esprit va de la lenteur à l’emportement, unissant fantaisie et ardeur, chacun des musiciens se chargeant à son tour de conduire les autres. Ainsi couples et trios se font et se défont, avec un très bel exemple de l’association « classique »
De la deuxième partie du dernier concert de l’année de Charlie, après une tombola qui permet à un public enthousiaste de gagner Cds et places pour des concerts à venir, on retiendra quelques titres, un « Fruit frais » où Christophe Marguet ne déroge pas à la tradition d’un solo de batterie, et ces « Day off » et « Marcheur » qui emballent l’assistance avec les effets ingénieux de pédale et les embardées d’une guitare en fusion.
On se laisse porter par la fluidité des lignes mélodiques alors même que l’organisation des morceaux change, que les structures éclatent par des ruptures de tempo, dans une remarquable parité des solistes : ils s’équilibrent en effet sans hiérarchie aucune, faisant naître les improvisations. Cette danse de l’esprit va de la lenteur à l’emportement, unissant fantaisie et ardeur, chacun des musiciens se chargeant à son tour de conduire les autres. Ainsi couples et trios se font et se défont, avec un très bel exemple de l’association « classique »
piano/contrebasse/batterie dans la suite bipartite « Light and shadow », avec un piano/fender dans toute son amplitude, quasi orchestrale. Il existe une complicité affirmée entre trompette et guitare : comme d’ un
« guitar heroe », on peut parler de « trumpet heroe » pour Fabrice Martinez, qui évolue d’un titre à l’autre, sans moelleuse complaisance. Un lyrisme qui ne veut pas de joliesse, avec des aigus qui forcent leur passage.
Mon voisin me souffle qu’il croit entendre quelques ressemblances avec le son très original d’Ambrose Akinmusire, le trompettiste aux titres aussi longs qu’improbables.
La photo de Jeff Humber de la pochette du Cd a de quoi interpeller, puisqu’elle allie dans un équilibre forcément instable, puissance et grâce, deux directions vers lesquelles tendent les instrumentistes de ce trio. J’y ai trouvé pour ma part plus d’énergie, de force joyeuse et d’excitations électrisantes.
Les deux derniers morceaux, le titre éponyme « Spirit Dance » et un hommage chaloupé à « Charlie Haden » réchauffent par leur force entraînante en ce samedi venté de la mi-décembre.
Nb: les photos sont de Gérard TISSIER, l’oeil de Charlie.
Sophie Chambon