FRANCK TORTILLER COLLECTIV, création au Sceaux What
Création d’un nouvel orchestre, dans le cadre de la résidence quinquennale de Franck Tortiller à la Scène nationale Les Gémeaux de Sceaux, et début très prometteurs sur scène d’un groupe dont le disque paraîtra fin avril sous le label MCO, avec le concours de la collection MFA (Musique Française d’Aujourd’hui).
Orchestre Franck Tortiller ‘MCO Collectiv’
Pierre Bernier (saxophones ténor & soprano, Maxime Berton (saxophones alto & ténor), Abel Jednak (saxophone alto), Joël Chausse & Rémy Béeseau (trompettes, bugles), Tom Caudelle (saxhorn, flugabone), Léo Pellet (trombone), Yovan Girard (violon, voix, textes), Pierre-Antoine Chaffangeon (piano électrique), Pierre Elgrishi (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie), Franck Tortiller (vibraphone, composition, arrangement, direction)
Sceaux, Les Gémeaux-Sceaux What, 2 février 2018, 21h30
Quatrième année de résidence du vibraphoniste-compositeur-chef d’orchestre à Sceaux, et première d’un projet épaulé par Grands Formats et l’association Musique à ciel ouvert. Sur scène de jeunes musiciens que l’on a entendus en juillet dernier au festival de Couches au sein de l’OJJB (Orchestre des jeunes jazzmen de Bourgogne, créé et dirigé par le vibraphoniste) dans la musique de Duke Ellington. Ils sont désormais partie prenante de ce nouvel orchestre, ‘MCO Collectiv’, où les rejoint le chevronné Joël Chausse dans le rôle prépondérant de premier trompette (et brillant soliste!). Au fil du concert, l’orchestre va jouer la musique du disque à paraître le 22 avril (http://www.labelmco.com/). Après un coup de chapeau introductif à Charles Mingus, Hobo Ho, dans lequel le guitariste basse va distiller, au fil de son chorus, quelques riffs en forme de souvenirs de Haitian Fight Song, place au répertoire original composé par le leader : un thème puis une suite en trois parties qui vont être assemblés comme une vaste suite, avec changements de climats et d’intensité. Solo vertigineux du leader, rejoint par le plus jeune des trompettistes qui relève le défi, solo de trombone, chantant puis véhément, dans la première partie de la Suite en F, puis batterie et piano électrique dans l’étape suivante, et sax ténor de Maxime Berton pour conclure cet ensemble marqué par des transitions brillantes et périlleuses, et une constante effervescence où se mêleraient le souvenir de Mingus et celui du Vienna Art Orchestra (dont Franck Tortiller fut membre sept années durant). Dans le thème suivant, Up and standing, évocation du disque «On the Corner» de Miles Davis, Joël Chausse au bugle place la barre très haut, rejoint ensuite par Pierre Bernier au ténor, qui commence dans un registre fluide, très phrasé, avant de s’autoriser quelques hardiesses. Vient le moment des spoken words, brillamment écrits, et interprétés, dans une langue qui est davantage celle du Bronx que l’idiome de Shakespeare, par le violoniste Yovan Girard : beau moment de prosodie syncopée, totalement raccord avec le climat général du projet. Franck Tortiller s’offre ensuite le plaisir solitaire d’un standard, I Can’t Get Started With You (souvenir de l’un des ses deux premiers disques de jazz à l’adolescence, version Max Roach-Clifford Brown), qu’il métamorphose en faisant de son vibraphone tout un orchestre, avec un lyrisme que la virtuosité n’a pas écrasé. La composition qui suit prolonge cette atmosphère de ballade : ici le violon mêle le chant tzigane et la musique de l’Inde du Sud, et le sax alto d’Abel Jednak n’est pas en reste de lyrisme, avant que le vibraphone n’exprime sa liberté sur un tapis orchestral valsant, qui se fondra dans des harmonies de chant choral, le tout s’enchaînant à une brève séquence de rap véhément, avant la conclusion, comme sur l’album à paraître, par une pièce très collective sur laquelle va surfer Tom Caudelle au saxhorn. En rappel, après une séquence binaire bien sentie, avec prises de parole individuelles et collectives, une ballade pop offrira un dernier dialogue entre violon et sax alto.
Belle et réjouissante soirée, première d’une série de cinq qui met en évidence la fidélité des Gémeaux, et de sa directrice François Letellier, aux artistes accueillis : indispensable rouage culturel qui, selon la formule d’un célèbre élu aussi charentais que nivernais, «donne du temps au temps». Le disque arrive bientôt, et l’orchestre jouera en juillet au festival de Couches, capitale du Pays Couchois, et au Paris Jazz Festival, pour ne pas snober cette autre capitale….
Xavier Prévost
L’orchestre poursuit sa série au Sceaux What les 3, 8, 9 et 10 février 2018
Un avant-ouïr sur Youtube