Jazz à Luz 2018 : Journée 1
Pour débuter sa 28e édition, Jazz à Luz avait décidé de faire une entrée en douceur, deux concerts davantage ciblés vers les amateurs, et deux formations à destination du grand public.
Festival Jazz à Luz
Mercredi 11 juillet, Luz-Saint-Sauveur (65)
18h, Place des templiers
Vuelta a la fuente
Claire Gimatt (vx), Pepe el mosca (vx), « Alanito » Alain Fourtine (g), Roger Cazenave Leepong (perc)
Face à l’église des templiers, la musique flamenco de Vuelta a la fuente rassemble un grand nombre d’auditeurs. Pas de danseuses tapant du pied, pas de grande envolée lyrique des vocalistes, pas de ferveur outrancière. Avec ce quartette, il s’agit de dire juste, de faire le pari de la nuance. Cela fonctionne à la perfection vu le succès remporté.
Après le concert, les discours traditionnels d’ouverture de festival sont très courts. Jean-Pierre Layrac rassure notamment ses festivaliers suite au ton pessimiste de l’édito du programme. La préparation de cette nouvelle fournée fut apparemment très difficile, la faute à des subventions ayant fondu comme neige au soleil, une pression financière toutefois rendue plus soutenable grâce à une aide bienheureuse de la DRAC sur la longue durée, le représentant de l’instance, présent, confirmant l’annonce toute récente de vive voix.
20h, Chapiteau du verger
Le Grand Sbam
Jessica Martin Maresco (vx), Marie Natchury (vx, récit), Aurélie Burgos (fl), Clélia Bobichon (cl), Mélissa Acchiardi, Guilhem Meier (perc), Jérôme Bertholon (g, elg), Mathieu Lemennicier (g), Laure Beretti, Nathalie Cornevin, Joanna Ohlmann (harpes), Antoine Arnena (kb, seaboard, joystick), Calliope Chaillan (clavecin), Amaryllis Billet (vl), Lise Péchenard, Nicolas Cerveau (vlle), Emilie Martin-Marti (cb), Jules Desgoutte (machines), Maria Gache (danse), Léo Margue (dir).
Depuis plusieurs années, le festival donne la voix à une ou plusieurs grandes formations de musique expérimentale. Le choix, osé, s’est porté cette année sur les Lyonnais du Grand Sbam. Harpes, clavecin et cordes y côtoient guitare et claviers électriques, les premiers sans doute tenus par des musiciens issus du Conservatoire de Lyon, les autres par des autodidactes, comme le laisse supposer le texte du programme.
Cette vingtaine d’artistes présente un projet très ambitieux sous forme d’une très, voire trop longue suite, pas seulement musicale. En effet, en plus d’une réflexion sur l’équilibre entre écriture et improvisation ou sur le relais des prises de responsabilité des acteurs musicaux, la forme même de la prestation scénique a elle aussi été pensée : jeux de lumière, insertion de textes (récités, lus, joués), place accordée à la danse, etc., toute une scénographie bousculant les codes figés du concert.
Après une introduction « d’atmosphère » avec texte récité en voix off, le chef lance ses instrumentistes. Cette première partie s’avère totalement écrite. Très crispés sur leurs partitions, les interprètes transforment les unissons en hétérophonie. Mais bientôt des vocalistes apparaissent sur scène avant que, au-dessus de tenues aux sonorités toutes contemporaines, elles soient finalement rejointes par une danseuse de flamenco. S’ensuit une partie très serrée dans son écriture, à la fin de laquelle l’une des vocalistes se fait tout à coup conférencière. Elle indique alors les différentes fins possibles de la partie en jeu, l’orchestre illustrant chacune des configurations annoncées : fin grandiose, fin produite par un DJ « touché par le génie », fin dans le silence, etc. Viennent ensuite des passages de musique de chambre (l’ensemble ayant alors enfin trouvé un son cohérent), de percussions seules, de sound painting (non prévue apparemment), de lecture commentée, de flamenco déréglé, de mélodie faussement néo-classique, etc.
Si l’ingéniosité, l’originalité, la volonté de repenser la relation entre les arts furent unanimement soulignés par tous à l’issue de la représentation, les critiques de longueurs et un certain côté patchwork, voire fourre-tout, revinrent également dans toutes les bouches des festivaliers. Pour ma part, j’ajouterais que la dimension parodique m’apparut ambiguë. Exercice délicat, il convient dans ce cas d’avoir les moyens de ses aspirations/prétentions. Il n’empêche : la potentialité et le talent dont le Grand Sbam fit preuve augurent de créations abouties et d’autant plus touchantes.
23h30, Le Verger
Edredon sensible
Jean Lacarrière (ts), Tristan Charles Alfred (bs), Mathias Bayle, Antoine Perdriolle (dr, perc).
En contraste total, Edredon sensible proposa une musique totalement festive face au bar de plein air du festival sur un principe simple : la puissance, la répétition vers la transe, le tout agrémenté des solos free de Jean Lacarrière. Avec une grande économie de moyen, mais une énergie communicative, le quartette fit rapidement danser les festivaliers.
Pour prolonger la nuit, les couche-tard se retrouvèrent à la Maison de la Vallée pour la musique encore plus transe et noise de Mange Ferraille (Etienne Ziemniak, Anthony Fleury et Thibault Florent). Contrairement à moi, épuisé, NeimadSoul s’y est rendu, a patienté (retard de presque une heure, pour une performance ayant donc débuté à 1h30), et n’a pas regretté. « Le meilleur moment de la journée » m’a-t-il assuré. Connaissant son goût sûr, j’en conclus que la journée avait, à l’image du festival, bien pris son envol.
Ludovic Florin