20 pianistes à suivre : #9 Eve Risser
Choisie par Ludovic Florin
photo © Sylvain Gripoix
Eve Risser séduit d’emblée par la cohabitation chez elle d’une belle sensibilité et d’une grande force. Possédant de solides bases classiques et contemporaines, elle aime cependant le corps à corps avec l’imprévu. Le frisson de l’inconnu et de l’inattendu l’aimante littéralement. C’est du moins ce qui transpire de son album solo “Des pas sur la neige”, où elle recourt à un nombre impressionnant de techniques et d’objets divers pour faire sonner le piano comme jamais auparavant, préparations dans les cordes du piano qu’en concert on peut la voir improviser dans l’instant. Lorsqu’elle revient sur le clavier, des réminiscences classiques peuvent par ailleurs lui venir sous les doigts : « Je cherche vraiment à avoir des textures sonores et, en même temps, à me servir de l’harmonie pour aller vers des émotions plus romantiques, ou parfois plus énergiques », ce qui l’inscrit d’une certaine façon dans le sillage de Marilyn Crispell, le piano préparé en plus. Si Eve Risser possède une discipline on ne peut plus sérieuse, un bon sens de l’humour lui sert d’antidote à toute affectation, qualité qu’elle tient sans doute autant de sa fréquentation des musiques de John Cage que de Thelonious Monk. Tour à tour troublante, fantomatique, romantique, drôle, Eve Risser possède tous les atouts pour provoquer deux des émotions fondamentales du jazz : le choc immédiat de la surprise, et la densité émotionnelle de la réflexion. •
À écouter
“Les Deux Versants se regardent” (Clean Feed, 2017)