Jazz live
Publié le 21 Déc 2018

Au 38 Riv, Thelonious Monk revisité façon cubiste


Le bassiste suisse Yves Marcotte et son groupe d’intrépides musiciens a proposé une lecture brillante et stimulante de l’univers monkien dans un projet intitulé Always Know Monk (qui est également le titre de leur premier disque)

Yves Marcotte (basse et arrangements), Shems bendali (trompette, bugle), Zacharie Canut (sax tenor et alto) , Nathan Vandenbulcke (batterie), 12 décembre 2018 au 38 Riv’, 38 rue de Rivoli 75004 Paris

Effrontés et ingénus, Yves Marcotte et ses trois copains sont allés explorer le verger monkien, s’attardant dans les petits coins ombrés et ronceux où personne ne va jamais. Ils y ont prélevé quelques groseilles acides plantées autrefois par Thélonious pour l’édification des générations futures. Ils en ont tiré un suc frais et astringent, qui revigore en gerçant un peu les lèvres.
De certaines compositions jouées ce soir, j’ignorais jusqu’au titre (par exemple Shuffle Boil). J’avais entendues certaines autres, rarement jouées, par Laurent de Wilde (Bright Mississipi, Booboo’s Bithday). Ces jeunes suisses impertinents, non content de prélever les baies les plus acides de l’univers monkien, les agglomèrent pour faire surgir leurs affinités secrètes. C’est ainsi que San Francisco Holiday est apparié à Let’s cool one, Introspection avec Light Blue, Fifty Second Street avec Booboo’s Birthday. Ces compressions raffinées sont explorées avec beaucoup de liberté. De temps en temps un orage free d’énergie pure se déchaîne, puis le ciel s’apaise et laisse place à des moments plus contemplatifs (Introspection/ Light Blue). Les arrangements jouent avec une grande finesse sur la dynamique des différents instruments, par exemple dans Children’s song/ Gallup’s gallup la contrebasse et la batterie prennent peu à peu l’ascendant sur les cuivres. Ces cuivres, d’ailleurs, parlons en, car ils sont remarquablement brillants et complémentaires: la sonorité du trompettiste, fraîche et acide (ce qui n’empêche pas la puissance, notamment quand il improvise sur le blues) se marie remarquablement bien aux graves veloutés du saxophone de Zacharie Canut. Voici donc avec ce Always Know Monk un groupe soudé, inventif, brillant. C’est pas tous les jours et on est bien content de terminer l’année avec ça.
JF Mondot
PS: Comme tous les ans, le 38 Riv de Vincent Charbonnier ne fait pas de pause et a préparé une très chouette programmation pour Noël, tous les détails sont sur le site www.38riv.com