Hommage à Ira Gitler
Le 23 février, Ira Gitler (ci-dessus avec Dexter Gordon © Mary Jo Schwalbach Gitler) est mort à l’âge de 90 ans. Un bel âge pour mourir, lorsque l’on laisse derrière soi des centaines d’articles et de liner notes, ces commentaires imprimés au dos des pochettes des albums microsillons, que l’amateur de jazz chérissait presque autant que le disque lui-même, que l’on a vu fondre à vue d’œil avec le format CD, puis disparaître avec l’anonyme fichier MP3.
Né à Brooklyn le 28 décembre 1928, Ira Gitler, tout en jouant du piano et du saxophone, caressa l’espoir d’une carrière de joueur de baseball et commença à écrire sur le sport dans le journal de son lycée avant d’en reprendre la rubrique consacrée au jazz en 1946, couvrant en guise d’entrée en matière le big band que Dizzy Gillespie venait de créer au Spotlite sur la 52ème rue. Après des études de journalisme à l’Université du Missouri, il est engagé en 1950 par Bob Weinstock, fondateur du label Prestige, pour qui il sert d’homme à tout faire, de la préparation des envois de disques au ménage, mais en 1951, il lui revient l’honneur de se voir commander les premières liner notes jamais écrites sur un album du label, le 25 cm “Swingin’ With Zoot Sims”.
Il grimpe alors rapidement les échelons, sa présence assidue dans les studios l’amenant à superviser certaines séances du label, notamment pour Miles Davis, Thelonious Monk et le Modern Jazz Quartet. Tout en pratiquant le hockey sur lequel il signera plusieurs ouvrages, il commence à écrire pour Metronome et collabore avec Leonard Feather à la première édition de The Encyclopedia of Jazz de 1954 dont il reprendra la direction à la mort de son fondateur. On le verra encore rédacteur en chef de Down Beat et l’on lira sa signature dans Modern Drummer, The New York Times, The Village Voice, Jazz Times, Swing Journl, Musica Jazz et même, me souffle-t-on, Jazz Magazine.
Grandi avec le bop, champion du hard bop, guère indulgent pour ce qui suivit, il laissera une importante contribution sur la naissance du bop avec Swing to Bop, An Oral History of the Transition in Jazz in the 1940’s (Oxford University Press, 1985), des témoignages de premières mains sur les séances Prestige de Miles Davis et on lui doit la fameuse métaphore des « sheets of sound » (nappes de son) qu’il formula dans les liner notes de “Soultrane” à propos de Russian Lullaby et qui fut reprise par tous les commentateurs de John Coltrane, y compris par l’intéressé lui-même. Franck Bergerot