Raphael Fays et Leïla Duclos font des étincelles
Constitué depuis quelques mois seulement, le duo Raphael Fays et Leïla Duclos est promis à un bel avenir. Samedi soir au Sunset, ils ont fait des étincelles.
Raphael Fays (guitare), Leïla Duclos (Guitare et voix), au Sunset le 13 avril 2019
Ce qui frappe dans ce duo, c’est sa belle complémentarité. Leïla Duclos et Raphaël Fays ont en commun une formidable vitalité, mais qui ne s’exprime pas de la même façon. Chez Raphaël Fays , elle prend la forme d’un jeu énergique, percussif, caractérisé par des attaques sèches, et même violentes au médiator. Ses phrases nerveuses se terminent souvent par deux ou trois notes qu’il fait sonner plus fort que les autres. On sent beaucoup d’urgence dans ses solos. Sa main vole sur le manche. C’est rapide, mais avant tout c’est brûlant. Toutes ses phrases sont dessinées avec beaucoup d’autorité. Elles ont un tel poids qu’on ne peut imaginer d’autres notes, d’autres rythmes. Avec un style aussi affirmé, les nuances ressortent d’autant plus : lorsqu’il infléchit ses phrases vers la douceur, l’effet est saisissant.
Quant à Leïla Duclos, qui assure la rythmique et le chant, sa vitalité s’exprime d’une toute autre manière. Elle s’habille d’une exquise fraîcheur, en particulier dans le scat. On sait combien cet exercice est difficile. Beaucoup de chanteurs et de chanteuses s’y enlisent. On ressent souvent l’effort plus que la musique. Dans certains cas, ils (ou elles) ont l’air de bûcherons (ou bûcheronnes) en train de débiter un peuplier, et l’on a hâte que cela se termine. Mais avec Leïla Duclos c’est tout le contraire. On ne sent jamais l’effort. Laissant les peupliers vivre leur vie, elle aborde l’exercice avec grâce et légèreté. Elle trouve des onomatopées variées et swingantes. Ses phrasés, jamais répétitifs, semblent parfois s’inspirer de certains instruments, la guitare, le violon, ou la trompette. C’est frais, allègre, et surtout extrêmement musical.
Cette virtuosité dans le scat repose sur une mise en place infaillible qui lui permet d’affronter les up-tempo avec intrépidité et sans se départir de son sourire. Elle ne lâche pas Raphaël Fays d’une semelle même quand celui-ci, à la fin du concert, attaque un Sweet Georgia Brown qui aurait dû affoler tous les radars (mais heureusement les gilets jaunes les avaient détruits). Elle ne se laisse pas semer non plus sur Caravan, où son scat se révèle particulièrement brillant. Bref, Raphaël Fays a trouvé avec elle une interlocutrice pleine de répondant.
Les morceaux joués ce soir-là sont des grands classiques du jazz manouche (Minor Swing, douce ambiance, Nuages, Djangology…) et des standards du jazz tout court (What is this thing called love, How high the moon…) et quelques compositions de Raphaël Fays. A la fin du concert celui-ci laisse s’exprimer l’autre facette de sa personnalité musicale : le flamenco. Lorsqu’il joue un morceau de Paco de Lucia, j’observe comme il change de visage, devenant tout à coup encore plus grave et habité. Leïla Duclos, qui ne pratique cette musique que depuis quelques mois, esquive tous les pièges et assure la rythmique sans faire d’erreurs. Bref, un très beau duo, qui réunit la fougue et flamme, et semble promis à un bel avenir.
Texte : JF Mondot
Dessins : AC Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site: www.annie-claire.com) A noter : une grande exposition des dessins et peintures de l’artiste a commencé au Sunside-Sunset depuis le 15 avril 2019.