Ahmad est là
Premiers sur scène, Shahin Novrasli et ses musiciens ont proposé une véritable plongée dans son univers musical : le mot n’est pas trop fort, tant Novrasli semblait concentré avant de débuter chaque morceau, puis absorbé dans la musique jusqu’à risquer de faire basculer son siège de piano, quant il ne semblait pas en décoller par lévitation, au plus fort de ses improvisations. A ses côtés, Samuel F’Hima et Josselin Hazard font vibrer contrebasse et batterie comme un seul homme, comme s’ils jouaient avec lui depuis toujours — ce qui n’est pourtant pas le cas — au diapason du répertoire de son prochain album, dont la sortie est prévue en septembre prochain.
Ahmad est là
Changement de plateau. Novrasli et ses musiciens ont mis la barre haut. Pour nous, pas pour Ahmad : la barre, c’est lui.
Ses musiciens le devancent sur scène de quelques instants, ajoutant un suspens difficilement soutenable à une situation qui n’en avait pas franchement besoin. Il jaillit enfin sur scène, classe monstrueuse dans son costume sur mesure, sourire rayonnant. L’évidence dès les premières notes, sans efforts, sans problèmes, sans âge. Sans fin.
Parler d’Ahmad, c’est parler des musiciens qui l’accompagnent. Car si le trio de Novrasli a fait montre d’un interplay exceptionnel, ce qu’on voit et entend dans ce deuxième set confine au surnaturel. Tandis que Manolo Bardena fait chanter ses percussions, que Herlin Riley fait groover chaque particule de sa batterie et que James Cammack pose ses doigts de velours sur les cordes de sa contrebasse, on a de plus en plus distinctement le sentiment de voir en eux comme le cœur, les poumons et les tripes d’un même corps qui vit, coloré par les lumières de l’auditorium Fondation Vuitton.
On flotte dans l’euphorie de cette musique qui coule sans aucune entrave — Ballades c’est pour la facilité avec laquelle le pianiste se promène dans sa musique ? — et puis soudain on est pris d’une sorte de vertige, que tous ceux qui ont vu un mythe vivant sur scène connaissent. Car tout Ahmad est là, devant nous : les accords, les traits, les gestes qu’il adresse aux musiciens, ce toucher, ce son, cette aura. Les disques n’avaient pas menti, tout était donc vrai.
Le reste est une sorte de tourbillon. Ahmad Jamal était sur scène devant nous et 300 autres personnes ce soir. Même des heures après le concert, ce vertige ne se dissipe pas tout à fait. Mais qui voudrait s’en défaire ?• Yazid Kouloughli
Ahmad Jamal sera les 4 et 6 juillet à la Fondation Louis Vuitton (déjà complet !), et le 4 août à Jazz in Marciac.
L’album Ballades sortira le 13 septembre 2019 sur le label Jazz Village/PIAS