RADIO FRANCE OCCITANIE MONTPELLIER : ‘SLOW’
Éloge de la lenteur hier soir au festival, avec le groupe ‘Slow’ (Yoann Loustalot, Juilien Touéry, Éric Surménian, Laurent Paris), et dans une moindre mesure dès 20h et l’apéro-jazz.
‘Slow’ pendant la balance
Après avoir tendu l’oreille (et pris quelques photos), pendant la balance du groupe ‘Slow’, escapade rituelle du début de soirée, dans la partie Sud du Domaine d’O
Ce soir officie le groupe ‘Fält’, que l’on avait découvert dans un avant concert de la Pinède en 2015.
La musique est retenue, suggestive, tissée d’arpèges et de volutes. Des ambiances s’installent dans la durée, puis les solistes prennent leur essor, souvent sans fracas, mais pas sans intensité. Une sorte de préambule idoine à la soirée qui nous attend.
‘SLOW’
Julien Touéry (piano), Yoann Loustalot (trompette, bugle), Éric Surménian (contrebasse), Laurent Paris (batterie, percussions)
Amphithéâtre du Domaine d’O, 22 juillet 2019, 22h
Le groupe joue la musique du disque «Slow» (Bruit Chic / l’autre distribution) paru ce printemps. Le pari est gonflé : oser la lenteur ! Je ne sais si l’idée a germé après la lecture d’un Éloge de la lenteur écrit par un écrivain anglophone, mais c’est bien plus qu’un concept : une profession de foi, une philosophie autant qu’une éthique (je ne confonds pas l’une et l’autre car l’Université m’a enseigné ces disciplines, et même si j’ai eu comme enseignant(e)s quelques suppôts du thomisme, je n’ai pas été contaminé….). Le groupe trouve sa source dans l’inspiration conjointe du pianiste et du trompettiste, lequel commence d’ailleurs par le bugle. Dès le premier morceau, Table Rase, je pense à La Plus que lente, valse de Debussy. D’ailleurs (suis-je halluciné ?), j’entends ici ou là des gammes par tons qui me rappellent Monsieur Claude. Le décor est dressé, tout est dans l’intensité supérieure que produit la retenue. Tout au long du concert Juilen Touéry va m’étonner par son imprévisibilité (c’est une grande qualité dans l’improvisation), et Yoann Loustalot par la chaleur expressive de ses phrases. Même si les titres renvoient à la fraîcheur nordique (Fjord, Vers le Nord….), c’est tout sauf une musique froide : la chaleur de l’expressivité frise parfois le torride. Ce n’est pas un hasard si Enrico Rava, trompettiste italien qui a beaucoup enregistré pour un label qui privilégie les musiques lentes et prétendument froides, est un admirateur de Yoannn Loustalot (et réciproquement). Laurent Paris intervient constamment avec une finesse qui frise l’effacement, et pourtant la présence de la batterie (et des accessoires de percussion) est constante, et participe de la douce tension qui nous porte et nous transporte. Éric Surménian fait de même, en orfèvre de l’intensité musicale, et même si tel solo hyper lyrique le propulse au premier plan sonore, sont rôle est prépondérant dans l’action collective. Les moyens musicaux sont d’une grande diversité : ici une intro de piano qui louche vers Mozart, puis dans le thème suivant l’utilisation d’un électro-aimant pour faire vibrer les cordes de l’instrument pendant que la basse, à l’archet, livre son chant nostalgique. Le trompette reçoit toutes les sourdines possibles, et les timbres qui en découlent sont autant de nouvelles propositions musicales pour enrichir ce beau programme. Nous nous souvenons tous de la fin de Nadja, d’André Breton : «La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas». Eh bien, la musique de ‘Slow’ s’inscrit en faux contre cette belle assertion. Ici la beauté (grande beauté) de la musique échappe au convulsif, au frénétique, au paroxystique. Mais le tension est bien là, dans l’inexorable pouvoir expressif de la lenteur. Le public a réagi avec une intensité d’écoute impressionnante, et a fait entendre son adhésion avec chaleur : encore une belle soirée. Décidément, cette année, le festival nous comble.
HÉLAS CE CONCERT, COMME CEUX À VENIR JUSQU’À JEUDI, N’A PAS ÉTÉ ENREGISTRÉ PAR RADIO FRANCE, ET NE SERA DONC PAS DIFFUSÉ SUR FRANCE MUSIQUE : HONTE ? SCANDALE ? OU TRISTESSE ? À VOUS DE CHOISIR….
Xavier Prévost